Cet article traite de sujets délicats qui peuvent ne pas convenir à tous les publics. Pour rejoindre le Service canadien de prévention du suicide, composez le 1-833-456-4566, ou le 1-866-APPELLE (277-3553) pour les résidents du Québec.
Le suicide est l’acte de s’enlever volontairement et intentionnellement la vie. Le suicide a été décriminalisé au Canada en 1972. Le suicide assisté médicalement a été décriminalisé en 2015. Le suicide est parmi les principales causes de décès au Canada, en particulier chez les hommes. En moyenne, environ 4 000 Canadiens se suicident chaque année, soit environ 11 suicides pour 100 000 personnes au Canada. Ce taux est plus élevé chez les hommes et dans les communautés autochtones. Le suicide est généralement le résultat d’une combinaison de facteurs; ceux-ci peuvent inclure la dépendance, les maladies mentales (surtout la dépression), la dégradation de l’état physique, les difficultés financières, la rupture du mariage et le manque de soutien social et médical.
Suicide assisté au Canada
Pendant plusieurs années, le suicide et la tentative de suicide sont considérés comme des actes criminels. En 1972, le suicide est décriminalisé au Canada. Par conséquent, une personne qui fait une tentative de suicide n’est pas passible de sanctions en vertu du Code criminel. Cependant, le suicide assisté demeure une infraction criminelle en vertu de l’alinéa 241 (b) du Code criminel. Toute personne reconnue coupable de conseiller à une autre de s’enlever la vie ou de l’avoir aidée à se suicider est passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 14 ans, même si la tentative de suicide n’a pas été réussie.
De nombreux débats ont lieu dans les assemblées législatives provinciales et fédérales concernant le droit des individus à l’aide médicale à mourir ou autre forme de suicide, en particulier dans les cas où l’incapacité de la personne l’empêche de commettre l’acte sans aide. En 1993, l’interdiction du suicide assisté est contestée par Sue Rodriguez (voir Rodriguez c. Colombie-Britannique, 1993). Cette affaire donne lieu à des débats publics considérables sur la question. Le statu quo est maintenu par la Cour suprême du Canada. Sue Rodriguez met un terme à sa vie en 1994, assistée par un médecin inconnu.
En 2011, la BC Civil Liberties Association intente une poursuite contestant la loi qui interdit le suicide assisté. L’affaire est portée devant les tribunaux au nom des familles de Kay Carter et de Gloria Taylor qui souffrent toutes deux de conditions débilitantes. (Kay Carter meurt en 2010 et Gloria Taylor meurt en 2012.) En 2014, l’affaire est portée devant la Cour suprême.
Le 6 février 2015, le tribunal vote à l’unanimité (9-0) pour autoriser le suicide assisté médicalement à « une personne adulte capable qui (1) consent clairement à mettre fin à sa vie; et qui (2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition. » Le tribunal estime que l’interdiction du Code criminel est inconstitutionnelle, parce qu’elle porte atteinte aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, tel qu’il est inscrit à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Le 17 juin 2016, plus d’un an après la décision de la Cour suprême, une nouvelle loi fédérale établit les garanties procédurales et les critères d’admissibilité au suicide médicalement assisté. Conformément à la Loi sur l’aide médicale à mourir, les personnes admissibles doivent être âgées d’au moins 18 ans, avec un « état de santé grave et irrémédiable » qui cause « des souffrances physiques ou psychologiques permanentes qui leur sont intolérables ». De plus, la personne doit être en « état avancé de déclin irréversible » dans lequel « sa mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible ». Les critiques soulignent que la législation est plus restrictive que la décision de la Cour suprême, et qu’elle pourrait faire l’objet d’un recours constitutionnel.
