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Scandale du Pacifique

Le scandale du Pacifique (1872-1873) est le premier grand scandale politique au Canada après la Confédération. En avril 1873, le premier ministre sir John A. Macdonald et les grands dirigeants du cabinet conservateur sont accusés d’avoir sollicité de l’argent de la part de sir Hugh Allan, magnat du transport maritime, pour financer les élections en échange du contrat de construction du chemin de fer du Canadien Pacifique. À cause de cette entente, John A. Macdonald est forcé de démissionner en novembre 1873. Cette démission ne détruit toutefois pas le premier ministre sur le plan politique. Cinq ans plus tard, il mène les conservateurs au pouvoir de nouveau et il occupe le poste du premier ministre encore pendant 18 ans.

Sir John A. Macdonald
(photo par William James Topley, avec la permission de Bibliotheque et Archives Canada/C-10144)
Sir George-Étienne Cartier
L’honorable sir George-Étienne Cartier, ministre de la Milice et de la Défense, juin 1871.
Sir Hugh Allan
Après avoir été un prince de l'industrie du transport, Hugh Allan se tourne vers le chemin de fer, les communications et la finance (avec la permission des Bibliothèque et Archives Canada/C-26668).

Contexte

À l’époque du scandale du Pacifique, les activités financières des partis politiques n’ont pas été réglementées. (Voir Financement des partis politiques au Canada.) Depuis la Confédération jusqu’en 1897, le Parti libéral et le Parti conservateur ont également tendance à s’en remettre aux dons des entreprises, ce qui aboutit régulièrement à des scandales. (Voir aussi Corruption politique.)

En 1871, la Colombie-Britannique se laisse attirer dans le Dominion du Canada suite à la promesse que le chemin de fer transcontinental sera bâti dans les 10 années suivantes. (Voir Histoire du chemin de fer.) Le chemin proposé est 1 600 km plus long que le premier chemin transcontinental américain. Il constitue ce faisant une dépense de taille pour une nation de 3,5 millions d’habitants. Deux groupes syndicaux rivalisent pour obtenir ce contrat, dont le chemin de fer du Canadien Pacifique.

Contribution à la campagne électorale

Le scandale du Pacifique éclate quand le premier ministre sir John A. Macdonald et ses collègues conservateurs, sir George-Étienne Cartier et Hector-Louis Langevin, sollicitent du financement pour les élections générales de 1872. (Voir Campagne électorale.) Sir Hugh Allan, magnat du transport maritime de Montréal et bâtisseur de chemins de fer, est la personne ciblée de leurs sollicitations. Les conservateurs ont besoin de l’argent surtout pour faire campagne au Québec et en Ontario, où ils risquent de perdre des sièges.

Hugh Allan, appuyé par les bailleurs de fonds américains, donne plus de 350 000 $ pour la campagne des conservateurs. Cependant, malgré le financement, les élections ne fonctionnent pas bien. Bien que John A. Macdonald conserve le pouvoir, son gouvernement majoritaire de 1867 est vraiment réduit.

Après les élections, le syndicat du chemin de fer, créé par Hugh Allan, se voit accorder un contrat lucratif de construction du chemin de fer du Canadien Pacifique. Hugh Allan reçoit ce contrat à la condition qu’il se débarrasse du contrôle américain exercé sur le conseil d’administration du syndicat. Cependant, à l’insu de John A. Macdonald, il se sert de l’argent américain pour apporter du financement à la campagne des conservateurs.

Caricature politique sur le scandale du Pacifique


Dévoilement du scandale

Sir Hugh Allan, épistolier prolifique, garde sa correspondance avec sir John A. Macdonald et sir George-Étienne Cartier. Pendant que Hugh Allan et son avocat, John Abbott, sont en Angleterre pour obtenir des fonds pour le chemin de fer du Canadien Pacifique, George Norris, le secrétaire personnel de John Abbott, et son complice volent les lettres compromettantes que John Abbott garde pour Hugh Allan.

Les lettres montrent qu’il existe un accord entre Hugh Allan et les conservateurs, plus précisément entre lui et John A. Macdonald, George-Étienne Cartier et le ministre des Travaux publics, Hector-Louis Langevin. Cet accord garantit que le contrat de construction du chemin de fer du Canadien Pacifique sera accordé à Hugh Allan en échange des fonds pour la campagne des conservateurs. George Norris vend les documents pour 5 000 $ aux députés de l’opposition libérale. Ces derniers dévoilent le scandale le 2 avril 1873 à la Chambre des communes.

Démission des conservateurs

En réponse aux accusations venant des libéraux, sir John A. Macdonald prétend que « ses mains sont nettes », car il n’a pas tiré de profit personnel de son lien avec Hugh Allan. Cependant, selon lui, il ne se souvient pas trop de la campagne électorale de 1872 et des négociations avec sir Hugh Allan à cause de ses problèmes d’alcool. Quelques jours après le dévoilement du scandale à la Chambre des communes, un comité parlementaire est convoqué par le gouvernement de John A. Macdonald afin de faire enquête sur des allégations de conflit d’intérêts et de corruption.

Scandale du Pacifique


Les journaux libéraux publient une avalanche de lettres et de télégrammes préjudiciables quand le comité se réunit pour la première fois en juillet. L’un des éléments de preuve les plus sensationnels contre le premier ministre est le télégramme de John A. Macdonald à John Abbott : « Il me faut un autre montant de 10 000$. Ce sera ma dernière demande. Ne me décevez pas. Répondez aujourd’hui. » Dans un autre télégramme, Hugh Allan écrit à ses financiers américains qu’il sera mis comme président du chemin de fer du Canadien Pacifique « sous certaines conditions monétaires ».

