La mise au monde constitue le début de la vie pour l’enfant et un rite de passage puissant pour la femme qui accouche. Les méthodes d’accouchement diffèrent selon les cultures et les époques. Avant le 19e siècle au Canada, on recourait surtout aux sages-femmes, une aide à laquelle s’ajoutaient prières et même superstitions, pour affronter la puissance des contractions. Les progrès accomplis en obstétrique aux 19e et 20e siècles ont apporté de nouveaux moyens pour réduire la durée de l’accouchement et en gérer la douleur. Ils ont également entraîné le transfert de l’accouchement de la maison à l’hôpital. De nos jours, il existe diverses méthodes d’accouchement qui font appel notamment à l’aide des médecins, des sages-femmes et des doulas (accompagnantes).
Infirmière enseignant aux femmes des exercices pendant un cours d'accouchement (vers 1954-1963).
Historique de l’accouchement au Canada
Au Canada, l’accouchement, qui est un événement social, se déroule d’abord dans les foyers. Chez les Autochtones, l’accouchement renforce les liens culturels et territoriaux ainsi que le transfert des connaissances traditionnelles. Certaines femmes sont désignées pour aider la femme qui accouche. Les sages-femmes autochtones transmettent leurs connaissances de génération en génération. Il existe même chez certaines nations de langue iroquoienne une sorte de cours préparatoire à l’accouchement.
Chez les premiers colons, c’est avec l’aide bienveillante et avisée des sages-femmes du 17e siècle qu’ont lieu les naissances. Il en est ainsi jusqu’à ce que les premiers médecins accoucheurs commencent à intervenir au cours du 19e siècle. À cette époque, on constate que sages-femmes et médecins accoucheurs ont un taux de réussite équivalent. Cependant au fil du temps, les familles se tournent de plus en plus vers le médecin dans la mouvance de la lutte contre la mortalité infantile. Ce n’est qu’au milieu du 20e siècle que se généralise le transfert de l’accouchement de la maison à l’hôpital. En ce début de 21e siècle, le Canada connaît un certain renversement de cette tendance. Les parents manifestent un intérêt grandissant pour l’aide des sages-femmes.
Le saviez-vous?
La médicalisation de l’accouchement et l’héritage laissé par le colonialisme (notamment, l’interdiction de la pratique sage-femme) ont eu pour effet d’isoler beaucoup de mères autochtones des soutiens communautaires traditionnels. Toutefois, le rôle de la sage-femme autochtone se rétablit actuellement dans plusieurs centres de naissance afin de promouvoir la santé des mères et de leurs bébés.
Mortalité infantile
Au début des années 1900, la mortalité infantile est un véritable fléau au Canada. En 1921, c’est pratiquement un enfant sur 10 qui ne dépassera pas son premier anniversaire. L’industrialisation et l’urbanisation y sont pour quelque chose. À la fin du 19e siècle et au début du 20e, les mauvaises conditions sanitaires qui prévalent dans les villes favorisent la propagation rapide des maladies contagieuses. Pour y remédier, les médecins hygiénistes (qui prônent l’hygiène et la prévention des maladies) travaillent auprès des mères. Ils élaborent notamment des plans d’éducation pour les futures mères et invitent ces dernières à se faire suivre par un médecin dès qu’elles se croient enceintes. Cette médicalisation de la grossesse et de l’accouchement aura pour effet, entre autres, de transférer la mise au monde du domicile à l’hôpital. L’accouchement est aujourd’hui la première cause d’hospitalisation au Canada.
En 2018, ce sont 4,7 enfants sur 1 000 naissances vivantes qui décèdent avant leur premier anniversaire.
Mortalité des mères
La mortalité maternelle n’a pas toujours été la priorité des autorités médicales. Toutefois, elle était plus élevée avant la venue de l’obstétrique. Du 17e à la fin du 19e siècle, le taux de mortalité maternelle se situe autour de 5 %. Les choses changent au 20e siècle avec la découverte de nouveaux médicaments. Des pharmacologues mettent au point les antibiotiques pour guérir les infections ainsi que les médicaments pour prévenir les hémorragies. Cependant, contrairement à la croyance populaire, ce n’est pas le fait d’accoucher à l’hôpital qui réduit les taux de mortalité maternelle et infantile. L’amélioration des conditions de vie, l’accès aux soins prénataux et la diminution de la fécondité contribuent davantage à diminuer ces taux.
Salle d'accouchement vers 1925-1926, Montreal Maternity Hospital, Montréal (Québec).
Image MP-1973.1.8 © Musée McCord est autorisée par CC BY-ND-NC 2.5 CA.
