Relief fluvial
Le relief fluvial résulte du mouvement de l'EAU sur la surface terrestre. Du point de vue géologique, l'écoulement de l'eau est le processus externe le plus important dans le façonnement de la surface terrestre. Les reliefs fluviaux (voir RIVIÈRE ET FLEUVE) sont soit formés par accumulation, comme dans le cas des plaines d'inondation, des terrasses fluviales, des cônes alluviaux et des DELTAS, soit formés par érosion, comme dans le cas des vallées, des canyons et des BADLANDS sculptés qui constituent les paysages les plus impressionnants du Canada. Le processus fluvial revêt une importance particulière dans les régions semi-arides, subhumides, humides et très humides, mais aussi dans les régions arides où les rares pluies torrentielles peuvent provoquer des changements géomorphologiques.
À l'ère classique de la GÉOMORPHOLOGIE, caractérisée par une approche intuitive de la recherche et qui prend fin vers 1950, les reliefs fluviaux sont étudiés dans le contexte du cycle d'ÉROSION, notion définie par W.M. Davis. Cette notion est un moyen simpliste, mais efficace sur le plan pédagogique, d'observer l'évolution du paysage en CLIMAT humide et tempéré, où l'écoulement des rivières commande la formation du relief (par exemple, dans le Sud du Canada). Selon la théorie de Davis, après le soulèvement initial d'une zone terrestre, le paysage passe successivement par les stades de jeunesse, de maturité et de vieillesse. La jeunesse se caractérise par des vallées en V et des versants aux gradients irréguliers; la maturité, par des vallées à longs versants, des fleuves à méandres et des plaines d'inondation en formation; la vieillesse, par des cours d'eau calmes, de vastes plaines d'inondation, des LACS en croissant et de basses collines, les monadnocks. Le paysage est façonné essentiellement par une combinaison des processus fluviaux et des processus de formation des versants, qui conduiront finalement à la formation d'une surface plane d'érosion (pénéplaine) dont l'altitude est proche de celle du niveau de la mer. La pénéplanation pourra être suivie d'un soulèvement, qui marque le début d'un nouveau cycle d'érosion. Un soulèvement avant la fin du cycle conduit à une réjuvénation et à un encaissement des cours d'eau ainsi qu'à une formation de terrasses. La morphologie des vallées révèle habituellement l'influence de la GÉOLOGIE du substrat rocheux. D'autres modèles importants de la géomorphologie fluviale ont été proposés par Walther Penck (Allemagne) et L.C. King (Afrique du Sud). Le modèle de King fait ressortir l'importance de la formation des pédiments et de la pédiplanation en climat semi-aride. On explore aujourd'hui de nouvelles avenues dans l'interprétation des reliefs fluviaux.
Les cours d'eau ont joué un rôle majeur dans le façonnement du paysage au Canada. Il est toutefois difficile d'interpréter leur action, car la plupart des régions qu'ils ont modelées portent maintenant l'empreinte de la GLACIATION du quaternaire. Un grand nombre des magnifiques vallées qui ravinent aujourd'hui la CORDILLÈRE résultent d'une réjuvénation et d'un encaissement des cours d'eau durant le soulèvement survenu au tertiaire (il y a de 66,4 millions d'années à 1,6 million d'années), comme les vallées du Fraser, du Thompson et de l'Okanagan dans la zone du plateau Fraser-Nechako, en Colombie-Britannique. Certaines vallées fluviales de la région de la Cordillère ont été en partie remblayées par des dépôts glaciaires et fluvioglaciaires au cours des ÉPOQUES GLACIAIRES (il y a de 1,6 million d'années à 10 000 ans), mais des processus postglaciaires subséquents y ont laissé une série de terrasses fluviales, comme la rivière Bow, en Alberta. La formation de terrasses dans des vallées remblayées est un phénomène qu'on rencontre aussi dans le centre et l'Est du Canada.
