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Articles de troc avec les Autochtones

Pendant le commerce des fourrures au Canada, des articles de fabrication européenne (historiquement appelés « marchandises indiennes » dans la littérature) étaient échangés avec les peuples autochtones contre des fourrures. Ces articles comprenaient, par exemple, des objets en métal, des armes et des perles de verre. Cependant, les échanges culturels se faisaient dans les deux sens, de diverses manières. Certains Européens, notamment les voyageurs, ont adopté diverses technologies et vêtements autochtones dans le cadre de leurs activités de commerce des fourrures, notamment les mocassins, pantalons et chapeaux en peau de daim et les raquettes.

Chef Huron

Nicholas Isawanhanhi, chef Huron, porte le manteau régimentaire généralement remis aux chefs de commerce autochtones pendant la traite des fourrures.
Peinture de Chatfield | (avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada/C-38948)


Premiers contacts

À l’époque des premiers contacts, les Européens échangent diverses pièces de métal (p. ex. des haches, des couteaux en fer, des clous), de la corde et des vêtements usagés en échange de fourrures traitées par les Autochtones. Pendant cette période, le commerce des fourrures s’effectue surtout avec les pêcheurs qui débarquent le long des côtes pour y faire sécher leurs prises. Bien que ces échanges soient peu nombreux, les Européens réalisent des profits substantiels. En effet, les objets qu’ils échangent sont de moindre valeur par rapport aux fourrures, vendues à prix fort sur le marché outre-Atlantique.

Traite des fourrures : haches de fer, perles de verre et plus encore

Au cours du 16e siècle, cependant, la traite des fourrures  en vient à former une activité à part entière. Des bateaux spécialement affrétés sont envoyés le long de la côte atlantique avec des cargaisons de produits manufacturés. Il s’agit alors pour les Européens d’offrir les types de produits les plus prisés, qui rapportent le plus de fourrures et au meilleur prix.

Dès le début, les haches de fer comptent parmi les objets les plus convoités. Elles sont importées au Canada français en quantité telle qu’elles vont littéralement pulluler dans de nombreuses régions du sud de l’Ontario, jusqu’à devenir la première culture commerciale des défricheurs qui travaillent la terre. Pour fabriquer ces haches, on utilise une courte barre de fer qu’on plie autour d’un mandrin (une tige cylindrique) et dans laquelle on pratique une ouverture en forme de biseau. Les extrémités sont ensuite soudées et façonnées par martelage en une longue et lourde lame. Une mince pièce d’acier est généralement insérée dans la lame pour obtenir un tranchant bien aiguisé et durable.

Bien que des générations d’enfants aient grandi avec l’idée que ces haches françaises étaient des armes, des découvertes archéologiques laissent croire que ce sont surtout les femmes qui les utilisaient, notamment pour couper les branches et les arbustes et faire du feu. Elles servaient également, de toute évidence, à bien d’autres fins.

Si la lourde hache française peut convenir aux besoins des peuples iroquoiens sédentaires, elle est beaucoup trop encombrante pour les chasseurs et les cueilleurs des forêts du Nord. Les Français introduisent alors la hache biscaïenne, plus légère et plus effilée. Celle-ci fait probablement son apparition vers la fin du 17e siècle, à l’époque où la Compagnie de la Baie d’Hudson  (CBH) établit ses postes de traite à la baie James.

Les Anglais considèrent également leurs haches trop encombrantes pour les peuples algonquiens avec lesquels ils font des échanges. Ils introduisent donc un outil plus léger, qui ressemble à une hachette. Les petites différences stylistiques entre les divers types de haches n’étaient probablement pas très significatives pour les Autochtones. Pour les archéologues et les historiens, par contre, ces détails sont de première importance ; en effet, la distribution des différents types à travers une région permet de reconstituer les routes de traite qui partaient de différents centres commerciaux.

De plus, si on parvient à situer l’introduction de ces différentes formes d’outils dans le marché, il devient possible de dater les sites archéologiques. Par exemple, les premiers fusils à silex dont la CBH fait le commerce à la baie James sont munis d’une platine et d’un chien plats. Cependant, comme on sait que le modèle Oakes pourvu d’un chien et d’une platine aux surfaces arrondies a fait son apparition dans le Nord-Ouest en 1682, on peut en déduire que tout site archéologique présentant le modèle Oakes est ultérieur à 1682.

Les produits du commerce changent avec le temps. Même si ces changements ne sont pas toujours datés avec précision, on peut en retracer approximativement l’époque. On peut, par exemple, évaluer l’âge d’une collection de pipes de kaolin (argile) ou de bouteilles de verre à 10 ans près. Les perles de verre et les casseroles de cuivre restent beaucoup plus difficiles à dater, bien que certains indices soient révélateurs. Ainsi, les premières grandes perles en forme d’étoile ne sont associées qu’aux premiers établissements français, et il semble que les petites casseroles de cuivre aux parois verticales ne soient apparues que beaucoup plus tard, à l’époque où la CBH en assurait l’approvisionnement.

Les commerçants de fourrure à Montréal

George Agnew Reid | (avec la permission de George Agnew Reid/Bibliothèque et Archives Canada/no. d'acc. 1990-329-1)


Motifs pour le commerce

Les peuples autochtones adoptent les produits de fabrication européenne en raison de leur supériorité technologique : les fusils à silex, les haches en fer, les couteaux et les casseroles de cuivre sont considérés comme plus efficaces que les arcs et les flèches, les outils de pierre et les paniers d’écorce qu’ils remplacent.

Ce commerce, toutefois, ne se limite pas qu’à des produits pratiques. Une pipée de tabac n’améliorait peut-être pas l’habileté du trappeur, mais elle le rendait probablement plus serein. De façon similaire, les femmes autochtones auraient pu continuer à s’attacher les cheveux avec des bandes de cuir, comme l’avaient fait leurs aïeules depuis des générations, mais elles trouvaient les rubans aux couleurs vives offerts par les Européens plus attrayants. Pour les Européens, le but du commerce est d’obtenir des fourrures de valeur. Pendant les périodes de contact, certains Européens, comme les voyageurs, adoptent également des technologies et des vêtements autochtones. Il s’agit, par exemple, des mocassins, des vêtements en peau de daim et des raquettes.

Rivalité entre les Anglais et les Français

La quantité de biens importés au cours des premières années du commerce de la fourrure est impressionnante. Ainsi, en 1684, la Compagnie de la Baie d’Hudson envoie 300 fusils à silex, 2000 haches de fer, 2160 pipes en kaolin (argile), 3000 canifs et 5000 couteaux de boucher à son poste d’Albany. Les Anglais et les Français, éternels rivaux, dominent alors le commerce des fourrures. Les Français ouvrent la voie vers l’ouest, empruntant les anciennes routes ouvertes par les canots autochtones. (Voir aussi Routes de la traite des fourrures.)

Même après la conquête de la Nouvelle-France, la rivalité commerciale se poursuit à mesure que les marchands de Montréal se dirigent vers l’ouest. À l’époque où le commerce est à son apogée, les marchands suivent la « route des voyageurs », un parcours bien établi qui s’étend de Montréal, sur le Saint-Laurent, jusqu’au fort Chipewyan, sur le lac Athabasca. Le commerce des fusils, des casseroles, des perles, des pipes, des vêtements de laine et des couvertures, en échange des fourrures, a permis l’ouverture de la moitié d’un continent et a donné au Canada sa configuration essentielle.

Collection des peuples autochtones

Guide pédagogique perspectives autochtones