La baleine noire est une baleine à fanons que l’on retrouve dans les océans Atlantique, Pacifique et Indien. Il en existe trois espèces : la baleine noire du Pacifique Nord (Eubalaena japonica), la baleine noire de l’Atlantique Nord (Eubalaena glacialis) et la baleine noire australe (Eubalaena australis). On aperçoit rarement la baleine noire du Pacifique Nord dans les eaux canadiennes, mais on la retrouvait auparavant le long des côtes de la Colombie-Britannique. C’est le long de la plateforme Scotian et dans le golfe du Saint-Laurent que l’on retrouve la baleine noire de l’Atlantique Nord. La Loi sur les espèces en péril du Canada répertorie la baleine noire du Pacifique Nord et la baleine noire de l’Atlantique Nord parmi les espèces en voie de disparition. (Voir aussi Animaux menacés au Canada.)
Description physique
Le corps de la baleine noire est presque entièrement noir, avec quelques zones blanches sur le ventre. On la différencie facilement des autres baleines par la courbure de sa gueule, l’absence de nageoire dorsale et les plaques rugueuses de peau situées sur sa tête ou autour de cette dernière. Ces plaques, qui portent le nom de « callosités », constituent l’habitat de petits crustacés de la famille des cyamidés (aussi appelés « poux des baleines »). Elles se présentent sous forme de zones irrégulières, blanches ou grises. Ces callosités forment un agencement unique à chaque baleine noire, ce qui permet aux chercheurs d’identifier et de surveiller chaque individu. On reconnaît également la baleine noire au jet (ou souffle) en forme de « V » qu’elle projette à travers son évent. De forme trapue et arrondie, la baleine noire adulte peut mesurer jusqu’à 16 m de long et peser plus de 63 tonnes. Elle figure au troisième rang des plus grandes baleines, après le rorqual commun et le rorqual bleu. La baleine noire et sa parente, la baleine boréale, ont les plus grands fanons de toutes les baleines.
Répartition et habitat
Auparavant communément présentes dans l’hémisphère Nord, d’importantes populations de baleines noires sont présentes dans les océans Atlantique et Pacifique. De nos jours, on n’aperçoit pratiquement plus de baleines noires du Pacifique Nord dans les eaux canadiennes, mais on en retrouve un petit nombre dans le golfe de l’Alaska et dans la mer de Béring. Certains scientifiques évaluent la population de baleines noires du Pacifique Nord à moins de 100 individus dans la partie est du Pacifique Nord, et sans doute à moins de 250 individus dans l’ensemble du Pacifique Nord.
Les scientifiques en savent plus sur la baleine noire de l’Atlantique Nord, qui est aussi en danger critique d’extinction. On en dénombre moins de 360. L’aire de répartition de la baleine noire de l’Atlantique Nord s’étend de la Floride à l’Islande. Cette baleine passe généralement l’hiver au large de la côte sud-est des États-Unis. Au cours du printemps et de l’été, elle migre vers le nord-est des États-Unis et du Canada atlantique. Au Canada, les eaux riches en nutriments du bassin Grand Manan de la baie de Fundy, du bassin Roseway situé au large de la Nouvelle-Écosse et du golfe du Saint-Laurent constituent toutes des habitats considérés comme essentiels aux populations de baleines noires.
Reproduction
La durée de vie naturelle d’une baleine noire de l’Atlantique Nord est d’au moins 65 ans, bien que son espérance de vie soit plus courte en raison des menaces que pose l’activité humaine. Les femelles atteignent la maturité sexuelle vers l’âge de 10 ans et donnent naissance à un seul baleineau à l’issue d’une gestation de 12 à 13 mois. Les baleineaux naissent durant l’hiver, dans les eaux chaudes situées à proximité de la Géorgie, du nord-est de la Floride et des Carolines. La mère allaite son petit durant environ un an.
Comportement
La baleine noire se nourrit presque exclusivement de crustacés microscopiques appelés copépodes. Elle les capture en nageant lentement, la gueule ouverte, et en piégeant ces proies dans ses fanons. La forme arquée de ses mâchoires lui permet de faire circuler l’eau de mer dans sa gueule de façon continue. Durant ce processus, les copépodes présents dans l’eau sont capturés par les poils fins dont sont revêtues les plaques des fanons. La baleine noire de l’Atlantique Nord migre en fonction de l’abondance saisonnière de copépodes. Elle s’alimente souvent en effleurant la surface de l’eau, mais peut plonger jusqu’à plus de 100 mètres de profondeur pour atteindre des bancs de proies en haute concentration.
