Radiodiffusion
Radiodiffusion. Au Canada, les grandes distances et l'isolement des communautés ont fait que la radio et la télévision ont extraordinairement contribué à la vie culturelle de la nation, et surtout la radio pour ce qui est de la vie musicale.
Introduction
Le système de radiodiffusion au Canada est le plus complexe au monde, dans la mesure où il amalgame un grand nombre de stations privées à but lucratif, un système public national et trois systèmes provinciaux (Alberta, Ontario et Québec), diffusant pour la plupart leurs émissions dans l'une ou l'autre des langues officielles, l'anglais et le français, et aussi dans d'autres langues dans certaines régions. Ces réseaux s'étendent sur sept fuseaux horaires en longitude et couvrent une superficie (10 millions de kilomètres carrés) qui n'était dépassée que par celle de l'Union soviétique. De plus, environ 80 p. 100 des Canadiens vivent dans la partie sud du pays, aisément accessible aux ondes du radiodiffuseur le plus puissant au monde : les États-Unis d'Amérique. La radiodiffusion a sans aucun doute été un puissant facteur d'unification au Canada, mais elle a aussi ouvert des canaux de communication électronique qui ont facilité la pénétration de cultures étrangères, en particulier de la culture américaine. Le statut général et les objectifs de ce double système - public et privé - sont précisés dans la Loi sur la radiodiffusion de 1968. Le système « devrait être possédé et contrôlé effectivement par des Canadiens de façon à sauvegarder, enrichir et raffermir la structure culturelle, politique, sociale et économique du Canada ». Le principal organisme chargé d'interpréter cette loi est le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), constitué pour rendre compte de son mandat par l'intermédiaire du secrétaire d'État, ce qui le place sous le contrôle du Parlement plutôt que du gouvernement du moment. En 1970, le CRTC avait commencé à énoncer et à faire appliquer une réglementation obligeant chaque radiodiffuseur canadien à « utiliser principalement des ressources canadiennes, créatrices et autres », conformément à la loi. Vu que pendant de nombreuses années la diffusion de musique à la radio se résumait à de la musique sur disque et que, jusqu'à récemment, l'industrie canadienne du disque était exclusivement une entreprise d'importation (sauf au Québec, dans une certaine mesure), de tels règlements ne pouvaient qu'encourager l'industrie canadienne du disque, mais sans doute celle de la musique populaire plus que celle de la musique sérieuse.
Société Radio-Canada (SRC) / Canadian Broadcasting Corporation (CBC)
Cette société d'État constitue la composante la plus importante du système public, diffusant non seulement sur ses propres réseaux de stations et transmetteurs (860 pour la télévision et 673 pour la radio en 1991), mais aussi sur des stations et des transmetteurs privés « affiliés » avec lesquels elle a des contrats de retransmission (243 pour la télévision, 87 pour la radio). L'immensité du territoire à desservir a posé un problème si considérable que dans les années 1970, le système fut étendu grâce à l'utilisation du satellite Anik. À la fin des années 1970, au moins 62 stations de télévision et 25 de radio recevaient des signaux d'Anik pour leurs émissions nationales, et beaucoup d'entre elles alimentaient à leur tour d'autres transmetteurs dans leurs régions. La plus grande partie des programmes de la SRC se compose d'émissions réalisées par la Société elle-même, mais dans le domaine de la télévision (particulièrement celle de langue anglaise), la teneur étrangère est encore considérable. À la télévision toujours, moins de 1,5 p. 100 du temps total d'antenne est consacré à la musique et à la danse tandis qu'à la radio de la SRC, la musique sérieuse constitue environ 15 p. 100 des programmes en MA et plus de 60 p. 100 en MF. La radio fournit ainsi la base de la programmation musicale et, en fait, la majeure partie des emplois pour les musiciens en ce qui concerne la musique diffusée. C'est avec raison que Geoffrey Waddington, alors dir. de la programmation musicale du réseau radiophonique de langue anglaise, déclarait en 1952 : « ... la SRC a été le facteur primordial d'une certaine sécurité économique pour le musicien canadien ». (Il aurait pu ajouter que la SRC était aussi le défenseur le plus efficace du compositeur canadien, par le biais de commandes, d'exécutions publiques, de paiement de redevances, etc.) Ce n'était plus le cas à partir du milieu des années 1970, mais il demeure néanmoins vrai qu'en pratique, l'histoire de la radiodiffusion de la musique sérieuse au Canada a été largement dominée par la SRC.
Les débuts de la radio au Canada
Comme il sied à une nation qui dépend aussi étroitement de communications à longue portée, le Canada occupe une place d'honneur dans l'histoire des débuts de la radio. C'est à Marconi que revient bien sûr le mérite d'avoir effectué en 1901 la première liaison transatlantique en « code interrompu », à partir de Saint-Jean, T.-N. Mais ce fut un Canadien, Reginald A. Fessenden, qui mit au point le principe de la transmission à ondes entretenues sur lequel repose toute la radiodiffusion moderne. Fessenden transmit d'abord le son de la voix sur une distance de 80 km en 1900, puis de Boston en Écosse en 1906. Il fut amèrement déçu quand la compagnie de Marconi, plutôt que sa propre Wireless Telegraph Company of Canada, se vit attribuer par le gouvernement canadien le droit exclusif de construire les premières stations émettrices au pays. Fessenden avait eu pour ambition de faire du Canada un centre mondial de transmission radiophonique à longue portée, mais il ne revint jamais dans son pays natal. Parmi les grands pionniers de la radio, son nom est encore à peu près inconnu, même des Canadiens.
