Bataille de Hong Kong |
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Date |
Du 8 au 25 décembre 1941 |
Lieu |
Hong Kong |
Participants |
Royaume-Uni, Inde, Hong Kong, Chine, Canada; Japon |
Victimes |
783 Canadiens (dont 290 morts*) *quelque 264 autres meurent dans les camps japonais |
Raison d’être de la présence de troupes canadiennes à Hong Kong
Bien que le Canada fasse son entrée dans la Deuxième Guerre mondiale contre l’Allemagne en 1939, l’Armée canadienne ne voit que peu d’action durant les premières années du conflit. D’une part, l’armée est non seulement petite, mais également peu préparée à la guerre. D’autre part, le premier ministre d’alors, William Lyon Mackenzie King, se montre prudent avant de mobiliser son pays. Après les lourdes pertes et les divisions internes de la Première Guerre mondiale, il hésite à envoyer vers l’outremer des soldats en grand nombre pour combattre, ce qui pourrait nécessiter d’instituer la conscription tout en attisant à nouveau le conflit entre Canadiens français et anglais. William Lyon Mackenzie King se tourne plutôt vers d’autres moyens pour le Canada de contribuer à l’effort de guerre, dont la fabrication d’armes, la production agricole et l’entraînement d’équipages d’aéronefs dans le cadre du nouveau Programme d’entraînement aérien du Commonwealth britannique. (Voir William Lyon Mackenzie King et l’effort de guerre.)
La Marine royale canadienne prend part à la bataille de l’Atlantique depuis 1939, et les aviateurs canadiens font une modeste contribution à la bataille de l’Angleterre, mais l’armée n’est alors pas engagée activement dans la guerre, et ce, en dépit d’une pression croissante des Canadiens anglais en faveur d’un plus grand rôle. Ainsi, en 1941, lorsque la Grande-Bretagne demande l’apport de troupes canadiennes pour renforcer sa lointaine colonie asiatique de Hong Kong, le gouvernement King accepte d’envoyer deux bataillons vers l’outremer, pour ce qui ne devrait être qu’un simple devoir de garnison.
Hong Kong en novembre 1941
Menant une guerre en Chine depuis 1937, le Japon évite d’amorcer les hostilités contre l’Occident. En1940, les Britanniques tentent par tous les moyens de survivre aux assauts de l’Allemagne. Ils réalisent que la défense de Hong Kong serait pratiquement impossible si la colonie, et d’autres possessions asiatiques, étaient attaquées par le Japon. Malgré tout, estimant qu’une démonstration de force serait susceptible de dissuader une éventuelle agression japonaise, la Grande-Bretagne demande l’apport de troupes pour renforcer les unités britanniques et indiennes déjà en garnison à Hong Kong.
Le gouvernement King accepte d’y dépêcher deux bataillons. Harry Crerar, chef d’état-major, confie la tâche aux Grenadiers de Winnipeg et aux Royal Rifles of Canada (de Québec). Ces deux unités ont une certaine expérience en service de garnison. Ni l’une ni l’autre ne sont cependant à plein effectif en 1941, ou adéquatement entraînées pour la guerre moderne de l’époque. Aucun régiment n’a même pris part à des exercices d’entraînement impliquant l’ensemble d’un bataillon. Peu importe : une attaque japonaise contre les territoires britanniques dans le Pacifique semble alors peu probable. Même en cas de pareille attaque, les attitudes racistes dominantes de l’époque persuadent de nombreux chefs militaires canadiens et britanniques que les troupes blanches, et donc supérieures, enseigneraient une leçon aux Japonais.
À court de personnel, les deux bataillons canadiens sont rapidement grossis par l’apport de nouvelles troupes inexpérimentées, expédiées à travers le Pacifique sous le commandement du brigadier J. K. Lawson. Cette force comprend1 973 soldats et officiers, accompagnés de deux infirmières militaires. Arrivée à Hong Kong le 16 novembre, elle se joint à une garnison militaire qui totalise désormais environ 14 000 hommes.
La garnison a pour tâche de défendre une petite colonie toute en collines de 1,6 million d’habitants, au territoire partagé entre une section continentale, notamment les Nouveaux Territoires et Kowloon, et l’île de Hong Kong elle-même. Les défenseurs n’ont que quelques navires de guerre à leur disposition et aucune force de l’air à proprement parler. Pire encore, les véhicules du contingent canadien, expédiés à travers le Pacifique à bord d’un autre navire que celui transportant les troupes, arrivent non pas à Hong Kong, mais à Manille, où ils sont détournés par les forces américaines.
