Stations de recherche en agriculture
Depuis plus d'un siècle, le gouvernement fédéral finance la recherche agronomique par l'intermédiaire d'un réseau de stations de recherche situées stratégiquement dans presque toutes les provinces. Ce programme de recherche a joué un rôle capital dans l'essor de l'industrie agroalimentaire canadienne, dont le chiffre d'affaires est évalué à plus de 120 milliards de dollars.
Historique
Les trois premiers essais dans le domaine de la recherche agronomique au Canada visent la création de fermes expérimentales. Une ferme laitière est établie sur les terres de Selkirk (Winnipeg) en 1821, suivie d'une installation pour faire la démonstration du nouvel équipement en 1831 et, finalement, de la création d'une ferme expérimentale de production ovine en 1838. Ces initiatives sont toutefois abandonnées peu après leur lancement. En 1884, la Chambre des communes met sur pied une commission parlementaire présidée par G.A. Gigault pour mener une enquête sur les moyens d'aider et d'améliorer l'agriculture au Canada. La commission recommande la fondation d'une ferme expérimentale, où des variétés de grains, d'arbres et d'engrais de provenance étrangère pourraient être testées. Elle recommande aussi que cette ferme distribue des échantillons de semences et de plantes dans tout le pays.
En novembre 1885, le Parlement donne au professeur titulaire William Saunders, de l'U. de Western Ontario, le mandat d'étudier les modalités relatives à la fondation de fermes expérimentales. Son rapport du 29 février 1886 est présenté au Parlement, et une loi sur les fermes expérimentales reçoit la sanction royale le 2 juin 1886. Saunders est nommé directeur du nouveau service des fermes expérimentales le 12 octobre 1886. La loi autorise la création de cinq fermes de ce type. Ottawa est choisie comme emplacement de la ferme expérimentale centrale pour l'Ontario et le Québec. Les quatre autres stations, fondées en 1888, se trouvent à Nappan (fondée en 1887) en Nouvelle-Écosse, à Brandon (Manitoba), à Indian Head (Territoires du Nord-Ouest) et à Agassiz (Colombie-Britannique). Ces nouvelles fermes expérimentales ont comme fonction prioritaire la mise à l'essai de cultures, de bâtiments d'élevage, de méthodes de nutrition et de gestion des animaux, et de l'utilisation du fumier comme engrais. Le travail de démonstration comprend aussi la plantation de ceintures végétales sur tous les emplacements des fermes et l'aménagement paysager par la plantation d'arbres, d'arbustes et de plates-bandes de fleurs vivaces et annuelles.
C'est seulement au XXe siècle qu'on fonde des stations expérimentales en Alberta, à Lethbridge (1906), à Lacombe (1902), à Fort Vermillion (1907) et à Beaverlodge (1917). Suivent en 1909 les stations de Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard) et de Rosthern (Saskatchewan) puis, en 1911, celle de Scott (Saskatchewan). La station de Rosthern a une durée de vie assez brève et ferme ses portes en 1940. Dans les Maritimes, on ouvre des stations expérimentales à Kentville (1811, Nouvelle-Écosse), à Fredericton (1912, Nouveau-Brunswick) et à St John's (1950, Terre-Neuve). Au Québec, on en établit à La Pocatière (1912-1997), à Lennoxville (1914), à L'Assomption (1928-1997) et à Sainte-Foy (1954), avec un centre de recherche sur la nutrition à Saint-Hyacinthe (1988). En Ontario, des stations sont créées à Harrow (1913), à Kapuskasing (1916), à Delhi (1933), à Thunder Bay (1937-1997), à London (1951) et à Smithfield (1960), en plus de la ferme expérimentale centrale. Au Manitoba, on fonde des stations expérimentales à Morden (1915), à Winnipeg (1924) et à Portage La Prairie (1944). La Saskatchewan possède des installations expérimentales à Saskatoon (1917), à Swift Current (1921), à Regina (1931) et à Melfort (1935). En Alberta, une seule nouvelle ferme expérimentale est créée, celle de Vegreville (1957), qui fermera ses portes en 1994. La Colombie-Britannique crée une station expérimentale à Summerland (1914), à Vancouver (1925-1996), à Kamloops (1935), à Creston (1940) et à Prince George (1940-2000). Deux stations expérimentales ouvrent dans le Territoire du Yukon, au Mile 1019 de l'autoroute de l'Alaska (1945), et dans les Territoires du Nord-Ouest à Fort Simpson (1947). Ces stations fermeront en raison du manque de potentiel agricole dans les régions qu'elles desservent.
