Contexte théorique
La notion de trou noir est émise par le physicien anglais John Michell vers la fin du 18e siècle, puis, plus tard, par le mathématicien français Pierre Simon de Laplace. Ce dernier se rend compte que, si la lumière est composée de particules, un corps céleste suffisamment compact peut avoir une gravité assez intense à sa surface pour que les particules de lumière (photons) ne puissent s’en échapper, ce qui produit une étoile invisible ou noire.
Au début du 20e siècle, la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein est utilisée pour l’étude des trous noirs, car la théorie de la gravité développée par Sir Isaac Newton, plus ancienne, ne fournit pas le cadre adéquat permettant de traiter de l’espace-temps courbe autour de ces trous noirs. La théorie newtonienne n’impose aucune limite à la vitesse de propagation de la matière ou de l’information, permet l’action instantanée à distance et entraîne donc de graves violations du principe de causalité.
Horizon des événements
Le trou noir consiste en une surface sphérique, appelée horizon des événements, qui sépare la partie de l’espace visible pour un observateur extérieur de l’intérieur du trou noir, duquel rien ne peut s’échapper. Le rayon de cette sphère est appelé rayon de Schwarzchild en l’honneur de l’astrophysicien allemand qui, en 1916, élabore la première solution mathématique correspondant au trou noir à partir des équations d’Einstein. Ce rayon est proportionnel à la masse de l’objet qui s’effondre pour former le trou noir. Un objet de masse égale à celle du Soleil aurait un rayon d’environ 3 km seulement.
En 1967, Werner Israel de l’Université de l’Alberta émet l’hypothèse qu’une fois formé, un trou noir peut être décrit par un très petit ensemble de paramètres : la masse totale, la charge électrique et le moment angulaire de toute matière qui est entré dans sa composition. Donc, essentiellement toute l’information sur la structure détaillée des objets jetés dans un trou noir est perdue.
Singularité
L’horizon des événements empêche tout observateur extérieur de connaître quoi que ce soit sur l’autre caractéristique importante d’un trou noir : la singularité centrale où la physique gravitationnelle ne s’applique plus. Apparemment, la plupart des singularités envisageables, sinon toutes, sont enfermées dans un horizon des événements, d’où l’hypothèse d’une « censure cosmique ». Les seuls observateurs qui pourraient donc espérer étudier la singularité sont ceux qui sont condamnés à disparaître dans la singularité, sans jamais pouvoir divulguer leurs découvertes au reste de l’univers.
Preuve de l’existence des trous noirs
Il est difficile de démontrer l’existence de trous noirs en dehors du domaine de la théorie puisque, pour prouver explicitement l’existence de l’horizon des événements qui caractérise un trou noir, l’observateur devrait pénétrer cet horizon, mais alors l’information serait perdue étant donné l’impossibilité pour l’observateur d’en revenir. Ainsi, l’existence des trous noirs ne peut que se déduire de leurs effets sur leur environnement ou d’une séquence évolutive claire qui conduit à leur formation.
La théorie des dernières étapes de l’évolution des étoiles massives veut qu’une étoile sphérique suffisamment massive ne puisse résister éternellement à sa propre gravitation et s’effondre finalement pour former un trou noir. Tel est le fondement de l’assertion de C.T. Bolton de l’Université de Toronto voulant qu’un trou noir existe dans la constellation Cygne X-1. Si les étoiles peuvent perdre une grande partie de leur masse durant la phase d’effondrement, comme le laissent entendre les travaux de Sun Kwok de l’Université de Calgary et d’autres chercheurs, de nombreuses étoiles massives pourraient donc ne pas s’effondrer systématiquement sous la forme d’un trou noir.
En 1974, Stephen Hawking de l’Université de Cambridge, au Royaume-Uni, démontre théoriquement qu’un trou noir rayonne à une température inversement proportionnelle à sa masse. La température de rayonnement d’un trou noir de masse égale à celle du Soleil est d’environ 10-7 °K, ce qui se situe bien en dessous des limites observables, mais la température de rayonnement d’un trou noir de masse égale à celle d’une grosse montagne est d’environ 1011 °K. Cette théorie découle de la prise en compte de tels petits trous noirs comme sources de rayonnement cosmique hautement énergétique. Les premiers trous noirs, beaucoup moins massifs que ceux-ci, auraient probablement eu le temps de s’évaporer depuis les premiers temps de l’univers.
