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Site archéologique de Red Bay

Red Bay, situé sur la côte nord du détroit de Belle-Île (Labrador), est une référence archéologique pour les pêches transatlantiques du 16e siècle et en particulier pour la chasse à la baleine des Basques. Après des recherches dans des documents espagnols et des découvertes archéologiques dans l’île Saddle et sous l’eau, Red Bay est déclarée lieu historique en 1978-1979. En 2013, la station baleinière de Red Bay a été désignée site du patrimoine mondial de l’UNESCO.

Historique

Reconnus pour le haut développement de leur navigation dès le Moyen Âge, les Basques établissent un chapelet de stations baleinières sur le détroit de Belle-Île, à compter de 1543. Leur pêche bat son plein dans les années 1560 et 1570 quand de 15 à 30 navires s’installent au Labrador à l’été et retournent au Pays-Basque à l’hiver. Après la guerre franco-espagnole de 1552-1559, les Basques espagnols parviennent à dominer le détroit de Belle-Île. Un équipage sur deux se dirige à Red Bay, qu’on nomme alors Buitres (« Les Vautours »); les autres essaiment sur la côte entre Château-Baie et Saint-Modeste. Ils capturent presque exclusivement la baleine boréale, puisque la baleine noire est déjà rare au 16e siècle. Ils chassent pendant l’été et l’automne, à raison de 15 à 30 baleines par navire. Ils s’approchent des cétacés dans des embarcations nommées chalupas, les tuent à coups de harpon et les remorquent à la côte pour les dépecer sur sol. En chauffant le gras des baleines, ils obtiennent une huile qui se destine à l’éclairage et à la fabrication du savon, mais surtout à l’industrie textile des pays de la Manche où elle s’emploie pour lubrifier les laines en vue du tissage. En février 1579, l’industrie baleinière des Basques est plongée dans une crise quand l’Angleterre ferme ses ports à l’huile espagnole. Peu après, le roi d’Espagne réquisitionne les baleiniers pour renforcir la flotte de la route des Antilles, alors diminuée par les attaques des corsaires anglais et hollandais. Si la crise des années 1580 signifie la fin des années fastes au Labrador, les Basques continuent la chasse jusqu’au 18e siècle à divers endroits dans le golfe du Saint-Laurent, à l’embouchure du Saguenay, à Miscou et sur la côte nord.

Site terrestre

Les fouilles archéologiques au site de Red Bay ont mis au jour plusieurs vestiges reliés à des activités intensives de pêche à la baleine par les Basques au cours du 16e siècle. Plus de 20 stations côtières ont été localisées entre 1978 et 1992. Celles-ci étaient situées dans des endroits abrités et faisant face à des eaux profondes où les baleines pouvaient être amenées près de la rive pour être dépecées. On retirait d’abord la graisse des baleines et la coupait en petits cubes avant de la chauffer pour en extraire l’huile dans des « fondoirs » (des larges chaudrons en métal cuivreux calés dans un fourneau maçonné). On attisait le feu avec des restes de graisse dont on ne pouvait plus extraire d’huile. L’huile était écumée, purifiée dans un bassin d’eau pour permettre aux impuretés de se déposer sur le fond, puis conditionnée dans des tonneaux de chêne ou d’hêtre dans lesquels on la transportait en Europe.

À part les fondoirs, les stations côtières comptaient des tonnelleries où les futailles étaient assemblées et réparées. De petits sites d’habitation, souvent composés simplement d’un foyer de pierres abrité par un affleurement rocheux et un toit de fanons recouverts de voiles, ont été retrouvés un peu partout à Red Bay. Des postes de guet (atalayas), de construction plus solide, étaient situés en des endroits d’où les baleines pouvaient être repérées lors de leur migration annuelle le long de la côte du détroit de Belle-Île.

Un large cimetière contenant les restes de plus de 140 personnes a également été découvert. Plusieurs des sépultures contenaient plus d’une personne, suggérant que les morts accidentelles n’étaient pas chose rare dans l’entreprise dangereuse de la chasse à la baleine.

Site subaquatique

En décembre 1565, le désastre secoue Red Bay. Le San Juan de Pasajes, ancré dans la baie avec les autres baleiniers, brise ses amarres dans une tempête, heurte l’île et coule avec sa pleine charge d’un millier de barriques d’huile. Les fouilles subaquatiques de l’épave du San Juan ont exposé la construction navale basque au faîte de son âge d’or. La conception architecturale du navire est fondée sur un système géométrique ancien, tandis que sa construction montre l’imbrication intime des métiers de forestier, d’architecte et de charpentier.

L’analyse des barriques trouvées dans la cale du navire met en évidence une chaîne opératoire de la tonnellerie baleinière qui se déploie à travers l’Atlantique. Le bois des douves provient de la Bretagne, les barriques sont fabriquées selon la coutume de Bordeaux, elles sont ensuite démontées et envoyées « en botte » au Pays-Basque, puis elles suivent leur chemin à Red Bay pour être remontées, cerclées et remplies de 225 litres d’huile. Outre sa cargaison, l’épave du San Juan recèle des agrées, des instruments de navigation, des outils de marin et d’autres objets quotidiens. Sous l’épave, les archéologues découvrent cinq petites embarcations utilisées par les Basques, dont une chalupa de 8 mètres de longueur qui est conservée et exposée à Red Bay. Une réplique construite à Pasajes, au Pays-Basque, a navigué de Québec à Red Bay en 2006, sous un gréement à deux mâts. Enfin, dans le contexte des recherches continues à Red Bay, les archéologues de Parcs Canada ont localisé les épaves de quatre autres baleiniers basques, faisant de ce lieu un véritable laboratoire pour l’étude des navires du 16e siècle.

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