Un quartier patrimonial : sites archéologiques et bâtiments historiques
Le Vieux-Montréal se distingue par la valeur de ses sites archéologiques et de ses bâtiments historiques. Les découvertes de vestiges archéologiques y sont nombreuses depuis les années 1980 grâce aux fouilles systématiques effectuées à la place Royale, à la place Jacques-Cartier, à la place d’Armes et au Champ-de-Mars. Des campagnes plus ciblées permettent aussi de documenter aussi bien la présence autochtone que l’occupation européenne. La rue Saint-Éloi abrite, par exemple, des vestiges vieux de 4 000 ans. D’autres sites témoignent de la sédentarisation des Iroquoiens du Saint-Laurent entre l’an 1000 et la fin du 16e siècle. Les archéologues étudient parallèlement le lieu de fondation de Montréal, les sites de la première église Notre-Dame et de la première chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours ainsi que plusieurs habitations de la ville coloniale. Les autorités municipales président également au marquage du tracé des anciennes fortifications et du château de Vaudreuil afin de rendre tangible cet héritage méconnu et généralement invisible. Si la plupart des sites ne sont pas accessibles au public, les musées Pointe-à-Callière et Marguerite-Bourgeoys, tout comme les vestiges des fortifications de Montréal au Champ-de-Mars, offrent des expériences archéologiques uniques.
Le Vieux-Montréal possède aussi une importante collection de bâtiments historiques. Peu de vestiges de l’époque de la Nouvelle-France sont toutefois encore visibles, les incendies et les transformations urbaines ayant causé des pertes importantes. C’est d’ailleurs la peur de voir disparaître des bâtiments uniques sous le pic des démolisseurs qui pousse les autorités à intervenir au début des années 1960. Cependant, le Vieux Séminaire de Saint-Sulpice (1684-1687), l’ancien hôpital général de Montréal (1693), la maison Clément-Sabrevois de Bleury (1747), la maison Brossard-Gauvin (1750) et plusieurs autres bâtiments résidentiels témoignent encore aujourd’hui de la ville fortifiée et de son expansion dans les faubourgs.
La trame des rues et l’organisation spatiale du cadre bâti sont un apport essentiel des premiers siècles d’urbanisation. Si les spécialistes ont cru pendant longtemps que le patrimoine du Vieux-Montréal se résumait au legs de la ville coloniale, ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’importance et les qualités de l’architecture éclectique — aussi appelée victorienne — sont maintenant reconnues. Au cours de la seconde moitié du 19e siècle, la partie à l’ouest du boulevard Saint-Laurent change radicalement de visage. La rue Sainte-Hélène, magnifiquement préservée, conserve une dizaine de magasins-entrepôts construits entre 1858 et 1871. La rue Saint-Jacques, connue comme la « Wall Street du Canada », est un autre bel exemple du Vieux-Montréal au temps de sa splendeur économique.
À elle seule, la place d’Armes résume bien l’évolution urbaine depuis la fondation de la ville et la richesse de son patrimoine. Paul Chomedey de Maisonneuve et Jeanne Mance, fondateurs de Montréal, y sont commémorés depuis les célébrations du 250e anniversaire de la ville en 1892. Au sud de la place, le Vieux Séminaire et l’église Notre-Dame (1824-1829) affirment la puissance religieuse des Sulpiciens, seigneurs de l’île jusqu’en 1854. Au nord, la Banque de Montréal (1845-1847) et les nombreux édifices bancaires sur le même tronçon attestent de l’essor de la finance au 19e siècle. À l’est, l’édifice de la New York Life Insurance (1887-1889), premier gratte-ciel à Montréal, et l’édifice Aldred (1929-1931), bâtiment art déco de 23 étages, révèlent l’influence grandissante des États-Unis dans la première moitié du 20e siècle. À l’ouest, l’édifice de la Banque canadienne nationale (1965-1968) marque l’affirmation des Québécois francophones dans le domaine bancaire et introduit le style international dans le secteur. À n’en pas douter, le Vieux-Montréal est, par la richesse de ses vestiges archéologiques et de ses bâtiments historiques, un haut lieu du patrimoine à Montréal.
Un quartier touristique : offres culturelles et récréatives
La protection du patrimoine va de pair avec la mise en tourisme du Vieux-Montréal. L’Exposition universelle de 1967, de même que le 325e anniversaire de Montréal et le centenaire de la Confédération canadienne, célébrés la même année, favorisent la réalisation de projets à caractère historique dans le quartier. La restauration de bâtiments, l’installation de pavés anciens et de lampadaires inspirés du 19e siècle ainsi que le contrôle de l’affichage commercial changent l’apparence de l’environnement urbain. Un bureau d’information touristique a désormais pignon sur la rue Notre-Dame, et des circuits de visite sont spécialement créés pour faire découvrir les richesses patrimoniales. De nouveaux musées bonifient l’offre culturelle déjà présente avec le Château Ramezay, plus vieux musée d’histoire (1895) dans le quartier. L’ouverture du Centre d’histoire de Montréal (1983), du Lieu historique national de Sir-George-Étienne-Cartier (1985) ainsi que des musées Pointe-à-Callière (1992) et Marguerite-Bourgeoys (1998) diversifie les occasions d’interprétation du patrimoine pour les touristes et le public montréalais.