Il fallut attendre la fin de la Première Guerre mondiale pour assister à la mise en place d'une programmation radiophonique régulière. C'est au poste montréalais XWA (aujourd'hui CFCF) de la Canadian Marconi Company que revient l'honneur d'avoir diffusé, le 20 mai 1920, la première émission radiophonique en Amérique du Nord, peut-être même au monde.
Aux É.-U., la radiodiffusion prospéra dès le début des années 1920, stimulée par les entreprises et les sociétés commerciales qui se disputaient le temps d'antenne pour leurs messages publicitaires. Au Canada toutefois, les messages commerciaux furent d'abord interdits (seule l'identification des commanditaires était permise) et la radio ne suscita que peu d'intérêt au point de vue commercial. En outre, le gouvernement ne contribua pas à développer ce média. Les initiatives étaient nombreuses et variées en ces temps où aucune coordination n'avait encore été établie, et plus d'un amateur se fit entendre à une radio locale grâce à la profusion de « programmes d'amateurs », émissions très populaires et peu coûteuses. Le service au public étant à l'ordre du jour, la radio éducative ne tarda pas à faire son apparition. Ainsi, en 1925, le premier poste français du Canada, CKAC (ouvert en 1922 par le quotidien montréalais La Presse), présenta une série de 30 émissions hebdomadaires consacrées à des cours de piano et de matières théoriques donnés par Émiliano Renaud, une première, semble-t-il, au pays et peut-être au monde. Les émissions incluaient aussi plusieurs de ses oeuvres, dont certaines avaient sans doute été composées expressément pour la série. C'est sur les ondes de CNRV, le poste de radio du CN à Vancouver (voir plus loin) que fut diffusée en 1927 la première série structurée d'émissions éducatives. Le conseil scolaire de Vancouver prépara la série, dont les séquences musicales furent mises au point par Mlle E.R. Roberts, responsable adj. de l'enseignement de la musique dans les écoles de Vancouver (voir Émissions musicales éducatives).
CKAC Montréal - et à l'occasion ses postes affiliés dans la province de Québec - fournit l'un des premiers exemples d'émissions commanditées par une province. « L'Heure provinciale » (1929-38) était consacrée principalement aux compositeurs et interprètes québécois, sous la direction artistique d'Henri Letondal puis d'Alfred Mignault. Les stations privées affichaient beaucoup d'initiative dans leurs émissions. En 1924 cependant, le très perspicace prés. de la nouvelle société des Chemins de fer nationaux, sir Henry Thornton, pensait déjà sur une plus grande échelle. Estimant que ses passagers transcontinentaux devaient pouvoir écouter la radio au cours de leurs longs trajets, il fit installer des récepteurs sur les trains du CN, une nouveauté attrayante pour les passagers. À cette époque les émissions qu'il était possible de capter provenaient en majorité des É.-U., et Thornton décida de construire des studios émetteurs canadiens. Le premier fut érigé à Ottawa (CNRO, 27 février 1924) et le second à Moncton (CNRA, 7 novembre 1924). Cette initiative aboutit cinq ans plus tard à la formation d'un réseau transcontinental relié par les « lignes terrestres » du CN (qui, avec celles du CP, constituèrent par la suite la base de la liaison radiophonique interurbaine jusqu'à la mise en place du réseau micro-ondes de Bell Canada en 1962). Les ondes étaient relativement peu encombrées en 1924, de sorte que certains transmetteurs pouvaient porter à des centaines de kilomètres, surtout dans les Prairies, et l'auditoire radiophonique grossissait très rapidement.
Même si la programmation dite de service public (nouvelles, météorologie, annonces locales, etc.) était prioritaire, la musique n'était pas négligée pour autant. En octobre 1925, par exemple, le poste CNRT de Toronto inscrivit à son horaire non seulement la présentation intégrale en studio de The Yeomen of the Guard (sous la direction de Reginald Stewart), mais aussi une série d'émissions spéciales, « The Music Makers » avec J. Campbell McInnes, dont une consacrée à la musique de Bach. Deux mois plus tard, CNRM radiodiffusait de Montréal l'intégrale du Mikado. La même année, le CN signa un contrat d'exclusivité avec le Quatuor à cordes Hart House qui, deux ans plus tard, effectua une tournée transcanadienne, interprétant des quatuors de Beethoven à chacune des stations de radio du CN pour souligner le centenaire de la mort du compositeur.
L'année 1927 vit la mise au point d'une nouvelle méthode de transmission à canaux multiples pouvant couvrir de grandes distances et qui permettait d'envisager la diffusion sur des « réseaux » de stations reliées entre elles. Pour célébrer de façon spectaculaire le jubilé de diamant de la Confédération canadienne, le 1er juillet 1927, l'Assn of Canadian Clubs proposa une émission qui serait entendue d'un océan à l'autre. Les ingénieurs déclarèrent la chose possible quoiqu'ambitieuse et après des mois de planification et deux semaines d'essais, l'émission fut diffusée de la colline parlementaire à Ottawa au jour dit, avec un choeur de 1000 voix (augmenté de 10 000 enfants chantant en anglais et en français) et le nouveau carillon de la Tour de la paix, inauguré à cette occasion par Percival Price; Éva Gauthier, Allan McQuhae, l'actrice Margaret Anglin, le Quatuor à cordes Hart House, les Troubadours de Bytown dirigés par Charles Marchand et l'Orchestre du Château Laurier sous la direction de James McIntyre étaient aussi parmi les participants. Ce dernier ensemble interpréta notamment une Suite écrite par le gouverneur général, lord Willingdon. De plus, le gouverneur général prit la parole, suivi du premier ministre W.L. Mackenzie King et d'autres dignitaires. L'émission fut présentée en trois parties, la première à 10 h 45 et la dernière à 21 h 30. Cette expérience audacieuse fut un succès remarquable, attribuable en bonne partie à l'apport des musiciens. À partir de ce moment, et pour la première fois depuis les débuts de la colonisation de ces grandes étendues nordiques, il apparut clairement à l'esprit du public comme à celui des hommes politiques que cet immense territoire qui constitue le Canada pouvait vraiment devenir une seule nation.
