Jeunesse
Cairine Reay Mackay voit le jour à Montréal, au Québec, le 4 février 1885. Ses parents, Canadiens écossais, font partie de l’élite anglophone fortunée de Montréal (voir Anglo-Québécois). Bien que peu de détails soient connus concernant son enfance, des commentaires de Cairine Wilson laissent croire que ses parents l’élèvent, elle et ses huit frères et sœurs, de manière stricte et formelle.
Cairine Wilson étudie dans une école pour jeunes filles puis, de 1899 à 1902, fréquente le Trafalgar Institute, une école de maintien exclusive de Montréal. Malgré ses bons résultats scolaires, l’adolescente ne poursuit pas ses études aux cycles supérieurs, à l’époque encore considérées comme inappropriées pour les dames de sa classe sociale.
Son père, le sénateur libéral Robert Mackay, l’invite régulièrement à l’accompagner lorsqu’il se rend à Ottawa pour le travail. Une fois dans la capitale, lui et sa fille logent souvent chez le premier ministre sir Wilfrid Laurier, un bon ami. En 1905, lors d’un bal d’État, l’épouse de sir Wilfrid Laurier, Zoé, présente à la jeune fille Norman Wilson, son futur mari. Tout comme elle, l’homme est un presbytérien issu d’une riche famille de Canadiens écossais. Fermier et député de Russell, en Ontario, il épouse Cairine Wilson en 1909. Ils s’installent ensuite à Rockland, en Ontario.
Débuts et carrière en politique
Au cours de la première décennie suivant leur union, Cairine Wilson élève les enfants (le couple en a huit au total) et gère la maisonnée. En 1918, elle et sa famille déménagent à Ottawa, où elle s’implique dans la communauté, notamment en y faisant du bénévolat pour des organismes tels que les Infirmières de l’Ordre de Victoria et la Young Women’s Christian Association (YWCA).
La jeune femme s’implique également dans plusieurs associations politiques. En 1921, elle devient coprésidente de l’Eastern Ontario Liberal Association (association libérale de l’Est de l’Ontario) et, l’année suivante, elle aide à la fondation de l’Association des femmes libérales d’Ottawa, pour laquelle elle agit à titre de présidente pendant trois ans. Elle participe aussi activement à la fondation de la Fédération nationale des femmes libérales du Canada (FNFL), en 1928, puis y assume de manière successive les rôles de présidente honoraire, de présidente par intérim et, finalement, de présidente (voir Parti libéral).
Au cours des années 1930, Cairine Wilson prononce des discours sur les femmes pionnières et encourage les femmes à s’impliquer dans les enjeux politiques et à voter (voir aussi Droit de vote des femmes au Canada). Pour encourager les jeunes à se tourner vers la politique, elle contribue à la création de la Twentieth Century Liberal Association (association libérale du vingtième siècle). Puis, de 1936 à 1942, elle occupe le poste de présidente de la Ligue de la Société des Nations. Même après sa nomination en tant que sénatrice, Cairine Wilson poursuit son implication auprès de ces organismes.
Première femme nommée au Sénat
Le 15 février 1930, Cairine Wilson devient la première femme nommée au Sénat du Canada, sur la recommandation du premier ministre William Lyon Mackenzie King. Sa nomination est rendue possible grâce à l’affaire « personne », qui établit en 1929 que les femmes sont considérées comme des « personnes » en vertu de la loi et qu’elles sont donc en droit de faire partie du Sénat.
Plusieurs s’attendent à ce que soit nommée la conservatrice Emily Murphy, la première femme magistrate du Canada et l’une des Cinq femmes célèbres s’étant battues pour le droit des femmes de siéger au Sénat. Toutefois, Mackenzie King lui préfère Cairine Wilson, libérale. Le journal du premier ministre, en date du 11 février 1930, met en lumière la justification de la décision :
« Nous sommes parvenus à un accord pour que Mme Norman Wilson devienne la première femme sénatrice. Elle a joué un rôle majeur parmi les femmes. Elle parle à la fois anglais et français. Elle est en mesure d’aider le parti, et le fera. Elle était une bonne amie de lady Laurier. C’est une grande dame. Il y aura moins de jalousie envers elle qu’envers n’importe qui d’autre. »
Cairine Wilson, d’abord visiblement surprise et quelque peu réticente, accepte finalement sa nomination. Elle se heurte cependant à une certaine opposition : certains considèrent qu’Emily Murphy ou une autre des Cinq femmes célèbres aurait dû être choisie; d’autres espéraient plutôt la nomination d’une Canadienne française; certains sont en désaccord avec le fait qu’elle soit mère; d’autres encore s’y opposent tout simplement parce qu’elle est une femme.