À partir de cette offre culturelle grandissante, les tentations de faire du Vieux-Montréal un quartier-musée sont nombreuses. Dans les années 1960, des férus d’histoire évoquent la possibilité de déplacer des bâtiments menacés près de la rue Bonsecours pour créer le village de Maisonneuve. Dans les années 1970, c’est la reconstruction de l’ancien hôpital général des Sœurs grises que l’on imagine. Ces projets ne sont pas réalisés, mais la fréquentation touristique continue de s’accentuer, stimulée par la mise en valeur du patrimoine et le développement d’une offre culturelle alléchante. La pression du tourisme dans le quartier atteint son point de rupture en 1992, lors des célébrations du 350e anniversaire de Montréal. Au lendemain des festivités, un dialogue s’amorce entre les différents acteurs du Vieux-Montréal en vue de favoriser un meilleur arrimage des enjeux urbains. Ainsi, après des années de tergiversation, la transformation du Vieux-Port de Montréal en espace récréotouristique aide à redistribuer les visiteurs dans le secteur. La multiplication des hôtels, misant sur le charme des bâtiments patrimoniaux, répartit en outre leur présence sur l’ensemble de la journée et ajoute à l’animation du quartier. C’est ce que fait également à partir de 1996 l’Opération lumière du Vieux-Montréal, en plus de participer à l’ambiance et à la sécurité nocturne. Ainsi, bien naturellement, les qualités architecturales et historiques du quartier deviennent le moteur de projets culturels et récréatifs propres à susciter une fréquentation touristique.
Un lieu de vie : présence de résidents et de travailleurs
Dès les années 1960, l’objectif du renouvellement urbain est de créer un « quartier vivant ». Les autorités municipales souhaitent éliminer les nuisances industrielles et réduire la circulation de camions et d’automobiles. Les activités d’affaires et commerciales se transforment ainsi peu à peu tout en maintenant des fonctions plus anciennes. La valorisation de la fonction résidentielle apparaît également essentielle. En effet, un long déclin s’est amorcé depuis la fin du 19e siècle, et malgré l’arrivée de quelques pionniers qui ont rénové des bâtiments anciens pour vivre l’expérience d’un quartier historique, la population continue de péricliter. En 1976, seulement 555 personnes habitent le Vieux-Montréal. Un laborieux processus de restauration se met donc en branle.
La reconversion de bâtiments anciens en immeubles d’habitation permet d’utiliser le patrimoine architectural à des fins résidentielles. Le cours Le Royer, l’un des projets pionniers, réalisé entre 1976 et 1982, remporte un grand succès. Cinq magasins-entrepôts de l’Hôtel-Dieu sont requalifiés et plus de 200 logements sont créés. De même, les transformations du cours Saint-Pierre, de l’édifice du C.P.R. Telegraph et de l’immeuble Lyman changent radicalement l’offre dans le quartier. Dans les décennies suivantes, les projets de revitalisation se multiplient tandis que se construisent des bâtiments neufs. Les faubourgs Québec et des Récollets, à l’est et à l’ouest du Vieux-Montréal, offrent un potentiel de développement que l’arrondissement historique ne permettait pas. Par conséquent, la population du secteur augmente. En 2016, près de 3 500 personnes habitent le Vieux-Montréal, 7 000 si l’on compte les résidents des faubourgs. L’Association des résidents du Vieux-Montréal, créée en 1993, défend depuis la qualité de vie dans le quartier.
La patrimonialisation du Vieux-Montréal amène aussi d’importants changements sur le plan économique. Au début des années 1960, l’activité dans les domaines manufacturiers et de l’entreposage de fourrure, de produits chimiques et de produits pharmaceutiques est l’héritage du rôle joué jadis par le quartier. Toutefois, comme cette activité ne cadre plus avec le profil d’un quartier historique, un processus de reconversion s’enclenche. Sans surprise, le tourisme et la culture s’imposent. Néanmoins, le quartier conserve de nombreuses entreprises offrant des services professionnels, juridiques, scientifiques ou techniques. La présence des administrations fédérale, provinciale et municipale n’est pas étrangère à ce choix d’emplacement, tout comme les qualités patrimoniales du lieu. En 2016, 35 000 personnes travaillent dans le Vieux-Montréal et contribuent au maintien d’un quartier vivant.
Conclusion
Le Vieux-Montréal est un quartier incontournable de la métropole québécoise. Un riche patrimoine urbain distingue ce lieu unique en Amérique du Nord. En témoignent les 6,5 millions de visiteurs qui s’y rendent chaque année. Le tourisme n’est toutefois pas sa seule raison d’être, puisque des travailleurs le fréquentent quotidiennement et des résidents l’habitent désormais. Tout n’est pas parfait pour autant. L’équilibre entre ces pôles est fragile. Il n’en demeure moins que la patrimonialisation, à l’œuvre depuis près de 60 ans, a permis de sauver le quartier et de valoriser la riche histoire de Montréal.