Article

Baleine grise

La baleine grise (Eschrichtius robustus) est un cétacé à fanons qu’on trouve dans l’océan Pacifique Nord. Elle est connue pour faire de très longues migrations et s’alimenter sur les fonds marins. Habituée à se tenir près des côtes et attirée par les petites embarcations, elle est une des préférées des observateurs de baleines. Les chercheurs distinguent généralement trois groupes : la population du Pacifique Ouest, la population migratrice du Pacifique Nord et le groupe s’alimentant le long de la côte du Pacifique. Si les trois migrent à travers les eaux de la côte ouest du Canada, les spécimens les mieux connus en eaux canadiennes appartiennent à ce dernier groupe. Beaucoup vivent au large de la Colombie-Britannique à longueur d’année.

Baleine grise (Eschrichtius robustus)

Description physique

La baleine grise est ainsi nommée à cause de sa couleur gris foncé à la naissance. À l’âge adulte, sa couleur varie du gris pâle au gris brun. Sa peau est parsemée de taches foncées et claires et criblée de crustacés parasites (anatifes et « poux de baleines »). Le baleineau peut mesurer jusqu’à cinq mètres de longueur et peser jusqu’à une tonne. L’adulte atteint une longueur de 12 à 15 m ‒ à peu près celle d’un autobus scolaire ‒ et pèse entre 30 et 40 tonnes. La femelle est en général un peu plus grande que le mâle. Contrairement à de nombreux autres cétacés, la baleine grise n’a pas de nageoire dorsale, mais plutôt une bosse dorsale qui s’étire en une série de petites bosses le long de son dos.

Répartition géographique, habitat et migration

Aire de répartition de la baleine grise (Eschrichtius robustus)

Les migrations des baleines grises du Pacifique Ouest et du Pacifique Nord figurent parmi les plus longues enregistrées chez les mammifères. Un circuit complet peut faire jusqu’à 22 500 km, soit plus de la moitié de la circonférence de la Terre. En hiver, les trois populations migrent au Sud vers quatre lagunes précises au large de la côte ouest du Mexique, où les petits voient le jour. Puis elles remontent au Nord vers leurs aires distinctives d’alimentation estivale. La population du Pacifique Ouest passe l’été dans la mer d’Okhotsk, au large de la Russie; celle du Pacifique Nord, dans les mers de Béring, des Tchouktches et de Beaufort; celle du groupe s’alimentant le long de la côte du Pacifique, sur le littoral depuis le nord de la Californie jusqu’à l’Alaska.

Les baleines grises se tiennent près des côtes la plupart du temps, à moins que la migration ne les entraîne ailleurs. La population du Pacifique Nord est de loin la plus nombreuse, à quelque 20 000 individus. La population du Pacifique Ouest celle du groupe s’alimentant le long de la côte du Pacifique ne comptent que quelques centaines d’individus chacune.

Longévité et reproduction

La baleine grise peut vivre jusqu’à 80 ans ou plus. La maturité sexuelle arrive entre les âges de 5 et 12 ans. L’accouplement se pratique souvent à trois partenaires ou plus, qui peuvent parfois changer au cours d’une même saison. Il peut y avoir des mélanges, mais les individus se reproduisent normalement au sein de leur population respective. La gestation dure environ un an, après quoi, pendant une période de six à huit mois, le nouveau-né peut consommer jusqu’à 180 litres par jour du riche lait de sa mère, d’une teneur en gras de 53 %.

Comportement

Groupe de baleines grises

La baleine grise vit normalement seule ou en petits groupes. Elle se tient près des côtes pour se nourrir en eaux peu profondes et peut-être pour échapper à son principal prédateur, l’épaulard. Elle s’alimente surtout en été, d’invertébrés benthiques et épibenthiques (vivant sur les fonds marins et juste au-dessus). Elle les capture en aspirant à pleine gueule l’eau et la vase, qu’elle chasse par pression de sa langue à travers ses fanons, lesquels retiennent ses proies. Elle peut engloutir ainsi jusqu’à 1 200 kg de nourriture par jour. Ce mode unique d’alimentation lui confère un rôle écologique important : par ses excréments, elle fait circuler les nutriments des fonds marins vers les eaux supérieures, et les invertébrés minuscules qui s’échappent de sa gueule nourrissent les poissons et les oiseaux près de la surface.

