Sculpture
La première sculpture en NOUVELLE-FRANCE, une sculpture sur bois, est le travail d'artisans venus de France. En 1671, l'intendant Jean TALON demande au gouvernement français de lui envoyer des sculpteurs afin qu'ils exécutent le travail décoratif du vaisseau de marine marchande qu'il a commandé, Le Canadien. Les communautés religieuses et des citoyens d'importance locale importaient les sculptures d'Europe, mais un tabernacle commandé pour l'Hôtel-Dieu de Québec en 1704 mit 12 années pour arriver au pays. En 1675, les autorités du SÉMINAIRE DE QUÉBEC ramènent de France deux sculpteurs, Samuel Genner et Michel Fauchois, qui travailleront à l'ornementation des différentes chapelles du séminaire pendant leur séjour au pays, qui sera d'une durée de trois ou quatre ans. C'est à partir de ce moment-là qu'un flot ininterrompu de sculpteurs arrivent en Nouvelle-France. Les plus connus d'entre eux sont Denis Mallet de Alençon, Charles Chabouli de Saint-Rémi de Troyes et Jan Jacques Bloem (mieux connu sous le nom de Jean Jacquiès dit Leblond) de Bruxelles. Ces premiers sculpteurs répondent aux besoins de la colonie, et instaurent un système d'apprentissage qui leur permet de former les premiers sculpteurs locaux.
D'autres sculpteurs arrivent au XVIIIe siècle : Gilles Bolvin de Saint-Nicholas d'Avesnes en Flandres, François Guernon dit Belleville de Paris et Philippe Liébert de Nemours. Des sculpteurs locaux commencent également à émerger. En 1651, les frères Jean et Pierre LEVASSEUR s'installent en Nouvelle-France à titre de charpentiers et leurs petits-fils, Noël et Pierre-Noël, deviendront sculpteurs. Ils constituent la première de plusieurs générations de sculpteurs locaux de renom en Nouvelle-France qui établissent également des liens amicaux avec les nouveaux arrivants de leur domaine, entre autres Chabouli et Jacquiès dit Leblond. Il ne reste cependant pas grand chose de la sculpture, religieuse ou profane, de ce siècle.
Le plus vieil ensemble sculptural au Canada est un superbe baldaquin (dais ornemental) qui se trouve dans le choeur de l'église de Neuville près de Québec. Bâti de 1690 à 1700 pour la chapelle du palais épiscopal de Mgr de St-Vallier, ce baldaquin est une réplique réduite de celui de la chapelle de Val-de-Grâce, à Paris, ce qui démontre l'importance des modèles européens pour la colonie (voir ARCHITECTURE; ART; PEINTURE).
En 1712, Jacquiès dit Leblond, un protégé de Noël Levasseur, fabrique le retable situé derrière l'autel de la chapelle du couvent des Récollets à Montréal. Ce retable se trouve aujourd'hui dans le choeur de l'église de Saint-Grégoire-de-Nicolet, en face de Trois-Rivières. Le maître-autel de la chapelle des Ursulines à Québec, conçu par Noël Levasseur de 1732 à 1737, rappelle un arc de triomphe. Bien que principalement constitué de reliefs, il donne l'illusion d'une troisième dimension grâce à la hauteur que lui confèrent le jeu des surfaces blanches richement décorées, des colonnes noires, des panneaux anecdotiques dorés et des statues tout autour. En termes de complexité, de monumentalité et de style baroque latent, il rappelle les prototypes français.
Les sculpteurs du régime français ne se limitent pas aux oeuvres à caractère religieux. En 1727 environ, un des frères Levasseur (probablement Noël) reçoit une commande pour la sculpture des armoiries royales destinées à être installées au-dessus de l'entrée des édifices du gouvernement de la colonie. L'une de ces sculptures est conservée au Musée du Québec et il s'agit de l'exemple le plus ancien de sculpture profane au Canada. En 1700, Denis Mallet sculpte un lion en figure de proue pour le navire du sieur Brouve. En 1704, un capitaine de Québec nommé Louis Prat commande à un sculpteur anonyme une figure de proue représentant Saint Michel Archange en armure pour son navire, le Joybert, que l'on peut voir sur une PEINTURE VOTIVE conservée à Sainte-Anne-de-Beaupré. En 1715, le même Louis Prat engage Noël Levasseur pour la décoration de son nouveau navire, le Raudot.
L'établissement d'un chantier maritime royal dans la colonie favorise ce genre de sculpture. Noël, Pierre et Jean-Baptiste Levasseur décrochent des contrats intéressants pour décorer des vaisseaux de la marine française. La figure de proue de la frégate Castor représente un castor et un bouclier aux armoiries de la France. L'écusson arrière du vaisseau ravitailleur Caribou reçoit un bas relief à l'effigie de cet animal canadien. Les différentes tribus amérindiennes sont également honorées : L'Algonquin est mis à l'eau en 1750, l'Abénaquise en 1754, l'Iroquoise et l'Outaouaise en 1759. Malheureusement, aucun de ces navires ne surmontera l'épreuve du temps, et seules les archives relateront leur existence. Un des responsables du chantier maritime royal se plaignait souvent de la piètre qualité des sculpteurs locaux. C'est probablement lui qui, en 1743, envoie Pierre-Noël Levasseur II à l'atelier de sculpture de l'arsenal français à Rochefort, mais l'apprenti choisira de ne pas revenir au pays.
Si les sculpteurs sur bois de la Nouvelle-France reconnaissent les modes et tendances ayant cours en France au XVIIe siècle, les quelques pièces conservées de cette époque nous permettent de croire que le style de la sculpture coloniale est quelque peu différent. Les formes riches et arrondies du baroque français sont généralement remplacées par une robustesse qui rend la sculpture canadienne unique en son genre. Cette caractéristique de la sculpture canadienne-française va perdurer pendant une bonne partie du XIXe siècle, et elle est aussi probablement liée aux qualités et aux limitations du bois, matériau utilisé en Nouvelle-France. À la différence des sculpteurs français, les sculpteurs de la Nouvelle-France ne travaillent pratiquement jamais la pierre.
En raison du changement de gouvernement en 1760, l'économie durement éprouvée par la guerre et la destruction ainsi que le départ des officiers français sonnent le début d'une période difficile pour les sculpteurs de la colonie. La guerre de l'Indépendance américaine entraîne la construction de vaisseaux de guerre à Saint-Jean-sur-Richelieu de 1775 à 1777, et certains de ces navires, incluant la goélette Maria et la frégate Royal George, recevront des figures de proue.
La situation économique s'améliore au Canada dans le dernier quart du siècle et la croissance constante de la population force les autorités ecclésiastiques à créer de nouvelles paroisses. La vague de construction d'églises qui résulte de cette situation est une véritable mine d'or pour les sculpteurs, et une nouvelle dynastie s'élève : la famille BAILLAIRGÉ. François Baillairgé étudie en France de 1778 à 1781, puis il visite Londres. À son retour, il apporte à la colonie une fusion de deux grandes traditions artistiques et de nombreuses nouvelles tendances. Pour l'église Notre-Dame-de-Québec, il sculpte un immense baldaquin appuyé aux murs du choeur et un grand autel. À partir de 1816, et ce pendant plus de 10 ans, il travaille à ce qui deviendra son oeuvre la plus raffinée, dans la petite église de Saint-Joachim, près de Sainte-Anne-de-Beaupré : la mise en oeuvre puis la décoration de quatre colonnes monumentales inspirées par le théoricien Jérôme Demers. Baillairgé remplit également des commandes de sculpture profane, dont plus du tiers de toutes les figures de proue faites à Québec. Il devient sculpteur du roi pour les chantiers maritimes de Saint-Jean-sur-Richelieu et de Kingston. Les plans qu'il a conçus pour la construction de deux vaisseaux militaires seront conservés : le Royal Edward et le Earl of Moira. Il sculpte également quelques enseignes pour des commerçants de Québec, ainsi que la Masse de l'Assemblée législative du Bas-Canada.