Deux ans plus tard, le 20 octobre 1929, Thornton inaugura les « All-Canada Symphony Concerts », premières émissions transcontinentales de musique symphonique en Amérique du Nord, avec Luigi von Kunits à la tête de 55 membres du TSO. Le dernier concert de cette série (6 avril 1930) fut entièrement consacré à la musique de compositeurs canadiens, dont Champagne, Forsyth, Lucas et MacMillan, une autre « première » à l'actif de la radiodiffusion naissante. En septembre 1929, Thornton engagea Esmé Moonie au sein de son personnel radiophonique. Bilingue, elle était issue d'une famille de musiciens renommés d'Édimbourg. En sa qualité de dir. de la programmation, surtout celle de la musique, il lui incombait de faire connaître les meilleurs talents du Canada et de l'étranger, non seulement au réseau anglais déjà établi mais aussi au nouveau réseau français. À la fin de son mandat (1932), l'exécution en studio de versions condensées de grands opéras était devenue courante, particulièrement au réseau français où Henri Miro en assurait le plus souvent la direction.
Dans l'intervalle, le CP avait lui aussi construit une chaîne d'hôtels et de stations émettrices. En 1930, il commença à diffuser ses propres émissions musicales, dont une série symphonique en provenance de Montréal sous la direction de Douglas Clarke, et une autre de Toronto avec un orchestre de concert dirigé par Rex Battle et diffusée de l'hôtel Royal York du CP. Imperial Oil commandita une autre imposante série en provenance du Royal York, avec Reginald Stewart à la tête d'un orchestre de 55 musiciens et quelques uns des plus grands solistes de l'époque.
En 1931, la crise économique contraignit le CN à abandonner la radiodiffusion. Le CP fit de même en 1932. Le public réagit et réclama avec vigueur une réorganisation et une consolidation de la radiodiffusion comme service public. Un plaidoyer particulièrement éloquent émana de la Ligue de la radio (plus tard Ligue canadienne de la radio), organisme voué aux intérêts du public et dirigé par Graham Spry et Alan Plaunt qui allaient mériter la gratitude des mélomanes des générations à venir. En septembre 1929, une Commission royale d'enquête sur la radiodiffusion (Commission Aird) préconisa fortement l'établissement d'un système public de radiodiffusion. La Commission canadienne de la radiodiffusion (CCR) fut créée en 1932 et commença ses activités en mai 1933 sous la présidence de Hector Charlesworth, critique musical de la revue Saturday Night. Toutefois, en raison de difficultés financières, d'un manque de soutien de la part du gouvernement et d'incompétence administrative, la CCR fut remplacée en 1936 par la Société Radio-Canada. Cet organisme fut constitué en société de la Couronne et entreprit immédiatement de mettre en place les installations nécessaires - locaux et équipements techniques - tout en multipliant ses liens contractuels avec des stations privées qui n'avaient eu jusque-là qu'un rayonnement local, ceci afin d'étendre le service à l'échelle nationale. Dans le but d'instaurer un réseau homogène de radiodiffusion nationale, le bureau des gouverneurs de la SRC avait reçu des pouvoirs de réglementation touchant aussi bien la radio privée que la sienne propre. Cet état de choses s'avéra plus tard gênant et, en 1958, ces pouvoirs furent délégués à un nouveau Bureau des gouverneurs de la radiodiffusion, créé spécialement. Ces pouvoirs étaient restreints et idéologiquement mal définis, si bien qu'en 1968, une nouvelle Loi sur la radiodiffusion fut adoptée, la loi créant le CRTC. Une nouvelle loi sur la radiodiffusion fut adoptée en 1991.
La radio de la SRC, 1936-52
Dès le début, la présentation de bonne musique fut hautement prioritaire à la SRC, et les mélomanes allaient devoir beaucoup aux premiers réalisateurs comme Albert Chamberland, Morris "Rusty" Davis, Georges Dufresne, Guy Mauffette et R.-O. Pelletier II à Montréal; Norbert Bauman, John Kannawin et Ernest Morgan à Toronto; Norman Lucas à Winnipeg. En 1938, Jean-Marie Beaudet devint le premier dir. général de la musique. La même année fut inaugurée à Montréal la première émission régulière de musique symphonique, « L'Heure symphonique », tandis que « Les Concerts du Chalet » de Montréal et les « Concerts Promenade » de Toronto étaient des séries estivales régulières, tout comme des émissions où figuraient des formations de chambre, des choeurs, des solistes, etc. Au moment de la saison 1940-41, par exemple, les horaires nationaux, régionaux et locaux de la SRC regroupaient pas moins de 45 émissions lyriques (dont les retransmissions du Metropolitan Opera de New York), plus de 600 concerts symphoniques (dont des relais de concerts des grands orchestres amér.), plus de 2000 émissions de musique de chambre et plus de 3000 de musique dite semi-classique. Ces émissions étaient pour la plupart présentées en direct, les enregistrements n'étant pas encore entrés dans les habitudes. En fait, l'utilisation d'enregistrements et de transcriptions fut interdite en soirée jusqu'en 1958 afin d'encourager la production en direct.