Le 7 décembre, soit trois semaines après l’arrivée à Hong Kong des Canadiens et leur installation dans les routines tranquilles de la vie de garnison, le Japon stupéfie le monde entier en attaquant la flotte navale américaine mouillant à Pearl Harbor, à Hawaï. Tout à coup, le théâtre du Pacifique tout en entier, naguère une arrière-pensée de la Deuxième Guerre mondiale, est projeté à l’avant-plan du conflit.
LE SAVIEZ-VOUS?
Adrienne Clarkson, 26e gouverneure générale du Canada, est née à Hong Kong en 1939. Son père, William Poy, est un homme d’affaires éminent qui a perdu ses biens après l’invasion japonaise de Hong Kong. Adrienne Clarkson arrive au Canada comme réfugiée avec ses parents et son frère aîné, Neville, en 1942. À l’époque, la Loi sur l’immigration chinoise empêche l’arrivée de presque tous les immigrants chinois. Cependant, le travail de William Poy à la Commission du commerce canadien à Hong Kong l’aurait aidé à faire venir sa famille au Canada sous des « circonstances spéciales » accordées par le gouvernement.
Invasion et défense de Hong Kong
Six heures après le bombardement de Pearl Harbor, la 38e division japonaise, composée de troupes bien entraînées et aguerries, attaque Hong Kong. Bombardant l’aérodrome de la colonie et d’autres installations militaires, les envahisseurs ont rapidement le dessus sur les troupes défendant la partie continentale du territoire. Les défenseurs de celle-ci comprennent les hommes de la compagnie « D » des Grenadiers de Winnipeg, qui le 11 décembre 1941 deviennent les premières troupes de l’Armée canadienne à combattre dans la Deuxième Guerre mondiale.
Après cinq jours de combat, Kowloon et le continent tombent aux mains des Japonais. Le major général C. M. Maltby, commandant militaire de Hong Kong, refuse les exigences japonaises de capitulation, et ce, malgré l’absence de tout espoir de renforts de l’extérieur de la colonie. Il doit donc s’appuyer sur ses autres soldats, non testés au combat (y compris le gros des bataillons canadiens) pour défendre l’île de Hong Kong, où vit la majorité de la population civile.
C.M. Maltby divise ses forces insulaires en deux brigades, l’une englobant les Royal Rifles of Canada, sous le commandement du brigadier britannique C. Wallis, et l’autre comprenant les Grenadiers de Winnipeg, sous le commandement du brigadier J. K. Lawson du Canada. Au cours des deux semaines qui suivent, les troupes de chaque brigade se battent pour leur vie. À court d’eau, sans moyen de transport adéquat et pilonnés par l’artillerie supérieure de l’ennemi et son contrôle de l’espace aérien, les défenseurs font ce qu’ils peuvent pour endiguer l’avance des troupes japonaises après le débarquement amphibie de ces dernières sur les plages de l’île.
Bravoure et sacrifice
Malgré leur inexpérience, les Canadiens et leurs camarades alliés tentent avec acharnement de repousser l’assaut japonais. De nombreux actes de bravoure sont alors observés.
Le 19 décembre, au deuxième jour des combats sur l’île, les troupes de la compagnie « A » des Grenadiers de Winnipeg se campent dans des positions défensives, à la suite de leur retraite des hauteurs du mont Butler. Après avoir entouré les Winnipegois, les Japonais se mettent à lancer des grenades vers les positions canadiennes. Le sergent-major John Osborn en renvoie plusieurs à l’ennemi. L’une d’entre elles tombant là où il n’a pas le temps de la renvoyer, il lance un avertissement à ses hommes, puis se jette sur la grenade pour en absorber l’explosion. Il est tué sur le coup, mais ce faisant sauve la vie de plusieurs soldats, qui peu après sont faits prisonniers lorsque les Japonais prennent la position canadienne.
John Osborn se voit décerner à titre posthume la Croix de Victoria, la plus haute distinction de l’Empire britannique pour bravoure en temps de guerre.
Le même jour, le quartier général du brigadier J.K. Lawson est encerclé à la brèche de Wong Nei Chong, un passage stratégique dans lequel chemine une route principale qui coupe l’île en son centre. Alors que des soldats japonais tirent presque à bout portant dans son bunker, J. K. Lawson annonce par message radio à C. M. Maltby, commandant de la colonie, qu’il sort pour « affronter » l’ennemi. J. K. Lawson est rapidement tué, mais les Japonais soulignent plus tard « l’héroïsme de sa mort ».
