William King Lowd « Lo » Lore, officier de la Marine royale canadienne (né le 28 février 1909 à Victoria, en Colombie-Britannique; décédé le 22 septembre 2012, à Hong Kong, en Chine). William Lore est non seulement le premier officier sino-canadien de l’histoire de la Marine royale canadienne, mais également le tout premier officier d’ascendance chinoise de l’ensemble des marines royales du Commonwealth britannique. Durant la Deuxième Guerre mondiale, il a servi en Angleterre, au Sri Lanka et au Myanmar. À la fin de la guerre, il a contribué à la libération de prisonniers de guerre canadiens à Hong Kong. William Lore a été le premier officier allié à entrer à Hong Kong après la chute de la ville en 1941 (voir aussiBataille de Hong Kong). Il est également le premier Canadien d’origine chinoise à avoir fait son entrée dans la fonction publique.
Jeunesse
Canadien de deuxième génération, William Lore grandit dans un milieu discriminatoire au sein duquel, comme la plupart de ses compatriotes d’ascendance chinoise, il se voit refuser les droits et les débouchés dont jouissent les autres Canadiens (voir aussi Préjugés et discrimination au Canada). Les Sino-Canadiens sont notamment privés du droit de voter et d’exercer certaines professions, comme le droit et la médecine.
William Lore parvient à surmonter une première barrière raciale lorsqu’il est admis dans le programme d’ingénierie de l’Université McGill de Montréal. Ses études sont toutefois interrompues par le krach boursier de 1929 et le début de la Grande Dépression. Incapable de joindre les deux bouts, il n’a d’autre choix que de quitter l’université et retourner en Colombie-Britannique.
Travaillant d’abord comme journaliste pour une publication chinoise de Vancouver, il devient en 1939 le tout premier Canadien d’origine chinoise à faire son entrée dans la fonction publique, étant embauché comme radiotélégraphiste par le ministère des Transports.
Discrimination au sein de la Marine royale canadienne
Après le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale en 1939, William Lore tente à trois reprises de s’enrôler dans la Marine royale canadienne (MRC). Il est refusé chaque fois à cause de son origine chinoise. À l’époque, la politique raciale de la MRC s’inspire de celle de la Royal Navy (RN) britannique, selon laquelle il n’est pas souhaitable de mélanger les races blanches et non blanches dans les cales étroites des navires, car « l’enrôlement de [non-Blancs] risque de provoquer un mécontentement immédiat et prolongé des Blancs ». La RN a l’intention de maintenir « une race blanche et de descendance européenne pure parmi les rangs de toutes les marines royales…».
Le 9 novembre 1942, le ministre de la Défense pour les services de la marine, Angus L. Macdonald, attire l’attention du Conseil de la marine sur le fait que l’Armée canadienne et l’Aviation royale canadienne acceptent des recrues de toutes les races. Il encourage la MRC à leur emboîter le pas. Critiquant depuis 1940 l’acceptation sans réserve des politiques de la RN par la MRC, Angus L. Macdonald se fait ainsi le promoteur de changements progressifs.
En mai 1943, l’ordre mensuel 2653 de la marine stipule que tous les candidats à l’enrôlement, quelle que soit leur race, doivent être traités également. Un amendement à cet ordre, entré en vigueur le 22 juillet 1944, ordonne que « tout sujet britannique de sexe masculin, quelle que soit sa race, puisse s’enrôler dans les forces navales canadiennes tant que se poursuivront les hostilités ».
Premier officier sino-canadien de la MRC
En janvier 1943, cinq mois avant que la MRC n’ouvre officiellement ses portes aux personnes issues de minorités raciales, le vice-amiral Percy W. Nelles, chef d’état-major de la MRC, demande personnellement à ce que William Lore soit accepté par la MRC. Celui-ci devient ainsi le premier officier sino-canadien de l’histoire de la Marine royale canadienne et le premier officier d’ascendance chinoise à servir dans une marine royale du Commonwealth britannique.
En juin 1943, il obtient le grade de sous-lieutenant au terme de sa formation d’officier. Sa première affectation a lieu au Centre des opérations de renseignement du Quartier général du service naval canadien à Ottawa. En septembre 1944, il est muté à Londres, en Angleterre, où il œuvre au sein de la Combined Services Radio Intelligence Unit. William Lore est ensuite affecté au commandement de l’Asie du Sud-Est sous les ordres de l’amiral lord Louis Mountbatten. Il évolue dans un camp dissimulé dans la jungle de Ceylan (actuel Sri Lanka), où il participe à la planification d’une attaque maritime et aérienne majeure sur Rangoon, au Myanmar, alors sous contrôle japonais.
Libération de Hong Kong
William Lore est affecté à la flotte britannique du Pacifique et détaché temporairement auprès des services de renseignement de la 7e flotte américaine (voir Renseignement et espionnage). Dans la foulée des bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki en août 1945 par les forces américaines, le gouvernement japonais amorce des négociations en vue d’une capitulation officielle. William Lore fait partie de la flotte britannique dirigée par le contre-amiral sir Cecil Harcourt qui pénètre dans le port de Hong Kong le 30 août. En reconnaissance des sacrifices consentis par les soldats canadiens pour défendre Hong Kong contre des forces ennemies considérablement supérieures en décembre 1941 (voir Bataille de Hong Kong), sir Harcourt confie à William Lore la mission de mener, en sa qualité d’officier canadien, le débarquement d’un groupe de Royal Marines.
William Lore est le premier officier allié à mettre les pieds à Hong Kong après sa libération. Son groupe prend le contrôle de la base côtière HMS Tamar jusqu’alors contrôlée par les Japonais et libère des prisonniers canadiens, britanniques et hongkongais détenus dans le tristement célèbre camp de prisonniers de guerre Sham Shui Po. S’adressant aux prisonniers canadiens émaciés, il déclare : « Les gars, n’êtes-vous pas heureux de voir un Canadien ? »
Le 16 septembre, William Lore assiste à la capitulation officielle des forces japonaises à Hong Kong.
Le major général Okada remettant son sabre lors d’une cérémonie marquant la capitulation des forces japonaises à Hong Kong, le 16 septembre 1945.
Après-guerre et au-delà
En 1946, William Lore s’enrôle à nouveau dans la MRC, où il est promu lieutenant-commandant. Il s’en retire en 1948. Décrochant un diplôme en droit de l’Université d’Oxford, William Lore s’installe à Hong Kong, où il fonde un cabinet d’avocats. Il y vit jusqu’à sa mort, à l’âge de 103 ans.
En apprenant le décès de William Lore, le vice-amiral Paul Maddison, de la MRC, déclare : « Qu’il l’ait voulu ou non, il est un héros pour beaucoup de gens, ayant contribué à faire des Forces armées canadiennes une organisation plus diversifiée et du Canada une société plus tolérante. »