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Rocky Jones

Burnley Allan (« Rocky ») Jones, ONS, avocat et activiste noir canadien (né le 26 août 1941 à Truro, en Nouvelle-Écosse; mort le 29 juillet 2013, à Halifax, en Nouvelle-Écosse). Burnley Allan Jones a passé une grande partie de sa vie à lutter pour la justice sociale pour les Noirs et les Autochtones au Canada; il était une voix respectée dans les domaines des droits de l’homme, des questions raciales et de la pauvreté. En tant qu’avocat, Burnley Allen Jones a œuvré dans ces domaines, tout en défendant la cause des droits des prisonniers.


Jeunesse et début de carrière

Fils d’Elmer et de Willena Jones, Rocky Jones voit le jour dans le Marsh, communauté noire de Truro, en Nouvelle-Écosse. Son grand-père Jeremiah (Jerry) Jones était un héros méconnu de la bataille de la crête de Vimy, pendant la Première Guerre mondiale. Rocky Jones est victime de racisme pour la première fois à l’âge de 12 ans, quand il se rend compte qu’il lui est interdit de jouer aux quilles au salon de quilles local, de jouer au billard dans la salle de billard ou de manger dans certains restaurants. (Voir Racisme anti-noir au Canada.) Il observe ses amis blancs jouer au billard, jusqu’au jour où le propriétaire brise une règle non écrite en lui permettant de jouer avec eux. À l’âge adulte, Rocky Jones décrira cet épisode comme une première victoire : il avait mis fin à la ségrégation à la salle de billard de Truro.

LE SAVIEZ-VOUS?
Jeremiah Jones a 58 ans (13 ans au-dessus de l’âge limite) lorsqu’il s’enrôle dans le 106e Bataillon, en 1916. Comme beaucoup d’autres enrôlés trop jeunes ou trop vieux, Jeremiah Jones ment sur son âge lorsqu’il se porte volontaire. Bien qu’il soit recommandé pour l’attribution de la Médaille de conduite distinguée par son officier suivant son héroïsme à la bataille de la crête de Vimy, Jeremiah Jones n’est pas récompensé de son vivant. Grâce à la pression du sénateur Calvin Ruck et de membres de la famille Jones, Jeremiah reçoit la médaille en 2010, quelque 60 ans après sa mort.


« Les préjugés, la discrimination et le racisme auxquels j’ai fait face au cours de ma vie auraient pu me remplir de haine », dit-il en 2012. « Mais le fait de grandir dans une petite communauté noire [...] m’a rempli de tant d’amour et de compassion pour les autres qu’il m’était impossible de ressentir de la haine. »

À l’âge de 16 ans, il s’enrôle dans l’armée et y demeure pendant trois ans. À 19 ans, il s’installe à Toronto, où il travaille comme chauffeur de camion.

« Rocky le révolutionnaire »

En 1965, alors qu’il habite à Toronto, Rocky Jones prend connaissance d’une manifestation devant le consulat des États-Unis. Les manifestants, dont la plupart sont blancs, protestent contre le fait que les Américains de race noire en Alabama ne peuvent pas voter et sont victimes de violence en raison de leur activisme politique.

Rocky Jones se joint à la manifestation, et rapidement les journalistes s’approchent pour l’interviewer. « Les Noirs méritent de voter et le FBI doit utiliser ses pouvoirs d’arrestation à Selma [Alabama] », dit-il aux journalistes.

On commence alors à le comparer à Kwame Ture, leader du Black Panther Party, et les médias le surnomment « Rocky le révolutionnaire ». C’est la première fois que Rocky Jones entend parler de Kwame Ture, qui avait popularisé l’expression « Black Power » (pouvoir noir), que Jones adopte comme cri de ralliement.

« Le Black Power est la reconnaissance que le pouvoir peut provoquer plus de changements qu’un simple appel à la moralité des hommes », déclare-t-il dans un discours en 1967. « Il s’agit de la conscience noire, c’est la nécessité d’affirmer que les Noirs peuvent décider pour eux-mêmes.»

LE SAVIEZ-VOUS?
Le Black Panther Party est une organisation afro-américaine établie en 1966 à Oakland, en Californie. D’abord mise sur pied pour patrouiller dans les quartiers noirs et protéger les résidents contre la brutalité policière, le parti s’élargit pour offrir des services communautaires, y compris un service de petit déjeuner gratuit aux enfants, des cliniques de santé et des écoles. Actif principalement de la fin des années 1960 au milieu des années 1970, ce mouvement révolutionnaire est basé dans plusieurs villes américaines et compte, à son apogée, plus de 2 000 membres. Le FBI considère les Black Panthers comme une menace pour le gouvernement américain. La police et le FBI ciblent d’ailleurs l’organisation en les espionnant et en les malmenant physiquement. Cette violence culmine en 1969 avec l’assassinat du chef des Black Panthers, Fred Hampton, à Chicago.