L’accumulation de preuves soutenant l’existence des trous noirs suggère que ces phénomènes peuvent être catégorisés en deux classes. Les trous noirs de masse stellaire ont une masse quelques fois supérieure à celle de notre Soleil, et émettent des rayons X à mesure que des objets tombent à l’intérieur. Leur existence est basée sur l’observation des étoiles binaires dans notre propre galaxie et dans les galaxies avoisinantes. La deuxième classe de trous noirs englobe les phénomènes immenses que l’on trouve au centre des galaxies et dont l’existence est postulée par l’observation de la distribution lumineuse hautement concentrée de ces galaxies.
L’existence des trous noirs à l’extérieur de domaine théorique est soutenue par la découverte de ce qui semble être un exemple de trou noir dans M87, une énorme galaxie de forme elliptique. Une des caractéristiques du trou noir serait le « disque d’accrétion », une structure composée de matière et tourbillonnant dans le trou noir comme le ferait l’eau autour du drain d’une baignoire. Le 27 février 1994, des scientifiques découvrent la présence, grâce au télescope Hubble de la NASA, un tel disque d’accrétion au centre de la galaxie M87, située dans la constellation de la Vierge, à 50 millions d’années-lumière de la Terre. Cette découverte provient du calcul de la vitesse de rotation d’un disque de gaz chaud en orbite autour du trou noir.
Il a été possible de prouver que la rotation du disque en observant l’effet Doppler, un phénomène courant que l’on observe notamment lorsqu’on écoute le sifflet d’un train de passage. Plus le train s’approche à grande vitesse, plus la fréquence du sifflet est haute, et plus elle descend à mesure que le tain s’éloigne. De façon similaire, si la lumière captée dans un télescope provient d’un objet s’approchant à grande vitesse, plus sa fréquence est haute, se déplaçant vers l’extrémité de courte longueur d’onde du spectre (ce qu’on appelle un décalage vers le bleu). Si l’objet s’éloigne à grande vitesse, sa lumière se décale vers le rouge. Ces déplacements s’observent à l’aide d’un spectrographe.
Le docteur Richard Harms, chercheur au Applied Research Corps de Landover, dans l’État du Maryland, a déclaré que l’hypothèse d’un trou noir massif est possible l’une des explications les plus conservatrices de ce qui se trouve dans la galaxie M87. S’il ne s’agit pas d’un trou noir, alors c’est autre chose d’encore plus difficile à comprendre et à expliquer avec les théories astrophysiques actuelles. Avec le Dr Holland Ford, chercheur au Space Telescope Science Institute et à l’Université Johns Hopkins, Richard Harms a utilisé le spectrographe d’objets de faible luminosité pour mesurer la vitesse des gaz en orbite de chaque côté du disque à quelque 60 années-lumière du cœur du trou noir. Ils ont calculé que le disque de gaz ionisés (à une température d’environ 10 000 Kelvin) tourbillonne à des vitesses incroyables autour d’un centre extrêmement massif, mais aussi extraordinairement compact : un trou noir.
En 2019, des scientifiques dévoilent la toute première image directe d’un trou noir après avoir observé l’objet au centre de M87. La photo est produite grâce aux données d’un réseau mondial de 8 radiotélescopes agissant comme un seul télescope de la taille de la Terre. Les astronomes qualifient l’image, qui montre un anneau de débris lumineux autour de l’horizon des événements, « la meilleure preuve jusqu’à présence de l’existence des trous noirs supermassifs. »
Unification de la théorie de la physique
La taille des premiers trous noirs est telle, qu’il faut, pour les décrire, recourir aux théories de la gravitation et de la mécanique quantique. La prise en considération de ces corps est donc un pas en avant vers une théorie unifiée de la physique, un but longtemps recherché. Cette relation entre la gravitation et la mécanique quantique est maintenant au premier plan de l’étude des théories sur la structure initiale de l’univers, mettant en jeu le modèle du « Big Bang », le modèle inflationniste et d’autres modèles de l’univers. Au tout début de l’univers, les échelles de distance caractéristiques de la gravitation et des effets propres à la mécanique quantique deviennent identiques. Les possibilités de progrès importants sans une compréhension adéquate d’une théorie unifiée quelconque décrivant l’espace-temps sont donc minces.