L'expérience de la défunte CCR avait déjà clairement montré le besoin d'un service distinct en français, sutout dans l'est du Canada (il allait s'étendre à tout le continent en 1970, à la fois pour la radio et la télévision). J.-J. Gagnier fut dir. de la musique pour toute la région du Québec des débuts de la SRC jusqu'à sa mort en 1949. Le rythme des présentations musicales de la fin des années 1930 fut maintenu pendant la guerre et une attention spéciale était accordée à la musique canadienne, d'une part, par la série « Tribute to Young Canadians » de Samuel Hersenhoren, d'autre part, par la commande de musique de scène à de nombreux compositeurs canadiens, pour des pièces de théâtre et des documentaires radiophoniques (John Weinzweig composa environ 100 partitions dans ce genre, surtout dans les années 1940) et d'autres commandes telles que les opéras radiophoniques Transit Through Fire en 1942 et Deirdre of the Sorrows (Deirdre) en 1945, tous deux de Healey Willan. En 1943, Rex Battle lançait la série populaire « Singing Stars of Tomorrow » qui, comme sa contrepartie francophone « Nos futures étoiles », avait pour but de découvrir les nouveaux talents à travers le pays et contribua à lancer les carrières de plusieurs chanteurs canadiens. D'autres séries d'émissions d'un intérêt et d'une envergure exceptionnels, et datant des années de la guerre, incluent celles que dirigea sir Ernest MacMillan et qui étaient consacrées aux oratorios de Haendel, une consacrée aux cantates de Bach (1943-44) et une autre que dirigea Adolph Koldofsky, avec Wanda Landowska qui présenta des concertos pour clavier de Carl-Philipp-Emanuel Bach (1943).
Cette période en fut aussi une d'échanges d'émissions avec les É.-U., ce qui permit à des orchestres et musiciens canadiens de se faire entendre fréquemment sur les réseaux NBC, CBS et MBS. Les émissions hebdomadaires du TSO et des CSM (OSM) étaient retransmises régulièrement par MBS et, au début des années 1940, les Concerts symphoniques Promenade de Toronto étaient repris par la NBC. En 1939 le Choeur Mendelssohn de Toronto, de réputation internationale, interpréta au complet sous la direction de Herbert Fricker la Messe en si mineur de Bach que l'on entendit partout au Canada ainsi qu'aux États-Unis sur les ondes de la NBC. Les Petites symphonies, un orchestre montréalais sous la direction de Roland Leduc, amorça en 1948 une série d'émissions diffusées par MBS.
Les émissions amér. importées au Canada furent cependant plus importantes, comme d'habitude, et on peut rappeler « The Longines Symphonette », « The Firestone Hour » et les émissions du Metropolitan Opera et de l'Orchestre philharmonique de New York (en 1990, les opéras du Metropolitan étaient encore retransmis aux réseaux anglais et français de la SRC en vertu d'une entente avec le Texaco Radio Network). Les commandites jouèrent aussi un rôle essentiel dans la radiodiffusion musicale durant cette période, et ceci des deux côtés de la frontière, même si les émissions du Philharmonique de New York (CBS) et celles de l'OS de la NBC (l'orchestre de Toscanini) n'eurent pas de commanditaires. Ce fut aussi une période où quelques postes canadiens s'affilièrent aussi à d'importants réseaux américains, tels CFRB à Toronto et CKAC à Montréal qui s'affilièrent tous deux à CBS.
En 1944, la programmation du réseau national, qu'on appelait Trans-Canada et dont la station de base était CBL à Toronto, utilisait tout le temps d'antenne disponible. C'est pourquoi un second réseau national de langue anglaise, le réseau Dominion, fut inauguré le 2 janvier 1944 mais il diffusait en soirée seulement. La station de base de ce nouveau réseau était CJBC à Toronto et appartenait à la SRC, mais les autres stations du réseau lui étaient seulement affiliées. La programmation était de caractère plus léger qu'au réseau Trans-Canada, même si des concerts en direct du TSO et de l'OSM alternaient à l'horaire les mardis soirs, suivies immédiatement de récitals d'une demi-heure intitulés « CBC Concert Hall ». Le réseau Dominion demeura en service jusqu'en 1962. Le réseau Trans-Canada institua en 1947 la série « CBC Wednesday Night » - émission culturelle hebdomadaire d'une soirée entière le mercredi. Cette série entièrement non commanditée présentait beaucoup de musique sérieuse et de nombreux documentaires sur la musique, souvent franchement ésotériques, le tout rendu plus accessible par les commentaires préalables du légendaire James Bannerman (né Jack McNaught). Cette émission remarquable et celles qui lui succédèrent (« CBC Sunday Night », « CBC Tuesday Night ») furent à l'horaire jusqu'en 1976. Une autre série populaire pour la découverte de jeunes talents, « Opportunity Knocks », vit aussi le jour en 1947 et John Adaskin en fut le réalisateur pendant les 10 années qu'elle allait durer. La même année encore, Geoffrey Waddington fut nommé conseiller musical de la SRC puis dir. mus. en 1952, succédant ainsi à Jean-Marie Beaudet. La CBC Opera Company fut créée en 1948 sous la direction du dynamique Terence Gibbs arrivé d'Angleterre la même année. En collaboration avec Herman Geiger-Torel, Ettore Mazzoleni, Nicholas Goldschmidt, Arnold Walter, Ernesto Barbini et plusieurs autres membres de la Royal Cons. Opera School (University of Toronto Opera Division), Gibbs réalisa en studio les créations radiophoniques nord-amér. de Peter Grimes (Britten), Il Prigioniero (Dallapiccola) et A Tale of Two Cities (Arthur Benjamin). Don Giovanni, Fidelio, Turandot, The Rake's Progress de Stravinsky et plusieurs autres oeuvres furent aussi au programme, en tout près de 25 productions jusqu'en 1952.