Carrière politique
En tant que sénatrice, Cairine Wilson favorise les politiques à tendance progressiste, telles que les lois sur le divorce visant à donner aux femmes plus de droits et d’indépendance. En matière de santé, elle soutient un projet d’assurance-maladie nationale (voir Politique sur la santé) et la pratique de la médecine préventive. Elle se préoccupe également de la santé mentale, des infections transmises sexuellement et de la mortalité liée à la maternité. De plus, elle se prononce contre la privation des droits des Canadiens d’origine japonaise lors de la Deuxième Guerre mondiale. En 1955, elle s’inscrit une fois de plus dans l’histoire lorsqu’elle devient la première femme à occuper le fauteuil du président au Sénat alors qu’elle siège temporairement comme présidente de la Chambre des communes.
Cairine Wilson croit fermement que la sécurité collective et la Société des Nations, un organisme de coopération internationale fondé en 1920, après la Première Guerre mondiale, sont les clés pour prévenir une autre guerre. En octobre 1938, elle s’oppose à l’opinion de Mackenzie King et fait une déclaration condamnant les accords de Munich, qui permettent à l’Allemagne nazie d’annexer certaines régions de la Tchécoslovaquie. Puisqu’elle est présidente de la Ligue de la Société des Nations du Canada, sa prise de position divise l’organisme et est source de controverse.
Travail auprès des réfugiés
Cairine Wilson commence à s’intéresser au bien-être des réfugiés européens en 1936 et milite pour leur cause jusqu’à la fin de sa vie. Elle occupe le poste de présidente du Conseil canadien des réfugiés de 1938 à 1948, soit jusqu’à la dissolution de l’organisme, puis celui de présidente du comité sénatorial permanent en matière d’immigration et de travail. Dans les années 1930, alors que les Canadiens s’opposent généralement à l’immigration de masse, militer pour l’admission des réfugiés n’est pas une mince affaire. Cairine Wilson collabore avec le Conseil canadien des réfugiés pour lutter contre l’ antisémitisme, présent partout au Canada. Elle espère que le Canada devienne une destination pour les réfugiés juifs fuyant l’Europe : auparavant, très peu de Juifs, immigrants ou réfugiés, y ont été admis. Elle considère également que l’enjeu requiert une attention particulière après que le paquebot Saint Louis, qui transporte des centaines de Juifs fuyant l’Allemagne nazie, se soit vu refuser l’entrée au Canada en 1939 et ait été contraint de renvoyer ses passagers en Europe (voir Le Canada et l’Holocauste).
Cairine Wilson milite pour libéraliser les lois en matière d’immigration et augmenter le nombre d’immigrants et de réfugiés admis au Canada. Bien qu’elle ne soit pas en mesure de réformer les politiques, elle réussit à exercer suffisamment de pression sur le gouvernent pour faire lever certaines restrictions en lien avec l’admission des réfugiés.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le Conseil canadien des réfugiés tente d’inciter les Canadiens à adopter des enfants réfugiés fuyant l’Europe. Il ne réussit toutefois qu’à en placer deux, en raison de la stricte règlementation en place. Cairine Wilson admet que le programme est un échec, mais poursuit quand même ses efforts pour faire entrer des personnes et des familles au Canada.
En 1940, la militante et les organismes qu’elle gère réussissent à amener quelque 1 500 enfants au Canada pour leur offrir un asile pendant la guerre. On met toutefois fin au programme en raison des risques liés au transport de réfugiés à travers l’océan Atlantique. Pendant la guerre, le Royaume-Uni emprisonne des milliers d’Allemands, d’Autrichiens et d’Italiens, les soupçonnant de représenter une menace. Le Canada accepte alors environ 7 000 de ces prisonniers de guerre (voir Internement au Canada). En tant que présidente du Central Committee for Interned Refugees, Cairine Wilson visite des camps d’internement pour évaluer les conditions. Elle met sur pied un programme d’éducation pour les jeunes internés et aide à la gestion de la libération et du parrainage des internés dont le statut passe à celui de réfugié.
Au lendemain de la guerre, Cairine Wilson continue de s’intéresser à l’aide aux réfugiés. Même si la politique canadienne ne se relâche pas instantanément, elle réussit à faire entrer des réfugiés tchécoslovaques au Canada en 1948.
En 1950, la politicienne reçoit la croix de Chevalier de l’Ordre National de la Légion d’honneur, en France, pour avoir aidé des réfugiés français pendant la guerre.
Fin de vie
En 1949, Cairine Wilson devient la première déléguée canadienne envoyée aux Nations unies. Membre de la délégation canadienne lors de l’assemblée générale de l’ONU, elle siège à la Troisième Commission. Le reste de sa vie, elle continue de militer, entre autres, pour la réforme de la loi relative aux réfugiés. En 1960, un buste commémoratif à son image est dévoilé devant la chambre du Sénat pour honorer la première sénatrice du Canada. Cairine Wilson rend l’âme à l’hôpital Civic d’Ottawa le 3 mars 1962, à l’âge de 77 ans.
Prix et distinctions
- Doctorat honorifique en droit civil, Université Acadia (1941)
- Doctorat honorifique en droit, Université Queen’s (1943)
- Croix de Chevalier, Ordre National de la Légion d’honneur (1950)
- Doctorat honorifique ès lettres, Université Gallaudet (1960)