Jeunesse
Sam Langford naît le 4 mars 1886 à Weymouth Falls, en Nouvelle‑Écosse, une petite communauté rurale fondée par des loyalistes noirs et d’anciens esclaves, notamment le propre grand‑père de Sam Langford, qui, fuyant l’esclavage, s’était réfugié à Digby County, en Nouvelle‑Écosse (voir Canadiens noirs).
La mère du jeune Sam décède alors qu’il n’est âgé que de 12 ans et, devant la violence de son père, il décide de quitter le domicile familial. Dans sa jeunesse, il occupe divers emplois, travaillant comme bûcheron et charretier en Nouvelle‑Écosse et en Nouvelle‑Angleterre et comme mousse à bord d’un navire. On lui offre du travail dans une ferme du New Hampshire, mais il est licencié pour s’être battu avec d’autres travailleurs. Il part ensuite, à pied, pour Boston, au Massachusetts, subsistant en chemin en travaillant dans des scieries et des briqueteries. Arrivé à Boston, il est embauché pour s’occuper de l’entretien de la salle de boxe du Lenox Athletic Club.
Là, Sam Langford se frotte à des boxeurs à la réputation déjà bien établie qui viennent s’entraîner dans la salle et attire l’attention du propriétaire du club, Joe Woodman, qui devient son gestionnaire et l’aide à lancer sa carrière. Il apprend vite, et en 1901, à l’âge de 15 ans, il remporte le championnat amateur de Boston dans la catégorie des poids plume. Il fait ses débuts professionnels l’année suivante.
Carrière de boxeur et barrières raciales
En dépit de sa petite taille (1,71 m ou 5' 7"), Sam Langford se montre un frappeur redoutable, doté d’une allonge de 1,88 m (73"), qui combat régulièrement contre des boxeurs bien plus grands que lui et les domine. Il se fait également connaître pour avoir voulu boxer dans de multiples catégories de poids : après avoir débuté sa carrière professionnelle comme poids léger (moins de 135 lb), il combat successivement, au cours de sa carrière, dans la catégorie des poids mi‑moyens (moins de 147 lb), puis des poids moyens (moins de 160 lb) et même des poids lourds (sans limite de poids) et accumule plus de 300 combats officiels en 24 ans.
C’est le 11 avril 1902 que Sam Langford fait ses débuts professionnels, à l’âge de 16 ans, contre Jack McVicker qu’il met hors de combat.
En moins de 18 mois, le 8 décembre 1903, il décroche sa première occasion de boxer pour un titre face au champion de division dans la catégorie des poids légers, Joe Gans, le premier boxeur afro‑américain à devenir champion du monde. Il remporte le combat en 15 reprises, sans toutefois décrocher la ceinture de champion, le verdict de la balance indiquant un poids légèrement supérieur à la limite autorisée de 135 lb.
Cet épisode ne sera pas le dernier de ce type et Sam Langford joue de malchance à de nombreuses reprises, manquant de peu les nombreux titres qui s’offrent à lui. Le 5 septembre 1904, il change de catégorie de poids et combat contre le champion des poids mi‑moyens Joe Walcott. À l’issue de 15 reprises, les juges optent pour un match nul à la grande surprise des spectateurs l’ayant vu porter de nombreux coups et dominer son adversaire. Arthur Lumley, rédacteur en chef du New York Illustrated News, qui assiste au combat depuis les bords du ring, écrit : « La décision des juges a profondément mécontenté les spectateurs… » Il ajoute que Sam Langford « … aurait dû être déclaré vainqueur ».
Le 26 avril 1906, Sam Langford est opposé, avec le titre mondial en ligne de mire, au célèbre champion poids lourd Jack Johnson qui fait au moins 20 lb de plus. Il faut 15 reprises à Jack Johnson pour dominer son opposant canadien Sam Langford dans un combat qui restera l’un des plus difficiles de sa carrière. Deux ans plus tard, Jack Johnson devient champion du monde, mais n’accepte jamais de nouveau combat contre le boxeur de la Nouvelle‑Écosse, de peur de perdre son titre.
Il déclare à propos de son adversaire potentiel : « Je ne veux pas me battre contre cette demi-portion qui a sa chance contre n’importe qui! […] Je suis le premier champion noir [des poids lourds] et je serai le dernier! »
Sam Langford se voit affublé du surnom célèbre de « Boston Tar Baby » et doit faire face, tout au long de sa carrière, à des barrières raciales l’empêchant d’être couronné champion. Il boxe à une époque où les promoteurs estiment qu’un public composé essentiellement de Blancs américains ne paiera pas pour voir deux combattants noirs face‑à‑face. En outre, de nombreux champions blancs de l’époque ne souhaitent pas mettre leur titre en jeu face à un adversaire noir au risque d’être vaincus.