En 1959, toutes les activités de recherche agronomique effectuées par le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire fusionnent sous une seule direction, la Direction générale de la recherche, qui survit encore aujourd'hui. Elle est administrée par un sous-ministre adjoint assisté de cinq directeurs généraux. Les directeurs généraux ont des responsabilités spécifiques touchant à quatre programmes de recherche nationaux (la santé de l'environnement, les systèmes de production durable, les bio-produits et les bio-procédés, et la salubrité et la qualité des aliments). Ils sont responsables de la direction stratégique des quatre programmes nationaux, et doivent également bâtir des partenariats de collaboration avec les milieux universitaire et privé, et développer une capacité scientifique pour faire face aux questions émergentes. Les directeurs généraux sont assistés de 10 directeurs des sciences qui ont de l'expertise dans des domaines spécifiques d'importance. La gestion opérationnelle des installations de recherche est supervisée par des directeurs de recherche en charge d'assurer que des ressources sont disponibles au niveau local afin de soutenir les programmes de recherche sanctionnés. À la fin des années 70, la Direction générale de la recherche a déjà plus de 50 points de recherche, qui seront regroupés en 19 centres de recherche ou centres d'excellence en 1995. La Direction générale a à son service environ 2300 employés à plein temps (2007), dont 600 scientifiques ou autres professionnels (chimistes, biologistes). Elle fonctionne avec un budget de base de près de 200 millions de dollars (2007-2008), ce qui inclut 17 millions de dollars pour appuyer des projets industriels dans ses installations. Le budget de la Direction générale de la recherche inclut les salaires et les fonds opérationnels pour mener les projets de recherche. Un budget additionnel de 90 millions de dollars couvre les coûts permanents d'exploitation pour tenir et entretenir le réseau des installations de recherche à travers le pays.
Réalisations de la Direction générale de la recherche
L'investissement fédéral dans la recherche agronomique a grandement contribué au succès de l'industrie agricole canadienne au siècle dernier. Non seulement l'agriculture fournit aux Canadiens des aliments sains, sans danger et nourrissants à des coûts parmi les plus bas au monde (seuls les prix américains sont moindres), mais encore les exportations agricoles et alimentaires s'élèvent à 20 milliards de dollars. Compte tenu de la courte période de végétation et de l'hiver long et rigoureux qui caractérisent la plupart des régions agricoles du Canada, on peut considérer l'agriculture moderne comme l'une des plus remarquables réussites canadiennes.
Recherche pédologique
Le SOL est une ressource qu'il faut préserver pour les générations futures, mais certaines pratiques agricoles peuvent en affecter sérieusement la qualité. La tempête de poussière des années 30, durant laquelle des millions de tonnes de sol arable se sont littéralement envolées des Prairies (voir Érosion), en constitue probablement le plus bel exemple. La culture extensive pratiquée à l'époque a accentué la perte d'humidité du sol. Ce phénomène, conjugué à de forts vents et au manque de pluie, a engendré des tempêtes de poussière. Le rendement du blé des Prairies a alors chuté de 1,20 t à 0,68 t par hectare. Selon des recherches effectuées à Lethbridge et Swift Current, le soufflement de la couche arable durant les périodes sèches pourrait être sensiblement réduit par d'étroites bandes de sol disposées dans le sens nord-sud avec, entre elles, de petites bandes laissées en jachère. On découvrira plus tard qu'une plus longue éteule (résidu de culture après la coupe) permet de recueillir la neige en hiver et fournit de l'humidité au sol tout en empêchant la dispersion du sol durant la période de jachère. Ces progrès dans les pratiques de gestion des sols des Prairies accompagnés d'autres améliorations (p. ex. la culture de couverture et l'utilisation d'écrans végétaux) ont mis fin aux tempêtes de poussière dans les années 30. Parmi les travaux majeurs effectués par la Direction générale de la recherche, certains portent sur la valeur des rotations culturales, sur l'usage d'engrais et sur le traitement de la hausse du taux de salinité des sols.