Selon l’opinion publique, John A. Macdonald a « reçu de l’argent provenant des sources douteuses [et] en a utilisé à des fins illégales ».

Vers le mois d’août, lorsqu’il devient évident que le rapport du comité soulignera l’implication directe de John A. Macdonald dans le scandale, il demande au gouverneur général, lord Dufferin, de proroger (suspendre) le Parlement. Lord Dufferin accorde une prorogation de 10 semaines, mais il dit à John A. Macdonald ceci : « Vos liens personnels avec ce qui s’est passé peuvent avoir un effet fatal sur votre poste de ministre. »

John A. Macdonald convoque une commission royale pour faire enquête pendant que le Parlement est suspendu. Durant la séance d’ouverture de la Chambre des communes du 23 octobre, plusieurs députés conservateurs quittent le Parti. Plusieurs entre eux, don Donald Smith (qui devient plus tard directeur du chemin de fer du Canadien Pacifique et obtient le titre de lord Strathcona) se joignent au chef d’opposition Alexander Mackenzie dans son appel au vote de confiance. La majorité des conservateurs sont affaiblis et se voient aussi menacés par la probabilité de l’opposition de l’électorat de la nouvelle province de l’Île-du-Prince-Édouard.

John A. Macdonald comprend que son gouvernement va perdre la confiance de la Chambre des communes. Il demande donc au gouverneur général de dissoudre le Parlement le 5 novembre.

Le saviez-vous?
Donald Smith devient plus tard directeur du chemin de fer du Canadien Pacifique. Il est reconnu pour une photo où il enfonce le dernier crampon du chemin de fer transcontinental achevé, le 7 novembre 1885. En 1897, il est nommé 1er baron Strathcona et Mount Royal.
Le dernier crampon
Donald Smith plantant le dernier crampon en guise d’achèvement du Chemin de fer Canadien Pacifique le 7 novembre 1885.
(avec la permission d'Alexander Ross/Bibliothèque et Archives Canada/C-003693)

L’entreprise de Hugh Allan ne démarre jamais. Une nouvelle entente pour construire le chemin de fer du Canadien Pacifique se fait attendre jusqu’en 1880. Les libéraux sont invités par Lord Dufferin à former un gouvernement avec Alexander Mackenzie en tant que premier ministre. On déclenche une élection en janvier 1874, où le Parti libéral obtient la grande majorité en gagnant 138 sièges sur 206 à la Chambre des communes.

Retour de John A. Macdonald

Le scandale présente la dernière bagarre politique pour sir George-Étienne Cartier. Ce dernier perd en effet son siège à Montréal-Est au cours des élections de 1872, mais il est élu par acclamation dans la circonscription de Provencher, au Manitoba, un mois après. George-Étienne Cartier est au cœur du scandale du Pacifique, car c’est sa signature qui figure dans la lettre proposant le contrat à Hugh Allan. Il meurt l’année suivante, le 20 mai, à Londres en Angleterre, où il reçoit un traitement médical, car il souffre de la néphrite.

John A. Macdonald propose de démissionner comme chef conservateur un jour après sa démission du poste de premier ministre. Cependant, le caucus conservateur refuse sa démission. Il reprend le pouvoir en 1878, quand son parti gagne les élections. Il occupe les fonctions de premier ministre jusqu’à sa mort, en 1891. Et c’est ironiquement John Abbott, l’avocat de sir Hugh Allan au moment du scandale, qui lui succède.

Sir Hector-Louis Langevin

Sir Hector-Louis Langevin, député de Dorchester (Québec) et ministre des Travaux publics; Ottawa (Ontario); juillet 1873.
(avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada, PA-026409)


Héritage de Hector-Louis Langevin

En 1873, Hector-Louis Langevin quitte la politique à cause de son rôle dans le scandale du Pacifique. Il envisage un retour en politique fédérale au cours des élections de 1878, mais il perd les élections dans la circonscription de Rimouski. Un mois plus tard, il est élu par acclamation dans la circonscription de Trois-Rivières et devient ministre des Travaux publics. C’est le même poste qu’il occupe au Cabinet avant la démission du gouvernement, en 1873. Mais la roue tourne pour lui après la mort de John A. Macdonald, en 1891. Cette année-là, il s’implique dans un scandale avec le député Thomas McGreevy, surnommé le « scandale McGreevy-Langevin ». Cette affaire impliquant des rebonds de contrats fédéraux à Thomas McGreevy est encore plus déplaisante. Hector-Louis Langevin démissionne de son poste de ministre des Travaux publics. Il est exilé à l’arrière-plan avant de quitter la politique, en 1896. Thomas McGreevy est condamné à un an de prison.

L’édifice qui abrite le Cabinet du Premier ministre à Ottawa portait le nom d’édifice Langevin de 1889 à 2017 en l’honneur de sir Hector-Louis Langevin. Cependant, le grand bâtiment calcaire en face de la Colline du Parlement est renommé le Cabinet du Premier ministre et du Conseil privé lorsqu’il devient évident que Hector-Louis Langevin a joué un rôle dans la création du réseau des pensionnats indiens.

Voir aussi Favoritisme politique au Canada; Corruption politique; Conflit d’intérêts.

Bureau du premier ministre et du Conseil privé

Bureau du premier ministre et du Conseil privé (autrefois l'édifice Langevin), à Ottawa.
(avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada/PA-179371)