C'est au cours de ces années que Philippe Liébert parvient au sommet de sa carrière. Il se taille une réputation en 1790 en sculptant le grand autel de la chapelle des Soeurs grises à Montréal. Peu après, d'autres paroisses de la région (Sault-au-Recollet, Sainte-Rose, Vaudreuil) lui commandent des oeuvres similaires. Au début du XIXe siècle, Louis QUÉVILLON devient le sculpteur le plus important de la région de Montréal, et son inspiration lui vient de Liébert. Dans presque toutes les églises construites entre 1800 et 1825, on peut trouver des oeuvres de Quévillon et de ses associés, notamment Joseph Pépin, René St-James, Paul Rollin et de nombreux apprentis. Afin de répondre à la demande constante, Quévillon tente d'uniformiser ses oeuvres, et tous ses autels suivront systématiquement le modèle de Liébert. L'oeuvre du groupe Quévillon la mieux conservée se trouve dans la petite église de Saint-Mathias, près de Chambly.
Les oeuvres profanes continuent d'être importantes au début du XIXe siècle. L'Angleterre a besoin de navires pour sa marine marchande qui a subi d'énormes pertes durant les guerres napoléoniennes. Les chantiers maritimes britanniques d'Amérique du Nord comprennent maintenant Québec, Yarmouth, Lunenburg et Halifax en Nouvelle-Écosse, différents chantiers de la vallée Saint-Jean et de la rivière Miramichi au Nouveau-Brunswick, Bath (près de Kingston) et Niagara-on-the-Lake dans le Haut-Canada. Parmi les 2112 navires construits à Québec entre 1762 et 1897, 1651 sont garnis de figures de proue.
Au cours du XIXe siècle, 10 000 figures de proue sont probablement sculptées au Canada, et presque tous les sculpteurs du pays y travaillent, notamment Louis-Xavier Leprohon, Louis-Thomas Berlinguet, André Giroux et Jean-Baptiste Côté. Des Écossais comme John Rogerson travaillent à partir du Nouveau-Brunswick. Bon nombre de sculpteurs sur bois de navires travaillent dans l'anonymat. Les figures de proue sont modelées sur des personnages historiques, des notables locaux, des Amérindiens et des membres de la famille du propriétaire du bateau. On découvre aussi des représentations plus générales, comme des femmes, des animaux (surtout d'origine canadienne : ours, caribou, castor) ou de simples motifs. La poupe des navires est également décorée, surtout de manteaux d'armoiries ou de boucliers à décorations d'armoiries, souvent accompagnés d'autres accessoires ornementaux. C'est toutefois la fin d'une l'époque, celle de la construction traditionnelle de navire. Au milieu du XIXe siècle, les machines à vapeur auront complètement remplacé les voiles et les plaques métalliques remplacent graduellement les vieilles coques de bois. De nouvelles solutions décoratives rendent désuet le jadis lucratif marché de décoration de navires (voir VOILIERS; ARTS POPULAIRES).
Les sculpteurs prennent également part aux travaux de menuiserie. Des parties de MEUBLES, comme des dos de chaise, sont souvent sculptées et les marchands, de tabac surtout, les tenanciers de taverne et les vendeurs d'instruments de navigation font parfois appel à des sculpteurs pour la création d'enseignes pour leur commerce.
La deuxième moitié du XIXe siècle voit l'apparition du phénomène qui va faire s'effondrer le marché de la sculpture sur bois traditionnelle : la statuaire de plâtre. En 1824, l'Italien Donati fait une réplique en plâtre des sculptures de François Baillairgé sur les voûtes à caissons de la cathédrale de Québec. Trente ans plus tôt, Liébert utilisait déjà des moules pour les éléments décoratifs de ses autels. Quévillon les utilise également, probablement des moules ayant appartenu à Liébert. À son retour d'un voyage en Italie en 1846, Mgr Bourget fait découvrir Hector Vacca au marché montréalais. Carlo Catteli arrive à la même époque et fera des statues de plâtre pour les églises de Montréal. Vers 1855, deux sculpteurs français, G.H. Sohier et Alexis Michelot, fondent une « Académie des beaux-arts » qui, bien qu'elle durera moins d'un an, annonce le début, au Canada, de la sculpture académique, exécutée en plâtre.
Les sculpteurs sur bois sont lents à réagir : ils ne se rendent pas compte de l'ampleur du changement qui est en train de se produire ou de l'influence des nouvelles techniques. Plus la Révolution industrielle s'installe au Canada, et plus le métier de sculpteurs sur bois tombe en désuétude. Jean-Baptiste Côté, un des sculpteurs sur bois les plus importants de cette époque résume la situation en une phrase : « Mon temps est passé ». Quelques sculpteurs parviennent tout de même à survivre en ramassant le plus de commandes possible.
Louis JOBIN, un sculpteur formé à l'atelier de François-Xavier Berlinguet, doit se rendre à New York pour terminer ses études. Puis, il travaille à Montréal pendant cinq ans et déménage à Québec à la fin de 1875. Il sculpte les statues néogothiques de l'église de Saint-Henri de Lévis, puis travaille aux chars allégoriques du défilé de la Saint-Jean-Baptiste en 1880. Le char de l'agriculture est conservé au Musée du Québec. Il est l'un des premiers sculpteurs sur glace des débuts du Carnaval de Québec. À la fin du siècle, Jobin quitte Québec et s'établit à Sainte-Anne-de-Beaupré, dernier bastion de la sculpture sur bois d'oeuvres religieuses, où il essaie d'imiter sur du bois ce que toute une nouvelle génération de sculpteurs crée avec d'autres matériaux, comme le bronze. Sa mort en 1928, signifie également la mort de la sculpture sur bois traditionnelle. Certains aspects de celle-ci ont survécu au Québec, principalement dans la ville de Saint-Jean-Port-Joli où, à une échelle plus réduite, l'on crée des oeuvres souvent inspirées par un profond sentiment de nostalgie pour un passé perdu et qui intéressent particulièrement les touristes. Ces sculptures ont toutefois très peu en commun avec les oeuvres monumentales en bois qui embellissaient, à une certaine époque, les églises et les navires du Nouveau Monde.
JEAN BÉLISLE
Sculpture 1880-1950
Il fut de mode chez les critiques qui se penchaient sur la sculpture des années 1880 à 1950 de déplorer le déclin de la sculpture sur bois et l'essor du plâtre et du bronze, comme si le bois possédait des vertus d'authenticité qui manquaient aux deux autres matériaux. Pourtant, c'est souvent en raison des limites même du bois que les sculpteurs de cette période préférèrent le bronze. Il s'agit d'un matériau qui résiste mieux aux rigueurs de notre climat et, pour sa part, le bois impose des contraintes à l'imagination des artistes qui sont moins fortes quand ils utilisent la glaise, le plâtre ou le bronze. Comme la sculpture de la pierre, la sculpture sur bois procède par soustraction, alors qu'avec les autres matériaux, elle procède par addition, s'adonnant au modelage plutôt qu'à la taille.
