The Fifth Estate | l'Encyclopédie Canadienne

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The Fifth Estate

The Fifth Estate est la principale émission de journalisme d’enquête au Canada. Conçue selon le modèle de l’émission 60 Minutes de CBS, elle est diffusée sur les ondes de la CBC depuis septembre 1975. Elle demeure une des séries vedettes du diffuseur public. Adrienne Clarkson, Linden MacIntyre, Anna Maria Tremonti, Hana Gartner, Gillian Findlay et Bob McKeown ont compté parmi ses animateurs. L’émission a remporté 52 prix Gemini, plus de 15 prix Écrans canadiens, 2 prix Michener, 2 prix International Emmy, 1 prix Peabody et 1 Oscar du meilleur long-métrage documentaire.

Origine

Au milieu des années 1970, Peter Herrndorf, chef du bureau des actualités de la CBC, décide de miser gros sur une version canadienne de 60 Minutes, une émission de revue de l’actualité très populaire diffusée par CBS. Avec le producteur exécutif Glenn Sarty, il crée un plan pour une émission hebdomadaire de type documentaire. Ils baptisent l’émission The Fifth Estate (Le cinquième pouvoir) pour souligner que son contenu irait au-delà du type de nouvelles qui font les manchettes traditionnellement en journalisme, qu’on appelle souvent le « quatrième pouvoir ». « Nous nous sommes dit que, si les gens ne comprenaient pas ce que the fifth estate signifiait, ce ne serait pas grave », affirme Peter Herrndorf. « Si l’émission allait connaître autant de succès que nous l’anticipions, son nom allait devenir synonyme du genre de contenu de qualité qu’elle présenterait. »

La pression de réussir est au plus fort. En octobre 1975, Ron Base écrit, dans la revue Maclean’s : « Aucune émission d’actualité, depuis This Hour Has Seven Days, n’a fait l’objet d’un battage médiatique aussi onéreux. Le budget de 26 épisodes est de plus d’un million de dollars. » Il ajoute qu’il semblerait que les animateurs gagnent 60 000 $ annuellement. « On dit même que les hauts dirigeants de la CBC affirment qu’ils vont abandonner les émissions de type télémagazine si celle-ci fait un tabac », conclut le journaliste.

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Débuts

The Fifth Estate est diffusé pour la première fois le 16 septembre 1975. Le premier épisode présente une histoire choquante : celle de l’enquête extrêmement mal gérée sur un écrasement d’avion mortel dans l’Arctique en 1974. L’épisode attire 1,3 million de téléspectateurs.

Les premiers animateurs de l’émission sont Adrienne Clarkson, Warner Troyer et Peter Reilly. Adrienne Clarkson, déjà un grand nom du journalisme canadien, obtient une entrevue d’importance avec le chah d’Iran. Elle lui pose notamment des questions difficiles sur le bilan du pays en matière de traitement des prisonniers politiques et de l’utilisation de la torture. « Je pense que ces deux premières années ont été les plus exigeantes de ma vie professionnelle », affirme plus tard la journaliste. Elle se rappelle avoir eu à peine le temps de laver ses vêtements avant de devoir reprendre la route.

Comme pour The National de la CBC, The Fifth Estate est initialement diffusé sans publicité. L’émission attire régulièrement plus d’un million de téléspectateurs. Parmi les documentaires remarquables de ses débuts, on compte un reportage de terrain sur l’apartheid sud-africain et un aperçu du côté humain du cancer du sein, un point de vue rarement couvert à l’époque, avec l’épisode « Four Women ».

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Innovations

Deux innovations relatives à la mise en récit aident The Fifth Estate à se démarquer des émissions de type télémagazine l’ayant précédé. Premièrement, le producteur Bill Cran intègre une dimension inédite : rendre plus visuellement théâtraux les reportages en tournant la caméra vers l’animateur et les membres de l’équipage pendant l’enquête. Il s’agit à présent d’une pratique courante dans les documentaires et le journalisme de radiotélévision. Deuxièmement, l’heure entière d’un épisode est fréquemment consacrée à une seule histoire.

Réalisations remarquables

The Fifth Estate est l’une des deux seules émissions de télévision à avoir reçu un Oscar. (The Twilight Zone a reçu l’autre en 1963.) L’épisode « Just Another Missing Kid » de John Zaritsky, diffusé en 1981, sort au cinéma en 1982. En 1983, il remporte l’Oscar du meilleur long-métrage documentaire.

