Shattered (Sergent Jack) | l'Encyclopédie Canadienne

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Shattered (Sergent Jack)

Le roman pour jeunes adultes Shattered (2006; trad. Sergent Jack, 2008) d’Eric Walters raconte l’histoire de Ian Blackburn. Celui-ci est secoué dans son existence privilégiée lorsqu’il rencontre Jack, un ancien combattant des Forces armées canadiennes devenu itinérant . Membre des Casques bleus canadiens lors de l’échec de la Mission des Nations unies pour le maintien de la paix au Rwanda , Jack initie Ian à l’un des moments les plus sombres de l’histoire de l’humanité. Shattered a reçu le prix White Pine2007 pour meilleur livre canadien pour enfants de l’Association des bibliothèques de l’Ontario et le prix du livre Violet Downey 2007 du chapitre national canadien de l’Ordre Impérial des Filles de l’Empire.

Casques bleus canadiens au Rwanda
Un soldat canadien nettoyant un garçon au Rwanda.
(avec la permission du ministère de la Défense nationale/Anciens combattants Canada)

Contexte

Eric Walters est né à Toronto en 1957. Membre de l’Ordre du Canada, il a publié plus de 100 livres depuis 1993, ce qui fait de lui un des auteurs les plus prolifiques au Canada. Il écrit son premier roman, Stand Your Ground (1993), tout en enseignant la cinquième année à la Vista Heights Public School à Mississauga, en Ontario. Troublé par le peu d’intérêt que ses élèves portent à la lecture, il tente de les attirer en écrivant un roman mettant en scène des élèves de sa classe. Stand Your Ground s’inspire également de son expérience de travailleur social dans les salles d’urgence, un métier qu’il a pratiqué depuis la fin des années 1980.

Eric Walters est familier avec les problèmes d’itinérance et de santé mentale à la fois à cause de son travail et de sa vie personnelle. L’inspiration de Shattered (Sergent Jack) lui vient à l’occasion d’un événement pour son roman Run, portant sur Terry Fox. Comme il vient de parler de héros canadiens, une personne présente lui suggère d’écrire quelque chose sur Roméo Dallaire, le commandant canadien de deux missions des Nations Unies au Rwanda. (Voir Casques bleus canadiens au Rwanda.) Au début, Eric Walters hésite entre deux approches de l’histoire. Il choisit d’écrire un récit qui n’est pas directement basé sur l’expérience de Roméo Dallaire, mais plutôt inspiré de lui et de son livre J’ai serré la main du diable (2003). 

Eric Walters

Eric Walters au Eden Mills Writers Festival en 2016.

(avec la permission de Dan Harasymchuk, Wikimedia Commons)

Roméo Dallaire et le génocide du Rwanda

Roméo Dallaire est brigadier-général lorsqu’il est chargé de diriger la Mission d’observation des Nations unies en Ouganda et au Rwanda (MONUOR) en octobre 1993. (Voir Casques bleus canadiens au Rwanda.) Initialement destinée à assurer une fin pacifique à la guerre civile rwandaise, la mission prend une tournure horrifiante quand des extrémistes nationalistes Hutu commencent à assassiner les membres de l’ethnie Tutsi. En 100 jours, du 6 avril au 16 juillet 1994, on estime que 800 000 hommes, femmes et enfants ont été brutalement assassinés, la plupart à coups de machette.

Roméo Dallaire a averti à plusieurs reprises les Nations Unies de la possibilité de violences. Il a demandé plus d’hommes et une modification des règles d’engagement en prévision de celles-ci. Ces demandes ont été rejetées à plusieurs reprises, jusqu’après le génocide. Roméo Dallaire est revenu de son expérience au Rwanda avec un trouble de stress post-traumatique (TSPT). Il a quitté l’armée pour une retraite anticipée, et a souffert de TSPT pendant une vingtaine d’années, incluant un incident notable, où on l’a retrouvé inconscient dans un parc public après une consommation excessive d’alcool.

Roméo Dallaire
Résumé de l’intrigue

Shattered (Sergent Jack) est raconté du point de vue de Ian Blackburn, un adolescent d’une banlieue aisée. Ian est forcé de participer à un service communautaire dans le cadre de son programme scolaire. Mais il s’intéresse davantage à la voiture que son père lui a promise pour son anniversaire s’il termine son année. Refusant de prendre cette activité au sérieux, il accepte un emploi bénévole au « Club », ce qui lui semble excitant. Avec effroi, il découvre qu’il s’agit en fait d’une soupe populaire destinée aux itinérants du centre-ville.

Durant sa première journée à la soupe populaire, Ian passe près d’être agressé, mais il est secouru par un itinérant. Avec étonnement, il entend cet homme lui dire qu’il sait ce que c’est que voir quelqu’un se faire frapper par une machette. Ian n’y pense plus, jusqu’à ce qu’il rencontre à nouveau l’homme à la soupe populaire. Il apprend que celui-ci se fait appeler « Sarge », mais que son vrai nom est Jack (Jacques en anglais). Ian apprend aussi que Jack est un ancien combattant.

Outre son bénévolat, Ian effectue des recherches scolaires sur les forces armées, plus spécifiquement le rôle du Canada dans plusieurs missions de maintien de la paix. Encouragé par son professeur, Ian interroge Jack et apprend qu’il a servi au Rwanda. Ignorant tout de ce pays et de son histoire, Ian fait des recherches et apprend l’existence du génocide. Frappé par cette découverte (la seule fois qu’il a entendu parler de génocide, c’est quand il a étudié l’Holocauste en classe) Ian en apprend plus sur les génocides, à l’école, et aussi par la femme de ménage de la maison, d’origine guatémaltèque.

Ian commence à passer plus de temps avec Jack, pour en apprendre davantage sur son histoire et son expérience au Rwanda. Jack raconte à Ian qu’il a connu l’enfer, et admet qu’après ce qu’il a vu, il a espéré mourir. Il explique qu’il s’est mis à boire pour soulager sa mémoire. (Voir aussi Alcoolisme.) Ian comprend que Jack est devenu itinérant parce qu’il est « une autre victime du Rwanda ». Ian demande à Jack de l’aider, mais celui-ci refuse, expliquant que quelque chose est mort en lui.

Malgré sa frustration, Ian comprend l’étendue du sacrifice de Jack et lui offre ses sincères excuses. Un peu plus tard, Ian reçoit de Jack un petit jeton de plastique, la preuve qu’il est resté sobre pendant deux semaines. Ian continue à travailler à la soupe populaire, même si cela n’est plus exigé par l’école. Il décide d’utiliser la voiture qu’il recevra à son anniversaire pour continuer à faire du bénévolat.

Accueil

Shattered a reçu le reçu le prix White Pine 2007 pour le meilleur livre canadien pour enfants de l’Association des bibliothèques de l’Ontario ainsi que le prix du livre Violet Downey 2007 du chapitre national canadien de l’Ordre Impérial des Filles de l’Empire. 

Dans son avant-propos au livre, Roméo Dallaire écrit qu’Eric Walters a bien su dépeindre « la frustration du soldat blessé et l’indifférence de la société à son égard, et à l’égard des itinérants avec lesquels il vit ». La Canadian Review of Materials considère que Shattered est par moment didactique et ressemble à un « cours d’initiation » au livre de Roméo Dallaire J’ai serré la main du diable, mais reconnaît aussi qu’Eric Walters a efficacement présenté et expliqué aux jeunes lecteurs le concept de génocide.