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Antoine Laumet, dit de Lamothe Cadillac

Antoine Laumet, dit de Lamothe Cadillac, explorateur, seigneur en Acadie, commandant de Michilimackinac, fondateur de Détroit et de la première colonie en Ontario, gouverneur de la Louisiane (né le 5 mars 1658 à Saint-Nicolas-de-la-Grave, en France; décédé le 16 octobre 1730 à Castelsarrasin, en France).
Antoine Laumet, dit de Lamothe Cadillac arrivant \u00e0 Détroit en 1701 avec ses hommes.
Charles W. Jefferys, The Picture Gallery of Canadian History, vol. 1, Discovery to 1763, Toronto, The Ryerson Press, 1942, p. 200.

Antoine Laumet, dit de Lamothe Cadillac, explorateur, seigneur en Acadie, commandant de Michilimackinac, fondateur de Détroit et de la première colonie en Ontario, gouverneur de la Louisiane (né le 5 mars 1658 à Saint-Nicolas-de-la-Grave, en France; décédé le 16 octobre 1730 à Castelsarrasin, en France).

Origines et début de carrière

On sait peu de choses sur Cadillac avant son arrivée au Canada vers 1683. Débarqué en Acadie, il s’installe à Port-Royal (Nouvelle-Écosse). Pendant quelques années, il sert sur le bateau du corsaire François Guyon (Guion) chargé de la défense des côtes acadiennes contre les navires anglais. À Québec, Cadillac fréquente la famille Guyon et en 1687, il épouse la nièce de François, Marie-Thérèse Guyon. Lors de son mariage, Antoine Laumet ment sur ses origines en disant être « Antoine de la Mothe, écuyer, sieur de Cadillac, 26 ans, fils de Jean de la Mothe, seigneur du dit lieu de Cadillac, de Launay et de Montet, conseiller au parlement de Toulouse et de dame Jeanne de Malenfant ». En fait, sa famille ne possède aucune seigneurie et ses parents n’appartiennent pas à la noblesse. Son père, Jean Laumet est un petit magistrat de province et sa mère, qui s’appelle plutôt Jeanne Péchagut, est issue d’une famille bourgeoise.

En 1688, Cadillac retourne en Acadie et le marquis de Denonville, gouverneur de la Nouvelle-France, lui concède la seigneurie des Douacques (qui deviendra la ville de Bar Harbor dans l’État du Maine).Il s’installe sur ses terres, mais en 1690, sa maison est détruite par l’armée de William Phips lors de l’attaque de Port-Royal. L’année suivante, Cadillac est de retour à Québec et Frontenac l’engage comme lieutenant des Troupes de la Marine. En 1693, après avoir soumis un rapport détaillé sur la topographie de la Nouvelle-Angleterre avec le cartographe Jean-Baptiste-Louis Franquelin, il est promu au grade de capitaine. En 1694, Cadillac devient commandant du fort Michilimackinac situé à la jonction des lacs Huron et Michigan (aussi appelé fort Buade). Ce poste militaire et commercial revêt une importance cruciale en raison de la guerre avec les Iroquois qui fait rage. Toutefois, Cadillac s’intéresse plus à la traite des fourrures et au commerce de l’alcool qu’à la stratégie militaire et il s’avère un piètre commandant.

La colonie du Détroit

Cadillac s’embarque pour la France en 1698 afin de soumettre à la cour un projet de colonisation dans les Pays-d'en-Haut; ce sera son coup de maître. L’endroit qu’il choisit est situé aux abords d’un détroit, c’est-à-dire un passage étroit qui met en relation deux étendues d’eau. En empruntant une rivière, on passe du lac Érié au lac Sainte-Claire. Les écrits de l’époque parlent du détroit ou réfèrent au détroit. C’est pourquoi la rivière a pris plus tard le nom Détroit.

Ce que Cadillac souhaite établir à cet endroit n’est pas un fort comme celui qu’il a commandé à Michilimackinac, mais bien une petite colonie française. Le ministre de la Marine, Jérôme Phélypeaux, comte de Pontchartrain donne le feu vert au projet en 1700. Cadillac quitte Montréal le 5 juin 1701 et met presque deux mois pour atteindre le détroit. Il y arrive le 24 juillet, accompagné de son premier lieutenant Alphonse de Tonty, du récollet Constantin Delhalle, du jésuite François Vaillant de Gueslis, ainsi que de 50 soldats et de 50 colons. Il érige le fort Pontchartrain sur la rive nord (future ville de Détroit). En 1744, une mission (voir Missions et missionnaires) est fondée sur la rive sud de la rivière Détroit (future ville de Windsor).

