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Ross Munro

Ross Munro, O.B.E., O.C., journaliste (né le 6 septembre 1913 à Ottawa, en Ontario; décédé le 21 juin 1990 à Toronto). Ross Munro était l’un des plus grands correspondants canadiens de la Deuxième Guerre mondiale. Il a aussi couvert les procès de Nuremberg et la guerre de Corée. Il a par la suite occupé les postes de rédacteur en chef du Vancouver Province et d’éditeur pour l’Edmonton Journal, la Montreal Gazette, le Tribune de Winnipeg et le Canadian Magazine. En 1946, on lui a décerné le titre d’officier de l’Ordre de l’Empire britannique, puis, en 1975, celui d’officier de l’Ordre du Canada.

Ross Munro en Italie, 1943

Famille et éducation

Ross Munro naît à Ottawa. Il est le fils d’un journaliste parlementaire et le petit-fils du fondateur du Port Elgin Times. Après avoir obtenu son diplôme de l’Université de Toronto en 1936, il suit les traces de son père et commence à travailler comme reporter pour la Presse Canadienne (PC) à Ottawa. Le journaliste travaille dans divers bureaux de la PC à travers le Canada, ainsi qu’à New York et à Washington, avant de partir à l’étranger en tant que correspondant de guerre en 1940.

Correspondant de guerre

Le reporter de 26 ans arrive à Londres à l’été 1940, alors que se déroule la bataille d’Angleterre. Il devient l’un des correspondants de guerre les plus populaires de la PC, « ayant vu plus d’action que la plupart des soldats canadiens ». Il couvre la campagne d’Afrique du Nord et la campagne d’Italie, ainsi que quatre débarquements amphibies : Spitzberg, en Norvège; le raid de Dieppe; le débarquement des Alliés en Sicile et le jour J et la bataille de Normandie. Il couvre aussi la campagne subséquente dans le nord-ouest de l’Europe. Il assiste également à la capitulation nazie aux Pays-Bas le 7 mai 1945 et au jour de la Victoire en Europe le lendemain.

Reportages depuis Londres

À son arrivée à Londres, Ross Munro se souvient : « J’étais pleinement engagé dans la guerre dès le début. C’était peut-être du chauvinisme et de la stupidité, mais nous pensions que les Allemands allaient détruire notre monde et que nous devions les en empêcher. »

En 1940, la Presse Canadienne commence à produire un bulletin d’information, appelé The Canadian Press Newsletter, que la radio de la CBC diffuse dans le cadre d’« émissions de 15 minutes destinées aux Forces canadiennes outre-mer ». En mai 1942, le bulletin devient un tabloïde de quatre pages, The Canadian Press News, qui est publié à 30 000 exemplaires par semaine et distribué aux soldats. On y retrouve souvent les reportages de Ross Munro.

Des Canadiens en Angleterre, 1942

Opération GAUNTLET

À la mi-août 1941, Ross Munro est dépêché pour couvrir l’opération Gauntlet, une opération conjointe des Alliés sur l’île Spitzberg, occupée par les Allemands, dans l’archipel du Svalbard, à 1 050 km du pôle Nord. Spitzberg se trouve sur la route des convois arctiques vers Arkhangelsk et Mourmansk, en Russie.

Deux mois plus tôt, soit le 22 juin, les Allemands lancent leur attaque contre la Russie. Le plan des Alliés consiste à aider cette dernière en empêchant les Allemands d’avoir accès aux mines de charbon du Spitzberg. Le brigadier canadien A. E. Potts commande la Force 111, qui compte 46 officiers et 599 non-officiers (dont 29 officiers et 498 non-officiers sont canadiens). L’opération Gauntlet est un succès. Les troupes alliées détruisent les mines de charbon et les infrastructures maritimes. Selon Ross Munro, l’opération a « contribué à long terme à la protection de la route des convois vers la Russie et à l’affaiblissement des Allemands sur le flanc nord ».

Au printemps 1942, l’état-major américain commence à arriver à Londres. Peu après, les chefs américains et britanniques planifient des débarquements en Afrique du Nord. De son côté, le commandement britannique prévoit un raid sur la côte française, au port de Dieppe. Cette opération finit par faire les gros titres des mois d’août et de septembre 1942.

