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Ville fermée

La ville fermée constitue un type d'établissement important au Canada en matière de création du capital, d'industrialisation, de développement urbain et de mouvement syndical.

Ville fermée

La ville fermée constitue un type d'établissement important au Canada en matière de création du capital, d'industrialisation, de développement urbain et de mouvement syndical. Si on s'en tient à la définition du sociologue Rex Lucas, soit « des communautés fermées possédées et administrées par un employeur industriel », dont les maisons, les commerces et même l'église appartiennent à la compagnie, peu d'entre elles existent encore. Le déclin de la compagnie comme centre de la communauté, la vigueur des syndicats depuis la Deuxième Guerre mondiale et l'interprétation plus libérale des droits de propriété et des droits de la personne ont tous contribué à rendre ces collectivités en bonne partie obsolètes. Les Canadiens n'acceptent plus le paternalisme de la ville fermée traditionnelle. Cependant, il y a des collectivités à industrie unique, particulièrement celles qui se trouvent dans le Nord sur le front d'exploitation des ressources, qui ne sont pas sans rappeler les villes fermées d'antan.

Les villes fermées font leur apparition durant la période coloniale pour assurer aux entreprises familiales, comme les Forges du Saint-Maurice ou Garden Island dans le Haut-Canada, une réserve de main-d'oeuvre qualifiée. Elles sont des îlots de stabilité en plein chaos préindustriel. Entre 1850 et 1890, la poussée de la révolution industrielle frappe surtout les centres urbains sans atteindre les villes fermées. L'industrie du coton fait exception et entraîne la création de nouvelles villes, comme Valleyfield, au Québec (aujourd'hui Salaberry-de-Valleyfield), selon les principes paternalistes britanniques ou américains. Il est significatif que les travailleurs du coton de Valleyfield, dont beaucoup sont des femmes, comptent parmi la minorité de salariés dans de véritables établissements manufacturiers à s'organiser en syndicat avant la Première Guerre mondiale et à recourir aux grèves et aux émeutes pour faire valoir leurs revendications.

Au Canada, le développement des villes fermées atteint son apogée dans l'industrie minière après les années 1890. Les villes du charbon de l'île du Cap-Breton, celles de l'amiante du Québec et celles de l'or, de l'argent et du nickel de l'Ontario sont d'abord des villes fermées. Dans bien des cas, la note dominante des relations sociales n'est pas le paternalisme, mais plutôt la froideur de l'autoritarisme et l'exploitation flagrante des travailleurs. Durant la grève de 1909-1910, les membres du syndicat des United Mine Workers du Cap-Breton sont expulsés de leurs demeures et privés d'accès aux magasins de la compagnie, où les marges de crédit contribuent à accentuer le lien de dépendance des prolétaires. Même les ecclésiastiques qui hébergent les travailleurs dans les églises reçoivent de leurs supérieurs hiérarchiques l'ordre d'arrêter de le faire. Les entreprises minières de Timmins en Ontario engagent des hommes de main armés pour patrouiller la ville durant la grève de 1912-1913 à la mine d'or. C'est seulement après des effusions de sang que le gouvernement provincial interdira la présence de ces hommes. Une fois que les compagnies perdent leur autorité morale, comme cela est arrivé dans bien des cas, seule la force parvient à maintenir la discipline dans les entreprises. À l'occasion, les politiciens refusent d'y avoir recours en situation de crise. Par exemple, en 1906 à Fernie en Colombie-Britannique, la Crow's Nest Pass Coal Co. ne parvient pas à évincer les locataires en grève parce que le procureur général de la province se range du côté de la police locale et reste neutre.

On essaie en d'autres endroits de rétablir l'autorité morale traditionnelle au moyen de la mise en place de constructions communautaires et de structures sociales modèles. Les compagnies de charbon à Brule et à Nordegg, en Alberta, font de tels essais pendant et après la Première Guerre mondiale. Elles se trouvent dans une situation particulièrement favorable du fait que dans le Nord-Ouest de l'Alberta, les compagnies font de l'exploitation sur des terres inaliénables de la Couronne en vertu de baux de longue durée. Ainsi, les difficultés que devait habituellement surmonter la ville fermée - l'acquisition de propriétés par des particuliers, la constitution en municipalité et les incursions de commerçants indépendants - sont inexistantes. Toutefois, la volonté des dirigeants d'encourager le progrès de la communauté s'accompagne de la longue liste des pétitions et des protestations des résidants. Ces deux tentatives n'atteignent ni l'une ni l'autre l'objectif premier, soit celui d'éviter la syndicalisation et les grèves. Dans les années 20, des villes papetières comme Corner Brook, à Terre-Neuve, ou Powell River, en Colombie-Britannique, parviennent dans une certaine mesure à maintenir une stabilité sociale et politique avec l'aide de syndicats coopératifs, mais ne forment pas de véritables communautés fermées.

La vie dans la ville fermée est souvent avantageuse, mais n'est pas gage de certitude. En 1955, à Nordegg, une seule journée anéantit le fruit de 40 années de labeur : les Chemins de fer nationaux du Canada, qui ont de plus en plus recours au diesel, résilient leur contrat de charbon, entraînant ainsi la fermeture de la mine et, dès lors, de la ville.

Ce n'est pas le magasin de type « prends tout » de la compagnie ou la police du charbon et du fer qui font d'une localité une ville fermée, mais plutôt le pouvoir économique de base exercé sur la collectivité à industrie unique par l'intérêt public et privé, auquel la communauté doit sa vie ou sa mort. Peu se souviennent que Dominion, en Nouvelle-Écosse, est un monument à la mémoire de la DOSCO, ou Cadomin, en Alberta, un monument à la Canada & Dominion Mining. Pourtant, l'expression ,« ville fermée » ou « ville de compagnie » continue de faire partie du vocabulaire des Canadiens.

Voir aussi VILLES DE RESSOURCES PRIMAIRES.