En janvier 2019, Jean Truchon et Nicole Gladu, deux Montréalais, contestent devant les tribunaux l’accès à l’aide médicale à mourir en vertu des législations fédérale et québécoise. Ils souffrent tous deux de maladies dégénératives qui leur causent, selon eux, « des souffrances persistantes et intolérables ». Ils font valoir que la législation existante est trop limitée et qu’elle les prive de leurs droits garantis par la Charte. En septembre 2019, un juge de la Cour supérieure du Québec statue que la condition préalable à l’aide médicale à mourir, soit le fait que la mort naturelle soit « raisonnablement prévisible », est inconstitutionnelle. La Cour donne six mois aux gouvernements québécois et fédéral pour répondre à sa décision. En mars 2020, le gouvernement québécois abandonne simplement la disposition problématique.
En février 2020, le gouvernement libéral de Justin Trudeau dépose le projet de loi C-7. Ce projet de loi propose d’autoriser l’aide médicale à mourir pour les gens dont la mort n’est « pas raisonnablement prévisible ». Il établit également des mesures de contrôle pour les deux cas différents, c’est-à-dire pour ceux dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible, et pour ceux dont la mort n’est pas raisonnablement prévisible. Cependant, les discussions concernant le projet de loi C-7 stagnent en raison de la pandémie de COVID-19, qui interrompt les débats parlementaires. Le projet est réintroduit en octobre 2020. Le 10 décembre 2020, la Chambre des communes adopte le projet de loi C-7 par un vote de 212 voix contre 107. Il est ensuite débattu au Sénat, qui approuve le projet de loi avec des amendements en février 2021. Le gouvernement fédéral présente une version révisée du projet de loi C-7. Il devient loi le 17 mars 2021.
La loi sur l’aide médicale à mourir exclut temporairement (jusqu’au 17 mars 2023) les personnes souffrant uniquement de maladie mentale. (Voir Suicide assisté au Canada pour plus d’informations.)
Taux de suicide au Canada
La principale source de données sur les taux de suicide au Canada est la Base canadienne de données sur l’état civil — Décès. Elle recueille « des renseignements démographiques et médicaux (cause du décès) annuellement de tous les registres provinciaux et territoriaux de statistiques de l’état civil. » Cependant, une analyste de Statistique Canada, Tanya Navaneelan, fait valoir que les suicides étaient peut-être sous-évalués dans cette source de données. Ceci serait dû à la « nature difficile de la classification du suicide et au délai requis pour déterminer si le suicide était la cause du décès, ce délai pouvant varier d’une année à l’autre et d’une région à l’autre. »
Taux de suicide au Canada (depuis 2015)
Suicides |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
Total |
4405 |
3978 |
4462 |
4558 |
4528 |
3839 |
Chez les hommes |
3269 |
2939 |
3325 |
3432 |
3440 |
2874 |
Chez les femmes |
1136 |
1039 |
1137 |
1126 |
1088 |
965 |
Taux/100 000 personnes |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
Total |
12,3 |
11,0 |
12,2 |
12,3 |
12,1 |
10,1 |
Chez les hommes |
18,4 |
16,3 |
18,4 |
18,7 |
18,4 |
15,2 |
Chez les femmes |
6,3 |
5,7 |
6,2 |
6,0 |
5,8 |
5,0 |
Taux de suicide provinciaux et territoriaux (depuis 2015)
Taux par 100 000 personnes |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
9,8 |
9,8 |
10,5 |
10,9 |
10,5 |
8,9 |
|
4,8 |
6,4 |
12,0 |
4,7 |
12,2 |
3,4 |
|
15,9 |
21,0 |
Aucune donnée |
Aucune donnée |
Aucune donnée |
Aucune donnée |
|
11,3 |
10,0 |
10,1 |
10,3 |
10,5 |
6,9 |
|
12,2 |
14,1 |
17,5 |
13,9 |
12,0 |
10,9 |
|
13,1 |
13,2 |
14,3 |
12,5 |
12,7 |
11,0 |
|
16,2 |
15,9 |
12,9 |
15,0 |
10,5 |
11,8 |
|
13,9 |
9,4 |
12,7 |
12,9 |
13,3 |
10,4 |
|
14,1 |
15,6 |
15,9 |
14,6 |
16,0 |
13,2 |
|
16,2 |
14,3 |
15,7 |
14,9 |
14,1 |
13,6 |
|
14,7 |
16,4 |
17,0 |
20,8 |
16,6 |
16,3 |
|
21,0 |
24,3 |
18,8 |
27,7 |
16,8 |
9,6 |
|
76,3 |
60,3 |
48,2 |
51,7 |
82,8 |
72,1 |
Tendances et groupes à risque élevé
Les statistiques sur le suicide révèlent un certain nombre de tendances diverses, y compris des taux de suicide plus élevés chez les hommes, chez les personnes d’âge moyen et dans les communautés autochtones. La recherche suggère également que les membres de la communauté LGBTQ (surtout les jeunes) sont plus susceptibles d’envisager de se suicider ou de faire une tentative.