LE SAVIEZ‑VOUS? Les qualificatifs raciaux, comme « Boston Tar Baby », le sobriquet dont est affublé Sam Langford, étaient couramment utilisés comme surnoms pour des boxeurs noirs au 19e et au 20e siècles. De tels noms découlent d’une logique de supériorité des Blancs et de lutte entre les races attachée au monde de la boxe. Ainsi, alors que des boxeurs noirs sont connus sous des noms du type « Boston Terror », un autre surnom de Sam Langford, leurs opposants blancs sont souvent désignés par les promoteurs sous le titre de « Great White Saviour ».
C’est le 27 avril 1910 que Sam Langford est le plus proche d’être en mesure de décrocher son premier titre à l’occasion d’un combat contre le champion des poids moyens Stanley Ketchel. Bien que ce dernier refuse de mettre son titre en jeu contre le redouté boxeur canadien, les deux hommes disputent un combat serré qui se termine par un match nul, et tout le monde s’attend alors à l’organisation d’un nouveau combat entre les deux adversaires. Cependant, ce combat n’aura jamais lieu : moins de six mois après, Stanley Ketchel est assassiné.
Cécité
Sam Langford perd l’usage de son œil gauche à l’occasion d’un combat contre Fred Fulton le 19 juin 1917. En dépit de son handicap, il continue à combattre pendant huit années supplémentaires.
En 1923, il remporte le titre de champion du Mexique dans la catégorie des poids lourds, et ce, bien qu’on ait dû l’aider à se rendre jusqu’au ring, tant sa vue s’était alors détériorée (voir Cécité et amblyopie). Il va continuer à boxer parce qu’il a besoin de gagner sa vie, mais à mesure que son état empire, la boxe devient pour lui de plus en plus dangereuse. Il monte sur le ring une dernière fois en 1926; toutefois, le combat est interrompu lors de la première reprise, car il se montre incapable de voir son adversaire.
À l’issue de cette ultime bataille, Sam Langford disparaît de la scène sportive. En 1944, Al Lumley décide de retrouver Sam Langford pour contribuer à faire connaître son histoire à une nouvelle génération de partisans. Il le découvre, devenu complètement aveugle, vivant dans la pauvreté dans un immeuble de Harlem, à New York. Après la publication de l’article d’Al Lumley, de nombreuses personnes proposent leur aide à l’ancien boxeur et une fiducie, permettant de financer la chirurgie oculaire dont il a besoin et de lui verser un petit revenu mensuel, est créée.
En 1955, il est intronisé au Panthéon des sports canadiens et au Hall of Fame du magazine Ring Boxing, devenant le premier boxeur n’ayant jamais décroché une ceinture de champion à obtenir cet honneur.
Sam Langford décède l’année suivante.
Héritage et importance
Lorsqu’il raccroche les gants, Sam Langford n’est pas un boxeur pouvant arborer de nombreux trophées, mais il a gagné, au cours de sa carrière, le respect de ses pairs et des spécialistes du sport. Al Lumley écrit « Il s’agit d’un homme dont les spécialistes disent qu’il était le plus grand combattant de l’histoire du ring […] un homme que craignaient les champions qui refusaient de combattre contre lui, un homme qui n’a jamais eu l’occasion de véritablement montrer à quel point il était un grand boxeur. »
À son apogée, entre 1906 et 1914, Sam Langford remporte 85 des 87 combats qu’il livre.
Lorsqu’on lui a demandé quelle était, selon lui, la place de Sam Langford parmi les autres poids moyens, l’ancien champion des poids plume et membre de l’International Boxing Hall of Fame, Abe Attell, l’a désigné comme « le plus grand d’entre tous ».
Nat Fleischer, fondateur du magazine Ring, a dit de lui qu’il était l’un des dix plus grands boxeurs de tous les temps. Il écrit : « Sam avait toutes les qualités : la force, l’agilité, l’intelligence, la puissance de frappe, la capacité à réfléchir et à s’adapter sur le ring et du courage à revendre. »
Jack Dempsey, l’un des plus grands combattants de l’histoire, ancienne icône de la catégorie des poids lourds, écrit à son propos : « Je n’ai jamais eu peur de personne, sauf d’un seul homme contre lequel j’ai toujours refusé de combattre. Bien que plus petit que moi, je savais qu’il me démolirait. J’avais peur de Sam Langford. »
Distinctions et récompenses
- Panthéon des sports canadien (1955)
- Boxing Hall of Fame (1955)
- Temple de la renommée des sports de la Nouvelle‑Écosse (1955)
- Meilleur athlète masculin du 20e siècle de la Nouvelle‑Écosse
- International Boxing Hall of Fame (1990)
- Champion dans la catégorie des poids moyens (Pays de Galles)
- Champion dans la catégorie des poids lourds (Angleterre, Espagne, Mexique)
- Champion du monde des poids lourds de couleur (1910)
- Boxeur du demi‑siècle (Presse canadienne)
- Numéro 2 sur la liste du magazine de boxe Ring des 100 plus grands frappeurs de tous les temps