La SRC maintenait à cette époque divers orchestres de studio - la Halifax Symphonette, « Les Petites symphonies » à Montréal (sous la direction de Roland Leduc), divers orchestres de la SRC à Toronto, l'Orchestre de la SRC à Winnipeg (Eric Wild) et l'Orchestre (de chambre) de la SRC à Vancouver (John Avison). Réalisés par le compositeur Robert Turner, les programmes de ce dernier ensemble comportaient beaucoup de musique nouvelle de compositeurs canadiens et étrangers. L'existence de tels orchestres était vitale dans ces villes car elle permettait aux musiciens d'y travailler et d'y vivre. Il nous faut aussi mentionner le travail de compositeurs qui oeuvrèrent avec les producteurs d'émissions dramatiques, comme Lucio Agostini et Morris Surdin à Toronto et Neil Chotem à Montréal.
Bien que le jumelage et l'échange réciproque de programmes français et anglais, ardemment souhaités par quelques-uns des premiers réalisateurs, ne se soient jamais réalisés de façon systématique, quelques initiatives furent néanmoins très réussies, notamment la diffusion en alternance des concerts du TSO et de l'OSM et d'autres concerts importants d'orchestres ou de choeurs. De nombreuses autres émissions avaient une contrepartie sur l'autre réseau, notamment : Artistes de renom - Distinguished Artists; Récital du dimanche matin - Sunday Morning Recital; Musique de notre siècle - Music of Today; Son et Image - Music to See (télévision); Jazz en liberté - Jazz Unlimited; Concert international - International Concert; Les Joyeux Troubadours - The Happy Gang; L'Heure de l'opéra - Opera Time.
La télévision de la SRC
Les premières télédiffusions de la SRC eurent lieu en septembre 1952. L'impact de ce nouveau et puissant moyen de communication sur les structures de la musique à la radio ne se fit toutefois pas sentir immédiatement. À ses débuts, le média télévision proprement dit fut exploité par des réalisateurs imaginatifs. En fait, les studios montréalais de la SRC se hissèrent bientôt au deuxième rang des centres de réalisation d'émissions de langue française dans le monde. À Toronto, les spectacles lyriques réalisés par Franz Kraemer étaient particulièrement remarquables, tout comme ceux de Norman Campbell dans le domaine du ballet et de l'opérette. Les noms de Vincent Tovell et d'Eric Till sont également associés aux réalisations exceptionnelles des premières décennies. Une série d'émissions destinée aux jeunes, « Junior Magazine » (présentée aux réseaux français et anglais de télévision au cours de la saison 1961-62), était réalisée par Paddy Sampson et Louis Applebaum en était le producteur délégué. Une émission de cette série fut consacrée à Pierre et le loup de Prokofiev, dirigé par Mario Bernardi qui était aussi le narrateur en anglais et en français. Stravinsky vint à Toronto en 1962 à l'occasion de son 80e anniversaire de naissance. La SRC réalisa deux documentaires sur sa vie et son oeuvre - l'un de deux heures pour la radio (réalisé par Keith MacMillan avec la participation du compositeur Harry Somers qui agissait comme commentateur et animateur), l'autre pour la télévision, réalisé par Kraemer, et montrant des séquences remarquables où Stravinsky répétait et dirigeait L'Histoire du soldat et la Symphonie de psaumes. Ces deux documentaires furent par la suite présentés dans le monde entier.
L'année 1962 vit la réalisation d'une autre série musicale particulièrement remarquable, « Concert », présentée chaque dimanche après-midi pendant 37 semaines sur les chaînes anglaise et française de télévision. De ces émissions, 20 provenaient de Montréal, 11 de Toronto, 4 de Vancouver et 2 de Winnipeg
La plus exceptionnelle émission musicale de la télévision canadienne fut probablement « L'Heure du concert » (1954-65), réalisée à Montréal et présentée surtout au réseau français mais aussi, à l'occasion, au réseau anglais. Au cours des cinq premières années de son existence (1954-59), sa programmation inclut 88 opéras complets ou extraits d'opéras et 82 ballets, et le nombre total des artistes engagés s'éleva à plus de 7250, dont seulement 244 n'étaient pas des Canadiens (parmi eux Pierre Boulez que l'on vit en répétition et dans une exécution mémorable du Sacre du printemps). L'émission présenta beaucoup de musique canadienne et deux des membres de l'équipe de production, Pierre Mercure et Gabriel Charpentier, étaient des compositeurs de marque.
