Vilhjalmur Stefansson, explorateur arctique, ethnologue, conférencier, écrivain (né le 3 novembre 1879 à Arnes, au Manitoba; décédé le 26 août 1962 à Hanover au New Hampshire, aux États‑Unis).
Au cours de trois expéditions entreprises dans l’Arctique entre 1906 et 1918, Vilhjalmur Stefansson, l’un des explorateurs arctiques les plus renommés du Canada, a parcouru plus de 32 000 km en traîneau à chiens et exploré certaines des dernières terræ incognitæ de la planète. L’Expédition canadienne dans l’Arctique, qu’il a dirigée entre 1913 et 1918, est sans aucun doute le plus connu de ces périples. Dans les années 1920, ses voyages et ses écrits lui ont valu une reconnaissance internationale et il a réussi, mieux que personne à son époque, à susciter un intérêt pour l’Arctique dans la population canadienne. Nullement effrayé par la controverse, il a souvent eu un effet clivant sur le public. Ses partisans le considéraient comme un génie visionnaire, le « prophète du Nord », tandis que ses détracteurs voyaient en lui un aventurier manipulateur et par trop téméraire.
Jeunesse et exploration de l’Arctique
Peu de temps après la naissance de Vihjalmur Stefansson à Arnes au Manitoba en 1879, ses parents, tous deux Islandais, s’installent avec lui au Dakota du Nord aux États‑Unis. Jeune adulte, il étudie la religion et l’anthropologie à la North Dakota University, à l’Iowa University et à Harvard. En 1906, il accepte une invitation à participer à une expédition menée par l’explorateur danois Ejnar Mikkelsen et le géologue américain Ernest de Koven Leffingwell. En 1906 et 1907, cette expédition l’emmène dans l’Arctique occidental où il étudie les Inuvialuit du delta du Mackenzie. Fasciné par l’Arctique et par les peuples qui l’habitent, il se joint ensuite au zoologiste Rudolph Martin Anderson afin de mener à bien, entre 1908 et 1912, des recherches ethnographiques et scientifiques à l’occasion d’un périple entre Point Barrow en Alaska et le golfe du Couronnement. À proximité du détroit Dolphin et Union, il fait la rencontre d’un groupe d’Autochtones peu connus, les Inuinnait, ou Inuits du cuivre, qu’il surnomme les « Esquimaux blonds ». Il déclenche une controverse en suggérant que leur teint pâle pourrait être le résultat de rapports étroits, sur plusieurs générations, avec une colonie de Normands du Groenland disparue au XVe siècle. Dépourvue de tout fondement scientifique, sa théorie fait l’objet de nombreuses critiques de la part de la communauté scientifique et d’accusations de sensationnalisme.
Lors de son expédition de 1908‑1912, Vilhjalmur Stefansson embauche un guide inupiat, Natkusiak, et entame une relation conjugale avec la couturière inuvialuit qu’il a engagée, Panigavluk, que l’on appelle souvent « Fanny Pannigabluk », avec laquelle il a un fils, Alec, que de nombreuses sources appellent plutôt « Alex ». Il s’en remet essentiellement à ses proches pour se déplacer efficacement et effectuer des recherches dans l’Arctique. C’est avec eux qu’il apprend à se vêtir adéquatement pour affronter les conditions météorologiques de l’Arctique, à vivre des ressources locales et à parler l’inuktitut. Il cherche à prouver qu’une expédition arctique peut survivre en ayant recours, pour se nourrir, aux produits locaux de la terre et de la mer, un concept dont il réussit plus ou moins à démontrer la validité lors de l’Expédition canadienne dans l’Arctique qu’il commande de 1913 à 1918. À l’occasion de cette célèbre expédition, le groupe du Nord suit les contours du bord du plateau continental du Canada et découvre certaines des dernières grandes terres émergées inconnues de la planète – les îles Lougheed, Borden, Mackenzie King, Meighen et Brock – tout en dérivant dangereusement, quoique délibérément, parmi les masses de glace flottante. Malgré ces succès, l’entreprise est minée par de nombreuses dissensions internes et plusieurs de ses membres remettent ouvertement en cause le leadership de Vilhjalmur Stefansson et les plans qu’il a établis. Les critiques se font encore plus vives lorsque le « navire amiral » de l’expédition, le Karluk, fait naufrage, entraînant la mort de onze personnes, une catastrophe qui sera suivie, jusqu’à la fin de ce long voyage d’exploration, par six autres décès.