En 1965, Rocky Jones déménage à Halifax afin de poursuivre son activisme en Nouvelle-Écosse, où ses liens avec l’organisation Black Panther attirent l’attention de la GRC. Selon des documents obtenus par la Presse canadienne dans les années 1990, la GRC surveille Rocky Jones et son épouse, Joan Jones, pendant 11 ans. La police met leur téléphone sous écoute, les suit jusqu’à leur domicile et intercepte leur courrier. Le couple aperçoit souvent la police en train de surveiller sa maison.

Au cours de la même période, la ville d’Halifax rase le site où vit la communauté noire d’Africville, et la police intensifie la surveillance des Néo-Écossais de race noire. Dans le livre Razing Africville, l’auteure Jennifer Nelson décrit comment la police utilise des agents et des informateurs pour infiltrer les boîtes de nuit noires et les réunions communautaires ainsi que pour surveiller les étudiants universitaires. Jennifer Nelson cite un rapport de la GRC au sujet de la communauté noire du comté de Guysborough qui est truffé de stéréotypes à propos d’enfants « sauvages, indisciplinés et malpropres ». Elle cite également un autre rapport parlant des « analphabètes, semi-analphabètes et voyous » qui écoutent les Black Panthers (voir RacismePréjugés et discrimination).

Rocky Jones rencontre Kwame Ture lors d’une conférence d’écrivains à Montréal en 1968, et les deux hommes se lient d’amitié. Rocky Jones, un passionné de chasse et de pêche, invite l’Américain à lui rendre visite à Halifax pour aller à la pêche. En octobre de la même année, Kwame Ture se rend à Halifax avec sa femme, la chanteuse Miriam Makeba.

Lorsque Rocky Jones arrive à l’aéroport d’Halifax avec Kwame Ture, il est stupéfait par l’énorme présence policière. La police suit leur voiture en entrant en ville, et lorsque les deux hommes vont manger dans un club, ils voient des policiers assis dans leurs voitures, debout à l’extérieur et perchés sur les toits. La police observe les deux hommes tout au long de la visite de Kwame Ture, qui aura duré 18 heures, et le raccompagne à l’aéroport.

LE SAVIEZ-VOUS?
Kwame Ture (né Stokely Carmichael) est un militant américain luttant pour les droits civiques et le chef du mouvement nationaliste noir qui a inventé le slogan « Black power ». Le slogan capte particulièrement bien l’esprit de ce mouvement qui encourage l’autodétermination, l’autodéfense et la fierté noires. En 1968, Kwame Ture est nommé premier ministre honoraire du Black Panther Party.


Une deuxième délégation de Black Panthers visite Halifax en novembre, toujours à l’invitation de Rocky Jones.

Dans les années 1990, Rocky Jones obtient copie des dossiers que la GRC a compilés à son sujet. Il les consulte ensuite régulièrement quand il essaie de se rappeler ce qu’il faisait à une date donnée.

Réalisations

En 1967, Rocky Jones et son épouse d’alors, Joan Jones, cofondent Kwacha House, un club interracial où les gens peuvent discuter de discrimination et de moyens pour la combattre. Le film Encounter at Kwacha House – Halifax, réalisé par l’Office national du film, présente une discussion à Kwacha House au sujet des préjugés et de la discrimination dans les milieux de travail, de la recherche de logement et de l’éducation. Rocky Jones occupe une place importante dans le documentaire de 17 minutes, ce qui contribue à sa notoriété et permet à ses idéaux de rejoindre un public plus large.

En 1968, il est au nombre des membres fondateurs du Black United Front of Nova Scotia. L’organisation, qui lance ses activités par une rencontre de 400 représentants de la communauté noire de la province, se consacre à l’égalité des Noirs dans les domaines de la politique et de l’économie.

Tout en étudiant en vue d’obtenir son baccalauréat en 1970, Rocky Jones aide l’Université Dalhousie à mettre sur pied un programme visant à augmenter les taux d’inscription d’étudiants noirs et autochtones.

Tout au long des années 1970, Rocky Jones sillonne le Canada et les États-Unis pour donner des discours sur l’oppression et la libération. À deux reprises au cours de cette période, on met le feu à son domicile familial. Personne n’est blessé dans ces attaques.