Pour faire une sculpture de bronze, le sculpteur commence par faire un modèle en terre glaise, à partir duquel on fabrique un moule dans lequel le bronze est coulé. C'est une technique qui permet une grande flexibilité et des possibilités d'expression pour ainsi dire infinies. Comme nous ne possédions pas au Canada avant les années 60 de fonderies capables de couler de grosses pièces, en particulier les monuments publics, nos sculpteurs faisaient couler leurs pièces aux États-Unis ou en Europe.
On peut classer la sculpture de cette période en trois grandes catégories, ayant leur correspondants en Europe à l'époque : le réalisme, l'art nouveau et l'art déco. La sculpture canadienne ne se développa pas en vase clos. Elle n'en a pas moins une certaine originalité.
Sculpture 1950-1980
Certaines des oeuvres canadiennes les plus innovatrices de 1950 à 1980 appartiennent au domaine de la sculpture. Au cours de cette période, une grande variété de matériaux nouveaux s'offrent aux sculpteurs qui y vont de nouveaux types de construction, d'oeuvres multimédias, d'installations et d'inventions in situ, de même que d'objets autoréférenciels plus traditionnels.Le nouvel essor de la sculpture au Canada dans cette période fait partie d'une entrée en majorité universelle de la sculpture, découlant en partie de l'amélioration des communications et des transports. Depuis 1950, les artistes ont une bien meilleure expérience des oeuvres d'art que leurs prédécesseurs, grâce à la photographie couleur, à la facilité de voyager et à la fréquence des expositions itinérantes. Le CONSEIL DES ARTS DU CANADA et les agences provinciales connexes soutiennent les artistes, facilitent leurs déplacements, encouragent la croissance ainsi que les programmes des galeries d'art et des musées partout au pays. Il n'y a pas une explication unique à l'effervescence de la sculpture au Canada dans la deuxième moitié du XXe siècle. Un nouveau climat d'expérimentation dans les écoles d'art et les universités représente à la fois la cause et l'effet. Expositions spéciales, professeurs et critiques, symposiums et achats majeurs stimulent les sculpteurs selon les différentes régions. Pour certains, réagir contre les influences est aussi important que d'y répondre. Peu importent les raisons, la prolifération de sculpteurs sérieux de 1950 à 1980 est un phénomène nouveau (voir ASSOCIATIONS D'ARTISTES).
Au Canada comme en Europe, le développement de la sculpture prend du retard sur celui de la peinture. Depuis des siècles, la sculpture est synonyme d'objets figuratifs sculptés ou modelés dans le bois, la pierre ou le bronze, habituellement debout sur un piédestal ou encore incorporés dans un ensemble architectural. Graduellement, comme dans d'autres formes d'art, la sculpture remet également en question les notions traditionnelles de forme, de contenu et de technique et prend part au mouvement esthétique révolutionnaire connu sous le nom de « modernisme ».
Au départ, même les sculpteurs canadiens les plus audacieux (qui se sont en grande partie retirés du courant d'art innovateur) se joignent prudemment à la révolution. Bien qu'ils soient sans doute des adeptes du modernisme, des sculpteurs québécois comme Louis Archambault et Charles DAUDELIN utilisent, dans les années 40, des techniques plutôt traditionnelles pour créer des images non traditionnelles. Ces pionniers sont rejoints par les autres dans les années 50, mais une grande partie de la sculpture moderne la plus réussie conserve une forte préférence pour le figuratif. John Ivor Smith, Anne KAHANE, George Wallace et William McElcheran utilisent tous le figuratif comme point de départ, pour ensuite le simplifier et le styliser, adoucissant ou élaborant les surfaces. Kahane travaille de nombreux matériaux, alors que les autres préfèrent le bronze.
À la fin des années 50 et au début des années 60, les techniques plutôt traditionnelles dominent toujours, même parmi ceux qui s'étaient éloignés de la référence littérale du figuratif. L'utilisation de masses douces, sculptées ou coulées, révèle une connaissance du sculpteur britannique Henry Moore, comme dans les marbres soigneusement polis de Hans Schleeh. Même chez ceux que d'autres approches intéressent, il y a un certain conservatisme rappelant la sculpture britannique et européenne de l'époque. Les oeuvres de Robert ROUSSIL ressemblent à un amalgame de Moore et d'expressionnisme aigu. David Partridge développe un type de relief idiosyncrasique en plantant des clous de grosseurs variées dans le bois. Ulysse COMTOIS, connu pour ses peintures éclatantes animées d'effets optiques, réalise également de très élégantes sculptures à pièces géométriques mobiles.
Les pièces coulées abstraites aux textures agressives d'Armand VAILLANCOURT retiennent l'attention. Un mouvement singulièrement autonome, le « structuralisme », s'épanouit après les années 50, surtout dans les Prairies, sous l'influence d'Eli BORNSTEIN. Les structuralistes comme Gino Lorcini et Ron Kostyniuk explorent les permutations géométriques dans des reliefs peu profonds et sculptés avec élégance.
Les artistes canadiens ont tendance à se tourner vers l'Europe, spécialement l'Angleterre, pour trouver de l'inspiration. Nombre d'entre eux ont étudié en Angleterre ou auprès d'artistes britanniques dans des écoles d'art canadiennes, mais le fait le plus important est que Henry Moore commence à être reconnu à l'échelle internationale dans les années 50. Son amalgame de formes naturelles et de formes inventées semble une bonne façon de transposer la grande tradition de la sculpture au XXe siècle. Une autre « nouvelle tradition » datant de la fin des années 20 commence toutefois à être tout aussi puissante : la sculpture abstraite, apparentée au dessin, faite de fer, d'acier et d'objets trouvés. Cette révision radicale de l'essence de la sculpture, amorcée par Pablo Picasso et Julio Gonzalez en France, se poursuit à New York, comme ce fut le cas pour d'autres notions aussi radicales au sujet de la peinture. À la fin des années 50 et au début des années 60, il devient évident que le centre de l'art innovateur s'est déplacé de l'Europe vers l'Amérique du Nord et que les Canadiens commencent à trouver de grandes stimulations sur leur propre continent.
L'art de la fin des années 60 est caractérisé par une nouvelle ouverture, une volonté d'accepter les nouvelles idées, les nouveaux matériaux et les nouvelles techniques. Ces possibilités accrues se reflètent clairement dans l'art canadien. Une nouvelle génération de sculpteurs canadiens atteignent la maturité dans les années 60, et leurs idées sont beaucoup plus audacieuses que celles de leurs prédécesseurs. Certains d'entre eux, notamment Les Levine et Michael SNOW, sont des peintres aussi bien que des artistes multimédias, mais ce sont leurs oeuvres tridimensionnelles qui établissent leur réputation. Les modules de plastique formés sous vide que Levine présente à toute une génération de Canadiens constituent la forme la plus moderne de sculpture environnementale du moment, et les divers « prototypes » de femme marchant créées par Snow en acier inoxydable sont accueillis avec beaucoup d'enthousiasme. D'autres artistes, Gord Smith par exemple, sont exclusivement des sculpteurs. Smith, Yves TRUDEAU, Gerald Gladstone et Vaillancourt expérimentent toutes les possibilités de la construction en acier soudé.