À la fin des années 1960, le rythme de diffusion de musique sérieuse à la télévision, surtout au réseau anglais, avait malheureusement ralenti de façon sensible. Cendrillon de Prokofiev, réalisation de Norman Campbell avec le Ballet national du Canada, n'en gagna pas moins un Emmy Award en 1966. La réalisation par Kraemer de l'opéra Louis Riel de Harry Somers (télédiffusé le 29 octobre 1969) fut tout aussi remarquable (R. Murray Schafer devait écrire à son sujet une étude très intéressante qui portait non seulement sur Louis Riel, mais aussi sur la musique télédiffusée au Canada en général). Il restait en fait bien peu de place pour la musique classique à la télévision, mises à part des émissions hors série sporadiques, la modeste série « Music to See » et l'émission « Musicamera » au réseau anglais, cette dernière importée en grande partie de l'extérieur, de même que « Son et image » et la série des « Beaux dimanches » au réseau français. Au cours des années 1970, la télévision avait cessé à toutes fins utiles d'exercer une quelconque influence sur le développement de la musique au Canada en général, et sur la musique canadienne encore moins.
La radio de la SRC, 1952-79
Même si certaines émissions télévisées des années 1950 et 1960 étaient substantielles du point de vue musical, la radio restait la plus grande source de satisfactions pour les auditeurs et la plus importante source d'emplois pour les musiciens. La période allant de la fin des années 1940 au milieu des années 1960 fut tout simplement l'« âge d'or » de la musique à la radio canadienne. L'horaire offrait effectivement un éventail privilégié embrassant tout le répertoire, de la musique ancienne à la musique contemporaine, avec la participation de musiciens canadiens et étrangers, et accordait beaucoup d'attention à la production des compositeurs canadiens. C'est en grande partie grâce à la SRC que les compositeurs canadiens de musique sérieuse ont pu s'affirmer à cette époque, non seulement au moyen d'exécutions et de commandes mais, de façon générale, par l'attitude manifestée à l'égard du compositeur qu'elle reconnaissait comme un artiste sérieux et professionnel. D'un océan à l'autre, la Société offrait en abondance des émissions de musique orchestrale et chorale, de récitals de solistes et de musique de chambre, tant pour un auditoire d'adultes que pour un auditoire scolaire pour lequel elle réservait des émissions spéciales. La série « Concours national de la SRC » (voir SRC - Concours radiophoniques), inaugurée à la fin des années 1950 sous la baguette de sir Ernest MacMillan, poursuivit l'oeuvre entreprise par « Singing Stars » et « Opportunity Knocks » tout au long des années 1970. Cette époque fut celle du mandat de Geoffrey Waddington comme dir. de la musique, à qui succéda John Peter Lee Roberts en 1964. Le chapitre que rédigea ce dernier sur la radiodiffusion dans l'ouvrage Aspects de la musique au Canada donne les détails de nombreuses émissions et séries exceptionnelles de cette période.
Même si le réseau français n'avait pas créé sa propre compagnie d'opéra, sous la direction musicale de Roy Royal (1959-62, la première nomination à ce poste depuis le décès de Gagnier 10 ans auparavant), Hugh Davidson (1962-65), Jean Vallerand (1965-66) et Jacques Bertrand (1966-78), sa programmation possédait un cachet distinctif grâce à des émissions telles qu'« Adagio », « Chefs-d'oeuvre de la musique », « L'Heure du concert », « Radio-concerts canadiens », « Sérénade pour cordes », « Théâtre lyrique Molson » commanditée par la brasserie du même nom, « Radio-Carabin » et « Festivals européens », cette dernière émission animée par Maryvonne Kendergi. Pendant les mandats de Royal, Davidson et Vallerand, les responsables de la programmation au réseau français étaient particulièrement conscients de la nécessité d'encourager les compositeurs canadiens. Même plus tôt, dans les années 1950, ce réseau avait mis sur pied la série intitulée « Premières » qui affichait des oeuvres de compositeurs canadiens, ceux du Québec en particulier.
L'Orchestre symphonique de la SRC vit le jour en 1952 et se fit entendre à partir de Toronto, principalement sous la direction de chefs invités, dans le cadre d'émissions d'abord réalisées par Terence Gibbs, puis par Carl Little et ensuite par Keith MacMillan. Il était alors le seul orchestre radiophonique en Amérique du Nord. Sous la direction de Geoffrey Waddington, qui était parfois au pupitre, sa programmation fut éclectique et comptait au moins 40 p. 100 d'oeuvres écrites après 1900, dont une large part d'oeuvres canadiennes. Du fait de ces pressions, l'orchestre acquit une réputation enviable auprès de plusieurs de ses chefs invités (dont Stravinsky et Beecham) pour sa prodigieuse capacité de déchiffrage. En 1964, de lourds problèmes, financiers et autres, amenèrent la « suspension » de l'OS SRC. À partir de cette date, le vide fut comblé dans les studios torontois par le TSO. Parmi les réalisateurs d'émissions musicales les plus éminents de cette période (outre ceux déjà mentionnés) figurent Ira Stewart (Halifax), Pierre Boutet (Québec), Jacques Bertrand, André Clerk, Jean-Yves Contant, Kit Kinnaird, Earl Pennington et Gilles Poirier à Montréal; Srul Irving Glick, James Kent et John Reeves à Toronto; Norman Lucas et Tom Taylor à Winnipeg; Duncan McKerchar à Edmonton; ainsi que Robert Chesterman et Robert Turner à Vancouver.