En 2018, ce sont 32 femmes sur 372 329 naissances vivantes (0,009 %) qui meurent au Canada pour cause de grossesse, d’accouchement ou de ses suites. Il s’agit d’un taux de mortalité maternelle légèrement plus élevé qu’en 2014 où l’on comptait 23 femmes sur 384 100 naissances vivantes (0,006 %). Cette hausse pourrait s’expliquer de plusieurs manières. Certains médecins l’attribuent à l’âge avancé des mères. D’autres observateurs notent par contre que la hausse du taux de césariennes et d’interventions non nécessaires pourrait en être la cause (par ex., accouchement provoqué pour des raisons non médicales).
Accouchement à la maison
Aujourd’hui, de plus en plus de parents optent pour un accouchement à domicile. Le nombre de sages-femmes formées à cette fin n’est toutefois pas assez élevé pour répondre à la demande. Au Canada, il est possible d’accoucher avec l’aide d’une sage-femme dans tous les provinces et territoires sauf au Yukon et à l’Île-du-Prince-Édouard. Les parlementaires et les professionnels de la santé yukonnais et prince-édouardiens discutent de plus en plus d’un projet visant à réglementer la profession de sage-femme.
Du 1er premier juillet 2016 au 30 juin 2017, c’est en Colombie-Britannique que le taux d’accouchement assisté par les sages-femmes est le plus élevé, représentant 22,4 % des naissances. L’Ontario suit avec 16 %. Le Québec, la Nouvelle-Écosse et la Saskatchewan affichent les taux les plus bas, soit 4,2 % au Québec et 2,9 % pour ces deux dernières provinces. Les femmes qui choisissent de recourir à l’aide d’une sage-femme peuvent accoucher à la maison, dans une maison de naissance ou à l’hôpital. Malgré toutes ces possibilités, la grande majorité des femmes continue de mettre au monde leur bébé avec l’aide des médecins dans des hôpitaux. Il faut souligner aussi que les sages-femmes font appel aux médecins dès que la grossesse ou l’accouchement s’écarte de la norme, ou que celui-ci est prématuré. Cette dernière situation entraîne le transfert à l’hôpital. Les bébés prématurés étaient nombreux à décéder avant les années 1980. Cependant, leur taux de survie s’est sans cesse accru depuis que les soins aux prématurés se sont améliorés.
Positions d’accouchement
Les positions adoptées pour donner naissance ont également évolué. Par le passé, les femmes adoptaient des positions variées : accroupie, sur le côté, debout, suspendue à un arbre ou à un poteau planté dans le sol, semi-assise ou encore sur une chaise d’accouchement. C’est lorsque les mères ont commencé à accoucher à l’hôpital que la position gynécologique (allongée sur le dos) s’est généralisée. Pendant de longues années, les femmes ne pouvaient plus adopter la position qu’elles souhaitaient. Cependant, de nos jours, elles peuvent de nouveau choisir parmi les multiples positions d’accouchement celle qui leur convient le mieux. Même à l’hôpital, elles ont le choix, tant qu’il n’y a pas de contre-indication médicale. (Une contre-indication est une circonstance qui nécessite une intervention de la part des médecins ou des sages-femmes.)
Le saviez-vous?
À partir des années 1940, de plus en plus de femmes accouchent dans les hôpitaux, mais le père est tenu à l’écart de la salle d’accouchement. Ce n’est qu’à partir des années 1970 et 1980 qu’il y est admis. De nos jours peuvent être présents à l’accouchement le conjoint, une personne importante pour la mère et même les autres enfants de la mère.
Gestion de la douleur
La douleur est centrale lors de l’accouchement. Les méthodes pour s’y adapter varient selon les lieux et les époques. Dès l’Antiquité on cherche à réduire les douleurs de l’accouchement grâce à des préparations allant des tisanes à l’opium. Cependant, chez les premiers colons canadiens, c’est surtout à coup de prières et de superstitions que l’on affronte la puissance des contractions.
Avec la venue de l’obstétrique, les médecins cherchent des moyens pour écourter le plus possible la durée de l’accouchement et, de ce fait, celle des douleurs. Puis, on découvre l’anesthésie et les médicaments à effet amnésiant. On croit en effet dans l’après-guerre que l’idéal est d’accoucher sans s’en rendre compte. Toutefois, avec les fortes doses de médicaments, les bébés et les mères ne s’en sortent pas tous indemnes. Vient ensuite la péridurale, une anesthésie régionale du bassin.
Si elle est d’une aide précieuse, la péridurale n’enlève pas toujours toute la douleur et les femmes doivent tout de même se préparer mentalement à la puissance de l’enfantement. À cet égard, on offre aux parents une variété grandissante de cours prénataux. L’hypnose pour la naissance, pour ne nommer que cette approche, a démontré de très bons résultats et de nombreuses femmes y ont recours de nos jours. Le recours à la doula semble également donner de très bons résultats. Une doula est une accompagnante à la naissance dont l’aide est complémentaire aux rôles que jouent le médecin et la sage-femme.
Conclusion
Donner la vie et devenir mère au Canada, comme ailleurs, est un événement social devenu, avec le temps, un événement médical.