La sculpture moderniste attire peu à peu des adeptes dans tout le pays. Si la génération précédente de Canadiens suivait l'exemple de Henry Moore, de nombreux sculpteurs des années 60 et 70 s'intéressent aux oeuvres en acier du sculpteur américain David Smith, et de son collègue plus jeune, le Britannique Anthony Caro. À Saskatoon, Otto ROGERS travaille avec autant de facilité la peinture abstraite de paysages que la sculpture de vigoureuses pièces d'acier linéaire. À Regina, John Nugent, un des premiers admirateurs de David Smith, est devenu un ambitieux sculpteur d'acier. À Calgary, Katie Von Der Ohe expose des piles complexes de formes emboîtées. À Toronto, Ted Bieler reçoit de nombreuses commandes publiques et Sorel ETROG connaît la célébrité grâce à ses bronzes « noduleux » typiques qui doivent beaucoup aux oeuvres tardives du cubiste français Jacques Lipchitz. Au Québec, Françoise SULLIVAN, danseuse moderne, chorégraphe et artiste visuelle, abandonne toutes ses autres activités pour se consacrer à des constructions d'acier peint. Robert MURRAY est sans doute le sculpteur canadien le plus important de sa génération. Son travail sérieux de construction sur métal est reconnu dans le monde entier. Il travaille avec les fabricants à la production de structures de grandes dimensions, à plans courbes, richement colorées de finis industriels.
L'aspect le plus passionnant de la sculpture canadienne des années 70 et 80 est sa diversité. Les approches varient de la fabrication « orthodoxe » d'objets au dépassement des limites de la discipline. Les fabricants d'objets vont de Kosso ELOUL, dont les constructions modulaires de solides rectangulaires se trouvent dans de nombreux lieux publics, à Roland POULIN et Peter Kolisnyk, dont les oeuvres sont les plus simples indicateurs possibles de notions sculpturales menacées de disparaître dans le pur concept.
La « nouvelle tradition » de sculpture construite à partir de matériaux variés devient particulièrement forte dans les Prairies, bien qu'elle compte des praticiens de talents ailleurs au pays, comme les Ontariens André FAUTEUX et Louis Stokes. Dans l'Ouest, Douglas BENTHAM, Alan REYNOLDS et Peter HIDE ont tous développé des façons efficaces très personnelles de travailler le métal soudé. Chacun est différent, mais ensemble, ils semblent moins intéressés par la sculpture comme « dessin dans l'espace » et plus préoccupés de trouver de nouvelles façons de transformer la masse et le volume du monolithe traditionnel en constructions abstraites. Les oeuvres de Michael Bigger, Tommie Gallie, Haydn Davies, Patrick Thibert et Henry Saxe attestent de l'étendue de la tradition au Canada, des billes de bois empilées de Gallie aux évocations de « tables » de Thibert. Saxe travaille à la fois les constructions d'acier orthodoxes et les oeuvres multisectionnelles complexes. David RABINOWITCH pousse la recherche plus loin avec des questions sur les possibilités expressives du poids et de la masse de l'acier, alors que Royden RABINOWITCH explore l'horizontalité et la planéité. À Toronto, John McEwen interroge la nouvelle tradition de la sculpture d'acier avec des images naturalistes et du découpage au chalumeau de dalles de métal massives. Au Québec, Claude Mongrain, Roland Poulin et Jean-Serge Champagne mettent au point des variations sur les notions de construction en incorporant des combinaisons inattendues de matériaux.
Dans les années 70 et 80, de nombreux sculpteurs sont fascinés par les nouvelles technologies et les médias : Michael HAYDEN utilise des tubes fluorescents dans des oeuvres statiques et cinétiques. Walter Redinger et Ed Zelenak utilisent la fibre de verre, Don Proch, la fibre de verre moulée, souvent couverte de dessins, et présentée avec des éléments issus d'autres médias. Les images cauchemardesques de Mark PRENT proviennent d'objets fabriqués et recyclés combinées ensemble grâce à des prouesses techniques. Les machines délicates et improbables de Richard PRINCE sont des constructions cinétiques intimes.
Pour d'autres sculpteurs, le simple objet discret semble trop restrictif. Ils créent donc des structures qui répondent aux particularités de certains sites ou aménagements, et cela à une échelle qui exige souvent que l'observateur pénètre dans l'oeuvre ou s'y déplace. Comme pour l'architecture, ces sculptures dépendent de la participation physique autant que visuelle mais, contrairement à l'architecture, elles n'ont pas de fonction spécifique. George TRAKAS et Melvin CHARNEY créent des parodies saisissantes, souvent poétiques, de structures élaborées par l'Homme. Robert Bowers et Mark Gomes utilisent aussi des objets quotidiens, souvent banals, comme points de départ pour des oeuvres qui restent davantage centrées sur elles-mêmes. Roland Brener développe cette notion, employant des marchandises usinées de façon systématique. Cornières de métal et échafaudages industriels sont utilisés avec le même succès.
Même s'ils explorent de nouvelles idées provocatrices, ces sculpteurs demeurent des constructeurs d'objets, même si ceux-ci ne sont pas conventionnels. D'autres artistes sont plus intéressés par le procédé que par le résultat, et leurs « sculptures » sont souvent simplement le sous-produit d'un événement ou le symbole d'une idée. La documentation au sujet d'un événement peut devenir une partie de la structure finale, comme dans les oeuvres de Colette WHITEN . Les constructions environnementales de Mowry Baden existent plus pour les sensations physiques qu'elles provoquent chez les « observateurs » qui s'y déplacent que pour leur apparence. La grandeur et la forme des objets de Robin Peck sont dictées par les proportions du lieu où ils se trouvent. Pour d'autres artistes, les moments éphémères ou les phénomènes prévalent sur l'objet. L'oeuvre de ces artistes peut inclure des projections de films, des sons, des structures temporaires ou périssables, de même que le passage du temps lui-même. Bien que leurs oeuvres contiennent souvent beaucoup d'équipement tridimensionnel, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle on les a appelées « sculpture », elles semblent peu concernées par les notions sculpturales. Elles appartiennent à une autre catégorie, plus près de la littérature ou du théâtre, près des happenings des années 60.
Pendant les années 80, un regain d'intérêt pour l'art des lieux publics, mis en évidence par des programmes allouant un certain pourcentage du coût de construction des édifices à des projets d'art dans certaines nouvelles constructions, amène bien des sculpteurs à reconsidérer leur attitude vis-à-vis l'objet autonome. Ils commencent à penser en termes de collaboration avec les architectes pour la création d'oeuvres d'art à l'échelle publique qui pourraient représenter une véritable intégration des disciplines. La compétition de Montréal pour la conception de fontaines visant à mettre en valeur la rive reconquise du fleuve, la composante artistique du nouveau stade couvert de Toronto ainsi que de nombreux autres projets du même genre partout au pays sont de bons exemples de cette nouvelle façon de penser (voir ART DES LIEUX PUBLICS).
