Wabanakwut Kinew, premier ministre du Manitoba depuis 2023, artiste de hip-hop, animateur de radio et de télévision, administrateur universitaire, auteur, politicien (né le 31 décembre 1981 à Kenora, en Ontario). Militant et intellectuel public ojibwé, Wab Kinew a commencé sa carrière en tant que musicien et rappeur au sein du groupe de hip-hop Dead Indians. Il s’est attiré une attention nationale en tant que journaliste pour la radio et la télévision de CBC, notamment en animant 8 th Fire, une série documentaire télévisée également diffusée à la radio et en ligne, portant sur les questions autochtones. Le livre de ses mémoires paru en 2015, The Reason You Walk (trad. La force de marcher, 2017), a été un livre à succès national et finaliste pour le prix Taylor RBC. En 2016, Wab Kinew a été élu député à l’Assemblée législative du Manitoba, malgré un certain nombre de gazouillis et de paroles de rap controversés qui ont freiné sa campagne. De façon similaire, des révélations d’accusations de violence conjugale datant de 2003 ont menacé de faire dérailler sa course à la direction du Nouveau Parti démocratique du Manitoba. Malgré cette révélation, Wab Kinew a été nommé chef du NPD du Manitoba en septembre 2017. En 2023, il est devenu le premier ministre du Manitoba.
Jeunesse et éducation
Né en 1981, Wab Kinew est le fils de Kathi Avery Kinew, analyste politique, et de Tobasonakwut Kinew, ancien chef régional du nord de l’Ontario, survivant et spécialiste des pensionnats autochtones. Wab Kinew passe son enfance dans la Première Nation Onigaming, dans le nord de l’Ontario, et il fréquente un établissement préscolaire d’immersion en anishinaabemowin avant de déménager avec sa famille à Winnipeg où il va à l’école primaire. Wab Kinew grandit essentiellement dans une banlieue sud de Winnipeg et il étudie au Collège Béliveau, une école secondaire d’immersion française. Son père l’encourage à rechercher des occasions de parler en public, et, alors qu’il est enfant, il témoigne devant la Commission royale sur les peuples autochtones au sujet de son expérience à l’école anishinaabe.
Afin de rester près de sa famille et de ses racines anishinaabe, Wab Kinew refuse une bourse d’études pour une université américaine, et il obtient un diplôme en économie à l’Université du Manitoba en 2003. C’est à l’université qu’il se retrouve, de son propre aveu, « pris dans un style de vie de fête ». Il consomme des drogues, il s’implique dans des bagarres, et il est reconnu coupable de conduite en état d’ébriété en 2003. L’année suivante, Wab Kinew est accusé, et plaide coupable, d’avoir agressé un chauffeur de taxi après avoir tenté de s’enfuir sans payer le montant de la course. Il entre dans les Alcooliques anonymes et se tourne vers ses traditions anishinaabe. Cependant, il continue sa dérive pendant plusieurs années, occupant des emplois temporaires dans des entrepôts, sur des chantiers de construction, ou effectuant des contrats de recherche pour des organismes des Premières Nations.
Carrière musicale
À la fin des années 1990, Wab Kinew et plusieurs de ses amis forment le groupe de rap Dead Indians. Bien qu’il n’ait jamais sorti un album complet, le groupe effectue des tournées en Amérique du Nord et devient reconnu parmi la jeunesse autochtone grâce aux médias sociaux. Le groupe Dead Indians cesse de se produire en 2008.
En 2009, Wab Kinew sort un album hip‑hop solo, Live by the Drum, du nom d’une émission populaire de CBC Radio qu’il animait. L’album remporte le prix du meilleur album rap/hip‑hop aux Aboriginal Peoples Choice Music Awards (devenus les Indigenous Music Awards). L’année suivante, il sort Mide‑Sun (2010), son deuxième album solo hip‑hop. Les paroles de ces deux albums refont surface plusieurs années plus tard et suscitent la controverse lorsque Wab Kinew entre en politique.
Journalisme et militantisme
À la fin de 2005, Wab Kinew rédige une lettre ouverte au sujet de l’équipe canadienne olympique de hockey, qui est publiée dans le Winnipeg Free Press. Celle-ci attire l’attention d’un producteur de CBC Radio, et il commence à travailler pour CBC Manitoba en tant que producteur associé. Il passe ensuite au reportage télévisé et il anime également une émission artistique hebdomadaire à la radio, intitulée The 204.
En 2012, Wab Kinew émerge sur la scène nationale en tant qu’animateur de 8 th Fire, une série documentaire télévisée diffusée par CBC TV qui explore les relations entre les Canadiens autochtones et non autochtones. Cette même année, il quitte la CBC pour se joindre à l’Université de Winnipeg en tant que premier directeur de l’inclusion autochtone. Il devient plus tard le vice‑président associé chargé des relations avec les Autochtones, mais ce poste à l’université ne nuit pas à son profil national grandissant ni à sa carrière d’animateur. Alors qu’il occupe toujours son poste à l’université, Wab Kinew travaille également comme correspondant avec Al Jazeera America dans le cadre de la série documentaire Fault Lines.
En 2014, Wab Kinew défend le vainqueur du concours littéraire de CBC, Canada Reads, le livre The Orenda de Joseph Boyden. À l’occasion de ce débat, il s’oppose à des rivaux comme Stephen Lewis, avec lequel il a un débat animé au sujet de la représentation graphique de la tradition anishinaabe de la danse du soleil dans le roman de Joseph Boyden. L’année suivante, la CBC le choisit pour animer l’édition 2015 de Canada Reads. Il fait également partie des aspirants pour animer l’émission Q de CBC Radio après le départ de Jian Ghomeshi. Il détourne également l’émission George Stroumboulopoulos Tonight de manière mémorable avec un rassemblement éclair de danse en rond durant la vague de manifestations du mouvement Idle No More dans tout le Canada.
En 2015, Wab Kinew rédige un mémoire largement axé sur sa relation souvent tendue avec son père qui se meurt alors d’un cancer, et sur son exploration de la culture anishinaabe. Après la publication de son livre, il devient conférencier et commentateur médiatique encore plus fréquemment. Il est également le premier président du Cercle consultatif autochtone du maire de Winnipeg, Brian Bowman, créé à la suite d’un article du magazine Maclean’s désignant Winnipeg comme étant la ville plus raciste au Canada (voir aussi Préjugés et discrimination au Canada).
Carrière en politique
En 2015, le bruit court que Wab Kinew, qui fait depuis longtemps ouvertement part de ses ambitions politiques, souhaite se présenter comme candidat pour le Parti libéral dans la circonscription de Winnipeg‑Centre aux élections fédérales. Toutefois, il choisit la politique provinciale pour faire ses débuts. En février 2016, il annonce qu’il se présente à l’investiture du NPD dans la circonscription urbaine Fort Rouge de Winnipeg, un siège sûr pour le NPD. La course est largement suivie, en partie parce que sa principale rivale est Rana Bokhari, la chef libérale provinciale. Le 19 avril, lors des élections générales provinciales, Wab Kinew l’emporte facilement avec 37 % des voix. Rana Bokhari termine troisième derrière le candidat progressiste‑conservateur avec 20 % des votes.
Bien que Wab Kinew ait remporté son siège, le NPD perd les élections provinciales, et son chef, Greg Selinger, démissionne le soir même. Alors que le parti est en plein désarroi, Wab Kinew apparait, tout au long de l’année 2016, comme l’un des membres les plus efficaces du parti de l’opposition. En avril 2017, il annonce son intention de se présenter à la chefferie du NPD provincial. Le passé de Wab Kinew revient le hanter à nouveau pendant cette campagne. Un mois avant le vote final, un courriel envoyé aux médias divulgue que Wab Kinew cache certains détails de son passé criminel, dont deux accusations de violence conjugale en 2003. Wab Kinew rétorque que les accusations en questions ont fait l’objet d’une enquête, mais qu’elles ont éventuellement été abandonnées. Un deuxième courriel affirme que Wab Kinew a été reconnu coupable de sept crimes, dont un vol de moins de 5000 $, pour avoir encaissé un chèque ne lui appartenant pas. Cependant, il ne s’agit que d’accusations et non de condamnations, qui ont été également abandonnées. Wab Kinew réitère qu’il a été gracié pour ses condamnations criminelles antérieures de 2015.
Éventuellement, malgré les multiples controverses, Wab Kinew est élu chef du NPD du Manitoba le 16 septembre 2017, vainquant son rival Steve Ashton par une marge de près de 3 contre 1. Dans la foulée de cette victoire, Wab Kinew annonce aux médias : « Une des choses que j’ai commencé à comprendre au cours des derniers jours, c’est que je n’aurai aucun contrôle sur le moment où les gens auront fini de me poser leurs questions, alors je continuerai à me présenter devant eux et à en parler ».
Au cours de la campagne électorale provinciale de 2019, le premier ministre Brian Pallister et les progressistes-conservateurs se concentrent sur le passé de Wab Kinew. Malgré ces attaques, Wab Kinew conserve son siège de Fort Rouge. De plus, le NPD obtient quatre nouveaux sièges aux élections, remportant 18 des 57 sièges de l’Assemblée législative. Wab Kinew et son parti sont optimistes quant aux résultats des élections. « Je crois que les Manitobains ont envoyé un message très très fort, et les sièges que nous avons repris démontrent clairement que les Manitobains veulent que nous, les néo-démocrates, soyons non seulement la conscience du Manitoba, non seulement l’opposition du Manitoba, mais également la voix progressiste du Manitoba. »
Lors des élections provinciales de 2023, Wab Kinew mène le NPD du Manitoba à une victoire majoritaire. Par conséquent, il devient le premier membre des Premières Nations à être premier ministre d’une province du Canada.
Controverses
En plus des condamnations criminelles de Wab Kinew pour conduite en état d’ébriété et pour agression, les paroles de ses chansons de rap et ses gazouillis sur son compte Twitter deviennent également le cœur de controverses. Bien qu’il soit considéré comme étant le candidat vedette du NPD lors des élections provinciales de 2016, sa campagne est perturbée lorsque les paroles de ses chansons et de ses gazouillis du passé refont surface. Parmi ces gazouillis, certains font référence à des « fat chicks » (grosses filles), et il suggère que le jiu‑jitsu est « gai ». Il a également publié un gazouillis disant : « Riding in my limo back to my king sized sweet [sic] feeling really bad for those kids in Attawapiskat. #haha #terrible #inative » [Roulant dans ma limo vers ma suite immense, je me sens vraiment mal pour ces gamins d’Attawapiskat].
Wab Kinew présente d’abord ses excuses pour les propos misogynes et homophobes de ses paroles de rap dans son mémoire, et lors des Indigenous Music Awards, en 2014. Plus tard, lors d’une conférence de presse au cours de sa première campagne électorale, accompagné de Greg Selinger et de plusieurs députés du NPD, Wab Kinew présente à nouveau des excuses pour ses commentaires. Il déclare en particulier que son gazouillis relatif à Attawapiskat se voulait une satire pour souligner son propre statut de privilégié. Cependant, ces controverses consument une grande partie de sa campagne. Il se retrouve également impliqué dans l’affaire Joseph Boyden, défendant avec prudence son ami à la suite d’accusations selon lesquelles il aurait surestimé, et possiblement falsifié, son héritage autochtone.
Vie personnelle
Wab Kinew épouse Lisa Monkman, une médecin, en 2014. Il a, par ailleurs, deux fils d’une relation précédente. Il est membre de la Midewiwin, la société anishinaabe des guérisseurs et chefs spirituels.
Prix
- Meilleur album de rap ou de hip‑hop (Live by the Drum), Aboriginal Peoples Choice Music Awards (maintenant les Indigenous Music Awards) (2009)
- Doctorat honorifique en littérature, Université de Cape Breton (2014)