Article

Seth

​Seth (né Gregory Gallant), bédéiste et artiste visuel, est né le 16 septembre 1926 à Clinton, en Ontario.

Seth (né Gregory Gallant), bédéiste et artiste visuel, est né le 16 septembre 1926 à Clinton, en Ontario. Connu pour ses romans graphiques réalistes et élégants, où il réinvente l’histoire canadienne et ses caricatures, Seth est l’un des plus grands bédéistes de l’Amérique du Nord.

Premières années

Né d’une famille ouvrière dans une petite ville de l’Ontario, Seth développe une relation forte avec les bandes dessinées dès son plus jeune âge. Attiré en particulier par Peanuts,de Charles Schulz, il commence sa longue histoire d’amour avec cette forme d’art alors mal-aimée, histoire n’étant interrompue que le temps de ses études au Ontario College of Art and Design, à Toronto (maintenant Ontario College of Art and Design University). En 1985, son intérêt pour la bande dessinée connaît un souffle nouveau au contact d’artistes alternatifs comme Jaime et Gilbert Hernandez. C’est d’ailleurs lui qui les remplace sur la série rétrofuturiste Mr. X, publiée par les Torontois Vortex Comics. Souhaitant repousser les limites artistiques au-delà du récit de genre, il quitte cet emploi en 1988.

Palooka-Ville et romans graphiques

La série fétiche de Seth, Palooka-Ville, fait ses débuts en 1991. Bien qu’elle fasse désormais l’objet de publications annuelles contenant chacune des histoires distinctes, Palooka-Ville est d’abord une brochure publiée de façon irrégulière contenant des bandes dessinées vraisemblablement inspirées de la vie de Seth. Les récits de vie sont très populaires à l’époque, et Palooka-Ville devient l’un des quelques incontournables du genre dans les années 1990. L’artiste publie sa série auprès de Drawn & Quarterly, à Montréal, qui a également lancé chacun des romans graphiques de Seth, en commençant par It’s a Good Life, If You Don’t Weaken en 1996.

Choisi comme l’une des 100 meilleures bandes dessinées du XXe siècle par The Comics Journal, It’s a Good Life, If You Don’t Weaken est un recueil des premières bandes dessinées de Palooka-Ville, qui raconte la découverte par Seth des vieilles bandes dessinées de Kalo et de ses recherches pour en apprendre plus sur ce bédéiste canadien peu connu du milieu du siècle. Grâce à son style subtil qui rappelle les artistes du New Yorker, le livre synthétise les thèmes qui préoccupent Seth tout au long de sa carrière. L’artiste, en effet, traite des souvenirs d’enfance d’un Canada depuis longtemps disparu, de la manière dont la culture et les attitudes du passé transpirent dans le présent, des paysages urbains, ruraux et de banlieues souvent glacials et peu peuplées et, enfin, de la qualité anonyme et ouvrière de la vie canadienne et de l’histoire de la bande dessinée. De plus, à travers la présence de Kalo comme personnage fictif, dont la qualité fictive de l’histoire n’est jamais révélée dans le livre, mais plutôt racontée comme des faits réels, Seth révèle sa tendance à créer des passés fantaisistes à la fois à la bande dessinée et au Canada qui sont si bien amalgamés au réel qu’ils sont difficiles à différencier.

La deuxième série majeure de Seth, Clyde Fans, est toujours inachevée, même si le premier numéro est lancé en 2004. Dans celui-ci, Seth part d’un semblant d’autobiographie pour raconter l’histoire de deux frères âgés qui se rappellent leur houleux passé d’entrepreneurs. De façon plus importante, Clyde Fans introduit aussi une ville nordique ontarienne, la fictive Dominion, où la plupart des œuvres récentes de Seth ont lieu. La ville sert de fond aux aventures fantaisistes de Wimbledon Green (2005), un pseudodocumentaire sur le « plus grand collectionneur de bandes dessinées au monde », dessiné dans un style rapide et libre rappelant les cahiers d’esquisses de Seth. Une autre bande dessinée du même type, The Great Northern Brotherhood of Canadian Cartoonists (2011), offre un tour guidé des quartiers généraux imaginaires de la fraternité à Dominion et crée de toutes pièces une histoire de la bande dessinée canadienne. Dans George Sprott: 1894-1975 (2009), créée d’abord pour le New York Times Magazine, un aventurier du nord devenu animateur de télévision sédentaire parle de Dominion comme dans sa ville natale. Entre des vignettes racontant la vie de George Sprott se trouvent des photographies de bâtiments en carton, chacun d’entre eux un immeuble connu trouvé à Dominion.

Art visuel et design

Ces maquettes font partie d’un projet d’envergure ayant été exposé de part et d’autre de la planète, soit une version miniature de la ville imaginaire créée par Seth. En plus de certains dessins de Seth, une sélection des édifices hauts comme trois pommes a été exposée au Musée des beaux-arts de l’Ontario en 2005, dans le cadre de la première exposition solo portant sur un bédéiste depuis 1975. Seth fait ensuite de ses maquettes l’élément central de son installation, Dominion, qui fait une tournée des musées canadiens entre 2008 et 2010. La tournée est d’ailleurs documentée dans Palookaville 20 (2010). En plus de ses efforts de sculpture et d’architecture pour Dominion, Seth a aussi assuré le design du salon de coiffure de sa femme, Tania van Spyk, à Guelph, en Ontario, et des trophées et des médailles pour les Doug Wright Awards, événement qu’il confonde en 2004 pour reconnaître les succès en bandes dessinées canadiennes.

La motivation de Seth à encourager la réflexion sur ce qui constitue une bande dessinée d’exception transparaît aussi dans ses conceptions de livre, dans lesquelles on compte la réimpression de l’iconique bande dessinée de Doug Wright, Nipper, et de la cinquantenaire série Peanuts, de Charles Schulz. L’approche holistique de Seth en ce qui a trait au design lui permet de créer des livres superbes, dont chaque élément, d’une couverture à l’autre, contribue à la compréhension de l’œuvre. Bien que ses designs reflètent souvent l’histoire de la bande dessinée, comme c’est le cas de sa monographie critique, Forty Cartoon Books of Interest (2006), il a aussi conçu la couverture des mémoires de son père, Bannock, Beans and Black Tea: Memories of a Prince Edward Island Childhood in the Great Depression (2004), et plusieurs livres d’auteurs, comme Dorothy Parker et Lemony Snicket. L’édition illustrée par Seth du Sunshine Sketches of a Little Town (2013), de Stephen Leacock, montre bien son habileté à adopter pleinement l’univers d’un autre artiste pour offrir aux lecteurs contemporains une nouvelle interprétation visuelle de l’œuvre.

En plus de tous les accomplissements précités, Seth est lauréat du prix du Harbourfront Festival en 2010, en plus d’avoir reçu chacun des plus grands prix américains de bande dessinée (le Eisner, le Harvey et le Ignatz). Les illustrations de Seth sont publiées dans de nombreuses publications, dont de façon plus proéminente en couverture du New Yorker, sans parler de ses esquisses, qui sont compilées dans Vernacular Drawings (2001).