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Contrôle des armes à feu au Canada

Au Canada, le contrôle des armes à feu est régi par le Code criminel, ainsi que par la Loi sur les armes à feu (1995) et par ses règlements connexes. Le Code criminel définit les infractions criminelles liées à l’utilisation frauduleuse, à l’entreposage, au transport, à la vente et à la possession d’armes à feu, ainsi que les peines qui en découlent. La Loi sur les armes à feu réglemente la fabrication, l’importation et l’exportation, l’acquisition, la possession, le transfert, le transport et l’entreposage d’armes à feu au Canada. Elle établit des interdictions et des restrictions pour les différents types d’armes à feu, classées dans trois catégories : les armes à feu sans restriction, les armes à feu à autorisation restreinte et les armes à feu prohibées. Elle définit également les exigences en matière de permis et d’enregistrement des armes à feu au Canada. Le Programme canadien des armes à feu (PCAF), dirigé par la GRC, applique la Loi sur les armes à feu. Au Canada, il est indispensable d’avoir réussi le cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu et d’avoir obtenu un permis de possession et d’acquisition (PPA) pour posséder et utiliser des armes à feu.

Armes de poing

Contexte historique : législation sur le contrôle des armes à feu au Canada

Années

Lois, règlements et changements de politiques

1892

Institution de sanctions dans le premier Code criminel, pour le port sans permis d’un pistolet.

Années 1930

Mise en place de diverses restrictions qui rendent plus difficile la possession ou le port d’une arme de poing; augmentation des sanctions prévues pour l’utilisation de ce type d’armes lors de la perpétration d’un crime.

1951

Création, par la GRC, du premier registre central des armes de poing du pays.

1968

Création du système permettant de classer toutes les armes à feu dans l’une des trois catégories : « armes à feu sans restriction », « armes à feu à autorisation restreinte » et « armes à feu prohibées ».

1977

Modifications faites au Code criminel, rendant obligatoire l’obtention d’une autorisation d’acquisition d’armes à feu pour les fusils et les carabines, ainsi que la tenue de registres par les vendeurs d’armes; introduisant les visites de contrôle menées par des inspecteurs; et interdisant les armes à feu automatiques.

1991

Renforcement du processus d’obtention d’une autorisation d’acquisition d’armes à feu dans le cadre du projet de loi C-17.

1995

Adoption de la Loi sur les armes à feu dont les dispositions prévoient notamment : l’enregistrement obligatoire de toutes les armes à feu et la délivrance de permis pour les propriétaires d’armes à feu; la création d’un registre national de toutes les armes; la vérification des antécédents; et la mise en place de processus de vérification, ainsi que de contrôles des ventes de munitions.

2012

Adoption du projet de loi C- 19, éliminant l’enregistrement des armes à feu de la catégorie « sans restriction » et prévoyant la destruction des données correspondantes du Registre canadien des armes à feu.

2015

Adoption du projet de loi C- 42, assouplissant les contrôles sur les armes à feu des catégories « armes à autorisation restreinte » et « armes prohibées ».

2018

Adoption du projet de loi C- 71 (en 2019), rétablissant les dispositions de 1977, en exigeant que les vendeurs tiennent des registres sur la vente des armes à feu et qu’ils les mettent à la disposition de la police, et renforçant les dispositions relatives aux vérifications.

2020

Interdiction par le gouvernement fédéral, par voie de décret, de plus de 1 500 modèles de fusils semi-automatiques et/ou de haut calibre en vertu du Code criminel.

2022

À la suite d’une modification des règlements, le gouvernement instaure le gel des ventes d’armes de poing à partir du 21 octobre 2022. L’importation, l’achat et le transfert d’armes de poing par la plupart des particuliers ne sont plus autorisés.

2024

Par l'entremise d'un autre décret en décembre 2024, le gouvernement interdit 324 armes à feu supplémentaires. La plupart sont des armes semi-automatiques à percussion centrale et annulaire.


Colt AR-15 A3 Tactical Carbine

Gouvernance du contrôle des armes à feu au Canada

Compétence fédérale

Les lois sur le contrôle des armes à feu, qui relèvent du droit criminel, sont de compétence fédérale. ( Voir aussi Répartition des pouvoirs.) Néanmoins, les provinces disposent également d’un certain pouvoir dans ce domaine. Par exemple, le Québec s’oppose au gouvernement fédéral devant le tribunal au sujet des données de l’ancien registre des armes à feu, aboli en 2012. En 2018, la province crée son propre registre des armes à feu, le projet de loi 64, pour les armes à feu sans restriction. Les provinces ont également compétence sur la réglementation de la chasse.

