Claude de Ramezay (né le 15 juin 1659 à La Gesse, en France; décédé le 31 juillet 1724 à Québec). Claude de Ramezay est venu en Nouvelle-France comme officier dans les troupes de la marine. Il a agi à titre de gouverneur de Trois-Rivières (1690-1699), commandant des troupes canadiennes (1699-1704), gouverneur de Montréal (1704-1724) et gouverneur général par intérim de la Nouvelle-France (1714-1716). Pendant son séjour en Nouvelle-France, il s’est intéressé au commerce des fourrures et du bois. On se souvient également de lui pour sa résidence, le Château Ramezay. Construit en 1705, c’est aujourd’hui un musée et l’un des bâtiments historiques les plus importants de Montréal.
Jeunesse
Claude de Ramezay appartient à la noblesse française. Sa famille possède des fiefs dans la région de Bourgogne en France. Il débarque en Nouvelle-France en 1685 comme lieutenant dans les troupes de la marine. Il devient capitaine dans les deux années qui suivent. En 1690, il verse 3 000 livres à la veuve du gouverneur de Trois-Rivières, récemment décédé, pour devenir le nouveau gouverneur de cette région. Ce village de 358 personnes offre un emplacement idéal entre Montréal et Québec qui permet à Claude de Ramezay de rencontrer et d’accueillir les plus importants dirigeants de la Nouvelle-France. En novembre 1690, Claude de Ramezay épouse Marie-Charlotte Denys, la fille de Pierre Denys de La Ronde. C’est ainsi qu’il devient membre d’une des familles les plus influentes de la colonie française.
Gouverneur de Trois-Rivières
Claude de Ramezay est à l’origine de la construction de fortifications autour de Trois-Rivières visant à renforcer la défense de la ville contre les ennemis britanniques et autochtones. Il s’engage également dans la traite des fourrures. Il s’attire le courroux des commerçants français et autochtones en exigeant qu’ils lui remettent leurs meilleures peaux en échange d’une garantie de sécurité. Il ne tarde pas à acquérir une réputation d’homme bourru et irascible.
En 1699, Claude de Ramezay est placé à la tête de l’ensemble des troupes canadiennes en Nouvelle-France. Les colonies britanniques situées le long de la côte atlantique craignent de voir les colonies françaises les encercler, avec Québec au nord, l’Acadie au nord-est et une importante expansion autour des Grands Lacs et dans la vallée de l’Ohio. Les engagements militaires sont nombreux, la France et la Grande-Bretagne luttant pour étendre et sécuriser leurs territoires. Les deux empires doivent également confronter des nations autochtones qui cherchent à conserver leurs terres et leur sécurité tout en négociant des alliances avec la puissance européenne qui pourra le mieux faire avancer leurs objectifs. En 1702, Claude de Ramezay se rend en France pour demander des troupes en renfort; il en revient avec 300 hommes. L’année suivante, il se voit décerner la prestigieuse Croix de Saint-Louis.
Gouverneur de Montréal
En 1704, Philippe de Rigaud de Vaudreuil termine son mandat de gouverneur de Montréal et est nommé gouverneur général de la Nouvelle-France. Claude de Ramezay lui succède au poste de gouverneur de Montréal. Il supervise la construction d’une résidence somptueuse sur la rue Notre-Dame, où il a fait l’acquisition d’une propriété. Pierre Couturier, architecte le plus en vue de Nouvelle-France, conçoit pour lui une maison à trois étages de 20 m de long, avec de riches aménagements d’un bout à l’autre. (Voir Château Ramezay.) Selon l’historien Brett Rushforth, Claude de Ramezay possède en outre de nombreux esclaves « pour mettre en évidence son influence sociale et politique, ainsi que pour servir sa famille et les nombreux dignitaires qui passent par la résidence du gouverneur ». (Voir aussi Esclavage des Noirs au Canada et Esclavage des Autochtones au Canada.)
Les dépenses frivoles de Claude de Ramezay le laissent dans une situation financière périlleuse, avec des dettes considérables. Il réintègre le commerce de la fourrure. Encore une fois, il est très impopulaire auprès des commerçants, veillant en toute situation à ce que les membres de sa famille et lui-même bénéficient de contrats préférentiels. En 1702, il se lance dans le commerce du bois avec la construction d’un petit moulin à Baie Saint-Paul, à l’est de Québec. Quatre ans plus tard, il érige un deuxième moulin.
Les rivalités sont nombreuses entre les grandes familles et les dirigeants ambitieux de la Nouvelle-France. La querelle entre Claude de Ramezay et le gouverneur général Vaudreuil en est un exemple. Claude de Ramezay écrit aux fonctionnaires coloniaux à Paris, accusant le gouverneur général de mal gérer les conflits avec les nations britanniques et autochtones à Detroit et, de façon plutôt ironique, d’interférer dans le commerce des fourrures pour son profit personnel. Pour sa part, le gouverneur général Vaudreuil accuse Claude de Ramezay de nuire au commerce de la fourrure dans l’intérêt de sa famille, d’effectuer des dépenses personnelles outrancières et de servir de marionnette aux dirigeants jésuites.
