Selma Barkham (née Huxley), C.M., O.N.L., historienne, géographe (née le 8 mars 1927 à Londres, en Angleterre; décédée le 3 mai 2020 à Chichester, en Angleterre). Selma Barkham a étudié l’histoire basque de l’industrie de la pêche à la morue et de la chasse à la baleine au 16e siècle dans le Canada atlantique (dans la région nommée Terra Nova par les Basques). Ses recherches ont permis de combler un manque de connaissances sur l’activité européenne au Canada entre l’arrivée de Jacques Cartier et celle de Samuel de Champlain. Son travail a permis aussi de faire de Red Bay, au Labrador, un lieu historique national et un site du patrimoine mondial de l’UNESCO.
Jeunesse
Fille de Michael Huxley et d’Ottilie de Lotbinière Mills, Selma Barkham voit le jour le 8 mars 1927 à Londres, en Angleterre. Son père est le fondateur du Geographical Magazine, pour lequel il est aussi rédacteur. Un de ses arrière-grands-pères maternels, Henri-Gustave Joly de Lotbinière, est connu pour avoir été premier ministre du Québec et lieutenant-gouverneur de la Colombie-Britannique.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le père de Selma Barkham est posté à l’ambassade britannique des États-Unis. En 1944, la jeune femme retourne en Europe, où elle étudie d’abord à Londres pour devenir infirmière avant de se tourner vers l’apprentissage du russe à l’Université de Paris et à l’Université de Londres. Elle œuvre ensuite au Royal Institute of International Affairs (Institut royal des affaires internationales) et à la Royal Geographical Society (Société géographique royale) de Londres.
Carrière et vie familiale au Canada
En 1950, Selma Barkham déménage à Montréal, où elle occupe différents emplois, dont celui de bibliothécaire à l’Institut arctique de l’Amérique du Nord de l’Université McGill. Alors qu’elle travaille à l’université, elle rencontre le Britannique Brian Barkham, alors étudiant en architecture aux cycles supérieurs. Selma et Brian Barkham se marient en 1954 et s’installent à Ottawa, où ce dernier fonde un cabinet d’architecte. De son côté, Selma Barkham s’implique activement dans sa communauté. Militant notamment pour le bilinguisme, elle fait la promotion du français auprès des enfants anglophones d’Ottawa.
En 1956, la famille Barkham visite le Pays basque, une région à la frontière franco-espagnole, sur la côte du golfe de Gascogne, dotée d’une culture et d’une langue qui lui sont propres. Brian Barkham connaît déjà bien l’endroit. En effet, il y a déjà séjourné pendant une période de convalescence suite à un accident de moto et a rédigé sa thèse sur l’architecture basque rurale. Pendant leur séjour, un ami de Brian mentionne que des pêcheurs basques visitent Terra Nova depuis des siècles. Ce brin d’information devient plus tard la base de la recherche de Selma Barkham.
Le saviez-vous?
Au 16e siècle, les marins utilisent le nom Terra Nova, qui signifie « nouvelle terre » en espagnol et en portugais, pour décrire une importante part du Canada atlantique allant de la Nouvelle-Écosse jusqu’au sud du Labrador. Une carte dessinée en 1592-1594 par le cartographe néerlandais Petrus Plancius illustre la côte est du Canada, avec les mots latins Nova Francia alio nomine dicta Terra Nova, ce qui signifie « La Nouvelle-France sous un autre nom, Terra Nova ». Ce n’est que plus tard, au 17e siècle, que le terme Terra Nova commence à seulement faire référence à l’île de Terre-Neuve.
Brian Barkham décède en 1964, à l’âge de 35 ans, trois semaines après avoir reçu un diagnostic de cancer. Sa femme doit donc élever seule leurs quatre enfants, tous âgés de moins de 10 ans. Pour soutenir sa famille, elle travaille comme historienne pour des lieux historiques nationaux. Alors qu’elle travaille sur la restauration de la forteresse de Louisbourg en Nouvelle-Écosse, elle découvre des références aux pêcheurs basques de la région, ce qui a pour effet d’aiguiser son intérêt pour le sujet.
Recherche archivistique en Espagne
En 1969, pour préparer ses travaux de recherche sur les relations basques avec le Canada, Selma Barkham déménage avec ses enfants à Guadalajara, au Mexique, pour apprendre l’espagnol. Trois ans plus tard, elle se rend en Espagne, où elle commence ses recherches dans les archives espagnoles et basques. Pendant son séjour en Espagne, elle accepte un poste contractuel avec les Archives publiques du Canada (aujourd’hui Bibliothèque et Archives Canada), qui l’amène à trouver et à cataloguer des documents associés à son pays d’adoption. Lorsqu’elle ne travaille pas pour les Archives publiques, Selma Barkham consacre son temps à ses propres recherches sur l’histoire des Basques au Canada. Selon Michael Barkham, l’un de ses fils, il s’agit aussi pour elle d’une manière de maintenir le lien qui unissait son mari et elle à la région.