Toutefois, l’ambition de Cadillac ne s’arrête pas là. Ce dernier demande d’accorder un statut de gouvernement autonome aux postes de l’Ouest; un projet auquel le gouverneur de la Nouvelle-France, Philippe de Rigaud de Vaudreuil s’oppose et qui est source de conflits entre les deux hommes. En 1708, un rapport soumis au ministre Pontchartrain démontre que l’établissement de la colonie de Cadillac n’a pas atteint les cibles promises. En sept ans, elle n’a attiré que 62 colons et seulement 353 arpents de terre ont été défrichés. De plus, loin de renforcer les liens entre les Français et les peuples autochtones de l’Ouest, la politique de Cadillac a conduit à des affrontements violents entre les différents groupes (les Hurons, les Outaouais et les Miamis) installés au détroit. Le fort n’arrive pas non plus à intercepter les fourrures qui prennent le chemin de New York.

En bref, ce n’est pas sous le commandement de Cadillac que la colonie du détroit se développe de manière importante. Ce dernier en a l’idée, mais il faudra l’intervention du gouverneur La Galissonière – presque cinquante ans plus tard, en 1749 – pour encourager le peuplement du détroit. En 1710, Cadillac est nommé gouverneur de la Louisiane, la plus pauvre des colonies de l’Empire français. Il ne s’y rend qu’en 1713 et se querelle avec l’ordonnateur (fonction équivalente à celle de l’intendant canadien). Rappelé en France en 1716, il s’embarque au cours de l’été 1717 pour la traversée. En 1723, il achète la charge de gouverneur de Castelsarrasin, une petite ville située à proximité de son village natal. Il décède à cet endroit, le 15 octobre 1730.

Cadillac, héros sublime, fieffé coquin ou père méconnu de l’Ontario français?

L’opinion des historiens sur Cadillac est largement partagée. Agnes Laut le considère comme « un héros sublime qui ennoblit les premiers chapitres de l’histoire de l’Amérique du Nord » alors que pour William John Eccles, il est « l’un des plus fieffés coquins qui aient jamais foulé le sol de la Nouvelle-France ». La vérité se situe probablement entre ces deux extrêmes.

Gaétan Gervais et Michel Bock, deux historiens franco-ontariens, déplorent que Cadillac « ne soit pas à la hauteur sa mission », mais reconnaissent que « Détroit est le premier établissement permanent dans les Pays-d’en-Haut ». Même s’ils notent que Cadillac n’est pas l’homme le plus éthique qui soit, qu’il n’a cherché qu’à s’enrichir en commerçant avec les Anglais de New York et que ses relations avec les Autochtones et missionnaires sont désastreuses, Gervais et Bock le considère comme un acteur de premier plan dans la fondation de la colonie du Détroit. Robert Choquette porte quant à lui un jugement plus sévère sur l’héritage de Cadillac lorsqu’il affirme que l’Assomption du Détroit (nom de la mission fondée en 1744 sur le site de l’actuelle ville de Windsor) est « la première colonie française permanente en terre ontarienne qui survivra jusqu’à aujourd’hui ».

Néanmoins, on peut reconnaître que contrairement à ses prédécesseurs qui ont fondé les forts Frontenac (Kingston), Conti (Niagara) et Buade (Michilimackinac), Cadillac a le mérite d’amorcer la colonisation de l’Ouest. Les colons qui l’accompagnent n’ont pas tardé à découvrir et défricher les terres fertiles de la rive sud de la rivière Détroit. C’est là que s’établissent, entre autres, les Chauvin, Janis, Campeau, Renaud, Rivard et Réaume, des familles pionnières du Sud-Ouest ontarien. C’est également à cet endroit que sont fondées la première paroisse (1767) et la première école (1786) de l’Ontario. On peut certainement y voir un legs éloigné de Cadillac, père méconnu de l’Ontario français.