La sculpture relativement traditionnelle a toujours des adeptes. Peu répandue en raison des contraintes imposées par le matériau, les meilleures oeuvres en céramique d'artistes comme Victor Cikansky et Joe FAFARD rappellent la tradition de la sculpture figurative du portrait. Dans la génération plus jeune, les nus et les torses obsédants d'Evan Penny sont dignes de mention. Les bronzes abstraits de Ric Gomez sont des objets précieux très élégants.
Dans les années 80, pratiquement n'importe quoi peut être qualifié de sculpture. Il n'y a pas d'approche « officielle », pas de méthode unique ou de médium qui garantisse le succès ou le sérieux de l'artiste. L'antithèse de la traditionnelle académie est atteinte, de même que ses standards d'excellence préconçus et les niveaux d'accomplissement mesurables. La sculpture canadienne est devenue une histoire d'individus qui parlent un langage sculptural international, probablement avec un accent canadien. Il devient difficile d'en isoler le caractère typiquement canadien. Voir aussi ART AUTOCHTONE; ART INUIT; AUTOCHTONE DE LA CÔTE DU NORD-OUEST, ART.
KAREN WILKIN
Sculpture contemporaine
Depuis les années 1980, les frontières qui délimitent les pratiques artistiques contemporaines ne cessent de se modifier et de s'estomper, nous obligeant à revoir nos conceptions de la sculpture. La pluralité et la diversification des moyens d'expression, des techniques et de la forme ont ouvert à la sculpture des voies divergentes, avec de nombreuses écoles et des représentations multiples.Les nouvelles tendances de la sculpture contemporaine canadienne reflètent un cosmopolitisme croissant qui allie les pratiques conceptuelles des années 1970 (General Idea, Michael SNOW, Fastworms) à une résurgence du figuratif (Mark Prent, David Pelletier, Evan Penny, John Hopper) et, dans les années 1980, à l'autonomie de l'objet (Robert Bowers, John McKinnon). Marquées par les images de la culture pop et de la culture de masse et renforcée par des références à Duchamp, la sculpture canadienne entre dans l'ère post-moderne avec des oeuvres qui traitent de l'illusion et de la réalité, qui adoptent des points de vue changeant et réinterprètent les objets. Les fluctuations continuelles que connaît la sculpture pendant cette période éliminent les nombreuses hiérarchies qui existaient auparavant en art. Ce phénomène s'accompagne d'une prise de conscience de toutes les possibilités inhérentes à la sculpture, chacune exigeant une même reconnaissance - installation, géosculpture et land art, sculptures cinétique et sonore, sculpture publique aussi bien que traditionnelle, sculpture axée sur l'objet, formes sculpturales.
Au cours des dernières décennies, la sculpture se base moins sur la matière et devient de plus en plus analytique, la « nouvelle histoire de l'art » ouvre la porte à la méthodologie et à la critique. La réaction des sculpteurs canadiens à ces défis intellectuels et analytiques se manifeste par la récente approche multidisciplinaire de la sculpture et par un mélange éclectique de préoccupations universelles et de points de vue très personnels, voire biographiques. L'influence du féminisme, de la linguistique et des théories littéraires et post-structuralistes sur la production sculpturale canadienne dans les années 1990 prend sa source dans le champ, aujourd'hui très étendu, de l'art tri-dimensionnel. Dans un assemblage d'images post-modernes, d'objets, d'éléments structuraux, de composants textuels et conceptuels, certains sculpteurs contemporains construisent un récit, d'autres une enquête, et d'autres encore s'approprient le passé pour commenter le présent et réfléchissent à l'avenir par le biais du mythe et de la technologie, du sacré et du profane.
La sculpture anecdotique et la sculpture tableau ressemblent à l'installation et présentent un décor de théâtre dans lequel le spectateur devient un participant actif. Gilles Mihalcean, Mark Gomes, Noel Harding et Walter May, entre autres, superposent des images multiples que le spectateur lit et interprète à divers points de la configuration. Comme dans les improvisations ou le spectacle-action des années 1960, il n'y a souvent ni logique, ni climax, ni discours rationnel ou structure. L'oeuvre étant plus poétique que didactique, c'est le spectateur qui détient la clé de la solution, reconstruisant l'anecdotique à partir d'une position intérieure et extérieure. L'artiste peut, ou non, révéler l'intrigue.
Rappelant les oeuvres des surréalistes et les associations anecdotiques créées par la simple présentation d'objets disparates, l'oeuvre de Catherine Widgery étend la sculpture anecdotique aux domaines de la fantaisie et de la poésie. En créant des images hybrides surréalistes à partir d'objets familiers, telle une bouilloire en fonte rouillée d'où sortent des branches plutôt que de la vapeur, l'artiste établit une série de paradoxes aux multiples nuances poétiques subtiles engendrées par les composants incongrus de l'oeuvre. Les qualités tactiles séduisantes des objets, comme les oxymorons visuels, dépassent la dimension conceptuelle de son oeuvre. On retrouve un effet similaire dans la combinaison de nuances sensuelles et intellectuelles dans les sculptures de Martha Townsend, Ed Zelenak et Michael Davey. Tandis que Townsend mêle les matériaux en enveloppant de cuir des disques en bois, les plaques sculpturales de Zelenak juxtaposent papier et plomb dans un cadre graphique et sculptural ambigu. Ex-votos des temps modernes, les oeuvres de Davey intègrent des objets iconiques et iconographiques de l'univers contemporain. Tom Bean mêle des formes figuratives primitives et des cheveux humains ou des objets inanimés, tandis que Michel Goulet, avec ses chaises sans siège et ses poubelles incorporant des objets industriels divers et banals, se penche sur l'absurdité, la mutabilité et la discordance des états d'existence.
L'assemblage et la notion de bricolage, la fabrication d'un nouvel objet à partir de débris du paysage urbain jetés au rebut et recyclés et de biens industriels manufacturés continuent de faire partie du vocabulaire de la sculpture contemporaine. Elspeth Pratt façonne des pièces architecturales fragmentaires avec des matériaux de construction ordinaires qui, tout en provoquant des associations avec des structures ou objets familiers, défient toute identification formelle. Erwin Regler soude des débris qu'il a récupérés pour en faire des oeuvres denses et complexes. Puis, renouvelant l'art de la sculpture, il sculpte des formes avec son chalumeau de soudeur. Plusieurs sculpteurs travaillant suivant des variantes du mode constructiviste sont attirés par l'aspect évocateur de l'acier. Les sculpteurs de l'acier des années 1970 et 1980 (Robert MURRAY, Henry Saxe, Douglas BENTHAM, Alan REYNOLDS, Peter HIDE, André FAUTEUX) continuent d'exploiter un vocabulaire formel souvent empreint de références spécifiques à l'anecdote. D'autres comme Ken MACKLIN, Clay Ellis, Catherine Burgess, Isla Burns, Claude Millette et Liliana Berezowsky modifient les principes du modernisme. Leurs formes primaires recèlent une esthétique personnelle et un sens du lyrisme qui contestent le passé. Les installations d'acier d'André Fournelle comportent des éléments de néon ou des images poétiques, tandis que ses immenses plaques de métal flottantes montées sur des câbles d'acier et illuminées de feu poursuivent son investigation de la mémoire, du rituel et de notre interdépendance aux éléments terre, air, feu et eau.
