Aide juridique
Les services d'aide juridique financés par l'État et destinés aux démunis n'existent au Canada que depuis la seconde moitié du XXe siècle. Auparavant, les avocats acceptent parfois de représenter gratuitement des clients démunis dans des causes qui le justifient. Parfois aussi, les juges nomment des avocats pour représenter des indigents, mais il s'agit essentiellement de services juridiques inspirés par un esprit de bienfaisance et de charité. Au cours des années 50 et au début des années 60, des municipalités et des provinces commencent à accorder des subventions permettant de verser des honoraires modiques aux avocats qui acceptent d'occuper pour des clients qui ne peuvent payer leurs services. Toutefois, ce n'est qu'en 1966 que l'Ontario adopte une loi établissant le premier régime provincial général d'aide juridique. Cette loi représente un changement important dans la philosophie sous-tendant les services d'aide juridique : l'aide juridique n'est plus oeuvre de bienfaisance, mais un droit.
L'incidence du partage des frais sur les services
Vers le milieu des années 70, les provinces et les territoires établissent tous des régimes d'aide juridique. Bien que les services d'aide juridique relèvent de la compétence constitutionnelle des provinces en matière d'administration de la justice, le ministère fédéral de la Justice commence à participer à ces programmes dans le cadre d'ententes de partage des frais pour les services d'aide juridique en matière de droit criminel, matière qui relève de la responsabilité constitutionnelle du gouvernement fédéral. Ces ententes de partage de frais influencent considérablement le développement uniforme des régimes provinciaux d'aide juridique, car elles fixent à la fois les normes minimales de services à fournir et les conditions d'accessibilité ainsi que les conditions financières pour les clients.
Par contraste, le fédéral ne finance pas toujours les services d'aide juridique en matière non criminelle, alors que les régimes provinciaux n'offrent que des services limités et, parfois, n'en offrent aucun. Bien que l'aide juridique soit un droit, les lois provinciales créant les régimes d'aide juridique laissent généralement à l'appréciation des responsables la décision d'accorder ou non l'aide juridique aux clients accusés d'infractions moins graves ou qui doivent comparaître devant des tribunaux inférieurs en matière familiale, ou lorsque l'affaire est entendue devant une cour des petites créances ou devant un tribunal administratif. En outre, la prestation de consultations juridiques, la préparation de documents et les négociations entreprises pour le compte d'un client sont généralement des services discrétionnaires offerts en vertu des lois régissant l'aide juridique.
Admissibilité financière
Les ententes de partage de frais obligent les provinces à déterminer, selon une formule souple, si un client peut se payer les services d'un avocat. Les régimes provinciaux exigent généralement un examen du revenu, de l'actif disponible, des dettes, des obligations alimentaires, etc. de chaque client pour déterminer s'il est admissible ou non à l'aide juridique. L'application des lignes directrices en matière d'admissibilité financière varie d'une province à l'autre. On demande parfois au client de verser une contribution au titre des frais exposés par l'aide juridique ou de rembourser ces frais.
Avocats salariés ou rémunérés à l'acte?
Au Canada, le développement de services d'aide juridique financés par l'État coïncide avec l'expansion de l'aide juridique ailleurs et avec l'adoption d'engagements internationaux favorisant l'aide juridique, par exemple dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté par l'Assemblée générale de l'ONU en 1966. Pourtant, même s'il existe un large consensus sur les objectifs fondamentaux des services d'aide juridique, leur mise en oeuvre diffère considérablement d'un pays à l'autre.
Le modèle américain des défenseurs publics salariés en milieu commercial contraste avec le modèle adopté à l'origine en Angleterre, dans le cadre duquel les avocats de pratique privée fournissent des services d'aide juridique aux clients et puis sont remboursés par le gouvernement. Depuis l'avènement du régime moderne d'aide juridique au Canada, la question du modèle approprié (avocats salariés ou avocats de pratique privée rémunérés à l'acte) est controversée. Plusieurs provinces, dont la Saskatchewan, le Manitoba, le Québec et la Nouvelle-Écosse, choisissent d'abord le système des avocats salariés installés dans des quartiers commerciaux, alors que l'Alberta et le Nouveau-Brunswick adoptent le modèle de la rémunération à l'acte. La Colombie-Britannique adopte pour sa part un modèle mixte, faisant appel à des avocats salariés, à des techniciens parajuridiques travaillant dans des bureaux d'assistance juridique ainsi qu'à des avocats rémunérés à l'acte. Le modèle mixte est également instauré en Ontario, où le premier modèle fondé sur les avocats rémunérés à l'acte est élargi en 1976 pour comprendre un réseau panprovincial de centres juridiques communautaires indépendants dirigés à la fois par des avocats et des techniciens parajuridiques. Dans cette province, les centres communautaires offrent des services d'aide juridique complémentaires, particulièrement pour les problèmes juridiques exclus des services rémunérés à l'acte (problèmes en matière de location immobilière, de bien-être, d'accidents du travail et d'immigration).
En 1980, la plupart des régimes provinciaux d'aide juridique sont fondés, à des degrés divers, sur ce modèle « mixte ». En outre, plusieurs provinces adoptent le système de l'avocat de service et, dans le grand Nord, un avocat de service travaille régulièrement en circuit. De nombreux régimes mettent en oeuvre, souvent avec succès, des projets d'éducation juridique ainsi que des programmes conçus pour fournir un meilleur accès à la justice pour les démunis. Ces projets ont souvent recours à l'expertise de techniciens parajuridiques ou de travailleurs juridiques communautaires qui, parfois, remportent des victoires en justice pour les groupes de démunis.
Le coût, le contrôle et la Charte
Dès 1980, la vigueur du système d'aide juridique au Canada repose sur sa diversité et le maintien de normes minimales établies par les ententes de partage de frais conclues avec le fédéral. Au cours de la dernière décennie cependant, tous les régimes d'aide juridique subissent des compressions budgétaires. Actuellement, les services sont l'objet d'un manque de consensus quant aux priorités et aux politiques en la matière. Ainsi, la question de l'accès à la justice par le truchement de services d'aide juridique indépendants au Canada demeure un défi majeur. Dans le contexte des garanties que prévoit la CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS, ce défi est de s'assurer que les services d'aide juridique mettent effectivement ces garanties en oeuvre, dont les garanties de « l'égalité devant la loi », de la « protection égale » pour tous, de « l'égalité de bénéfice » de la loi ainsi que du « droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat ».