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Loi des terres fédérales

La Loi des terres fédérales est une loi fédérale qui a reçu la sanction royale le 14 avril 1872. Cette loi permettait que les terres de l’Ouest canadien soient accordées à des individus, à des compagnies de colonisation, à la Compagnie de la Baie d’Hudson, à la construction de chemin de fer, à des municipalités et à des groupes religieux. La loi conservait des terres pour les réserves des Premières nations. Les terres des Métis étaient organisées par le gouvernement en dehors de la Loi des terres fédérales, en utilisant le système des certificats des Métis. La loi réservait aussi des terres pour ce qui deviendrait éventuellement des parcs nationaux (1883). La Loi des terres fédérales a également élaboré des politiques spécifiques sur les propriétés familiales afin d’encourager la colonisation de l’Ouest. Elle couvrait l’admissibilité et les responsabilités des colons, et a aussi mis sur pied une mesure standard pour l’arpentage et la division des terres. Près de 1,25 million de propriétés ont été offertes sur une étendue d’environ 80 millions d’hectares, la plus vaste grille de levés au monde. La loi a été abrogée en 1930, lorsque les terres et les ressources ont été transférées du gouvernement fédéral aux provinces du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta. De 1870 à 1930, près de 625 000 brevets fonciers ont été remis à des colons. En conséquence, des centaines de milliers de pionniers ont afflué dans la région.

Certificat de concession

L’expansion canadienne et les terres autochtones

Après la Confédération en 1867, le gouvernement du Dominion s’étend vers l’ouest, dans l’effort d’assurer son avenir politique et économique. En 1869, le gouvernement achète la Terre de Rupert et le Territoire du Nord-Ouest à la Compagnie de la Baie d’Hudson. Cet immense territoire s’étend du Labrador aux Rocheuses, et du quarante-neuvième parallèle à l’océan Arctique (voir Territoires du Nord-Ouest : 1870-1905). Le Canada a l’intention d’utiliser les ressources naturelles et les terres de l’Ouest pour promouvoir la colonisation des prairies occidentales et la construction du chemin de fer. Ces éléments sont les clés de la stratégie de développement du gouvernement (voir Politique nationale).

Cependant, les Autochtones qui habitent le territoire n’ont pas été consultés au sujet de sa vente. En conséquence, les Métis de la rivière Rouge résistent et fondent un gouvernement provisoire pour faire valoir leur autorité (voirRébellion de la rivière Rouge). En 1870, la province du Manitoba est créée pour répondre aux demandes des Métis (voirLoi sur le Manitoba). L’année suivante, la négociation des traités avec les peuples des Premières nations de la région commence. « Que les peuples autochtones le souhaitent ou non, déclare le lieutenant-gouverneur Adams G. Archibald, des immigrants viendront peupler le pays […] et c’est le temps ou jamais de conclure une entente qui leur assurera, à eux et leurs enfants, des maisons et des rentes » (voir Traités n° 1 et n° 2). Dans les Traités numérotés qui s’ensuivent, les Premières nations sont priées de céder leurs terres à la Couronne. En échange, ils reçoivent des terres dans les réserves, des paiements et de droits de chasse et de pêche.

Chasse aux bisons, diriger un troupeau vers une falaise

Loi des terres fédérales de 1872

La Loi des terres fédérales de 1872 est inspirée de la loi américaine sur le peuplement des terres adoptée aux États-Unis en 1862. La Loi des terres fédérales confère l’autorité légale à la Couronne de concéder des terres à des individus, à des compagnies de colonisation, à la Compagnie de la Baie d’Hudson, à des compagnies de chemin de fer, à des municipalités et à des groupes religieux. La loi réserve également certaines terres destinées aux réserves des Premières nations. En 1883, un amendement à la Loi met de côté des terres en vue de la création de parcs nationaux.

La loi conçoit des politiques de colonisation spécifiques pour encourager la colonisation de l’Ouest, et couvre l’admissibilité et les responsabilités des colons. Au départ, toute homme de plus de 21 ans est éligible à un brevet de propriété d’un « quart de section », un lot de 65 hectares. Cependant, les règles d’admissibilité sont modifiées au cours des années. En 1873, l’âge requis est baissé à 18 ans afin de faciliter l’installation de jeunes familles. Les femmes de plus de 18 ans qui sont le seul soutien familial deviennent admissibles en 1876. En 1919, les veuves des anciens combattants peuvent également recevoir des brevets de propriété.

Lettre patente, 1887

Les politiques sont modifiées au fil des années, mais la plupart des colons admissibles ayant payé des frais administratifs de 10 $ disposent de trois ans pour construire une résidence habitable (voir Hutte s de terre), défricher la terre pour établir une ferme et cultiver une zone déterminée chaque année. Les colons doivent habiter sur le lot pendant au moins six mois de chacune des trois années. Ces exigences sont créées afin de décourager la spéculation foncière (achat d’une propriété dans le but de la revendre plus tard avec profit) et de favoriser l’établissement agricole à long terme dans l’Ouest.

Lorsque les autorités jugent que des progrès ont été accomplis sur un quart de section, le colon devient propriétaire de la terre. Il obtient le droit d’acheter jusqu’à une section complète (260 hectares) pour agrandir sa ferme. Si aucune amélioration n’a été réalisée, la terre peut être reprise par le gouvernement et remise à la disposition d’autres colons.

Entre 1870 et 1930, à peu près 625 000 brevets de propriété sont accordés à des colons.

Maison de terre

Certificats des Métis

Après 1885, le gouvernement fédéral offre aux familles Métis ce qu’on appelle des certificats en échange de leurs titres fonciers. Les certificats sont émis en tant que certificats de terres, équivalent à un quart de section de terre (65 hectares) ou un lopin de terre de 97 hectares. Il peut être également émis sous forme de bons d’argent, d’un montant de 160 dollars ou 240 dollars. Semblable au système des traités, le système des certificats métis est une façon de retirer aux Métis les titres de leurs terres dans l’Ouest et d’ouvrir la voie aux colons blancs.

Beaucoup de ces ententes avec les Métis sont réalisées de manière peu scrupuleuse, les agents contrefaisant leur signature. D’autres sont contraints de vendre leur certificat, pour un prix inférieur à leur valeur nominale, à des spéculateurs fonciers qui les revendent ensuite avec profit à des colons. La plupart des ententes de certificat sont réalisées individuellement. Mais des certificats sont aussi offerts aux Métis dans le cadre des négociations des Traité n° 5, Traité n° 8, Traité n° 10 et Traité n° 11. De nombreux Métis se retrouvent itinérants à cause de ce système. Des preuves suggèrent que le gouvernement fédéral est au courant des failles du système des certificats (voir Certificats de Métis.)

Arpentage des terres fédérales

La Loi des terres fédérales définit une mesure standard pour la subdivision et l’arpentage des terres. L’arpentage est effectué par le service d’arpentage des terres fédérales du Ministère de l’Intérieur. Un système simple et efficace divise les terres arables des Prairies en cantons carrés. Chaque canton comprend 36 sections de 260 hectares, divisées à leur tour en « quart de sections » de 65 hectares. Ces quarts de section sont offerts en lots de colonisation. Ce système de mesures couvre quelque 80 millions d’hectares, représentant environ 1,25 million de fermes, ce qui en fait la plus vaste grille de levés au monde.

Terres fédérales, arpenteurs des

Le projet de colonisation de l’Ouest est si vaste que le gouvernement fédéral doit créer le Ministère de l’Intérieur en 1873. Celui-ci doit administrer cinq filiales : les Terres fédérales, les Affaires indiennes, la Commission géologique du Canada, les Terrains de l’artillerie et de l’Amirauté et les Territoires du Nord-Ouest.

Les modalités de l’achat de la Terre de Rupert par le Canada stipulent que la Compagnie de la Baie d’Hudson est en droit de conserver la possession d’un vingtième des terres. Ceci veut dire que la Compagnie reçoit près de deux quarts de section dans chaque canton. Deux sections de chaque canton sont également réservées pour le soutien de l’éducation. Une variété de baux réservés au pâturage, à la fenaison et à l’exploitation minière sont disponibles sur les terres qui ne sont pas encore revendiquées comme propriétés familiales.