Dans l'art contemporain, le rapport traditionnel qui existe entre la sculpture et le milieu bâti se manifeste dans des oeuvres qui rappellent ouvertement l'architecture. Spring Hurlbut s'approprie des entablements et des colonnes classiques, tandis que les maisons inhabitées des villes microscopiques de Roland BRENER et les structures fermées vernaculaires de Robin COLLYER abordent les problèmes sociaux du bouleversement et de la transplantation associés à la société urbaine. Les oeuvres architecturales grandeur nature d'Alain Paiement suggèrent la possibilité d'y entrer et celles, minuscules, de Susan Schelle transmettent l'idée du chez-soi en tant qu'abri offrant sécurité et chaleur. La combinaison de photographies et d'éléments architecturaux marque les installations architecturales de Jocelyne Alloucherie, dénotant une place dans un paysage ou dans un espace domestique intérieur. Chez Martha Fleming et Lyne Lapointe, un site architectural devient une sculpture vivante lorsque l'artiste transforme temporairement un bâtiment abandonné, faisant revivre le passé de la structure dans une reconstruction fragmentaire de l'histoire. David Robinson intègre des statues en plâtre grandeur nature d'un homme nu dans des structures rappelant les échafaudages métalliques des chantiers de construction, réitérant que le lieu habité est la raison d'être de l'architecture.
Les problèmes du dépaysement urbain, de la population mondiale, de l'écologie et de la consommation continuent d'inspirer la sculpture contemporaine. Les géosculptures et le land art des dernières décennies ont engendré des artistes environnementaux qui utilisent la nature comme matière première (Reinhard Reitzenstein, Warren Quigley, Dawn MacNutt, Marlene Creates) ou qui conçoivent la nature comme un partenaire dans le processus créateur. Aganetha Dyck recouvre de cire des vêtements et des chaussures qu'elle place dans des ruches. Les abeilles transforment ces vestiges de vie humaine en une pièce architecturale complexe composée d'alvéoles, collaboration symbiotique entre l'art et la nature. Les interventions de Reitzenstein avec la nature sont aussi éphémères et fragiles que l'environnement. Rebecca Belmore réalise des installations qui servent d'intermédiaire entre l'être humain et la nature et participe à la nature, en reliant la survie de l'humanité aux préoccupations écologiques.
La puissance de la nature et ses transformations magiques acquièrent des dimensions spirituelles et mystiques dans les sculptures de Teresa Marshall et de Domingo Cisneros, qui attribuent des qualités chamanistes à leurs formes pour célébrer le pouvoir mythique de la terre et de l'esprit. Le rite et le mythe continuent d'inspirer les oeuvres de Blair Brennan, Don Proch, Liz MAGOR et David Moore, tandis que les figures primitives gravées à la sableuse sur les pierres monolithiques de Bill Vazan parlent des mystères de l'univers.
Les environnements naturels et les milieux culturels créent des ambiguïtés indicibles que les sculpteurs contemporains cherchent à résoudre. Laurie Walker réfléchit sur la nature, la science et le mythe en juxtaposant de délicats dessins botaniques à des formes industrielles urbaines, des plaques d'égout ou des pelles mécaniques géantes de chantiers de construction. Carl Skelton, Steven Cruise, Michel Saulnier et John McEwen explorent l'association qui existe entre les animaux et la dichotomie nature/culture. Chez McEwen, l'image du chien/loup devient un objet-signe qui révèle l'étroite relation entre la nature et la culture. Souvent présentées comme une mise en scène, les silhouettes animales donnent lieu à de multiples significations et le rapport entre les objets et l'espace neutre qui les sépare reflète le regard que porte la vie sur l'art et vice-versa. Gisele Amantea mêle des artefacts en plastique de la culture populaire à des formes naturelles et à des fossiles pour produire des commentaires pragmatiques sur la culture de consommation à forte intensité de main-d'oeuvre et son impact sur l'environnement.
D'autres cherchent à transformer le monde physique, en pénétrant dans les sphères de la métaphysique afin de créer des oeuvres qui remettent en question nos hypothèses sur la connaissance et les vérités essentielles. Tel un alchimiste, Richard PRINCE, en tant que sculpteur-philosophe, façonne des appareils pseudo-scientifiques qui se transforment en des déclarations allégoriques et philosophiques. Reliant les mondes spirituel et physique, les crânes et les structures en forme d'autels de Tim Whiten font penser à des lieux de transformation de l'âme. Les élégantes configurations cosmologiques en acier découpé au chalumeau de Judith Schwartz et les instruments métaphoriques d'Andreas Gehr inventent plutôt qu'ils ne transforment des figures et signes culturels, dont les mystères sont enchâssés autant dans leur forme que dans la superposition des matériaux : verre, acier et bois. L'art, à l'instar de la science, de l'histoire et de la nature, est devenu un outil qui permet l'évolution culturelle et les révélations.
L'influence de la linguistique et de la théorie littéraire s'exerce sous diverses formes sur la sculpture contemporaine en se concentrant sur les rapports entre le texte et l'image. En augmentant le contenu textuel de l'art conceptuel, Micah Lexier et Yvonne Singer intègrent à l'image les lettres LTÉE en néon, ou encore impriment des textes sur du verre ou du tissu, provoquant de fortes sensations et émotions. Intellect et technologie, mémoire et identité sont « recontextualisés » dans le mot et la forme. Ian CARR-HARRIS utilise des textes littéraires, le langage et l'histoire comme de complexes constructions sociales dans lesquelles l'objet-forme devient le véhicule physique des références didactiques qu'il a encadrées. Les correspondances de Brian Groombridge entre un texte monté, écrit en caractères métalliques, et des objets installés dans l'espace traduisent la nature énigmatique de l'art et de la langue.
Les artistes québécois s'intéressent particulièrement au langage, moins en tant que réflexion sur le problème d'identité culturelle qu'en tant que moyen de souligner visuellement comment le langage produit un sens qui dépasse la simple traduction d'un système de signes à un autre. Les projets de dictionnaires obsessifs de Robert RACINE dans lesquels chaque mot est planté en colonnes dans un champ, comme des stèles dans un cimetière, deviennent des lieux d'analogie, de référence et de découverte. Dans les oeuvres de Gilbert Boyer, des toponymes géographiques sont gravés sur des plaques installées dans le paysage, faisant de la langue et du lieu une seule entité. Dans le contexte socio-politique du Québec, le langage de l'art parle en silence mais offre une voix pour comprendre.
Les sculpteurs contemporains déconstruisent les ordres sociaux, économiques et politiques dominants pour créer des oeuvres provocantes portant sur les problèmes d'exclusion et de marginalisation. Chez Dominique Blain, l'image répétitive de bottes ou de casques militaires en guise de « gousses » dénoncent les injustices et les abus du pouvoir inhérents aux systèmes hégémoniques qui excluent des voix en raison de la race, de la couleur, du sexe ou de la différence idéologique. Les installations sculpturales de livres et de photographies en céramique dans l'oeuvre de Jamelie Hassan font allusion aux conflits et au chaos de la guerre et sont des plaidoyers pour la paix. Faye HeavyShield déconstruit les problèmes de race et de mémoire de la domination coloniale, mais ses oeuvres sont empreintes de promesses de régénération, de renaissance et de transformation. Edward POITRAS, avec ses corrals en mince fil de fer ou ses gigantesques chapeaux de cow-boy en pelage, aborde la dichotomie de l'assimilation et de l'acculturation inhérentes aux politiques de multiculturalisme et de la nécessité d'une identité autodéterminée. Les sculpteurs se servent d'objets de culture matérielle et d'artefacts du passé pour demander qui parle pour qui, et comment. Définie par son contenu socioculturel, cette forme sculpturale d'art engagé dénonce et, en même temps, dévoile notre vulnérabilité individuelle et collective, ainsi que les multiples couches du grand récit de l'histoire.
