Pendant le commerce des
fourrures au Canada, des articles de fabrication européenne (historiquement
appelés « marchandises indiennes »
dans la littérature) étaient échangés avec les peuples
autochtones contre des fourrures. Ces articles comprenaient, par exemple,
des objets en métal, des armes et des perles de verre. Cependant, les échanges
culturels se faisaient dans les deux sens, de diverses manières. Certains
Européens, notamment les voyageurs,
ont adopté diverses technologies et vêtements autochtones dans le cadre de
leurs activités de commerce des fourrures, notamment les mocassins,
pantalons et chapeaux en peau de daim et les raquettes.
Premiers contacts
À l’époque
des premiers contacts, les Européens échangent diverses pièces de métal (p. ex.
des haches, des couteaux en fer, des clous), de la corde et des vêtements
usagés en échange de fourrures traitées par les Autochtones.
Pendant cette période, le commerce des fourrures s’effectue surtout avec les
pêcheurs qui débarquent le long des côtes pour y faire sécher leurs prises.
Bien que ces échanges soient peu nombreux, les Européens réalisent des profits
substantiels. En effet, les objets qu’ils échangent sont de moindre valeur par
rapport aux fourrures, vendues à prix fort sur le marché outre-Atlantique.
Traite des
fourrures : haches de fer, perles de verre et plus encore
Au cours du
16e siècle, cependant, la traite des fourrures
en vient à former une activité
à part entière. Des bateaux spécialement affrétés sont envoyés le long de la
côte atlantique avec des cargaisons de produits manufacturés. Il s’agit alors
pour les Européens d’offrir les types de produits les plus prisés, qui
rapportent le plus de fourrures et au meilleur prix.
Dès le
début, les haches de fer comptent parmi les objets les plus convoités. Elles
sont importées au Canada français en quantité telle qu’elles vont littéralement
pulluler dans de nombreuses régions du sud de l’Ontario,
jusqu’à devenir la première culture commerciale des défricheurs qui travaillent
la terre. Pour fabriquer ces haches, on utilise une courte barre de fer qu’on
plie autour d’un mandrin (une tige cylindrique) et dans laquelle on pratique
une ouverture en forme de biseau. Les extrémités sont ensuite soudées et
façonnées par martelage en une longue et lourde lame. Une mince pièce d’acier
est généralement insérée dans la lame pour obtenir un tranchant bien aiguisé et
durable.
Bien que
des générations d’enfants aient grandi avec l’idée que ces haches françaises étaient
des armes, des découvertes archéologiques
laissent croire que ce sont surtout les femmes qui les utilisaient, notamment
pour couper les branches et les arbustes et faire du feu. Elles servaient
également, de toute évidence, à bien d’autres fins.
Si la
lourde hache française peut convenir aux besoins des peuples iroquoiens
sédentaires, elle est beaucoup trop encombrante pour les chasseurs et les
cueilleurs des forêts du Nord. Les Français introduisent alors la hache
biscaïenne, plus légère et plus effilée. Celle-ci fait probablement son
apparition vers la fin du 17e siècle, à l’époque où la Compagnie de la Baie d’Hudson
(CBH) établit ses postes de
traite à la baie James.
Les Anglais
considèrent également leurs haches trop encombrantes pour les peuples
algonquiens avec lesquels ils font des échanges. Ils introduisent donc un outil
plus léger, qui ressemble à une hachette. Les petites différences stylistiques
entre les divers types de haches n’étaient probablement pas très significatives
pour les Autochtones. Pour les archéologues et les historiens, par contre, ces
détails sont de première importance ; en effet, la distribution des différents
types à travers une région permet de reconstituer les routes de traite qui
partaient de différents centres commerciaux.
De plus, si
on parvient à situer l’introduction de ces différentes formes d’outils dans le
marché, il devient possible de dater les sites archéologiques. Par exemple, les
premiers fusils à silex dont la CBH fait le commerce à la baie James sont munis
d’une platine et d’un chien plats. Cependant, comme on sait que le modèle Oakes
pourvu d’un chien et d’une platine aux surfaces arrondies a fait son apparition
dans le Nord-Ouest en 1682, on peut en déduire que tout site archéologique
présentant le modèle Oakes est ultérieur à 1682.
Les produits du commerce changent avec le temps. Même si ces changements ne sont pas toujours datés avec précision, on peut en retracer approximativement l’époque. On peut, par exemple, évaluer l’âge d’une collection de pipes de kaolin (argile) ou de bouteilles de verre à 10 ans près. Les perles de verre et les casseroles de cuivre restent beaucoup plus difficiles à dater, bien que certains indices soient révélateurs. Ainsi, les premières grandes perles en forme d’étoile ne sont associées qu’aux premiers établissements français, et il semble que les petites casseroles de cuivre aux parois verticales ne soient apparues que beaucoup plus tard, à l’époque où la CBH en assurait l’approvisionnement.
Motifs pour le commerce
Les peuples
autochtones adoptent les produits de fabrication européenne en raison de leur
supériorité technologique : les fusils à silex, les haches en fer, les
couteaux et les casseroles de cuivre sont considérés comme plus efficaces que
les arcs et les flèches, les outils de pierre et les paniers d’écorce qu’ils
remplacent.
Ce commerce,
toutefois, ne se limite pas qu’à des produits pratiques. Une pipée de tabac n’améliorait
peut-être pas l’habileté du trappeur, mais elle le rendait probablement plus
serein. De façon similaire, les femmes autochtones auraient pu continuer à s’attacher
les cheveux avec des bandes de cuir, comme l’avaient fait leurs aïeules depuis
des générations, mais elles trouvaient les rubans aux couleurs vives offerts
par les Européens plus attrayants. Pour les Européens, le but du commerce est d’obtenir
des fourrures de valeur. Pendant les périodes de contact, certains Européens,
comme les voyageurs,
adoptent également des technologies et des vêtements autochtones. Il s’agit,
par exemple, des mocassins,
des vêtements en peau de daim et des raquettes.
Rivalité entre les Anglais
et les Français
La quantité
de biens importés au cours des premières années du commerce de la
fourrure est impressionnante. Ainsi, en 1684, la Compagnie
de la Baie d’Hudson envoie 300 fusils à silex, 2000 haches de fer, 2160
pipes en kaolin (argile), 3000 canifs et 5000 couteaux de boucher à son poste d’Albany.
Les Anglais et les Français, éternels rivaux, dominent alors le commerce des
fourrures. Les Français ouvrent la voie vers l’ouest, empruntant les anciennes
routes ouvertes par les canots autochtones.
(Voir aussi Routes
de la traite des fourrures.)
Même après
la conquête de
la Nouvelle-France, la rivalité commerciale se poursuit à mesure que les
marchands de Montréal
se dirigent vers l’ouest. À l’époque où le commerce est à son apogée, les
marchands suivent la « route des voyageurs », un parcours bien établi
qui s’étend de Montréal, sur le Saint-Laurent,
jusqu’au fort
Chipewyan, sur le lac
Athabasca. Le commerce des fusils, des casseroles, des perles, des pipes,
des vêtements de laine et des couvertures, en échange des fourrures, a permis l’ouverture
de la moitié d’un continent et a donné au Canada sa configuration essentielle.