Marie-Madeleine Jarret de Verchères (née le 3 mars1678 à Verchères, au Québec; décédée en août 1747 à Sainte-Anne-de-la-Pérade, au Québec). Elle est mieux connue pour le rôle qu’elle a joué dans la défense du fort Verchères, en Nouvelle-France, en 1692. On se souvient d’elle comme étant une héroïne militaire, et son image est utilisée pour recruter des femmes canadiennes pendant les Première et Deuxième Guerres mondiales.
Jeunesse et famille
Fille de François Jarret de Verchères et Marie Perrot, Madeleine de Verchères est la quatrième de 12 enfants. Son père s’installe en Nouvelle-France en 1665 en tant que porte-étendard dans le régiment de Carignan-Salières. Ce détachement militaire français de 1 100 hommes est envoyé par le roi Louis XIV pour défendre la colonie pendant les guerres iroquoises, une série de conflits opposant les Français et les Haudenosaunee (Iroquois) pour le contrôle de territoires et de ressources, des années 1640 à 1701.
En 1672, l’intendant de la Nouvelle-France, JeanTalon, concède à François Jarret une seigneurie de 120 acres sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, appelée Verchères (maintenant une banlieue de Montréal), en reconnaissance de son service militaire. Tandis que les hostilités avec les Haudenosaunee se poursuivent, François Jarret construit un petit fort en bois pour protéger sa maison et sa famille ainsi que les 11 familles de censitaires qui vivent sur ses terres. Malgré cette protection, son fils Antoine et ses deux beaux-fils sont tués lors d’affrontements avec les Haudenosaunee.
Défense du fort Verchères
Le 22 octobre 1692, Madeleine, alors âgée de 14 ans, et ses cadets sont seuls à Verchères, leurs parents étant partis acheter des provisions pour l’hiver. Pendant qu’elle s’affaire dans le jardin près du fort, les Haudenosaunee attaquent par surprise. Des hommes travaillant dans les champs sont tués ou capturés.
Madeleine décrira ensuite par écrit comment elle échappe de justesse à ses attaquants. Alors qu’elle court en direction du fort, un Haundenosaunee agrippe son foulard. Elle le détache, referme les portes derrière elle et « monte rejoindre la sentinelle sur le bastion, puis se coiffe de son chapeau pour se transformer en soldat. Elle tente alors de donner l’impression que le fort est bien gardé, même si ce n’est pas le cas ». Elle tire du canon et des coups de feu à partir de divers endroits dans les fortifications. Elle réussit à faire croire que plusieurs hommes armés défendent le fort, bien qu’il ne s’y trouve en réalité que des enfants, un homme âgé et quelques soldats.
Huit jours plus tard, les renforts arrivent à Verchères et Madeleine donne le commandement du fort au lieutenant de La Monnerie en le saluant: « Monsieur, soyez le bienvenu, je vous rends les armes ». Louis deBuade, comte de Frontenac et gouverneur général de la Nouvelle-France, ne mentionne pas Madeleine dans son rapport sur les conflits avec les Haudenosaunee cette année-là, indiquant seulement que « l’ennemi a tué et capturé des habitants de Verchères ».
Statue de Madeleine de Verchères érigée à proximité du quai du village de Verchères.
(photo de Bordeled/Wikimedia CC)
Reconnaissance officielle
Ce n’est que sept ans après ces événements que Madeleine demande que son rôle dans la défense du fort Verchères soit reconnu officiellement. En 1699, elle écrit à la Comtesse de Maurepas, épouse du ministre français de la Marine, pour lui décrire l’attaque et demander une pension.
Lorsque le roi Louis XIV s’enquiert de la véracité des propos de Madeleine auprès de l’intendant Jean Bochart de Champigny, celui-ci confirme que « les affirmations de la fille du Sieur de Verchères dans la lettre qu’elle s’est donné l’honneur d’écrire à Madame la Comtesse de Pontchartrain [de Maurepas] sont véridiques ». En 1701, Madeleine et sa mère veuve reçoivent des pensions.
Mariage et enfants
En septembre 1706, Madeleine de Verchères, qui a alors 28 ans, épouse Pierre-Thomas Tarieu de La Pérade, fils de Thomas de Lanouguère, un administrateur colonial, et de Marguerite-Renée Denys. Avec cette union, Madeleine appartient désormais à la noblesse. Elle s’installe sur la seigneurie familiale de son mari, située à Sainte-Anne-de-la-Pérade. Le couple a cinq enfants, dont seulement deux atteindront l’âge adulte : Madeleine Marie (1707-1776) et Charles François (1710-1776).
Vie ultérieure
Madeleine de Verchères est impliquée dans une série de litiges liés à sa réputation, aux propriétés foncières de sa famille et à son titre de noblesse. Elle se rend en France à au moins deux reprises pour résoudre ces conflits. L’historien et archiviste Robert de Roquebrune conclut qu’il est « peu judicieux de s’en prendre à Madeleine de Verchères, que l’on soit un demandeur ou un Iroquois ». L’adresse au tir de Madeleine est reconnue tout au long de sa vie. En 1722, elle sauve son mari d’une attaque d’un petit groupe d’Abénakis en blessant un des assaillants.
Héritage
La vie et les réalisations de Madeleine de Verchères ne retiennent guère l’attention dans le siècle qui suit sa mort. Cependant, l’intérêt quant à son rôle dans la défense du fort Verchères est ravivé à la fin du 19esiècle et au début du 20esiècle. Un intérêt accru pour l’histoire canadienne-française, à la suite de la rébellion du Bas-Canada de 1837, et la canonisation de Jeanne d’Arc en 1920 contribuent à la notoriété de Madeleine de Verchères dans la culture populaire. Une pièce de théâtre parue en 1918 met en scène lord Durham, qui croit que le Canada français a peu d’histoire jusqu’à ce qu’il s’intéresse à la vie de Madeleine de Verchères. Le comte Grey, gouverneur général, achète une statuette de Madeleine façonnée par Louis-Philippe Hébert pour Rideau Hall et offre une statue similaire du même artiste à Verchères. En 1922, un des premiers longs métrages canadiens-français dépeint la vie de l’héroïne.
Pendant les Première et Deuxième Guerres mondiales, la vie et l’image de Madeleine de Verchères sont utilisées pour encourager les femmes canadiennes à participer à l’effort de guerre, particulièrement au Québec. Une biographie de Madeleine, écrite par Arthur G. Doughty en 1916 et intitulée Une fille de la Nouvelle-France, est dédiée à « Son Altesse Royale la princesse Patricia dont porte fièrement le nom un des plus nobles régiments qui aient jamais combattu pour la Grande-Bretagne », le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry. La princesse Patricia dessine une esquisse pour le frontispice du livre, qui dépeint le moulin de Verchères. Les recettes du livre sont versées au Chapitre Magdelaine de Verchères pour soutenir son travail pour la Croix-Rouge lors de la Première Guerre mondiale. Une affiche de recrutement pour la Deuxième Guerre mondiale, imprimée en français et en anglais, représente une image idéalisée de Madeleine de Verchères, armée d’une carabine, et la décrit comme l’une des héroïnes nationales du Canada.