Cette rivalité est mise en veilleuse au déclenchement de la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714), qui conduit à la guerre entre la France et la Grande-Bretagne. De nouvelles hostilités en Amérique du Nord s’ensuivent. La situation déjà tendue est aggravée par les alliances changeantes entre nations autochtones, Français et Britanniques. Montréal est particulièrement exposée en raison de sa distance géographique avec la ville de Québec, plus fortifiée et facilement défendue, ainsi que du commerce des fourrures, qui associe les commerçants de la ville aux Haudenosaunee (Iroquois) et aux commerçants britanniques. Lorsque les conditions du marché européen entraînent l’effondrement du prix des fourrures, le gouverneur de New York met un terme à la contrebande effrénée de fourrures françaises qui traverse la région d’Albany. La tension monte d’un cran.
À l’été 1709, dans le cadre d’un plan d’invasion et de capture de la Nouvelle-France, 3 000 miliciens et guerriers iroquois de New York et du Massachusetts se rassemblent à l’extrémité sud du lac Champlain, au portage de Wood Creek. Claude de Ramezay mène personnellement 1 500 soldats à leur rencontre. Un groupe d’éclaireurs dirigé par Pierre-Thomas Tarieu de La Pérade, neveu de Claude de Ramezay réputé pour son incompétence, tombe face à face avec une unité avancée britannique et en détruit l’élément de surprise. Cette brève rencontre conduit les Britanniques à stopper leur avance. Les hommes de Claude de Ramezay, informés du grand nombre de soldats ennemis qui les attendent, se replient. Les Britanniques, une fois informés que les navires qui devaient attaquer Québec ont été envoyés ailleurs, se retirent eux aussi.
Gouverneur général par intérim de la Nouvelle-France
À l’automne 1714, Vaudreuil entreprend un congé en France. Claude de Ramezay devient alors gouverneur général par intérim de la Nouvelle-France. Les changements apportés par le traité d’Utrecht (1713) sont à cette époque le plus important problème auquel la Nouvelle-France est confrontée. Celle-ci met fin aux hostilités franco-britanniques pendant la guerre de Succession d’Espagne en Europe (1701-1714). Le traité confère à la Grande-Bretagne le contrôle de la baie d’Hudson, de Terre-Neuve et de l’Acadie (Nouveau-Brunswick), en laissant toutefois des frontières floues entre les colonies britanniques et françaises.
Les dirigeants coloniaux britanniques tirent profit du traité en s’étendant vers l’ouest. Ils s’emparent de terres autochtones et menacent les routes françaises du commerce de la fourrure. Claude de Ramezay encourage les dirigeants autochtones à maintenir leurs liens avec la Nouvelle-France et à affronter les colons et les commerçants britanniques. L’attaque française de 1715 menée contre la nation des Mesquakies (Renards) compte parmi les plus marquantes. Les Mesquakies étaient des alliés de la France. Les commerçants français menacent toutefois leur indépendance, et leur territoire situé à l’ouest du lac Huron est convoité par les Sioux à l’ouest et par les Chippewas et les Iroquois à l’est. Les Mesquakies ripostent par de violentes attaques contre les Français et leurs ennemis autochtones. Claude de Ramezay réagit en envoyant des soldats combattre dans le conflit que l’on surnommera la « guerre des Renards » (1712-1716). Les Mesquakies, vaincus, s’engagent à vivre en paix avec les Français et les nations avoisinantes. Un des fils de Claude de Ramezay périt dans la campagne des Mesquakies.
Claude de Ramezay écrit dans ses lettres à Paris que la frontière de la Nouvelle-France doit être plus fermement établie et sécurisée, faute de quoi les colonies britanniques finiront par évincer les Français du territoire aujourd’hui connu comme le Midwest américain.
Dernier mandat
En 1716, au retour de Philippe de Rigaud de Vaudreuil, Claude de Ramezay reprend ses fonctions de gouverneur de Montréal. Il ne parvient pas à obtenir du gouvernement français la permission d’étendre ses droits de commerce de la fourrure. Il obtient en revanche de généreux contrats gouvernementaux de six ans pour le bois d’œuvre, ce qui permet à son entreprise de prospérer. La discorde avec les Jésuites se poursuit, notamment lorsque Claude de Ramezay exige sans succès que les soldats soient logés dans leur mission de Sault-Saint-Louis. Les relations cordiales avec Vaudreuil se maintiennent jusqu’en 1723, lorsqu’un désaccord sur la politique iroquoise entraîne des disputes publiques et l’envoi de nouvelles lettres à Paris.
Héritage
Claude de Ramezay s’éteint à Québec en juillet 1724, laissant dans le deuil son épouse, deux fils et cinq filles, dont Louise. Née en 1705, Louise voit sa mère prendre le contrôle de l’entreprise de commerce du bois de son père. Elle prend le relais en 1739. Pendant les trente années suivantes, Louise développe l’entreprise, qui devient propriétaire de trois moulins prospères et d’une tannerie; elle devient ainsi l’une des premières femmes d’affaires au Québec. Entre-temps, la maison de Claude de Ramezay, le Château Ramezay, devient propriété de l’État. C’est le premier bâtiment au Québec à être déclaré monument historique. C’est aujourd’hui le plus ancien musée privé d’histoire de la province.