Après 1952, la concurrence de la télévision (surtout après l'avènement de la télévision en couleurs, beaucoup plus coûteuse), à laquelle s'ajoutèrent d'autres développements techniques, conduisirent la SRC à refondre sa politique en matière de musique à la radio. En premier lieu, la radio était devenue la parente pauvre de la famille, d'où la disparition de l'OS SRC. En outre, l'adoption de la bande magnétique comme outil de diffusion encourageait de plus en plus les réalisateurs à délaisser les techniques traditionnelles de la « réalisation directe en studio » des années 1930 et 1940, au profit des techniques d'enregistrement et de montage plus précises (mais aussi plus artificielles) du studio d'enregistrement. Au milieu des années 1960, la Division des services anglais réalisait à des fins de radiodiffusion les séries de disques SM (« Serious Music ») - d'abord en mono puis en stéréo - à un rythme tel, qu'au milieu des années 1970, les réalisateurs et directeurs avaient pratiquement renoncé aux « programmes » intégralement réalisés en studio, emportés par l'utilisation du disque et d'éléments préenregistrés présentés au micro par un animateur. De tels procédés de programmation offrent de nombreux avantages évidents, tant pour le réalisateur que pour l'auditeur. Ils coupent aussi le musicien du réalisateur et du commentateur, affaiblissant l'impact que la musique comme art sérieux peut avoir sur eux, et donc sur l'auditeur.
L'usage de plus en plus répandu des enregistrements alla de pair avec l'indépendance croissante de la programmation en MF, surtout pendant les années 1960. Elle connut son apogée avec la mise en place, à la fin de 1975, du réseau anglais MF en stéréo qui s'étendait d'un océan à l'autre, et de l'important réseau français MF en stéréo. La grande qualité sonore de la modulation de fréquence, même à l'échelle transcontinentale, en fit le véhicule numéro un de radiodiffusion de la musique, en dépit du fait que les huit transmetteurs initiaux de langue anglaise ne pouvaient atteindre à cette époque que 56 p. 100 environ de la population du vaste territoire canadien. Après les diffusions en direct d'avant les années 1950, et pour contrebalancer les effets quelque peu dangereux de tant de matériel enregistré, une série remarquable de festivals publics fut organisée par la SRC dans plusieurs villes du pays à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Ces manifestations étaient enregistrées sur bande en présence du public et retransmises en différé. La série fut interrompue en 1975 car les Jeux olympiques de Montréal en 1976 accaparaient personnel, équipements techniques et fonds. À la fin des années 1970, malgré une ou deux reprises sporadiques en région, il semblait peu probable que ces festivals ou leur équivalent reprendraient à une échelle comparable dans les années à venir.
Radio Canada International
Le présent article a traité jusqu'ici de la radiodiffusion de la musique à la SRC à l'intérieur du pays, mais l'image musicale que le Canada projette à l'étranger est depuis longtemps et avec compétence fournie par le Service international de la SRC (Radio Canada International depuis 1972 - RCI). Celui-ci, depuis ses débuts en 1945 comme porte-parole du ministère des Affaires extérieures du gouvernement fédéral, fonctionna après 1968 comme division distincte de la SRC. Bien que la plupart des émissions parlées de RCI soient dirigées vers l'Europe et les Amériques sur ondes courtes à partir de Sackville, N.-B., des émissions musicales de qualité furent distribuées dès le début aux organismes de radiodiffusion à l'étranger sous forme de disques, d'abord et pour peu de temps des 78t., puis sur des disques de transcription standards de 40 cm, sur micr. à partir des années 1950, et enfin sur disques en stéréo. Ces enregistrements, qui s'élevaient à plus de 500 en 1970, étaient consacrés à des artistes canadiens et des oeuvres canadiennes de tous genres, et constituaient à cette époque la collection de loin la plus considérable d'enregistrements de musique canadienne destinée à la radiodiffusion ou à la vente au public. De plus, les équipes de production dirigées successivement par Gérard Arthur, Patricia Fitzgerald, Roy Royal, Gérard Poupart, Hugh Davidson, Gilles Potvin, Edward Farrant et Gilbert Lemieux, avaient apporté beaucoup de soin à la préparation de ces disques. L'utilisation de ces transcriptions fut au début limitée à la diffusion étrangère, mais une collaboration avec RCA Victor permit, en 1966, d'offrir à la clientèle canadienne et étrangère17 des plus récents albums, sous étiquette Canada International. Au cours des années suivantes, d'autres albums RCI entrèrent dans le circuit commercial et, dès le début des années 1970, un grand nombre d'entre eux (ainsi que des enregistrements pour rediffusion de la série SM) faisaient l'objet de licences de vente au public. Cette « Collection canadienne » est disponible par correspondance à la Division des publications de la SRC à Toronto et dans les kiosques de vente de la Maison de Radio-Canada et du Centre MC à Montréal (seulement les disques RCI).
Pendant de nombreuses années, RCI eut pour mandat de représenter la SRC et de façon générale le Canada aux rencontres internationales d'agences telles que l'UER, aux tribunes internationales de compositeurs ou d'interprètes de l'Unesco et à la Communauté radiophonique des programmes de langue française, qui favorisaient toutes les nombreux échanges internationaux grâce auxquels la musique et les musiciens canadiens étaient entendus partout dans le monde.