The Friendly Arctic
Vilhjalmur Stefansson maîtrise parfaitement l’art de la communication et s’avère un écrivain prolifique. Il s’appuie sur son prestige pour façonner la perception qu’ont ses contemporains de l’Arctique. Dans son livre le plus célèbre, paru en 1921, The Friendly Arctic, il adresse au public un message simple : l’Arctique n’est pas un morne désert de glace, mais une région habitable qui doit être développée. Il affirme : « Il est dans la nature humaine de sous‑estimer ce que des terres lointaines, quelles qu’elles soient, peuvent apporter et d’envisager avec un a priori négatif tout ce qui est différent. C’est essentiellement notre réticence à changer de façon de penser qui empêche le Nord de se transformer en un pays offrant suffisamment de ressources pour que l’on puisse y vivre. » Pour stimuler le développement de la région, il présente l’océan Arctique comme une « Méditerranée polaire » stratégique sur les plans militaire et commercial qui, si elle était contrôlée et exploitée par le Canada, pourrait faire de ce pays l’une des grandes puissances du XXe siècle.
Bévues dans l’Arctique et départ aux États‑Unis
En 1921, après avoir échoué à obtenir le soutien du gouvernement du Canada pour une autre expédition officielle dans l’Arctique, Vilhjalmur Stefansson envoie un petit groupe privé coloniser l’île Wrangel, au nord de la Sibérie, et la revendiquer comme territoire canadien. Il s’ensuit un incident international à l’origine d’une aggravation des tensions entre l’URSS et les États‑Unis et d’un certain embarras de la Grande‑Bretagne dont le gouvernement nie tout soutien à cette mission. Le gouvernement canadien est, quant à lui, furieux, estimant qu’en agissant ainsi en électron libre de son propre chef, il nuit aux revendications du Canada sur l’archipel Arctique. Lorsque quatre des cinq membres du groupe qui occupe l’île périssent, notamment un jeune étudiant canadien, Vilhjalmur Stefansson devient la cible de multiples critiques du public qui l’accusent d’avoir envoyé sur l’île un groupe mal préparé. Entre 1921 et 1925, sa réputation continue à se dégrader lorsque son projet de domestication de rennes importés de Norvège sur l’île de Baffin, dépourvu d’une planification adéquate, se termine dans la confusion la plus totale.
Au milieu des années 1920, de nombreux Canadiens perçoivent Vilhjalmur Stefansson comme un fauteur de troubles dont les idées et la présence au Canada sont inopportunes. Il passera le reste de sa vie aux États‑Unis, où il continuera à être considéré comme l’un des meilleurs experts mondiaux de l’Arctique. À l’occasion, il conseille notamment le gouvernement américain et l’armée. Il est nommé président de l’Explorers Club et travaille à la création d’un institut de l’Arctique au Dartmouth College. En 1941, il épouse Evelyn Schwartz Baird. L’avènement de la guerre froide, combiné à des allégations de sympathies communistes, provoque l’annulation de son ambitieux projet d’Encyclopedia Arctica en 20 volumes qu’il préparait avec le soutien de la marine des États‑Unis.
Au cours de ses dernières années, Vilhjalmur Stefansson poursuit son travail à Dartmouth, tout en menant à bien l’écriture de son autobiographie, Discovery. Il meurt d’un accident vasculaire cérébral le 26 août 1962 à l’âge de 82 ans.