Des sculptrices aussi diverses qu'Irene WHITTOME, Colette WHITEN, Cynthia Short, Lyn Carter et Jana STERBAK abordent les politiques reliées aux sexes et tout ce qui a trait au corps comme site de l'identité et de la différence. Les stratégies employées vont de l'intégration de formes corporelles reconnaissables à la création d'un repositionnement du soi incarné ou d'une présence ambivalente au-delà de tout codage symbolique. Les corps invisibles de Sterbak, vêtus de biftecks de flanc ou d'une armature motorisée en forme de vêtement rendent visibles les états mentaux et physiques associés au corps en fonction de leur appartenance à un sexe et à notre appréhension de la réalité. L'oeuvre de Colleen Wolstenholme traite du bien-être psychologique des femmes. Ses répliques massives en plâtre de pilules psychotropes de la taille d'un être humain, déguisées sous des formes modernistes floues, remettent en question les capacités menaçantes de la psychopharmacologie. En répondant aux questions de la subjectivité et de la sexualité féminine ainsi que de la construction sociale des sexes, les femmes sculpteurs utilisent aussi des matériaux autrefois associés à la production domestique et artisanale. Les formes tricotées de Naomi London, les interventions brodées de Catherine Heard sur des formes de poupée et les images de mère/enfant de Kati Campbell évoquent toutes des métaphores, les dichotomies des relations féminines et la structuration de l'identité en fonction de l'appartenance à un sexe. Dans un commentaire similaire sur les activités à forte main-d'oeuvre féminine, les pétales de rose épinglées sur de grandes bandes de tissu de Laura Vickerson sont des métaphores de la vitalité et de la mortalité. Le corps n'est pas, cependant, le domaine exclusif des sculptrices. Des sculpteurs comme Stephen Schofield et François Morelli intègrent aussi le corps, bien que fragmentaire, à leur sculpture.
L'immobilité inhérente à la sculpture a continuellement attisé le désir des sculpteurs de créer l'illusion de mouvement. Une fois la sculpture descendue de son piédestal, un mouvement réel est devenu possible. La sculpture cinétique, depuis les oeuvres manipulées à la main d'Ulysse COMTOIS aux tiges et cônes oscillants des icônes de Kati Ohe, demeure une forme tout à fait unique d'art tridimensionnel. Les sculptures d'Alan Storey, à l'instar des machines-sculptures de Bernie Miller, intègrent son et mouvement, tels des jouets mécaniques géants, dont la construction soignée et la grâce poétique déguisent souvent un aspect menaçant et de sinistres présages. Dans l'oeuvre de Jolle Morosoli, le mouvement oscillant des éléments est à la fois séducteur et hypnotisant et attire l'observateur dans un univers instable de poulies, de câbles et de moteurs. Morosoli crée un mouvement éphémère et répétitif qui rappelle les états psychologiques des personnes en proie à la peur, au confinement et à la perte d'identité. Le mouvement des éléments dans l'espace et dans le temps intensifie la conscience de la durée et du mouvement chez l'observateur.
Les sculpteurs contemporains, comme les modernistes avant eux, continuent de tracer une voie vers une nouvelle utopie où la foi dans le potentiel infini de l'imagination offre un rayon d'espoir. Se faisant intermédiaire entre le réel et l'idéal, Kim Adams crée les fantaisies drôles et ironiques que sont ses représentations d'univers lilliputiens miniaturisés, en assemblant jouets d'enfant, trains électriques, outils industriels et objets ludiques. Montées sur un chariot d'enfant ou flottant sur une vieille camionnette, ses îles isolées s'élèvent comme des phénix au-dessus des ruines de la culture contemporaine.
Si la traditionnelle fonction commémorative ne domine plus la sculpture, elle fournit encore une forme matérielle au souvenir individuel et à la mémoire collective. Le sens personnel et la mémoire sociale sont des thèmes que les sculpteurs contemporains abordent sous de nombreuses formes qui englobent souvent d'autres sujets aussi complexes que le sexe et la politique. Elle constitue aussi un échange culturel avec le passé où la nostalgie et le désir encodent des objets et les relient dans le temps. Eva Brandl et Andrew Dutkewych se penchent tous deux sur des mythes historiques et des thèmes religieux ou littéraires qui, dans l'oeuvre de Dutkewych, se présentent sous forme de corps fragmentaires ou de figures flottantes aux multiples appendices. Les sculptures de Robert Wiens intègrent des fragments de monuments classiques, territoire culturel et historique du passé, qui rappellent les problèmes de domination et de résistance auxquels doivent faire face les systèmes sociaux et politiques. Les installations sereines et virginales de Barbara Steinman renvoient de multiples façons à la place de l'individu dans la société. En intégrant images vidéo et photographiques, texte et son à ses objets, Steinman fait appel à la vue, à l'ouïe et au toucher de l'observateur en déclenchant des souvenirs troublants et complexes. Comme la plupart des sculptures contemporaines, ses oeuvres défient l'observateur en offrant plusieurs niveaux d'interprétation et plusieurs significations.
Les technologies de la fin du XXe siècle, le cyberespace et la réalité virtuelle des univers générés par ordinateur, plutôt que de remplacer la sculpture, ont tendance à réorienter l'objet et la qualité tactile si essentiels à la sculpture. À partir de ses premiers travaux sur des hologrammes, Jerry Pethick retourne à des matériaux qui ont des qualités optiques translucides, comme le verre, les miroirs réfléchissant et l'aluminium, pour construire des sculptures qui révèlent leur essence, modifient la perception et récupère l'objet dématérialisé. Stacey Spiegel évoque des instruments mécaniques et des objets technologiques qui, plutôt que de démontrer des théories technologiques et scientifiques, révèlent l'ordre naturel des phénomènes biologiques de la nature. Janet Cardiff, dans ses installations son et lumière habitées d'objets, détourne la technologie pour se concentrer sur la matérialité et le toucher, tous deux intrinsèques à l'interaction humaine et à la sculpture.
L'affirmation de la subjectivité humaine par rapport aux technologies, ainsi que la reconstitution et la réaffirmation d'images concrètes en cette fin de siècle indiquent clairement que la sculpture en tant qu'objet est encore présente et joue un rôle dominant dans les formes d'art tri-dimensionnelles. John Greer, Thierry Delva et Robin Peck revisitent et réinvestissent l'idéologie minimaliste en utilisant les qualités séduisantes des matériaux et de la texture, ainsi que la pureté de chaque forme. Toutefois, ces objets ambigus sont chargés de nombreux sens contextuels. De même, les milliers de couches de gesso qu'Eric CAMERON appliquent systématiquement sur des objets banals, souvent appelés peintures épaisses, cachent et la forme et le sens de l'objet original. Comme les couches de peau artificielle sur ces oeuvres, l'orientation multiple de la sculpture croise les disciplines et résiste aux classifications et aux définitions rigides.
Les nouvelles configurations de la sculpture contemporaine canadienne et la réaffirmation des éléments essentiels de la matière et du traitement dans la sculpture traditionnelle, accompagnés d'un contenu conceptuel et intellectuel provocateur, placent la sculpture au premier rang de la création artistique contemporaine à l'aube du XXIe siècle.