Perspectives
Vers la fin de 1975, Robert Sunter succéda à John Roberts au poste de chef des émissions musicales de la Division des services anglais, marquant ainsi le début d'une orientation nouvelle des politiques de radiodiffusion de la musique de ce réseau. Plus tôt la même année, la Division des services anglais de la SRC avait publié un « Report of the CBC Radio Study Group on Programming of and about Arts, Music and Drama » (rapport du groupe d'étude de la radio de la SRC sur la programmation dans le domaine des arts, de la musique et du théâtre), compilé un peu à la hâte par un groupe de travail interne composé de Doug Field (prés. du groupe), John Douglas et Harold Redekopp. Field fut promu par la suite à la direction de la radio de la SRC, tandis que Redekopp devint réalisateur délégué d'une série d'émissions très en vue, ce qui indiquait l'intention de mettre en vigueur les recommandations essentielles du rapport. La préoccupation majeure exprimée dans ce rapport était de reconquérir les auditoires de la radio et dans le domaine de la musique au moins, surtout en MF, la nouvelle politique réussit à atteindre son but, même si ce fut au prix de l'imagination et de l'originalité. La SRC est en effet à présent rarement à l'origine d'une manifestation musicale exigeant l'attention du mélomane sérieux. Presque toutes sa programmation en était venue à remplir une fonction de « pipeline », au sens où elle présente des reportages utiles sur les événements musicaux se déroulant d'une extrémité à l'autre du pays (ou des retransmissions de ceux-ci), mais prend elle-même peu d'initiatives. Il est certain que les initiatives (expérimentation, commandes, etc.) devenaient de plus en plus l'affaire des universités, des orchestres et des sociétés de musique contemporaine, grâce au concours financier du CAC et des conseils des arts provinciaux. Par ailleurs, il ne fait aucun doute que la nouvelle politique de la SRC eut pour effet de récupérer un grand nombre de mélomanes qui, surtout dans les petites villes, lui furent infiniment reconnaissants de leur fournir un service radiophonique ayant au moins le mérite d'apporter une alternative fort bienvenue aux vociférations insignifiantes qui dominaient les ondes partout ailleurs en Amérique du Nord. La SRC cependant, même sa radio, ne compte plus dans la création musicale et l'innovation.
Le secteur privé
La contribution de la télévision commerciale à la musique sérieuse est toujours aussi inexistante qu'à ses débuts. Quand à la radio privée, plusieurs stations offraient de temps en temps à leurs auditoires de minces portions de musique sérieuse. Celles-ci pouvaient prendre la forme d'une « heure de concert » de musique enregistrée, animée par un musicien en vue de la région, ou d'un concert donné par l'orchestre local. Ces émissions ne représentaient cependant qu'un pourcentage très faible de la programmation et du budget de ces stations. Au début de l'histoire de la MF (années 1960), plusieurs stations MF tentèrent de se tailler une place dans une catégorie nouvelle : celle de stations commerciales diffusant de la « bonne musique ». Il n'en restait qu'un très petit nombre au milieu des années 1970, la plupart s'étant tournées vers la musique « pop ». Très peu se spécialisèrent, pour ainsi dire, dans la musique classique et/ou la musique classique légère. Certaines se donnèrent un objectif ouvertement éducatif et, parmi celles-ci, une très petite minorité, dont CJRT à Toronto, a offert une programmation soignée et intelligente. Toutefois, même sur ces ondes, on entend peu de musique que l'auditeur ne puisse se procurer aisément chez un bon disquaire.
Une entreprise efficace mérite toutefois une mention spéciale. Il s'agit de la Canadian Talent Library, collection d'enregistrements réservés à la radiodiffusion, créée à la station CFRB à Toronto et développée au cours des ans par un des pionniers de la radio, Lyman Potts. Les droits perçus reviennent au fonds de la CTL. La CTL se présente comme un service disposant d'enregistrements d'interprètes canadiens dans un répertoire en partie canadien, auquel les stations privées peuvent s'abonner. Ce répertoire est formé essentiellement de musique légère. L'objectif recherché était de contrecarrer l'opinion, largement répandue chez les radiodiffuseurs privés, qu'il valait mieux ignorer les talents canadiens. Un bon nombre des disques de la CTL était aussi disponibles chez les disquaires.
La radio éducative des gouvernements provinciaux
Une autre réalisation datant de la fin des années 1970 laissait entrevoir le germe d'une télédiffusion musicale de qualité : la création de réseaux de télévision éducatifs par les gouvernements provinciaux. Ceux-ci transmettaient leurs émissions principalement par câbles (le Canada était à l'époque un des pays disposant de la plus importante installation). Il semblait possible que de tels réseaux, comme ceux du Québec, de l'Ontario et de la Saskatchewan, pourraient aborder des domaines où seule la SRC n'avait pas craint de s'aventurer.
À la fin des années 1970, il semblait donc que les jours d'audace et d'innovation de la radiodiffusion musicale au Canada étaient révolus, ceux de la télévision défunts et le service public lui-même se complaisait dans des genres faciles d'écoute et bientôt aussi familiers que le papier au mur d'un océan à l'autre. Et pourtant, il faut bien reconnaître que personne n'aurait oser rêver d'une telle source musicale à peine un demi siècle auparavant.
Voir aussi « CKNX Barn Dance », Enregistrement sonore, Jazz, Musique country, Orchestres de danse, Rock, Société Radio-Canada, Société Radio-Canada - Enregistrements.
Note des directeurs : Keith MacMillan avait commencé à mettre à jour le présent article quand la maladie qui devait l'emporter interrompit sa tâche. Il nous a paru plus judicieux de ne pas réattribuer un article que marquaient une telle vision et une telle expérience personnelle.