Comme elle se tient surtout en eaux peu profondes, la baleine grise ne plonge en général que de 3 à 5 minutes à la fois, ou jusqu’à 15 minutes dans certains cas. Les sons qu’elle émet sont pour la plupart de basse fréquence et servent probablement à la communication et à la navigation.

Relation avec les humains

La baleine grise a été chassée durant des millénaires par les Autochtones des États-Unis, du Canada et de la Russie, dont les Nuu-chah-nulth de la côte ouest de l’ île de Vancouver. Aujourd’hui, la Commission baleinière internationale accorde de modestes quotas de subsistance à seulement deux groupes d’Autochtones : les Tchouktches, en Russie, et les Makah, dans l’État de Washington. Encore là, ces derniers se sont vu interdire la chasse à la baleine grise par les autorités américaines, mais les choses pourraient changer.

La baleine grise a été chassée commercialement pour son huile du 18e siècle jusqu’à 1979. Cette pratique intensive l’a effacée entièrement de l’Atlantique et a fait chuter à moins de 2 000 individus son nombre dans le Pacifique.

Menaces

Le principal prédateur de la baleine grise est l’épaulard. Toutes les autres menaces lui viennent des humains : enchevêtrement dans les engins de pêche, collisions avec les bateaux, perturbations dues aux activités d’observation, bruit, déversements toxiques, déclin des stocks de nourriture. La pollution acoustique peut être de différentes sources, depuis la circulation maritime et la prospection sismique (souvent liée à des projets pétroliers et gaziers) jusqu’au bruit chronique des parcs éoliens, des perturbations non négligeables pour un animal marin qui communique et qui s’oriente au son. De plus, le mode d’alimentation de la baleine grise l’expose particulièrement aux déversements toxiques, non seulement en surface, où flottent les nappes de pétrole, mais aussi sur les fonds marins, où peuvent se déposer des substances chimiques toxiques. Le déclin des stocks de nourriture est dû surtout à l’altération de l’habitat par l’activité humaine et à l’acidification des océans sous l’effet du changement climatique. Par contre, le changement climatique réduit aussi la couverture de glace dans l’Arctique, ce qui ouvre de nouvelles aires d’alimentation à la baleine grise. S’il peut donc être bénéfique pour elle à court terme, ses effets à long terme sont plus difficiles à évaluer.

Conservation

Baleine grise jaillissant hors de l’eau

La chasse à la baleine grise a été interdite dès 1937 par l’Accord international pour la règlementation de la chasse à la baleine, auquel a succédé en 1946 la Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine. Il a fallu plusieurs décennies cependant pour que tous les pays concernés finissent par s’y conformer et que la chasse illégale soit enfin stoppée, même si des captures clandestines ont eu lieu jusqu’en 1979. Si la population du Pacifique Ouest se remet encore de l’hécatombe, celle du groupe s’alimentant le long de la côte du Pacifique est stable, tandis que celle du Pacifique Nord est considérée comme un succès de la conservation. La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction interdit tout commerce de produits tirés de la baleine grise.

L’Union internationale pour la conservation de la nature qualifie la baleine grise de « préoccupation mineure », bien que la population du Pacifique Ouest soit toujours considérée comme en danger d’extinction. En 1981, le Canada s’est retiré de la Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine, mais il continue de la protéger par une loi fédérale. Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada et la Loi sur les espèces en péril considèrent que la population du Pacifique Nord n’est pas menacée, mais jugent que les deux autres sont en voie de disparition. (Voir aussi Animaux menacés au Canada.)

Taxonomie de la baleine grise

Règne

Animalia

Embranchement

Chordata

Classes

Mammalia

Ordre

Cetacea

Famille

Eschrichtiidae

Genre

Eschrichtius

Espèce

Eschrichtius robustus