Les efforts visant à contester la compétence fédérale sur le contrôle des armes à feu au Canada échouent. En 1996, l’Alberta, avec d’autres provinces et groupes, conteste la constitutionnalité du permis de possession et d’acquisition (PPA) devant la Cour suprême. En 2000, cette dernière rejette cette contestation à l’unanimité, confirmant la législation fédérale sur le contrôle des armes à feu. Elle affirme également que la Loi sur les armes à feu n’empiète pas sur les pouvoirs provinciaux.

Le saviez-vous?
La Cour suprême du Canada a noté à plusieurs reprises que, contrairement aux États-Unis, il n’y a pas de « droit de porter des armes » au Canada. Les affaires judiciaires pertinentes comprennent : R. c. Hasselwander (1993); R. c. Wiles (2005); et Hudson c. Canada (2009).


Classifications des armes à feu

Au Canada, il existe trois catégories d’armes à feu, les « armes à feu sans restriction », les « armes à feu à autorisation restreinte » et les « armes à feu prohibées », définies par la Loi sur les armes à feu. La GRC gère la classification des armes à feu à autorisation restreinte et prohibées.

La catégorie « sans restriction » comprend tous les fusils et toutes les carabines n’étant ni des armes à feu à autorisation restreinte ni des armes à feu prohibées.

Les armes à feu à autorisation restreinte comprennent certaines armes de poing et armes à feu semi-automatiques à percussion centrale. Les armes à feu de cette catégorie sont souvent utilisées pour l’entrainement sur cible ou pour le tir sportif. Elles peuvent également être recherchées comme objets de collection ou requises par certaines professions.

Les armes à feu prohibées comprennent les armes à feu automatiques, certaines armes à feu semi-automatiques dont l’utilisation pour la chasse n’est pas raisonnable, et la plupart des types d’armes de poing, énumérées dans le Code criminel ou classées comme telles par la GRC. Au Canada, les armes de poing sont soit prohibées, soit à autorisation restreinte; aucune n’est sans restriction.

Le nombre de propriétaires d’armes de poing et de fusils au Canada passe d’un peu moins de 980 000 en 2015, à plus de 1,24 million en 2019. Au cours de cette même période, le nombre de PPA passe de 2,03 millions à 2,22 millions.

Code criminel et Loi sur les armes à feu

Au Canada, le contrôle des armes à feu est principalement régi par la partie III du Code criminel, ainsi que par la Loi sur les armes à feu (1995) et par ses règlements connexes. Le Code criminel définit les infractions liées à l’utilisation abusive, à l’entreposage, au transport, à la vente et à la possession de trois catégories différentes d’armes à feu, ainsi que les sanctions correspondantes. La Loi sur les armes à feu réglemente la fabrication, l’importation et l’ exportation, l’acquisition, la possession, le transfert, le transport et l’entreposage d’armes à feu au Canada, établissant des interdictions et des restrictions sur divers types d’armes à feu. Elle énonce également les exigences en matière de permis et d’enregistrement des armes à feu au Canada.

Le Programme canadien des armes à feu (PCAF), dirigé par la Gendarmerie royale du Canada (GRC), administre la Loi sur les armes à feu. Il s’appuie sur des partenariats avec les ministères fédéraux; avec les organismes locaux d’application de la loi, au Canada et aux États-Unis; avec le US Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives (ATF); et avec INTERPOL, l’organisation internationale de police criminelle. Les objectifs du PCAF sont de protéger le public contre les risques de préjudices liés à l’utilisation abusive d’une arme à feu. Les mesures comprennent le contrôle de l’admissibilité des propriétaires d’armes à feu; la promotion « de l’entreposage et de l’utilisation des armes à feu » en toute sécurité par l’entremise de programmes d’éducation et de sensibilisation du public; et la prestation de services pour prévenir et enquêter sur les crimes liés aux armes à feu. Le PCAF est également responsable de délivrer les permis et d’enregistrer les armes à feu à autorisation restreinte et prohibées par l’intermédiaire du registraire des armes à feu.

Dispositions législatives récentes

L’enregistrement des armes à feu sans restriction est adopté en 1995, mais abrogé en 2012. À la suite de l’adoption, en 2012, du projet de loi C-19 intitulé Loi sur l’abolition du registre des armes d’épaule, les données sur la possession de six millions d’armes à feu sont détruites. Le Québec conteste la loi fédérale devant les tribunaux. Le Québec perd son procès, mais la province adopte une loi qui entre en vigueur en 2018; elle exige l’enregistrement des armes à feu sans restriction.