Le relief plat des PRAIRIES est né du dépôt lent et continu de débris rocheux provenant de l'érosion de la Cordillère par des cours d'eau s'écoulant vers l'est (ainsi que des dépôts glaciaires). Les cours d'eau actuels qui traversent les Prairies (par exemple, la rivière Saskatchewan) sont peu encaissés. Les vallées sont jeunes et celles qui ont précocement atteint le stade de la maturité ont une profondeur maximale de plusieurs centaines de mètres. Dans certaines régions arides de l'Alberta, l'entaille faite par les cours d'eau dans les sédiments du crétacé (il y a de 144 millions d'années à 66,4 millions d'années) a formé un relief de badlands, comme à Drumheller.
Une bonne partie du BOUCLIER canadien a été biseautée par des processus d'érosion et d'aplanissement bien avant l'avènement du quaternaire. Les réseaux hydrographiques préglaciaires ont été dérangés pendant la période glaciaire et les vallées, enfouies sous les dépôts glaciaires, ont laissé une multitude de lacs. De nos jours, certaines de ces vallées sont de nouveau entaillées par des cours d'eau. Dans le centre du Canada, avant l'apparition des glaces, les basses-terres qu'occupent les Grands Lacs étaient drainées par des réseaux hydrographiques normaux. Les Grands Lacs sont le produit des glaciations. La rivière Niagara, qui relie le lac Érié au lac Ontario, franchit un ESCARPEMENT de roches siluriennes (datant de 438 millions d'années à 408 millions d'années), engendrant les chutes Niagara et la gorge en aval. Plus en aval, les eaux passent du lac Ontario au fleuve Saint-Laurent. C'est là que se déploie le paysage pittoresque des MILLE-ÎLES, taillé par les eaux dans la roche précambrienne (une surface d'érosion de plus de 600 millions d'années).
En raison de l'étendue du littoral et du nombre de lacs et de cours d'eau, on trouve au Canada quantité de reliefs deltaïques, comme les deltas de la rivière Rouge (lac Winnipeg) et des fleuves Mackenzie et Fraser.
La géomorphologie quantitative moderne examine les reliefs fluviaux dans un contexte de systèmes ouverts. L'unité de base, le BASSIN HYDROGRAPHIQUE, est considérée comme un système ouvert ayant des entrées (les précipitations, l'énergie solaire), des débits et des sorties (les écoulements fluviaux, les sédiments) d'énergie et de matière. La morphologie des reliefs dans le bassin évolue en réaction aux diverses entrées et sorties ou pour s'y adapter. Une telle approche conceptuelle implique aussi l'idée de l'équilibre des systèmes. Si les entrées et les sorties demeurent sensiblement constantes, les reliefs devraient prendre une forme où les crêtes (de roches et de structures plus résistantes) s'érodent au même rythme que les vallées des cours d'eau. L'analyse des réseaux hydrographiques, présentée pour la première fois en 1945 par l'Américain R.E. Horton, fait partie de la géomorphologie quantitative fluviale. On peut classer les réseaux en fonction de leur forme (par exemple, dendritique, rectangulaire) et de leur composition, ce qui nécessite l'étude des rapports mathématiques entre les cours d'eau (catégories, longueurs, nombres, profils et versants). L'étude des réseaux, y compris des reliefs, met l'accent sur l'hydrologie fluviale, la géométrie hydraulique de l'évolution des cours d'eau, le tracé (rectiligne, méandres et chenaux anastomosés), les régimes, la mécanique fluviale et la turbulence des fluides, les processus d'érosion, de transport et de formation (creusement et remblayage), l'évolution du lit et la vitesse de dénudation du bassin (production de sédiments). Dans le domaine de la géomorphologie appliquée, des critères d'ordre quantitatif permettent de comparer l'esthétique des rives et d'évaluer l'environnement en relation avec des projets de mise en valeur des cours d'eau. L'interprétation de la grande variété de reliefs fluviaux joue un rôle déterminant dans le choix des tracés des grandes routes, des pipelines et des chemins de fer et dans la prévision de la stabilité des rives et des embâcles. Enfin, la géomorphologie des cours d'eau a des répercussions sur l'exploration des dépôts placériens, la gestion des eaux, la lutte contre les inondations et la gestion des bassins hydrographiques en général.Voir aussi ZONES DE GÉOGRAPHIE PHYSIQUE.