JOYCE MILLAR
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Réalisme
L'un des meilleurs représentants du réalisme au Québec est sans conteste Louis-Philippe HÉBERT. Il apprit les rudiments de son art alors qu'il travaillait auprès de Napoléon BOURASSA, artiste aux multiples talents qui se fit valoir autant comme architecte que comme peintre et sculpteur, dans les années 1870, au moment de la décoration de la chapelle Notre-Dame-de-Lourdes, à Montréal. L'idéologie dominante au Québec était alors « l'idéologie de conservation », pour reprendre l'expression de Marcel Rioux, c'est-à-dire qu'on définissait l'identité québécoise par son passé français, catholique et rural. Hébert partageait ce point de vue. Il voulut mettre en sculpture l'histoire de ses compatriotes.Certes, Hébert fut influencé par la tradition académique française, mais il réussit à l'accommoder à son robuste talent. Son oeuvre comporte plusieurs figures d'Indiens, y compris le fameux Pêcheur à la nigogue et La Famille indienne qui ornent la façade du Parlement à Québec. Il est l'auteur du monument à Maisonneuve sur la place d'Armes à Montréal, et d'une Madeleine de Verchères qui se dresse fièrement aux abords du village du même nom au Québec. Les travaux qu'il consacra aux gouvernants anglais (la Reine Victoria, à Ottawa) ou à des personnages contemporains sont moins inspirés. Il avait besoin des sujets historiques pour stimuler son imagination. Et c'est dans cette catégorie que se trouvent ses meilleures oeuvres (voir ART DES LIEUX PUBLICS). Hamilton Plantagenet MacCarthy s'est fait aussi connaître comme sculpteur de monument. Son monument à Champlain (1915), sur la pointe Nepean à Ottawa, a été récemment l'objet d'une controverse à cause de la figure d'Indien qu'il comporte à sa base et que les autochtones ont contestée. MacCarthy est aussi l'auteur du monument au Sieur de Monts (1904), qui est à ANNAPOLIS ROYAL. On pourrait également citer Robert TAIT MCKENZIE, célèbre autant dans les annales du sport que de la sculpture; George Hill (son monument à Sir Georges-Étienne CARTIER, au pied du Mont Royal est célèbre); Orson Shorey Wheeler, qui a surtout sculpté des bustes, etc.
On pourrait situer aussi dans cette même veine réaliste, mais sans être aussi académique que celle de Hébert, la sculpture du grand peintre Marc-Aurèle de Foy SUZOR-COTÉ. Ses Indiennes de Caughnawaga, emmitouflées dans leurs grands manteaux semblent sculptées par le vent. La fin du XIXe siècle fut une période de grande expansion et d'établissement dans l'Ouest canadien. Il n'est donc pas surprenant que plusieurs sculpteurs canadiens voulurent consacrer leur talent à la représentation des divers groupes amérindiens rencontrés dans ces régions. Emanuel Otto HAHN, sculpteur d'origine germanique qui émigra tout jeune au Canada et qui épousa la sculpteure Elizabeth Wynn Wood, est célèbre pour ses sujets indiens. Alexander Phimister PROCTOR, bien que surtout connu comme animalier, a aussi traité des Indiens. Ils se donnaient tous pour but de fixer les traits d'une « race vouée à la disparition » devant la marche inexorable du « progrès ». Leur style visait à l'objectivité et se voulait « réaliste ».
La Première Guerre mondiale fut l'occasion d'un développement sans précédent de la sculpture publique. Partout, on voulut avoir des monuments pour commémorer la participation canadienne à la guerre. C'est Walter Seymour ALLWARD qui obtint la commande du monument aux morts de Vimy, en France. Alfred Howell fit des monuments à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, et à Guelph, en Ontario; Frances Norma LORING en fit un à Galt, en Ontario, et R. Tait MCKENZIE s'illustra aussi dans ce genre, autant aux États-Unis, en Angleterre et en Écosse qu'au Canada. On en profita pour célébrer le courage des troupes canadiennes et exprimer de la fierté au récit de leurs exploits. Même le front intérieur ne fut pas oublié, comme dans Girls with a Rail de Frances N. Loring, sculpture qui fait partie d'une série conservée au Musée de la Guerre à Ottawa.
Art nouveau
Les sculpteurs canadiens n'échappèrent pas à l'influence de l'art nouveau. Les travaux d'Alfred LALIBERTÉ illustrent bien le défi qu'il y avait d'appliquer à la sculpture une forme d'art conçu à l'origine pour l'ornementation des surfaces. Se libérant de l'influence académique de ses maîtres français, Gabriel-Jules Thomas et Antoine Injalbert, Laliberté voulut explorer les possibilités de la ligne fluide propre à l'art nouveau. Cessant de considérer celle-là comme un simple motif décoratif, il en fit un élément de structure de ses sculptures, qui s'animent dès lors d'un rythme de vague. Son imagination romantique est à l'oeuvre dans son monument à Dollard des Ormeaux (1920), au parc Lafontaine, à Montréal. Ses nus féminins reflètent une sensibilité fin de siècle. Ils sont à la fois sensuels et inspirés, la femme étant tantôt la muse, tantôt la séductrice. En réalité, Laliberté s'est illustré dans tous les genres, aussi bien le monument historique (Louis Hébert à Québec ou Tombe de sir Wilfrid Laurier à Ottawa) que les bijoux dans le plus pur style art nouveau, l'autoportrait et les scènes de genre. Le Musée du Québec possède la série de ses 214 bronzes illustrant les légendes, les coutumes et les métiers du Québec d'hier.
On pourrait retrouver une certaine influence de l'art nouveau dans les oeuvres d'autres sculpteurs, comme dans le Sun Worshiper (1918), de Florence WYLE ou dans The Storm (1921), de Walter Allward. Dans les deux cas, la ligne fluide l'emporte sur les considérations de volume.
Art déco
À partir des années 30, l'influence dominante devient celle de l'art déco. Passing Rain d'Elizabeth Wynn Wood est célèbre et illustre parfaitement la tendance. Il s'agit d'une curieuse transposition d'un paysage du GROUPE DES SEPT en bas-relief. Sylvia Daoust à Montréal qui a fait beaucoup d'oeuvres religieuses, a aussi été marquée de cette tendance. Même le puissant Chemin de Croix sculpté en 1959 par Louis-Joseph Parent pour l'Oratoire Saint-Joseph, à Montréal, en relève également.
On supprime les détails de surface, on donne plus d'importance aux masses et on remplace la ligne sinueuse de l'art nouveau par les lignes droites, obliques ou courbes. Les portes de bronze de la Banque du Canada à Ottawa, création de Phyllis Jacobine Jones (1938), ainsi que les oeuvres d'Orson S. Wheeler et certaines oeuvres plus tardives de Florence Wyle sont de bons exemples de ce style influencé de loin par le cubisme.
Alors qu'en Europe les avant-gardes se succèdent, il faut attendre les oeuvres de Louis ARCHAMBAULT et Anne KAHANE au début des années 50 pour voir apparaître des traces de l'influence de Julio Gonzalez, Pablo Picasso ou Jacques Lipchitz chez nos sculpteurs.
FRANÇOIS-MARC GAGNON