La réalisation sans doute la plus importante au cours des dernières années a été le développement de nouvelles pratiques culturales auxquelles on réfère souvent sous le nom de méthodes culturales de conservation des sols. Les pratiques agricoles européennes importées par les premiers colons préconisaient un usage intensif du labour afin de maintenir la fertilité des sols et contrôler les maladies des plantes et les insectes. Ces pratiques ont contribué au déclin de la santé des sols parce qu'elles entraînent une perte de matière organique et laissent souvent la fragile couche arable sans la protection des résidus des récoltes, la rendant ainsi vulnérable à l'érosion par le vent et la pluie.
Recherche sur les animaux
Les scientifiques canadiens sont considérés comme des chefs de file mondiaux dans la mise au point de procédés de sélection destinés à identifier les reproducteurs supérieurs (voir Animale, Élevage Des). L'industrie a tôt fait d'adopter cette technologie, si bien que le cheptel canadien est aujourd'hui très apprécié sur les marchés mondiaux et les ventes annuelles s'élèvent à des millions de dollars. La vache Holstein canadienne (race laitière) est considérée comme la meilleure au monde pour la production de lait. Les scientifiques fédéraux ont été les premiers à évaluer un bon nombre de races bovines à viande européennes qui ont été importées au Canada il y a 25 ou 30 ans. Les résultats démontrent que le croisement de ces races avec des races du pays a amélioré la productivité des races à viande d'au moins 25 p. 100 tout en produisant une viande rouge beaucoup plus maigre, comme l'exigent un nombre croissant de consommateurs. Aujourd'hui, conséquence de cette recherche, presque 80 p. 100 des vaches de boucherie du Canada sont métissées avec ces races européennes. Parmi les autres recherches remarquables en zootechnie, citons la récente mise au point d'une variété de Luzerne (un fourrage vert) qui ne provoque aucune météorisation (une accumulation de gaz dans le rumen des bovins, fréquente s'ils sont nourris de légumineuses, et pouvant entraîner la mort), des recherches sur les besoins en oligo-éléments des animaux de ferme, sur la lutte contre les mycotoxines dans les aliments, la création de la race de PORC Lacombe et la sélection de Volaille résistante à la maladie.
Recherche sur les cultures
La mise en marché du Blé Marquis en 1909 par Charles Saunders, le fils de William Saunders, est une autre réussite de la Direction générale de la recherche. La variété Marquis, un blé de printemps, est la première variété à maturité précoce qui possède aussi une grande valeur boulangère et meunière. Déjà en 1920, le blé Marquis poussait sur plus de 6 millions d'hectares dans les Prairies canadiennes, soit environ 90 p. 100 de la superficie ensemencée de blé. Bien que le Marquis ait été remplacé depuis longtemps par des variétés supérieures, les variétés de blé couramment ensemencées sont encore dans une grande mesure issues des centres de recherche agronomique fédéraux (le Cereal Research Centre à Winnipeg, le Semi-Arid Prairie Agricultural Research Centre à Swift Current). Le blé Marquis a fait du Canada un chef de file mondial dans la production de blé de haute qualité, une réputation qu'il conserve de nos jours avec des exportations s'élevant à des milliards de dollars. En plus de sa maturité précoce, un facteur de la plus haute importante dans notre courte période de végétation, les sélectionneurs en ont amélioré le rendement, la qualité et la résistance aux maladies et aux insectes (voir Cultures, Recherche Sur Les).