Lejour de Noël, les soldats étant en très mauvais état et à court de munitions, on ordonne à la compagnie « D » des Royal Rifles de lancer une attaque d’apparence suicidaire pour reprendre le terrain perdu à l’extrémité sud de l’île. Selon le compte-rendu du sergent George MacDonnell, les hommes reçoivent les ordres dans un silence stupéfait : « pas un seul d’entre eux ne pouvait croire à cet ordre absurde ». Chargeant à la baïonnette, les Royal Rifles parviennent à prendre la position, au coût de 26 morts et 75 blessés. Quelques heures plus tard, les survivants épuisés sont mis au courant de la capitulation de la colonie. C’est ainsi que prend fin la bataille de Hong Kong.
Prisonniers de guerre
L’horreur, pour ceux qui demeurent, ne fait toutefois que commencer. Bien que certaines unités japonaises fassent preuve de discipline après la bataille, d’autres mènent une campagne de terreur, pénétrant les hôpitaux pour tuer à la baïonnette les soldats alliés blessés, tuer et violer les infirmières, et mutiler des prisonniers.
Les résidents civils de Hong Kong font face à des années d’occupation japonaise impitoyable. Les soldats britanniques, indiens et canadiens capturés, considérés comme des lâches par les Japonais pour avoir capitulé, deviennent des prisonniers de guerre, d’abord dans des camps à Hong Kong et plus tard au Japon, où ils endurent des années de sévices, de travail forcé et de régimes alimentaires inadéquats. Des centaines de prisonniers de guerre canadiens meurent petit à petit de faim ou de maladie.
En août 1945, près de quatre ans après la chute de Hong Kong, le bombardement atomique d’Hiroshima et de Nagasaki entraîne la capitulation du Japon et, ce faisant, la fin de la guerre dans le Pacifique. L’armée américaine distribue alors des vivres et de l’aide médicale dans les camps, où les prisonniers de guerre souffrent de maladies causées par des carences en vitamines.
LE SAVIEZ-VOUS?
William Lore a été le premier officier sino-canadien de la Marine royale du Canada et le premier officier d’origine chinoise à servir dans l’une des marines royales du Commonwealth britannique. En août 1945, il a dirigé un groupe de Marines royaux britanniques pour négocier une reddition officielle des Japonais à Hong Kong. William Lore a été le premier officier allié à entrer à Hong Kong depuis sa capture. Son groupe a pris le contrôle de la base côtière de la Marine royale et libéré les prisonniers canadiens, britanniques et hongkongais détenus dans le célèbre camp Sham Shui Po. Le 16 septembre, il est présent lors de la reddition officielle des forces japonaises à Hong Kong.
Le major général Okada remettant son sabre lors d’une cérémonie marquant la capitulation des forces japonaises à Hong Kong, le 16 septembre 1945. (avec la permission de Jack Hawes/Défense nationale Canada/Bibliothèque et Archives Canada/PA-114815) Commémoration
Sur les 1 975 Canadiens détachés à Hong Kong, 290 sont tués et 493 sont blessés pendant et immédiatement après la bataille ; la preuve, de l’avis d’anciens combattants plusieurs décennies plus tard, de leur résistance acharnée et valeureuse avant de se rendre à l’ennemi. À cela s’ajoutent 264 autres Canadiens qui meurent comme prisonniers de guerre, tandis que 1 418 survivants finissent par rentrer au Canada, bon nombre d’entre eux profondément amers quant à la cruauté de leurs ravisseurs japonais.
Au pays, la pression politique force le gouvernement à Ottawa à nommer une commission royale pour enquêter sur les circonstances de la participation du Canada aux combats de Hong Kong. L’unique commissaire, le juge en chef Lyman Duff, interprète mal ou ignore carrément les preuves recueillies et disculpe le Cabinet, le ministère de la Défense nationale et les principaux membres de l’état-major général de l’armée. En 1948, une analyse confidentielle de la part du général Charles Foulkes, chef de l’état-major, décèle de nombreuses erreurs dans l’évaluation du juge Duff, mais conclut qu’un entraînement, un effectif et de l’équipement adéquats n’auraient fait aucune différence, compte tenu des énormes obstacles auxquels étaient confrontés les défenseurs.
Les 554 Canadiens décédés à Hong Kong et dans les camps de prisonniers sont honorés aujourd’hui par un monument à tous les défenseurs de Hong Kong, au cimetière de guerre de Sai Wan Bay du même endroit. Ce cimetière et le cimetière militaire Stanley à Hong Kong abritent également les tombes individuelles de 303 soldats canadiens, dont 108 sont non identifiées. S’ajoutent à ce nombre 137 autres Canadiens, la plupart morts comme prisonniers de guerre, qui sont enterrés au cimetière de guerre du Commonwealth britannique à Yokohama, au Japon.
Voir aussi Le Canada : en route vers la Deuxième Guerre mondiale.