Des sapeurs canadiens à Spitzberg, 1941

Raid sur Dieppe

En 1942, Ross Munro est envoyé couvrir l’opération Jubilee, plus connue sous le nom de raid de Dieppe. Il suit l’entraînement précédant le raid, puis il observe la bataille du 19 août depuis l’une des nombreuses péniches de débarquement transportant les soldats vers les côtes de la plage de Puys. Il écrit : « Pendant huit heures, sous le feu intense des nazis, de l’aube à un après-midi étouffant, j’ai regardé les troupes canadiennes combattre la bataille sanglante et flamboyante de Dieppe. »

Je n’ai jamais été témoin d’un tel carnage sur aucun autre front. C’était brutal et terrifiant, et cela vous faisait presque perdre toute sensibilité face aux piles de cadavres et au désespoir qui régnait lors de cette attaque. […] Ils [les Allemands] nous tiraient dessus à bout portant […] La façon dont ces hommes se sont levés et ont riposté aux Allemands, alors qu’ils sentaient déjà que l’attaque de Puits [Puys] était une cause perdue, est l’une des choses les plus courageuses dont j’ai été témoin.


De retour à Londres, Ross Munro rédige plusieurs articles sur le raid, au cours duquel 807 soldats canadiens sont tués, près de 1 200 sont blessés, et 1 946 sont faits prisonniers. (Voir Raid de Dieppe.) Les reportages du correspondant de guerre, publiés sous le titre Somewhere in England sont reçus comme des nouvelles choquantes par de nombreux lecteurs canadiens, en particulier par les familles dont les fils avaient participé au raid. Avant les reportages des correspondants de guerre, le raid de Dieppe était présenté comme un succès.

Peu après, Ross Munro est envoyé au Canada pour une série de conférences nationales commanditées par la Presse Canadienne. Il prend la parole lors de divers rassemblements publics dans les villes d’origine des régiments qui ont combattu à Dieppe.

Campagne d’Afrique du Nord

À son retour en Angleterre à l’automne 1942, Ross Munro est envoyé couvrir la campagne d’Afrique du Nord. Il passe Noël à bord d’un navire transportant des troupes et arrive à Alger le 2 janvier 1943. Ses reportages portent sur les troupes canadiennes de la 6e Division blindée ainsi que sur les pilotes canadiens des escadrons de chasseurs Spitfire qui servent dans la Royal Air Force.

Ross Munro rentre en Angleterre en avril. Il épouse Helen Marie Stevens, originaire de Dunnville, en Ontario, qu’il rencontre alors qu’elle sert comme infirmière en Angleterre. Leurs projets de mariage militaire dans le sud de l’Angleterre sont rapportés dans The Ottawa Citizen et la cérémonie fait l’objet d’un court métrage dans un film d’actualités de l’armée canadienne.


Campagnes de Sicile et d’Italie

Après une courte pause, Ross Munro est l’un des premiers reporters à couvrir l’opération Husky. Il suit les troupes canadiennes et britanniques déployées dans la 8e armée de Montgomery et la 7e armée américaine, sous les ordres du général Patton, lors d’une invasion prévue de la Sicile en juillet 1943. C’est la première mission militaire d’envergure du Canada après près de quatre ans sur le théâtre européen.

Les reportages de Ross Munro sont les premiers à parvenir aux lecteurs canadiens au sujet de l’invasion. Outre les dangers évidents, les hommes doivent également affronter la chaleur du soleil sicilien et la saleté des routes couvertes de poussière et de craie. Le reporter écrit :

Comme les soldats, les correspondants ressemblaient à des ouvriers qui avaient travaillé un mois dans une minoterie. Nous étions couverts d’une fine poussière blanche après avoir passé une demi-heure sur la route. Même lorsque nous nous lavions, nous gardions une pâleur fantomatique. Nos sahariennes, nos culottes et nos bas étaient imprégnés de poussière. Nous portions des lunettes de protection et des mouchoirs sur notre bouche lorsque nous nous déplacions dans des convois de camions, d’artillerie et de chars qui encombraient la route de l’aube au crépuscule et jusqu’à tard dans la nuit […] Nous sommes restés des semaines sans prendre de bain […] Les puces et les insectes, les scorpions et les moustiques omniprésents menaçaient la campagne et nous suivions religieusement nos règles anti-paludisme […] utilisions nos moustiquaires chaque nuit pour dormir et prenions régulièrement nos pilules jaunes de mépacrine.


