Angelina Napolitano, femme au foyer, meurtrière (née en 1883 près de Naples, en Italie; décédée le 4 septembre 1932 à Kingston, en Ontario). Angelina Napolitano était une immigrante italienne qui a tué son mari, Pietro Napolitano, un homme émotionnellement et physiquement abusif. Le meurtre est survenu durant l’après-midi du dimanche de Pâques, le 16 avril 1911, dans un appartement d’une maison du quartier immigrant de Sault Ste. Marie, en Ontario. Angelina, âgée de 28 ans, mère de quatre enfants et enceinte d’un cinquième, a frappé à plusieurs reprises son mari endormi à coups de hache, à la tête et au cou. Son histoire est remarquable en raison du soutien généralisé et international qu’elle a reçu de la part des féministes de l’époque. Plusieurs l’ont perçue comme une victime et comme une personne qui, selon la terminologie d’aujourd’hui, serait décrite comme une « femme battue » forcée de se défendre.
Jeunesse
Née dans une ville rurale de Naples en Italie, Angelina Napolitano déménage en Ontario, avec son mari Pietro, en 1909, après avoir vécu durant sept ans à New York. Le couple vit brièvement à Thessalon, un village de scieries, avant de déménager à Sault Ste. Marie. Ils vivent avec leurs quatre enfants, tous nés dans le district d’Algoma, en Ontario. L’aîné, Michael, naît en 1904. Amelia naît en 1905, Rafeala en 1906, et Pietro naît en 1908. Les trois plus jeunes enfants sont baptisés ensemble en 1909, dans le diocèse de Sault Ste. Marie.
Mariage
Pietro Napolitano est ouvrier. Cependant, il est incapable de gagner assez d’argent pour atteindre son objectif de se construire une maison. Étant à la recherche d’un revenu supplémentaire, Pietro Napolitano tente à plusieurs reprises de forcer Angelina à se prostituer. De plus, il abuse d’elle physiquement. En novembre 1910, par exemple, Pietro poignarde Angelina à plusieurs reprises avec un couteau, la blessant au cou et aux épaules, et la défigurant. Elle porte d’ailleurs toujours ces cicatrices lors de son procès pour meurtre. Pietro plaide coupable et reçoit une condamnation avec sursis.
Meurtre
Le jour fatidique, Pietro rentre à la maison après avoir fait un quart de nuit à l’aciérie, et il menace de battre ou de tuer Angelina si elle n’a pas gagné d’argent, au moment où il se réveillera, en étant une « mauvaise femme ». Après avoir abattu son mari endormi plusieurs fois à coups de hache, Angelina remet l’outil dans le hangar et s’assoit avec son cadet pendant un certain temps. Elle raconte ensuite à l’homme vivant dans l’appartement voisin ce qu’elle a fait, et elle attend la police.
Procès
Le procès pour meurtre d’Angelina a lieu le 8 et le 9 mai 1911. Le juge Byron Moffatt Britton préside l’affaire. Le procureur de la Couronne, Edmund Meredith, présente neuf témoins. Seule Angelina témoigne en sa propre défense. Son avocat, Uriah McFadden, fait valoir qu’elle a été poussée à tuer son mari en raison des abus de ce dernier. Il met l’emphase sur les coups de couteau qui ont eu lieu l’année précédente. Le juge Britton considère qu’une agression ayant eu lieu six mois auparavant ne constitue pas une provocation suffisante. Dans son exposé au jury, Byron Moffatt Britton note qu’un mari endormi n’aurait pas pu provoquer sa femme. À une époque où les antécédents d’abus ne sont pas encore admissibles, son interprétation n’est ni extraordinaire ni généreuse.
Le jury la reconnaît coupable mais recommande la clémence. Cependant, le juge Britton la condamne à la pendaison, et il choisit une date d’exécution, le 9 août, pour lui laisser le temps d’accoucher.
Réaction
L’affaire suscite de nombreux débats au Canada et à l’étranger. Les critiques d’Angelina Napolitano incluent le chroniqueur du Sault Star, qui la dénonce comme étant une autre étrangère « au sang chaud », prompte à utiliser n’importe quelle arme à portée de main en réaction à des « torts réels ou fantaisistes ». Un autre fait valoir qu’Angelina mérite de mourir parce qu’elle est immorale, ce qui est une référence au fait que pendant une courte période, elle a pris chez elle un pensionnaire alors que son mari était parti à l’extérieur de la ville.