Le projet de loi C- 71, intitulé Loi modifiant certaines lois et règlements relatifs aux armes à feu, reçoit la sanction royale le 21 juin 2019. Il rétablit les dispositions de 1977 qui exigent que les vendeurs d’armes tiennent des registres et les mettent à la disposition de la police pour des inspections.

En 2020, le gouvernement fédéral interdit, par décret, plus de 1 500 modèles et variantes de fusils semi-automatiques/ou de grande puissance. Parmi les fusils semi-automatiques prohibées figurent les Ruger Mini- 14, arme qui a été utilisée lors de la tragédie de l’École Polytechnique de Montréal, le 6 décembre 1989, et du AR-15, l’une des armes utilisées lors d’un carnage dans une région rurale de la Nouvelle-Écosse qui a fait 22 victimes, du 18 au 19 avril 2020. Certaines armes à feu capables de tirer des cartouches très puissantes (plus de 10 000 joules d’énergie initiale), notamment les fusils à actionnement manuel, sont également prohibées.

En février 2021, le gouvernement dépose le projet de loi C- 21, intitulé Loi modifiant certaines lois et apportant certaines modifications corrélatives (armes à feu). Ce projet de loi instaure un programme de rachat volontaire des armes à feu interdites par le décret de mai 2020. Il augmente également les sanctions pour le trafic et la contrebande d’armes à feu; il autorise les municipalités à adopter des règlements interdisant les armes de poing sur leur territoire; il crée des dispositions permettant aux personnes d’obtenir une ordonnance du tribunal pour le retrait temporaire de leurs armes à feu afin d’assurer leur propre sécurité et celle de tiers. Toutefois, les élections fédérales ont lieu en septembre 2021, avant que la loi ne puisse être adoptée.

Le 30 mai 2022, le gouvernement fédéral présente une version révisée du projet de loi C-21 pour restreindre la vente et le transfert des armes de poing partout au Canada. En attendant l’adoption du projet de loi par le Parlement, le gouvernement modifie certains règlements pour instaurer le gel des ventes et du transfert d’armes de poing à partir du 21 octobre 2022. Le gel de la vente et du transfert d’armes de poing, à quelques exceptions près, est consolidé lorsque le projet de loi C-21 reçoit la sanction royale le 15 décembre 2023.

À la veille du 35e anniversaire de la tragédie de la Polytechnique, le 5 décembre 2024, un décret ajoute 324 armes à feu à la liste des armes à feu prohibées. La plupart d’entre elles sont des fusils semi-automatiques à percussion centrale et annulaire que les défenseurs du contrôle des armes à feu qualifient parfois d’armes à feu « de type assaut ». Le gouvernement indique également qu’il a l’intention d’envoyer certaines armes à feu nouvellement prohibées à l’Ukraine en guise d’aide en temps de guerre dans le contexte de la guerre russo-ukrainienne.

En date de décembre 2024, le gouvernement fédéral tente de mettre en place son « Programme d'indemnisation pour les armes à feu de style arme d'assaut » pour les armes à feu interdites par les décrets de 2020 et 2024. Le gouvernement indique qu'il a commencé à tester le système d'indemnisation avec les entreprises. Entre-temps, les propriétaires de ces armes à feu prohibées bénéficient d’une amnistie qui est en vigueur jusqu’au 30 octobre 2025.

Exigences relatives à la possession d’armes à feu au Canada

Un permis d’armes à feu, appelé permis de possession et d’acquisition (PPA), est nécessaire pour posséder et utiliser des armes à feu, y compris celles classées comme armes sans restriction. Le permis indique la catégorie d’armes à feu et de munitions qu’une personne peut posséder et transporter. Il doit être renouvelé tous les cinq ans. Avant de présenter une demande de PPA pour la première fois, les demandeurs doivent réussir le cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu.

Les personnes qui souhaitent acquérir des armes à feu à autorisation restreinte doivent également suivre le cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu à autorisation restreinte. Il n’y a que quelques fins autorisées pour lesquelles des personnes peuvent obtenir un permis de possession et d’acquisition d’une arme à feu à autorisation restreinte : les compétitions de tir à la cible; les collections; l’utilisation dans le cadre de certaines professions légales ou occupations légitimes; ou pour la protection de la vie. Un certificat d’enregistrement, qui identifie une arme à feu et l’associe à son propriétaire, est nécessaire pour les armes à feu à autorisation restreinte et prohibées; il n’est pas nécessaire pour les armes à feu sans restriction.