L’invasion de la Sicile fait 2 310 victimes au sein des troupes canadiennes, dont 562 morts. L’ARC déplore 154 décès. Ross Munro couvre également la campagne d’Italie, qui fait plus de 26 000 victimes canadiennes, dont plus de 5 300 tués. Un film d’actualités de l’armée canadienne sur la campagne met en vedette Ross Munro, dévoilant en primeur la prise de l’aérodrome de Pachino. On peut également apercevoir Peter Stursberg, le reporter de la CBC.


Jour J

Après la campagne d’Italie, Ross Munro est affecté à la première vague de troupes qui débarquent en Normandie au jour J, le 6 juin 1944. Ses dépêches sont les premiers reportages sur la côte française que lisent les Canadiens. Après l’invasion, Ross Munro rend compte de l’avancée des troupes canadiennes et alliées dans le Nord de la France, en Belgique et dans les Pays-Bas. (Voir aussi Le jour J et la bataille de Normandie, Libération des Pays-Bas.)

Le 5 mai 1945, Ross Munro se trouve dans le hall d’un hôtel dévasté par les bombes à Wageningen, aux Pays-Bas. Le général Foulkes reçoit un avis de capitulation officiel du colonel-général Blaskowitz, commandant des forces allemandes aux Pays-Bas et dans le nord-ouest de l’Allemagne. Ross Munro se souvient : « J’ai vu ce vieux Blaskowitz, épuisé, s’installer en face du général Foulkes à la table couverte de poussière et, en clignant des yeux comme un hibou, accepter toutes les exigences de la capitulation ».

Le lendemain, Ross Munro se trouve à Reims, en France, dans une pièce étouffante d’une école caserne servant de quartier général avancé au général Eisenhower. C’est dans cet endroit que le général Jodl et l’amiral Von Friedelburg signent les actes de capitulation sans condition de toutes les forces allemandes. On proclame le jour suivant le jour de la Victoire en Europe. C’est aussi le deuxième anniversaire de mariage de Ross Munro.

Ross Munro publie ses mémoires de guerre, Gauntlet to Overlord: The Story of the Canadian Army, à l’automne 1945 (une deuxième édition est publiée en 1972). Il remporte le Prix littéraire du Gouverneur général de l’essai anglais.

Des correspondants de guerre en France, 1944

Carrière après-guerre

Ross Munro reste en Europe en tant que correspondant de la PC jusqu’en 1947, où il a fait des reportages sur les procès de Nuremberg pour les lecteurs canadiens. Il rentre ensuite au Canada pour travailler comme correspondant national au sein des Southam News Services (voir Southam Inc.). Il couvre ensuite la guerre de Corée (1950-1953).

Dans les années qui suivent, Ross Munro devient tour à tour rédacteur en chef du Province de Vancouver et éditeur de l’Edmonton Journal, de la Montreal Gazette et du Winnipeg Tribune. Il est également l’éditeur fondateur du Canadian Magazine.

Helen Marie Stevens, son épouse, décède en 1981. Il se remarie ensuite avec Beth Helleur. Il prend sa retraite en 1979 et meurt en 1990 à l’âge de 76 ans.

Héritage

En 2002, la Conférence des associations de la défense (CAD) crée le prix Ross Munro, qui récompense « l’excellence et l’objectivité dans la couverture des questions de défense et de sécurité nationales ». En mars 2013, le Collège militaire royal du Canada érige la sculpture « WARCO », qui représente Ross Munro. Elle vise à commémorer les journalistes canadiens, présents et passés, qui font des reportages sur les questions liées à la défense et à la sécurité nationales.

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