Prenant parti de la cause d’Angelina, plusieurs personnes écrivent des lettres et signent des pétitions dans le cadre d’une campagne de clémence pour faire commuer sa peine de mort en une peine de prison. Des sympathisants exhortent le ministre fédéral de la Justice, Allen B. Aylesworth, d’épargner sa vie en tant que femme maltraitée. Quelques personnes demandent un pardon complet. Des féministes américaines et britanniques, dont l’activisme pour le droit de vote a aiguisé leurs compétences en matière d’organisation politique, se font particulièrement entendre. En comparaison, les féministes canadiennes sont plutôt réservées dans leur soutien. Par exemple, la docteure canadienne Helen MacMurchy, une médecin et eugéniste, demande à Allen B. Aylesworth, un ami personnel, d’envisager la commutation parce que l’affaire a engendré un tollé parmi les ouvrières et les socialistes. Dans l’ensemble, la présence d’un mouvement féminin transnational attire une attention soutenue sur l’affaire. Le journal britannique Common Cause fait partie de ces voix féministes. Le journal critique le tribunal « masculin » pour ne pas avoir reconnu que la violence physique constituait une provocation suffisante, et le fait qu’Angelina a agi en état de légitime défense.
D’autres femmes sympathisantes font d’Angelina une femme courageuse qui débarrasse le monde d’un « mari méchant ». Par exemple, dans une lettre adressée au ministre de la Justice du Canada, une femme anglaise va jusqu’à qualifier Angelina d’héroïne qui s’est acquittée d’une « horrible et répugnante tâche » parce que son acte a « délivré la race d’odieux ulcères ». Elle ajoute : « le sillon d’immoralité » était « un bien pire crime que le meurtre ! » De tels commentaires sont inspirés par les politiques sexuelles et raciales du féminisme précoce qui utilisent des stéréotypes populaires selon lesquels les hommes étrangers sont prédisposés à la violence et à l’immoralité sexuelle, et les femmes étrangères sont particulièrement victimisées.
Des groupes féministes comme la Toronto Suffrage Association (TSA) font appel à la clémence en se fondant sur la sauvegarde de l’enfant à naître d’Angelina. Ceci reflète également les notions contemporaines, à savoir que l’état d’agitation intense d’une mère pourrait causer des dommages psychologiques au fœtus. Chaque heure qu’Angelina passe dans « des conditions de terreur, anticipant son exécution », affirme la TSA, pourrait avoir un impact délétère sur « l’innocent enfant à naître ». (En fait, le bébé est mort quelques semaines après sa naissance.) D’autres, incluant quelques hommes, offrent l’hypothèse que la grossesse a peut-être engendré un état de déséquilibre émotionnel ou mental, et pourrait ainsi avoir rendu Angelina temporairement folle.
Conséquences
La campagne de clémence donne des résultats : le 14 juillet 1911, le cabinet fédéral commue la peine de mort d’Angelina Napolitano en emprisonnement à vie. Angelina est une prisonnière modèle, et onze ans plus tard, le 30 décembre 1922, elle est libérée sur parole du pénitencier de Kingston. Par la suite, elle travaille comme domestique résidente pour la famille Nickle de Kingston, qui vit au 155 rue Earl et qui est une famille bien en vue dans les cercles juridiques. Au moment de sa mort, le 4 septembre 1932, Angelina vit toujours au domicile de la famille Nickle. Elle meurt d’une péritonite septique à la suite de deux opérations à l’hôpital Hotel Dieu de Kingston. Alors qu’elle était en prison, Angelina a tenté d’entrer en contact avec ses deux enfants qui avaient été placés en familles d’accueil. Toutefois, on ne sait pas si elle les a retrouvés. Angelina a été enterrée au cimetière St Mary, un cimetière catholique de Kingston.
Productions culturelles
L’histoire d’Angelina Napolitano a inspiré une pièce de Frank Canino intitulée The Angelina Project, qui a effectué de nombreuses représentations en Amérique du Nord. De même, Sergio Navarette a réalisé le long métrage primé Looking for Angelina, produit par Platinum Image Film en 2005.