Il suit de près la Commission royale sur l’affaire Donald Marshall fils, qui conclut que le système de justice pénale de la Nouvelle-Écosse a connu de nombreux ratés dans l’affaire de cet homme mi’kmaq, de sa condamnation injustifiée pour assassinat en 1971 à son acquittement en 1983. La Commission royale en vient à la conclusion que le système de justice pénale de la province traite les Noirs et les Autochtones de façon inéquitable.

Rocky Jones en vient à croire que le racisme dont fait preuve le système de justice pourrait être contré par une présence plus nombreuse d’avocats et de juges noirs et autochtones. En 1989, il joue un rôle prépondérant dans la création de l’Indigenous Blacks & Mi’kmaq Initiative à la faculté de droit de l’Université Dalhousie. Le programme vise à augmenter la représentation des Noirs et des Mi’kmaq dans les professions juridiques afin d’atténuer le racisme.

Il devient l’un des premiers étudiants à s’inscrire au programme et prononce le discours d’adieu lors de l’obtention de son diplôme en 1992.

Carrière professionnelle

Rocky Jones pratique le droit à Dalhousie Legal Aid pendant plusieurs années avant de fonder le cabinet « Rocky » Jones & Associates. Il travaille avec les communautés autochtones sur les questions juridiques touchant les revendications territoriales, la justice, l’éducation et l’environnement.

Il devient un défenseur des droits des détenus et contribue à mettre sur pied la Black Inmates Association et la Fraternité des Autochtones dans les prisons à Dorchester, au Nouveau-Brunswick, et à Springhill, en Nouvelle-Écosse. Il travaille comme directeur général de Real Opportunities for Prisoner Employment, un groupe venant en aide aux anciens détenus qui cherchent à intégrer le marché du travail.

En 1997, il comparaît devant la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. R.D.S. Un policier blanc à Halifax avait arrêté un garçon noir de 15 ans (appelé R.D.S. dans les documents juridiques) pour avoir prétendument interféré avec l’arrestation d’un autre jeune. Le juge, qui était noir, avait acquitté le garçon et noté que les policiers étaient connus pour leurs réactions souvent excessives dans leurs interactions avec des « groupes non blancs ». La Couronne avait fait valoir que le juge n’était pas impartial et avait obtenu la tenue d’un nouveau procès.

Rocky Allan Jones porte alors l’affaire devant la Cour suprême, qui rétablit l’acquittement et déclare que la Couronne n’avait fourni aucune preuve indiquant que le juge s’était montré partial.

Il s’implique dans d’autres affaires hautement médiatisées, accusant la police d’Halifax de faire preuve de racisme envers les Néo-Écossais noirs. (Voir aussi Racisme anti-noir au Canada.) Il aide également les membres de l’ancienne communauté d’Africville à se battre pour l’obtention d’une indemnité en contrepartie de la démolition de leur village.

Dernières années

Vers la fin de sa vie, Rocky Jones dit voir certaines améliorations dans la situation des Canadiens noirs. « Individuellement, je pense que les gens s’en sortent mieux et que bien des portes ont été ouvertes », dit-il en 2012. « Collectivement, je crois que la communauté perd de plus en plus de terrain. L’écart entre les riches et les pauvres, en général, s’accroît, et cet écart est encore plus prononcé dans la communauté noire. »

Il voit des problèmes importants dans le système éducatif, dans la façon dont la culture noire est enseignée et la façon dont on enseigne spécifiquement aux étudiants noirs. De plus, il considère le système de justice pénale « bien pire » pour les Noirs aujourd’hui que dans les années 1960.

Il décède le 29 juillet 2013 à Halifax.

Héritage

L’autobiographie de Rocky Jones, Burnley ‘‘Rocky’’ Jones : Revolutionary, est publiée à titre posthume en 2016. L’ouvrage est une compilation de quelque 90 heures de conversations enregistrées entre Rocky Jones, le poète George Elliott Clarke et l’historien James W. St.G. Walker.

Prix et distinctions

Rocky Jones a obtenu de nombreux prix et distinctions au cours de sa vie, y compris:

  • Prix d’excellence du Black United Front of Nova Scotia
  • Prix de reconnaissance de l’Association des avocats noirs du Canada
  • Prix du travail communautaire de la Ligue nationale des Noirs du Canada
  • Doctorat en droit de l’Université de Guelph (2004)
  • Membre, Ordre de la Nouvelle-Écosse (2010)