Processus réglementaire
Au Canada, tous les paliers de gouvernement interviennent dans la réglementation. Étant donné que de nombreuses activités y sont réglementées (les itinéraires des lignes aériennes, les genres et les prix des services fournis par les entreprises de télécommunications, le nombre de taxis dans une municipalité, les tarifs des courses, etc.), les systèmes de réglementation doivent être adaptés aux besoins particuliers. Toutefois, on a largement adopté certains modèles types d'organismes de réglementation. Dans les années 80, la réforme de la réglementation, en partie sous forme de « déréglementation » (bien que moins importante que celle entreprise aux États-Unis) et de propositions et mesures qui mènent à une réglementation plus étendue, cause de plus en plus de préoccupations.
Organismes de réglementation
Il existe trois grandes catégories d'organismes de réglementation : les organismes autonomes, qui réglementent la conduite de leurs propres membres; les organismes et les conseils indépendants du gouvernement; les ministères responsables établis qui sont dirigés directement par un ministre et qui réglementent des industries et des activités précises. Les organismes autonomes bien connus sont, par exemple, ceux qui représentent des professions comme le droit, la médecine et la comptabilité, qui sont habilités par les assemblées législatives provinciales à déterminer leurs propres critères d'admission et à prendre des mesures disciplinaires à l'encontre des membres qui ne répondent pas aux normes de conduite professionnelle prescrites.
Les organismes autonomes vont choisir les responsables de la réglementation parmi leurs propres membres, alors que les membres des organismes de réglementation gouvernementaux sont nommés par le gouvernement. Appelés entre autres commissions (p. ex., Commission de la fonction publique), conseils (p. ex., Conseil canadien de l'aménagement rural) ou offices (p. ex., Office d'expansion des entreprises de la région de l'Ontario), ces organismes reçoivent leurs pouvoirs de l'assemblée législative, et un organisme de réglementation ne peut avoir plus de pouvoirs que ceux que lui confère expressément l'assemblée législative.
La direction de la sécurité au travail d'un ministère provincial du Travail qui établit et applique des normes de sécurité professionnelle est un exemple d'organisme de réglementation ministériel. Certains organismes peuvent sembler plus indépendants qu'ils ne le sont en réalité. Ainsi, l'AGENCE D'EXAMEN DE L'INVESTISSEMENT ÉTRANGER (AEIE) évaluait les avantages des investissements étrangers mais, en réalité, elle se limitait à conseiller le Cabinet fédéral qui, lui, prenait les décisions. Dans de nombreux domaines de la politique publique (p. ex., l'énergie et les communications), il n'est pas rare de trouver les trois genres d'organismes de réglementation.
Si les membres d'un organisme sont nommés pour une durée déterminée avec permanence (contrairement aux autres fonctionnaires, qui peuvent être réaffectés en tout temps) et si l'organisme existe de façon séparée et distincte de tout ministère, il s'agit d'un organisme de réglementation indépendant. Un exemple typique d'un tel organisme est le CONSEIL DE LA RADIODIFFUSION ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS CANADIENNES (CRTC), qui réglemente le réseau de radiotélévision canadien et les télécommunicateurs fédéraux. L'organisme a son propre personnel et il est entièrement séparé du ministère des Communications du Canada. Bien que de tels organismes soient créés par les assemblées législatives à qui ils doivent rendre des comptes et dont ils dépendent pour leurs fonds d'exploitation, ils demeurent tout de même relativement indépendants comparativement à une direction au sein d'un ministère. Toutefois, l'indépendance est rarement absolue, puisque le Cabinet ou un ministre (ou les deux) peuvent souvent communiquer des directives à un organisme et ont le pouvoir de nommer les responsables de la réglementation et d'approuver le budget de l'organisme.