La création du canola, une graine oléagineuse utilisée pour fabriquer de la margarine, des huiles de cuisine et des vinaigrettes, figure aussi parmi les réalisations d'importance. On extrait de l'huile par pression de la graine de colza, le précurseur du canola, depuis 3000 à 4000 ans. L'huile de colza a servi de lubrifiant pour la marine durant la Deuxième Guerre mondiale en raison de sa teneur relativement élevée en acide érucique, une substance qui la rend impropre à la consommation humaine. Une grande partie de la recherche dont est issu le canola (à très faible teneur en acide érucique comparativement au colza) a été effectuée par Keith Downey du Saskatoon Research Centre et la première variété a été commercialisée en 1964. De nombreuses variétés améliorées lui ont succédé. La consommation humaine de l'huile de canola est approuvée en 1977. Les États-Unis l'autorisent à leur tour en 1985. Aujourd'hui, le canola est cultivé sur environ 9 millions d'hectares au Canada, procurant aux agriculteurs de nouveaux débouchés et une valeur ajoutée à l'industrie grâce à l'établissement d'usines de transformation.
Recherche en alimentation
Les scientifiques canadiens ont mis au point des systèmes de contrôle de la qualité ou de classement de nombreux produits alimentaires dont ceux du bœuf, du porc, de l'agneau, de la volaille, des légumes et des fruits. Par le système de classement des animaux, les producteurs se conforment aux impératifs commerciaux. Ainsi, en identifiant les carcasses moins désirables (trop grasses), ce système a fait économiser à l'industrie de la production animale des centaines de millions de dollars en aliments pour le bétail. Parmi les autres progrès remarquables, on compte l'amélioration du goût et du stockage des jus de fruits, le perfectionnement des méthodes de congélation des aliments et de la conservation des aliments réfrigérés, dont les viandes, par des techniques d'emballage novatrices.
Projets de la Direction générale de la recherche
Le regroupement en 18 centres d'excellence a changé le rôle de la Direction générale de la recherche. Son mandat premier est de protéger les ressources alimentaires canadiennes des maladies et des parasites étrangers et de s'assurer de l'innocuité et de la valeur nutritive des ressources alimentaires. Elle gère aussi un programme de recherche visant à assurer le maintien des ressources utilisées dans la production des aliments (sol, eau, plantes, animaux) pour les générations futures, par la conservation des ressources génétiques (plantes, animaux, champignons et microbes). La technologie de l'information, le Génie Génétique et la lutte biologique contre les parasites et les maladies seront les éléments clés du programme de recherche du XXIe siècle. Étant donné qu'un déclin de l'industrie pétrochimique est prévu, au fur et à mesure que les ressources connues sont exploitées, l'agriculture deviendra une source importante de produit chimiques industriels renouvelables, de combustibles et de matériaux de construction. Les bio-combustibles tels l'éthanol produit à partir de grains et le bio-diesel produit à partir de graines oléagineuses constituent une industrie en émergence en Amérique du Nord et en Europe. Les centres de recherche agronomique anticipent pour les 5 prochaines années de nombreuses innovations, dont la commercialisation attendue de 15 à 20 nouvelles variétés de cultures; les répercussions de l'agriculture canadienne sur les gaz à effet de serre, sur la qualité de l'eau et du sol; des relevés de la carte génétique des bovins et de la volaille pour découvrir les sites qui régissent la production importante (p. ex. le taux de croissance, la consommation des aliments, la saveur) et la résistance aux maladies, ainsi que la mise au point de nouvelles procédures pour évaluer, faire le suivi et retracer les produits et améliorer la salubrité des aliments.