Une personne n’est pas admissible à un permis si le fait qu’elle possède une arme à feu présente un risque pour elle-même ou pour autrui. Le processus de vérification des permis est variable, mais il permet la vérification des références et la notification du conjoint. Les facteurs pouvant justifier le refus d’octroi d’un permis d’armes à feu comprennent : les condamnations pour infraction avec violence; le harcèlement criminel; certaines infractions en matière de drogues; un traitement pour maladie mentale associée à de la violence; ou des antécédents de comportement violent, entre autres.

Il existe des niveaux de contrôle supplémentaires pour les armes à feu à autorisation restreinte et prohibées. Un permis d’armes à autorisation restreinte exige que les demandeurs remplissent des critères précis (par exemple, ils ont besoin d’une arme à feu pour leur emploi; ils sont membres en règle d’un club de tir; ils sont de véritables collectionneurs; ou, dans un très petit nombre de cas, ils ont besoin d’une arme parce que leur vie est en danger et que la police ne peut pas les protéger). Le déplacement d’armes à feu à autorisation restreinte d’un endroit à un autre nécessite une autorisation de transport (AT). Cette autorisation est délivrée par le contrôleur des armes à feu provincial ou territorial.

Ordonnances d’interdiction et dispositions relatives aux fouilles et aux saisies

En vertu du Code criminel, les tribunaux peuvent interdire à quelqu’un de posséder des armes à feu et d’autres armes. Les ordonnances d’interdiction sont accompagnées de conditions variables. Elles sont obligatoires en cas de condamnation pour certaines infractions graves, comme les infractions avec violence, le harcèlement criminel ou le trafic de drogues. Des ordonnances d’interdiction peuvent également être appliquées avec discrétion; elles peuvent être appliquées en cas de condamnation pour des infractions avec violence moins graves ou pour des infractions impliquant l’utilisation d’armes à feu.

Certains fonctionnaires ont des pouvoirs de perquisition et de saisie. Le Code criminel autorise les agents de la paix à rechercher et à saisir des armes à feu en vertu d’un mandat. La Loi sur les armes à feu permet également la perquisition et la saisie sans mandat dans certains cas, lorsqu’un agent de la paix a des motifs raisonnables pour le faire. En cas de saisie, la personne dispose de 14 jours pour produire une preuve de permis ou d’enregistrement, afin de récupérer les biens saisis.

Défense des intérêts au Canada

De nombreux organismes militent en faveur ou contre les lois de contrôle des armes à feu au Canada. La tragédie de la Polytechnique, le 6 décembre 1989, lors de laquelle 14 jeunes femmes de l’École polytechnique de Montréal sont abattues par un homme propriétaire légal d’armes à feu, est le catalyseur de la fondation de la Coalition canadienne pour le contrôle des armes, ainsi que du groupe PolySeSouvient, qui est basé au Québec. Les deux organismes existent toujours aujourd’hui. L’organisme Médecins pour un meilleur contrôle des armes à feu est fondé après la fusillade de la rue Danforth à Toronto, en 2018. Tous ces groupes militent pour des restrictions plus importantes sur les armes de type armes d’assaut et sur les armes de poing.


De l’autre côté de la question, des associations provinciales et des groupes de coordination comme la Fédération canadienne de la faune, ainsi que des organismes de chasse et du tir sportif, défendent l’utilisation d’armes à feu légales au Canada et la protection des droits des détenteurs d’armes à feu. Des groupes de vendeurs d’armes à feu, comme l’Association de l’industrie canadienne des munitions et des armes de sport, sont actifs dans ce domaine depuis 1973. L’Association canadienne pour les armes à feu est créée en 1984, et la Coalition canadienne pour le droit aux armes est établie en 2015.

Les lobbyistes pro-armes au Canada s’opposent aux interdictions sur les armes à feu, qui interdisent ou restreignent l’utilisation ou la possession de certaines armes, y compris l’interdiction nationale des fusils semi-automatiques et de grande puissance en 2020. Ils soutiennent que de telles interdictions violent l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés qui interdit la saisie illégale de biens privés.

Voir aussi Fusillade à la mosquée de Québec; Fusillade sur la Colline du Parlement; Fusillade de la ferme Ludwig; Fusillade de Taber; Fusillade contre la police à Moncton; Se souvenir de la tragédie de Polytechnique : au-delà du devoir de mémoire; Lépine Massacre Ten Years After (en anglais seulement).

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