En 1985, The Fifth Estate diffuse une histoire d’une envergure telle qu’elle entraîne la démission d’un ministre fédéral. L’émission met au jour ce qui deviendra connu sous le nom du « Tunagate » : John Fraser, alors ministre des Pêches et Océans, avait autorisé la vente au public de grandes quantités de thon pourtant déclarées impropres à la consommation humaine. Il est obligé de quitter ses fonctions.

L’épisode « A Toxic Company » de 2003, sur la sécurité au travail, remporte un prix Peabody. Il est coproduit par l’émission Frontline de PBS (qui, elle, le diffuse sous le nom « A Dangerous Business »). Les épisodes sur la guerre du golfe Persique (« To Sell a War ») et les ateliers de misère à l’étranger (« Made in Bangladesh ») reçoivent respectivement un prix International Emmy en 1992 et en 2014.

Par ailleurs, l’émission aurait permis d’attirer l’attention sur des injustices judiciaires, notamment sur les condamnations injustifiées de Guy Paul Morin et de Steven Truscott. Elle produit également deux documentaires sur Ashley Smith, une adolescente morte tragiquement en prison en 2007. Les épisodes « Out of Control » et «  Behind the Wall » présentent une enquête sur le traitement, par le système pénal canadien, des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale. Ils remportent un prix Michener, le plus grand prix journalistique au Canada, en 2010.

The Fifth Estate est aussi parmi les premiers à enquêter sur Peter Nygard, le magnat de la mode arrêté pour trafic sexuel et agression sexuelle. De plus, l’émission reçoit des éloges pour le regard critique qu’elle porte sur l’enquête interne effectuée par la CBC relativement aux allégations d’inconduite sexuelle contre l’ancien animateur Jian Ghomeshi. (Voir aussi Affaire Jian Ghomeshi; Mouvement #MoiAussi au Canada.)

Animateurs

Au fil des ans, plus de 20 personnalités animent The Fifth Estate. Parmi ses premiers co-animateurs, on compte Adrienne Clarkson, qui devient plus tard gouverneure générale du Canada (1999-2005). Les animateurs et reporters incluent aussi Warner Troyer, Peter Reilly, Ian Parker, Eric Malling, Hana Gartner, Francine Pelletier, Trish Wood, Sheila MacVicar, Victor Malarek, Stevie Cameron, Bob Johnstone et Anna Maria Tremonti.

Linden MacIntyre, animateur de The Fifth Estate pendant près de 25 ans, annonce qu’il quitte l’émission en 2014 pour sauver d’autres emplois menacés par une coupe budgétaire importante. Son intervention attire l’attention sur l’importance du personnel travaillant dans l’ombre à la CBC.

La 48e saison de The Fifth Estate commence le 29 septembre 2022. La productrice exécutive Diana Swain est à la barre et le nouvel animateur, Steven D’Souza, se joint à trois co-animateurs : Mark Kelley, Gillian Findlay et Bob McKeown.

Controverses

Un épisode de 1996 intitulé « The Heart of the Matter » (sur le caractère sécuritaire des inhibiteurs calciques comme médicaments pour les problèmes cardiaques) entraîne une bataille judiciaire prolongée avec deux cardiologues qui y ont été interviewés. Ils affirment qu’ils y sont représentés de façon malveillante, injuste, diffamatoire et sensationnaliste. Après plusieurs années, ils ont gain de cause, et la CBC est condamnée à payer trois millions de dollars en pénalités, intérêts et frais judiciaires. Il s’agit d’une des condamnations les plus sévères pour diffamation de l’histoire du Canada.

En 2019, une série de The Fifth Estate sur le tueur en série et violeur Paul Bernardo est envisagée afin de stimuler les cotes d’écoute, mais le projet fait face à une forte opposition publique et ne se réalise jamais.