Les baleines noires se déplacent généralement seules ou au sein de petits groupes et forment occasionnellement des « groupes actifs en surface » (GAS) animés. Jusqu’à 40 baleines peuvent constituer ces groupes, dont les membres peuvent alors s’accoupler, s’adonner à des jeux ou tisser des liens sociaux. Les GAS amorcent souvent la reproduction par un chant, émis par une seule femelle mature. Ces sons se déplacent dans l’eau et attirent des mâles se trouvant à plusieurs kilomètres de distance. Ces mâles se bousculent entre eux pour se rapprocher de la femelle, pour ensuite signaler leurs intentions à l’aide de vocalises perçantes qui évoquent le tir d’une arme à feu.
Relation avec les humains
La baleine noire est surnommée « la baleine franche ». On présume que les baleiniers l’ont surnommée ainsi en raison du fait qu’elle se déplace lentement, qu’on la retrouve près des côtes la majorité du temps et que, contrairement à la plupart d’autres baleines, elle flotte une fois morte (tout comme sa proche parente, la baleine boréale).
La baleine noire du Pacifique Nord figure probablement parmi les espèces chassées traditionnellement par les peuples autochtones vivant au sein de l’actuelle Colombie-Britannique, dont les Kwakwaka’wakws et les Nuu-chah-nulth. Dans l’Atlantique Nord, ce sont les baleiniers basques qui chassent la baleine noire, au sud de la France et au nord de l’Espagne. Au début du 16e siècle, ils étendent leur pêche jusqu’au détroit de Belle-Isle, entre Terre-Neuve et le Labrador. En l’espace d’environ 50 ans, les baleiniers basques déciment plus de 20 000 baleines boréales et noires dans cette zone. (Voir aussi Site archéologique de Red Bay).
À partir de la fin du 17e siècle, on chasse la baleine noire de façon commerciale pour son huile et ses fanons, et les deux espèces de baleines noires du nord sont menacées d’extinction dès la fin du 19e siècle. En 1935, la Société des Nations interdit la chasse de la baleine noire à l’échelle internationale.
Menaces et conservation
Bien que la baleine noire ne soit plus menacée par la chasse commerciale, ses populations du Pacifique Nord et de l’Atlantique Nord ne peuvent se relever de la surexploitation passée. L’espèce demeure en danger critique d’extinction. Les humains demeurent sa plus importante menace, en raison de collisions avec les navires, de prises accidentelles dans les filets de pêche, de la pollution sonore sous-marine et des changements climatiques. Le réchauffement des océans modifie l’accès de l’animal à la nourriture et la distribution de cette dernière, entraînant le déclin du nombre de femelles adultes saines et du taux de natalité au sein de la population de l’Atlantique Nord. De plus, la baisse des disponibilités alimentaires force les baleines noires à s’éloigner de leur aire d’alimentation habituelle pour investir des zones où elles peuvent être plus vulnérables au trafic maritime.
En 2017, sur une période de trois mois, douze baleines noires de l’Atlantique Nord sont tuées dans le golfe du Saint-Laurent à la suite de collisions avec des navires et de prises dans les filets de pêche. Cette occurrence de mortalité massive rend nécessaire la mise en œuvre de nouvelles mesures politiques visant à les protéger. Ces mesures comprennent des limites de vitesse de navigation obligatoires et des interdictions de pêches temporaires, tant que les baleines noires sont présentes.
Les scientifiques doivent constamment surveiller les schémas migratoires afin d’assurer l’efficacité de ces règlements. Ils font appel à divers moyens pour repérer les baleines noires, dont la surveillance de zones étendues par avion et par bateau, ainsi que l’utilisation de microphones sous-marins (hydrophones) pour écouter leurs chants. Les chercheurs déploient également des véhicules autonomes – des robots sous-marins qui suivent les baleines et enregistrent les sons qu’elles émettent – afin de recueillir des données précises. On utilise ces données pour favoriser la protection de la population restante de baleines noires de l’Atlantique Nord et pour lui donner la possibilité de se rétablir.