En Espagne, Selma Barkham suit un cours de paléographie (l’étude des systèmes d’écriture historiques) pour mieux décoder les documents manuscrits du 16e siècle. Après plusieurs années à consulter les archives espagnoles et basques, elle réussit à reconstituer l’histoire des industries basques de la pêche à la morue et de la chasse à la baleine à Terra Nova. Elle se sert notamment de politiques d’assurance, de contrats d’embauche d’équipage, de listes de provisions, de testaments, de contrats de construction navale et d’autres documents. Dans la plupart des cas, elle est la première à consulter ces documents depuis des siècles. La chercheuse réussit notamment à localiser une zone de pêche à la morue et de chasse à la baleine sur la côte sud du Labrador et du Québec ainsi qu’à découvrir des postes de baleiniers et la zone d’activité aujourd’hui occupée par la ville de Red Bay. Ses recherches lui permettent aussi de reconstituer le quotidien, les parcours et les expériences des baleiniers.
Selma Barkham découvre également ce qui est à l’époque le plus ancien document commercial original rédigé au Canada, soit un avis de dette de 1572. Son fils Michael, titulaire d’un doctorat en géographie, trouvera plus tard un document encore plus ancien, datant de 1563. Les travaux de Selma Barkham mettent également au jour les origines basques de certains lieux canadiens autrefois considérés comme d’origine française ou portugaise. Par exemple, elle conclut que Port-au-Port, à Terre-Neuve, provient du basque ophor portu, qui signifie port de repos, et que Barachois, aussi à Terre-Neuve, provient du mot basque signifiant « petite barre de sable » : barachoa. Ses recherches permettent aussi de combler un manque de connaissances quant à l’activité européenne au Canada entre l’arrivée de Jacques Cartier et celle de Samuel de Champlain.
Preuves matérielles au Canada
En 1977, Selma Barkham reçoit une bourse de la Société géographique royale du Canada pour trouver des preuves matérielles à l’appui de ses découvertes dans les archives. Lors de son expédition dans le sud du Labrador, à laquelle participent aussi des archéologues, quatre endroits (dont Red Bay) révèlent des preuves indiquant l’établissement de postes basques d’activité baleinière au 16e siècle.
En 1978, une équipe d’archéologues sous-marins utilise les recherches de Selma Barkham pour localiser le San Juan, un galion basque ayant fait naufrage dans le port de Red Bay en 1565. Malgré les siècles écoulés depuis le naufrage, le navire est encore en bon état lors de sa découverte. En 1982, la chercheuse organise une autre expédition au détroit de Belle-Isle qui mène à la découverte d’autres lieux basques du 16e et du 17e siècle. Grâce à ces travaux, la station baleinière de Red Bay est désignée lieu historique national en 1979 et site du patrimoine mondial de l’UNESCO en 2013.
Vie ultérieure
Selma Barkham publie ses découvertes dans plusieurs articles et livres. Entre 1997 et 2007, elle organise des conférences annuelles à Terre-Neuve auxquelles assistent des experts du monde entier. Pendant les dernières années de sa vie, elle partage son temps entre le Canada, l’Angleterre et l’Espagne. Son décès, de causes naturelles, survient le 3 mai 2020 à Chichester, en Angleterre, alors qu’elle est âgée de 93 ans.
Prix et distinctions
Le travail de Selma Barkham est reconnu autant à l’échelle nationale qu’internationale. La chercheuse est d’ailleurs la première femme à recevoir la médaille d’or de la Société géographique royale du Canada. Elle se voit aussi décerner le prestigieux prix Lagun Onari, offert aux personnes non basques ayant contribué de manière importante au Pays basque.
- Médaille d’or, Société géographique royale du Canada (1980)
- Nomination comme membre de l’Ordre du Canada (1981)
- Doctorat honorifique ès lettres, Université de Windsor (1985)
- Doctorat honorifique ès lettres, Université Memorial de Terre-Neuve (1993)
- Médaille du Jubilé de la reine Elizabeth II (2002)
- Médaille du Jubilé de diamant de la Reine Elizabeth II (2012)
- Prix Lagun Onari, gouvernement basque (2014)
- Ordre de Terre-Neuve et du Labrador (O.N.L.) (2015)
- Prix international, Société géographique de l’Espagne (2018)