Prix

Prix Gemini

  • Meilleure série d’information (Ron Haggart, Robin Taylor) (1986)
  • Prix Gordon Sinclair du journalisme parlé (Eric Malling) (1986)
  • Meilleur présentateur ou intervieweur (Hana Gartner) (1987)
  • Meilleure série d’information (David Nayman, Kelly Crichton) (1993)
  • Prix Gordon Sinclair du journalisme parlé (Linden MacIntyre) (1993, 1995)
  • Meilleure série d’information (David Studer, Kelly Crichton) (1995)
  • Meilleur présentateur ou intervieweur (Linden MacIntyre) (1995)
  • Meilleur animateur ou intervieweur d’une émission ou série de nouvelles et d’information (Hana Gartner) (1996, 2008)
  • Meilleure série de nouvelles et d’information (David Studer, Susan Teskey) (1997, 1998, 1999, 2000)
  • Meilleur segment d’information (Julian Sher) (1997)
  • Meilleure réalisation d’une émission ou d’une série d’information (Neil Docherty) (1997, 1999, 2000)
  • Meilleure rédaction pour une émission ou une série d’information (Linden MacIntyre) (1997, 2001, 2005, 2006, 2011)
  • Prix Gordon Sinclair du journalisme parlé (Victor Malarek) (1997)
  • Meilleure rédaction pour une émission ou une série d’information (Francine Pelletier) (1998, 2000)
  • Prix Gordon Sinclair du journalisme parlé (Linden MacIntyre) (1998)
  • Meilleure réalisation d’une émission ou d’une série d’information (Morris Karp; « John/Joan») (1998)
  • Meilleur animateur ou intervieweur d’une émission ou série de nouvelles et d’information (Linden MacIntyre) (1998)
  • Meilleur montage pour une émission ou une série d’information (Leslie Steven Onody) (1999)
  • Meilleur segment d’information (Erin Paul, Jennifer Campbell) (2000)
  • Meilleure photographie pour une émission ou une série d’information (Colin Allison) (2002, 2004)
  • Meilleure série de nouvelles et d’information (Jim Williamson, David Studer) (2002)
  • Meilleure série de nouvelles et d’information (David Studer, Sally Reardon) (2004, 2007, 2008, 2009)
  • Meilleure rédaction pour une émission ou une série d’information (Bob McKeown; « Run for Your Life») (2004)
  • Meilleur montage pour une émission ou une série d’information (Loretta Hicks) (2004, 2005)
  • Meilleure réalisation d’une émission ou d’une série d’information (Oleh Rumak) (2005, 2010, 2011)
  • Meilleure série de nouvelles et d’information (David Studer, Sally Reardon, Jim Williamson, Jane Mingay) (2006)
  • Meilleur montage pour une émission ou une série d’information (Tania White) (2007)
  • Meilleur présentateur ou intervieweur dans une émission ou une série de nouvelles et d’information (Gillian Findlay) (2007, 2009)
  • Meilleur montage pour une émission ou une série d’information (Avi Lev) (2008)
  • Meilleure réalisation d’une émission ou d’une série d’information (Harvey Cashore) (2009)
  • Meilleure rédaction pour une émission ou une série d’information (Gillian Findlay) (2009)
  • Prix Barbara Sears pour la meilleure recherche éditoriale (Lynette Fortune) (2010)

Prix Écrans canadiens

  • Prix Barbara Sears pour la meilleure recherche éditoriale (Angela Gilbert) (2013)
  • Meilleure réalisation d’une émission ou d’une série d’information (Carmen Merrifield, Claude Vickery) (2013)
  • Meilleure série de nouvelles et d’information (Jim Williamson, Marie Caloz) (2013)
  • Meilleur projet entre plateformes, non-fiction (Rachel Nixon, Marie Caloz, Marissa Nelson, Robert Sheppard, Jim Williamson) (2013)
  • Prix Barbara Sears pour la meilleure recherche éditoriale (Anita Elash, Kimberly Ivany, Romilla Karnick, Sangeeta Patel et Sina Zapfe) (2014)
  • Meilleure série de nouvelles et d’information (Jim Williamson, Marie Caloz) (2014, 2015)
  • Meilleure émission de nouvelles ou d’information (« Made in Bangladesh») (2015)
  • Prix Barbara Sears pour la meilleure recherche éditoriale (Nicole Reinert, Alexandra Byers, Greg McArthur, Zach Dubinsky, Chelsea Gomez et Joseph Loiero) (2016)
  • Meilleure série de nouvelles ou d’information (2018)
  • Meilleur présentateur ou intervieweur dans une émission ou une série de nouvelles et d’information (Gillian Findlay) (2018)
  • Meilleure série de nouvelles ou d’information (2019, 2020, 2021)
  • Meilleure rédaction, documentaire (Gillian Findlay) (2019)
  • Prix Barbara Sears pour la meilleure recherche éditoriale (Timothy Sawa, Lisa Mayor, Zander Sherman) (2019)
  • Prix Barbara Sears pour la meilleure recherche visuelle (Leslie Morrison) (2019)
  • Meilleur montage, factuel (Aileen McBride) (2020)
  • Meilleure émission de nouvelles ou d’information (« 13 Deadly Hours») (2022)

Autres

  • Prix International Emmy du documentaire (« To Sell a War») (1992)
  • Prix Michener, Fondation des Prix Michener (2000, 2010)
  • Prix Peabody (« A Toxic Company») (2003)
  • Prix International Emmy pour la couverture de l’actualité (« Made in Bangladesh») (2014)