Shuvinai Ashoona, artiste (née en août 1961 à Cape Dorset au Nunavut). Les œuvres d’art de Shuvinai Ashoona ont largement été exposées, à la fois au Canada et à l’étranger. Ses dessins occupent une place unique au sein de l’art inuit contemporain, car ils combinent les éléments de la culture inuite et des récits traditionnels inuits avec les influences dérivées du contact avec la société industrielle du sud, le tout submergé dans la réalité de son monde richement imaginatif.
Jeunesse et carrière
Shuvinai Ashoona naît à Cape Dorset sur la pointe sud de l’île de Baffin, dans une communauté originalement fondée par James Houston en 1957 qui est le cœur du foyer de sculpteurs et de graveurs (voir Art inuit; Gravure inuite). Les dessins détaillés de Shuvinai Ashoona se transforment facilement en estampes et elles sont parfois transformées sous forme de lithographies colorées et de gravures sur pierre. Toutefois, son médium préféré est le dessin qui, avec sa fluidité et son caractère immédiat, est probablement le plus propice à l’expression rapide de son imagerie personnelle et unique. Shuvinai Ashoona est la petite-fille de la célèbre artiste graphiste Pitseolak Ashoona. Parmi les autres artistes de sa famille, sa mère Sorosilooto Ashoona est une artiste graphiste renommée, et son père est le sculpteur Kiawak Ashoona (parfois épelé Kiugak). Annie Pootoogook, la lauréate du prix Sobey pour les arts, est sa cousine. Shuvinai Ashoona commence à faire de l’art en 1995 en utilisant une plume et de l’encre, des crayons de couleur et des marqueurs pour créer des images très détaillées, choisissant principalement comme sujet les paysages de son Cape Dorset natal. Ces premières œuvres expriment avec réalisme la sombre toundra nordique, avec des représentations de la végétation éparse traversée par de petits ruisseaux sinueux et de petites chutes d’eau. La simplicité des reliefs et l’absence de traits distinctifs contrastent avec les détails élaborés de ses dessins et révèlent une vision artistique unique qui la distingue de ses pairs qui travaillent dans les Kinngait Studios.
Les dessins typiques des premières années de Shuvinai Ashoona sont Low Tide (1994), un arrangement délicat de maques linéaires suggérant un rivage arctique sombre presque sans relief, et l’œuvre Landscape with grass (1996), une représentation encore plus simple d’un paysage arctique dans lequel l’herbe et les formations rocheuses sont dépeintes par de petits coups de crayon dépouillés. Ces premières œuvres de Shuvinai Ashoona se dénotent par sa facilité naturelle à créer des marques et son habileté à conjurer des images significatives à partir d’objets les plus simples.
Œuvres de maturité
Vers la fin des années 1990, les œuvres de Shuvinai Ashoona deviennent plus sombres, son monde intérieur semble empiéter sur ses représentations directes du monde naturel et social de Cape Dorset. Ses représentations plus ou moins réalistes du monde en surface commencent à se transformer, et l’artiste y ajoute des reliefs souterrains imaginés, des tunnels et des cavernes, en suggérant des perspectives plus profondes et menaçantes. Dans ces œuvres, il règne un sentiment que l’ordre et la prévisibilité sûre du monde naturel lui-même sont sapés par l’intrusion de nouvelles forces inconnues.
Shuvinai Ashoona commence également à élargir ses choix de sujets. Comme sa cousine Annie Pootoogook, elle commence à se concentrer sur les aspects de la nouvelle réalité de la vie des Inuits, les immeubles, les véhicules et les changements techniques de la vie moderne. Souvent, ceux-ci sont simplement et directement représentés, comme dans ses œuvres The Beautiful Brand New Water Truck (2006-2007) avec son design audacieux et décalé qui contrebalance la forme imposante du camion-citerne et la ligne sinueuse du tuyau d’eau d’un rouge vif. Mais plus souvent, les œuvres de Shuvinai Ashoona commencent à dépeindre un monde composite dans lequel la vie ordinaire dans le Nord coexiste avec des images et des créatures étranges et fantasmagoriques.
Une œuvre typique du travail mature de Shuninai Ashoona est Untitled (Eden) (2008) qui fait partie de la collection du Musée des beaux-arts du Canada. Réalisée avec des crayons de couleur, de l’encre noire et du crayon de plomb, le tableau présente une troublante combinaison de récits bibliques qui mêlent l’histoire de la Nativité à celle, plus triste, de l’expulsion d’Adam et Ève du jardin d’Éden. Avec sa disposition verticale et recadrée de formes et de passages de détails qui contrastent avec des sections plates de couleur appliquée uniformément, le dessin évoque de fortes associations aux gravures traditionnelles sur bois. L’image composite inuite et l’imagerie chrétienne ajoutent cependant une menaçante étrangeté qui est puissante et troublante.
Les éléments fantastiques dans les œuvres matures de Shuvinai Ashoona semblent souvent s’inspirer de ce mélange des traditions et des systèmes de croyances du Nord et du Sud, mais ils semblent également être influencés par les aspects de la culture populaire transnationale moderne. Shuvinai Ashoona est apparemment partisane des films d’horreur, et son art est une expression sans tabous de sa volonté de puiser dans toutes les sources possibles qui puisse l’intéresser.
Expositions
La carrière d’exposition de Shuvinai Ashoona commence en 1997, lorsque deux de ses petites gravures à la pointe sèche sont présentées dans la collection annuelle de gravures de Cape Dorset. Ses œuvres sont exposées aux côtés de celles de sa grand-mère la défunte Pitseolak Ashoona et de sa tante Napachie Pootoogook lors de l’exposition de 1999 Three Women, Three Generations organisée par la Collection McMichael d’art canadien. Les œuvres de Shuvinai Ashoona sont ensuite exposées dans plusieurs galeries privées, et en 2008, elle et deux autres artistes, Qavavau Manumie de Cape Dorset et Nick Sikkuark de Gjoa Haven, sont les sujets d’un article du magazine culturel Border Crossings de Winnipeg. Elle travaille avec John Noestheden, un artiste de la Saskatchewan, sur une peinture murale exposée au plafond à la Foire artistique de Bâle en 2008 et au festival Nuit Blanche de Toronto la même année, ainsi qu’au Musée des beaux-arts du Canada en 2013. Elle entreprend également des dessins en collaboration avec Shary Boyle, une artiste de Toronto. De plus, elle est le sujet d’un film documentaire d’art, Ghost Noise, qui est produit et réalisé par Marcia Connolly en 2010.
Parmi les autres expositions importantes des œuvres d’art de Shuvinai Ashoona, on compte Shuvinai Ashoona: Drawings à la galerie d’art de l’Université Carleton (2009); Noise Ghost à la Justina M. Barnicke Gallery de l’Université de Toronto (2009); Monster au West Vancouver Museum (2010); It Is What It Is au Musée des beaux-arts du Canada (2010–2011); Inuit Modern : The Samuel and Esther Sarick Collection au Musée des beaux-arts de l’Ontario (2011); la 18th Biennale of Sydney à Sydney en Australie (2012); et Oh, Canada au Massachusetts Museum of Contemporary Art (2012–2013). Les œuvres de Shuvinai Ashoona sont présentes dans les collections du Musée des beaux-arts de l’Ontario, du Musée des beaux-arts du Canada et du Musée des beaux-arts de Winnipeg.
Prix
- Prix Gershon Iskowitz, Gershon Iskowitz Foundation (2018)
- Prix du Gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques (2024)