Formulation et mise en oeuvre des politiques
Les organismes de réglementation indépendants fonctionnent habituellement de façon ouverte, bien que le degré d'ouverture puisse varier grandement. Leurs méthodes sont conçues de manière à permettre un certain degré de participation publique. Une situation typique serait celle d'une entreprise qui fait une demande de majoration des tarifs qu'elle facture à ses abonnés ou de permis pour exercer une activité. Un avis de la demande est publié dans le journal officiel du gouvernement, parfois aussi dans les journaux locaux, afin d'inviter les personnes intéressées à une audience publique qui leur permettra de manifester leur soutien ou leur désaccord à l'endroit de la demande. L'organisme rend ensuite sa décision. Cette marche à suivre est peut-être efficace pour des décisions précises, mais elle ne convient pas nécessairement à la détermination de questions de principe plus larges. C'est alors qu'on emploie une méthode quelque peu différente. Un avis fait part d'une nouvelle proposition de politique et les personnes intéressées sont invitées à faire connaître leur opinion. Des audiences publiques non officielles peuvent avoir lieu.
Il arrive souvent que les responsables de la réglementation découvrent une lacune à combler en matière de politique. Lorsqu'elles créent les organismes de réglementation, les assemblées législatives laissent souvent le soin aux responsables de la réglementation d'élaborer les règles qui définissent les normes législatives générales. Par exemple, elles peuvent ordonner à l'organisme de délivrer des permis pour les activités de camionnage commercial dans les cas où la délivrance de permis est « de nécessité publique ». Un autre organisme de réglementation peut approuver des itinéraires de lignes aériennes « dans l'intérêt public » ou permettre que seuls des tarifs « justes et raisonnables » soient imposés aux consommateurs de télécommunications. Voilà des expressions à ce point vagues que les responsables de la réglementation se sentent obligés de définir avec précision les critères applicables, ce qui signifie dans les faits qu'ils établissent des politiques et exercent un pouvoir discrétionnaire considérable.
En théorie, dans le régime politique canadien, seuls les élus prennent des décisions de principe importantes, car ils sont les seuls à rendre des comptes sur le plan politique et des politiques impopulaires peuvent entraîner leur défaite aux élections. Toutefois, le langage législatif général employé ne fait pas que permettre aux responsables de la réglementation qui sont nommés de déterminer les grandes politiques en matière de camionnage, de transport aérien ou de télécommunications par exemple, mais, dans les faits, il les oblige à le faire. En conséquence, il est souvent proposé que le Cabinet ait le pouvoir de communiquer des directives exécutoires en matière de politique aux organismes de réglementation indépendants. Ce pouvoir existe d'ailleurs déjà dans le cas de certains organismes, ce qui crée souvent le chevauchement de deux responsabilités politiques qui ne sont pas toujours entièrement compatibles, puisqu'une disposition assure une obligation plus importante de rendre compte au niveau politique par l'entremise des ministres élus, tandis que l'autre vise à fournir des possibilités de participation publique directe dans l'élaboration des politiques.
Évaluation du processus réglementaire
L'autoréglementation professionnelle s'avère habituellement dans le meilleur intérêt d'une profession, mais pas nécessairement dans celui du public. Il est nécessaire que les organismes autonomes fassent constamment l'objet d'un examen minutieux par le public et par les assemblées législatives. En matière de réglementation par les ministères, c'est un accès accru à de l'information précise, tant pour le public que pour les législateurs élus, qui constitue le besoin le plus important. Pour tenir les chargés de la réglementation responsables, le public doit avoir accès à l'information. Lorsque la réglementation est le fait d'un organisme indépendant, il est essentiel que le public ait l'occasion de participer, sinon de tels organismes ont tendance à subir l'influence des industries qu'ils sont censés réglementer. L'évaluation définitive des organismes de réglementation ne repose pas uniquement sur le processus utilisé, mais aussi sur les valeurs sous-jacentes souvent - et même presque toujours - contradictoires qui régissent les objectifs auxquels la réglementation dans des secteurs précis est censée répondre.