La fusillade de la mosquée de Québec a eu lieu en 2017 au Centre culturel islamique de Québec, dans la circonscription de Sainte-Foy. Le tireur a plaidé coupable à six chefs d’accusation de meurtre au premier degré et à six chefs de tentative de meurtre. La fusillade, l’une des plus meurtrières de l’histoire du Canada, a été qualifiée d’acte de terrorisme par le premier ministre fédéral Justin Trudeau et par le premier ministre du Québec Philippe Couillard et a mené à de grands débats publics concernant l’islamophobie, le racisme et la montée du terrorisme d’extrême-droite au Canada.
Attaque de la mosquée
Le 29 janvier 2017, vers 19 h 54, Alexandre Bissonnette s’approche du Centre culturel islamique de Québec, où la prière du soir vient de se terminer. Il arme une carabine semi-automatique de calibre .223 et vise deux hommes qui viennent tout juste de quitter la mosquée. Le mécanisme se coince toutefois lorsqu’il appuie sur la gâchette. Il abandonne donc sa carabine et tire sur les hommes à l’aide d’un pistolet Glock 9 mm. Le tireur entre ensuite dans la mosquée, où il continue de tirer sur les croyants, tuant six hommes et en blessant cinq autres en moins de deux minutes. Il quitte ensuite les lieux en voiture. Environ 20 minutes plus tard, il appelle le 911 et se rend aux policiers.
Le 30 janvier, des milliers de personnes se rassemblent à l’occasion d’une veille près de la mosquée fusillée. D’autres veilles sont également organisées de part et d’autre du pays, dont à Montréal, à Toronto et à Edmonton. Le pape Francis et des dizaines de leaders mondiaux offrent leurs condoléances aux familles des victimes. À Paris, on éteint les lumières de la tour Eiffel afin de commémorer les victimes.
Les victimes de la fusillade sont Khaled Belkacemi, 60 ans, professeur de sciences à l’Université Laval; Azzeddine Soufiane, 57 ans, propriétaire d’une épicerie; Aboubaker Thabti, 44 ans, technicien en pharmacie et employé dans une usine de volaille; Mamadou Tanou Barry, 42 ans, technicien en comptabilité; Abdelkrim Hassane, 41 ans, analyste informatique pour le gouvernement du Québec; et Ibrahima Barry, 39 ans, travailleur en TI pour le gouvernement du Québec.
Dans les vidéos de surveillance ayant capté l’attaque, on peut voir Azzeddine Soufiane courir vers le tireur pour tenter de le désarmer. Le gouvernement du Québec lui a décerné la médaille de la bravoure de façon posthume. On remet également la médaille de bravoure à Aymen Derbali pour avoir tenté de distraire le tireur. Derbali est touché par balle à 7 reprises et passe 2 mois dans le coma. Il multiplie depuis les apparitions publiques au Québec pour parler de l’intolérance religieuse et raciale.
Motif et peine
En mars 2018, le tireur plaide coupable à six chefs de meurtre au premier degré et à six chefs de tentatives de meurtre. Cinq de ces accusations touchent les cinq hommes blessés par balle, tandis que la dernière est faite au nom des 35 autres personnes se trouvant dans la mosquée au moment de l’attaque. Le tireur n’est accusé d’aucune infraction liée au terrorisme.
Au cours des plaidoiries, la cour entend les preuves entourant les activités de l’accusé pendant les semaines et les mois précédant la fusillade. L’historique des recherches de son navigateur internet montre qu’il est un fervent adepte des figures de la droite radicale aux États-Unis, notamment David Duke, ancien chef du Ku Klux Klan, et Richard Spencer, influent suprémaciste blanc.
Dans les jours qui précèdent l’attaque, l'accusé consulte aussi à répétition le compte Twitter du président des États-Unis Donald Trump, qui vient alors tout juste d’imposer une interdiction d’entrée aux voyageurs en provenance de pays majoritairement musulmans. Le tireur explique plus tard à la police qu’il craint que sa famille soit attaquée par des terroristes islamiques.
Le 8 février 2019, un juge de la Cour supérieure du Québec passe près de six heures à lire à haute voix la peine donnée à l'accusé lors d’une audience à laquelle les familles des victimes et les survivants sont invités. Les crimes commis par le tireur « étaient véritablement motivés par des préjugés fondés sur la race […] et par une haine viscérale à l’égard des immigrants de confession musulmane », déclare le juge François Huot dans la salle de tribunal, avant de donner au tireur une peine d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 40 ans. Le juge détermine également que l'accusé n’était pas sain d’esprit lorsqu’il a commis l’attaque. Le jugement fait l’objet d’un appel de la Couronne, qui trouve la décision trop indulgente, et de la Défense, qui la trouve trop sévère. En 2020, la cour d'appel du Québec réduit la peine à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. La peine initiale est jugée comme étant une punition « cruelle et inusitée ». En 2022, la Cour suprême du Canada maintient cette décision.
Tensions religieuses au Québec
Les groupes religieux minoritaires, dont les musulmans, se trouvent depuis un moment au cœur des tensions sociales et des débats au Québec quant à la visibilité des symboles religieux dans la sphère publique. De 2007 à 2008, une commission d’enquête portant sur les « accommodements raisonnables » et présidée par Gérard Bouchard et Charles Taylor recommande d’établir certaines limites en ce qui a trait au port de vêtements religieux dans la fonction publique. Depuis le début des années 2000, les gouvernements québécois successifs cherchent à réglementer les symboles religieux tels que le hijab, le niqab et la kippa par le biais de différentes mesures législatives ( Voir Charte des valeurs québécoises.)
Bien avant la fusillade de 2017, le Centre culturel islamique de Québec est la cible de gestes islamophobes et anti-musulmans. Pendant le ramadan en 2016, par exemple, une tête de porc est laissée devant la mosquée. La population musulmane à Québec se chiffre à environ 10 000 personnes, et beaucoup d’entre eux se disent victime de discrimination en raison de leur foi. Le nombre de crimes haineux contre les musulmans a d’ailleurs triplé au Québec pendant l’année de la fusillade.
Après-coup
Les actions du tireur reçoivent une attention médiatique partout sur la planète. En mars 2019, 49 musulmans sont tués dans la fusillade de deux mosquées à Christchurch, en Nouvelle-Zélande. Son nom, ainsi que celui d’autres meurtriers de masse et de suprémacistes blancs, est inscrit sur les armes qui auraient servi à commettre cette attaque.
Dans la ville de Québec, de nombreuses initiatives locales et multiconfessionnelles sont créées pour combler le fossé qui existe entre les différentes communautés culturelles. Des fonctionnaires de la ville aident aussi à trouver des terres pour y créer un cimetière musulman en août 2017, après que Saint-Apollinaire, un village en périphérie de Québec, vote contre un projet similaire.
Le Centre culturel islamique de Québec a été rénové depuis la fusillade et demeure un lieu de culte. Les représentants de la mosquée s’impliquent dans une foule de causes sociales, notamment celles qui promeuvent le contrôle des armes à feu et qui offrent un soutien aux victimes de violence politique dans le monde. Un arbre, planté devant la mosquée sur le chemin Sainte-Foy, commémore les victimes de l’attaque. En 2020, un lieu commémoratif plus grand est établi à Québec.
En 2021, le gouvernement fédéral fait du 29 janvier la Journée nationale de commémoration de l'attentat à la mosquée de Québec et d'action contre l'islamophobie.