Sexe (homme ou femme)
Le suicide fait typiquement partie des dix principales causes de décès au Canada. Son incidence, toutefois, a légèrement baissé pendant la pandémie de COVID-19. Selon Statistique Canada, le suicide était la cause de 1,2 % des décès (12e rang) au Canada en 2020. Cependant, il existe une différence significative entre les hommes et les femmes : le suicide compte pour 1,8 % de tous les décès chez les hommes en 2020 (12e rang) et 0,65 % de tous les décès chez les femmes (15e rang). Toujours en 2020, le taux de suicide était de 15,2 pour 100 000 chez les hommes, et de 5,0 chez les femmes.
Cependant, ces statistiques peuvent être trompeuses, puisque les femmes sont en fait plus susceptibles de tenter de se suicider. Les hommes sont plus susceptibles d’employer certaines méthodes plus violentes (par exemple, les armes à feu, les explosifs, la pendaison), tandis que les femmes sont plus susceptibles d’employer des médicaments, une méthode moins sûre de réussir. Le taux inférieur de suicide chez les femmes reflète donc un taux de « réussite » inférieur.
Identité de genre et orientation sexuelle
Les statistiques citées ci-dessus précisent le sexe (biologique), mais pas l’identité de genre ou l’orientation sexuelle. On ne peut donc pas savoir le nombre de victimes identifiées comme gaies, lesbiennes, bisexuelles, transgenres, allosexuelles ou bispirituelles. Cependant, de nombreuses études suggèrent que les membres de la communauté LGBTQ (surtout les jeunes) sont plus susceptibles d’envisager le suicide ou de faire une tentative que ceux qui s’identifient comme hétérosexuels, et que l’intimidation, le harcèlement, la discrimination et le manque de soutien de la part de la famille et de la société sont probablement des facteurs à blâmer.
Âge
Les taux de suicide (le nombre de suicides par 100 000 individus) au Canada sont plus élevés chez les hommes et les femmes de 45 à 59 ans. Ceci diffère de la plupart des autres pays, où les taux de suicide ont tendance à être plus élevés chez les aînés plutôt que chez les personnes d’âge moyen. Bien que les taux de suicide soient plus bas chez les jeunes Canadiens, le suicide est en fait de l’une des principales causes de décès chez les personnes de 15 à 34 ans (deuxième en importance seulement après la mort accidentelle). Ceci reflète le fait que les jeunes ne meurent habituellement pas de causes naturelles.
Populations autochtones
Les communautés des Premières Nations et des Inuits souffrent d’un taux de suicide beaucoup plus élevé que celui de la population canadienne générale. Les taux varient selon la région et la communauté. De 2011 à 2016, le taux de suicide dans les communautés des Premières Nations est trois fois supérieur au taux de la population non autochtone; parmi les Inuits au Nunavut, le taux est environ neuf fois supérieur à celui des non-Autochtones. Le nombre de jeunes autochtones qui ont fait une tentative de suicide ou qui sont morts par suicide a augmenté ces dernières années. La détresse psychologique, les maladies mentales (surtout la dépression), l’ alcoolisme, la toxicomanie, les mauvais traitements subis pendant l’enfance et le manque d’accès à des ressources sociales et de santé mentale ont contribué à cette augmentation inquiétante du suicide dans certaines communautés autochtones. (Voir Suicide chez les Autochtones au Canada.)