Subventions foncières

Le chemin de fer du Canadien Pacifique (CP) est considéré comme une nécessité nationale et est financé par un système élaboré de subventions foncières. Il n’est pas possible de vendre la plupart des terres avant la construction du chemin de fer. Alors, lorsque d’importantes sommes deviennent nécessaires pour payer les coûts de la construction, le gouvernement fédéral autorise l’émission d’obligations foncières. Il fournit également de généreuses subventions en argent. Une fois la construction du chemin de fer du CP complétée, le désir d’ouvrir de nouvelles zones de colonisation et d’attirer plus de colons entraîne l’attribution des terres à diverses compagnies de colonisation. Ces compagnies sont chargées de recruter des colons, de construire des voies secondaires nécessaires et d’assurer toute autre assistance requise pour établir de nouvelles communautés agricoles dans l’Ouest.

Cantons de Manitoba, Saskatchewan, Alberta et Colombie-Britannique

Immigration et colonisation

Durant trois décennies à partir de 1870, la colonisation des Prairies est lente. Ceci est possiblement le résultat d’une période de récession économique qui s’étend de 1873 à 1896. L’immigration au Canada et dans l’Ouest est activement encouragée pendant le mandat du ministre de l’Intérieur Cliffo rd Sifton, de 1896 à 1905. Durant cette période, le nombre annuel d’immigrants au Canada passe de 16 835 à 141 465. Des centaines de milliers de colons prennent la direction des Prairies.

Clifford Sifton tient fermement à ce que les immigrants et les colons proviennent d’un milieu d’agriculture. Il décrit son colon idéal comme étant un « vigoureux paysan portant une veste de peau de mouton, né sur la terre, dont les ancêtres sont des fermiers depuis dix générations, avec une femme solide et une demi-douzaine d’enfants » (voir Politique d’immigration canadienne).

Pendant cette période, le gouvernement fédéral s’engage dans une vigoureuse campagne de publicité vantant des terres de peuplement gratuites dans les « meilleures terres nouvelles de l’Ouest. » Il collabore aussi avec des agences internationales pour attirer des immigrants dans l’Ouest. En 1914, on compte près de 170 000 Ukrainiens, 115 000 Polonais et des dizaines de milliers d’immigrants allemands, français, norvégiens et suédois qui s’installent dans l’Ouest. Beaucoup d’entre eux s’établissent dans des colonies ethniques, et des cantons entiers deviennent presque intégralement composés d’un seul groupe ethnique (voir aussi La colonisation des Prairies canadiennes par les Ukrainiens).

Mais tous ne sont pas également bienvenus. Les immigrants au Canada sont sélectionnés selon des préférences; les Britanniques, les Américains, les Nord-Européens et les Scandinaves sont en tête de liste. Les Italiens, les Slaves du Sud, les Grecs, les Syriens, les Juifs, les Asiatiques, les Roms et les Noirs sont au bas de la liste (voir aussi Taxe d’entrée imposée aux immigrants chinois au Canada ; Décret C.P. 1911 — 1324, la proposition d’interdiction de l’immigration noire au Canada).


Abrogation de la Loi des terres fédérales

Les politiciens des Prairies considèrent que le contrôle fédéral sur les terres de l’Ouest du Dominion et sur leurs ressources naturelles est une intrusion injuste dans des régions qui ont été attribuées à la juridiction provinciale selon l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (voir aussi Relations fédérales-provinciales; Partage des pouvoirs). Les négociations entreprises pour transférer le contrôle de ce qui reste des terres de l’Ouest et des ressources aux gouvernements provinciaux du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta sont complétées en 1930 (voir Lois concernant le transfert des ressources naturelles, 1930).

Voir aussi : Métis, établissements; Vie des colons; Histoire de la colonisation des prairies canadiennes; Barr : une colonie rurale anglaise dans les Prairies; Country Life Movement; Histoire de l’agriculture jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale.