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Walter Kohn

Walter Kohn, physicien théoricien, enseignant, prix Nobel de chimie (né le 9 mars 1923 à Vienne, en Autriche; mort le 19 avril 2016 à Santa Barbara, aux États-Unis). Réfugié en Angleterre au début de la Deuxième Guerre mondiale, Walter Kohn a été arrêté en 1940 en tant qu’« ennemi étranger » et envoyé au Canada, où il a été détenu dans des camps d’internement jusqu’en 1942 (voir Le Canada et l’Holocauste). Après sa libération, il a étudié les mathématiques et la physique à l’Université de Toronto et l’Université Harvard. Il a enseigné pendant plusieurs années au Carnegie Institute of Technology puis à l’Université de Californie à San Diego, et il a été directeur fondateur de l’Institute for Theoretical Physics de l’Université de Californie à Santa Barbara. Durant sa carrière scientifique, Walter Kohn a été à l’avant-garde de la recherche en physique des solides et en chimie quantique. En 1998, il a été co-récipiendaire d’un prix Nobel de chimie pour son travail sur la « théorie de la fonctionnelle de la densité ».

Walter Kohn

Jeunesse et études

Walter Kohn grandit dans une famille de classe moyenne à Vienne, en Autriche. Son père possède une maison d’édition qui produit des cartes postales artistiques, et Walter est destiné à prendre un jour sa relève à la tête de l’entreprise familiale. Pendant sa jeunesse il fréquente la prestigieuse école secondaire Akademisches Gymnasium, mais il en est expulsé peu après l’Anschluss (annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie) en mars 1938. Toutefois, l’année suivante il est accepté à la Zwi Perez Chajes Gymnasium, une école secondaire privée pour étudiants juifs. Walter Kohn confiera plus tard que c’est à cet endroit que son intérêt pour les sciences s’est développé, sous l’inspiration de deux professeurs de mathématiques et de physique exceptionnels.

Plus tard, Walter Kohn est forcé de fuir l’Autriche pour échapper aux persécutions des nazis. La maison d’édition familiale est confisquée peu après l’Anschluss. Le lendemain de la nuit de Cristal (entre le 9 et le 10 novembre 1938), la famille Kohn subit une perquisition et Walter est lui-même arrêté en revenant de l’école, mais il est ensuite relâché. Sa sœur Minna est déjà partie en Angleterre, où elle a été prise en charge par la famille d’un des associés de son père. En 1939, les parents de Walter font des arrangements pour qu’il quitte l’Autriche dans le cadre d’un Kindertransport vers l’Angleterre, où il rejoint sa sœur. Ses parents, Salomon et Gittel, ne parviennent pas à s’échapper et seront plus tard assassinés à Auschwitz.

Séjour au Canada

En mai 1940, Walter Kohn est arrêté par les autorités britanniques en tant qu’« étranger ennemi », en même temps que des milliers d’autres Allemands et Autrichiens. Deux mois plus tard, il est envoyé au Canada, où le gouvernement a accepté de prendre en charge des prisonniers après l’invasion de l’Europe de l’Ouest par les Allemands (voir aussi Loi sur les mesures de guerre ; Le Canada et l’Holocauste). Walter Kohn est détenu pendant une année et demie dans quatre camps d’internement au Nouveau-Brunswick et au Québec. Alors qu’il est encore détenu, il parvient à poursuivre ses études, puisque des leçons sont organisées et fournies par d’autres Juifs internés. Walter Kohn achète aussi un manuel de mathématiques et de physique avec l’argent qu’il a gagné en travaillant comme bûcheron. Grâce à des arrangements spéciaux pour les réfugiés internés, il parvient à passer les examens d’admission junior de l’Université McGill alors qu’il est interné dans le Camp B près de Fredericton, et les examens d’admission senior dans le Camp A situé à Farnham, au Québec.

En janvier 1942, Walter Kohn est libéré du Camp N et confié aux soins d’une famille de réfugiés juifs de Toronto, les Mendel. Ceux-ci présentent à Walter Kohn le physicien polonais Leopold Infeld, qui convainc Walter Kohn de s’inscrire au programme de mathématiques-physique de l’Université de Toronto. Cependant, le directeur du département a interdit aux natifs de l’Allemagne ou de l’Autriche de pénétrer à l’intérieur du bâtiment, où sont conduites des recherches liées à la guerre, ce qui empêche des étudiants comme Walter Kohn de suivre les cours nécessaires. Finalement, le doyen de la Faculté des arts et des sciences lui accorde une dispense spéciale, retirant la chimie des cours obligatoires, pour lui permettre d’entrer dans le programme. Walter Kohn obtient son baccalauréat en 1945 et une maîtrise en mathématiques appliquées en 1946. La même année, il quitte le Canada pour entreprendre un doctorat en physique à l’Université Harvard, où il travaille avec le physicien théoricien et futur prix Nobel Julian Schwinger. Walter Kohn complète son doctorat en 1948.

Carrière scientifique

Dans les années 1950, Walter Kohn enseigne la physique au Carnegie Institute of Technology, à Pittsburgh. Pendant ce temps, il réalise aussi des recherches en tant que consultant pour Bell Telephone Laboratories, au New Jersey, où il revient chaque été pendant plus de dix ans. En 1960, il se joint à l’Université de Californie à San Diego. Il devient ensuite le premier directeur de l’Institute for Theoretical Physics, fondé à l’Université de Californie à Santa Barbara en 1979.

Durant sa carrière, Walter Kohn est à l’avant-garde de la recherche en physique des solides et apporte plusieurs importantes contributions à ce champ de recherche. À Carnegie, il travaille à des méthodes innovatrices pour déterminer la structure électronique des métaux et développe une théorie, plus tard connue sous le nom d’« anomalies de Kohn », basée sur des observations concernant les spectres des phonons des métaux. Ses années de collaboration avec son collègue physicien Joaquin Luttinger, chez Bell Telephone Laboratories, incluant leurs travaux sur une « théorie de la masse effective », donnent lieu à plusieurs contributions innovatrices à la physique des semi-conducteurs.

La plus remarquable réalisation scientifique de Walter Kohn est le développement, dans les années 1960, d’abord avec Pierre Hohenberg, puis avec Lu Sham, de la « théorie de la fonctionnelle de la densité », une méthode basée sur la mécanique quantique qui permet de calculer la composition électronique des atomes, des molécules et des matériaux solides. Leur travail a démontré qu’il était possible de déterminer ces structures électroniques et de calculer leur énergie en étudiant la densité spatiale des électrons, offrant aux physiciens et chimistes une méthode simple et très précise pour approfondir leur compréhension des propriétés électroniques de nombreux matériaux. Cette méthode a été largement adoptée en physique, en chimie, en biochimie, en sciences des matériaux, en génie et dans plusieurs autres domaines. Pour son travail sur la théorie de la fonctionnelle de la densité, Walter Kohn a été co-récipiendaire, avec John Pople, du prix Nobel de chimie en 1998.

Prix et récompenses

  • Prix Oliver E. Buckley en physique de la matière condensée, American Physical Society (1961)
  • Prix Davisson-Germer Prize, American Physical Society (1977)
  • Médaille nationale de science (1988)
  • Médaille Eugene Feenberg, International Conference (1991)
  • Médaille d’Or Niels Bohr de l’UNESCO, UNESCO (1998)
  • Prix Nobel en chimie, Académie royale des sciences de Suède (1998)
  • Prix et charge de cours Richard E. Prange en théorie de la matière condensée et domaines connexes, centre de théorie de la matière condensée et département de physique de l’Université du Maryland (2010)