La bataille de Kapyong est l’une des plus grandes réalisations militaires du Canada, mais également l’une des moins connues. Pendant deux jours en avril 1951, un bataillon formé d’environ 700 soldats canadiens (le 2e Bataillon du Princess Patricia’s Canadian Light Infantry) a aidé à défendre une colline d’importance stratégique située sur les lignes de front de la guerre de Corée contre environ 5000 soldats chinois. Alors qu’ils étaient assiégés par des vagues d’assaillants, les Canadiens ont maintenu leur position en plein cœur de l’horreur d’un combat rapproché, et ce, jusqu’à ce que l’assaut prenne fin et qu’ils puissent être relevés. Leur détermination a contribué de manière significative à la défaite de l’offensive communiste en Corée du Sud cette année-là.

Bataille de Kapyong
Date |
Du 23 au 25 avril 1951 |
Lieu |
Gapyeong, province de Gyeonggi, Corée du Sud |
Participants |
Canada, Australie Chine |
Pertes |
Canada : 10 morts, 23 blessés |
2e Bataillon du PPCLI
Sous le commandement du lieutenant‑colonel Jim Stone, ancien combattant de la Deuxième Guerre mondiale, le 2e Bataillon du Princess Patricia’s Canadian Light Infantry (2 PPCLI) arrive en Corée en décembre 1950 (voir Guerre de Corée). Initialement, le bataillon est déployé durant un moment d’accalmie de la guerre, alors que les forces de la Corée du Nord sont repoussées de l’autre côté de la frontière au nord. Les Canadiens ne sont pas préparés à beaucoup plus que les tâches de garnison.
Cependant, la guerre est sujette à des fluctuations importantes. Le lieutenant‑colonel Jim Stone entraîne rapidement ses hommes pour qu’ils combattent avec d’autres forces de l’Organisation des Nations Unies (ONU) contre ce qui devient une nouvelle offensive ennemie au printemps 1951, après que la Chine entre en guerre aux côtés des communistes (voir Chronologie historique de la guerre de Corée).
Le bataillon est rattaché à la 27e Brigade d’infanterie du Commonwealth britannique. Il est rapidement lancé dans une série d’escarmouches et de batailles pendant l’hiver 1951, apprenant ainsi comment se battre sur le terrain montagneux et dur de la Corée, alors que les forces de l’ONU tentent à nouveau de déloger les Chinois et les Coréens du Nord du sud de la Corée.
Défense de la colline 677
À la mi‑avril, les Chinois se retirent tout juste au-delà du 38e parallèle. Ceci fait partie d’un plan visant à attirer les forces de l’ONU dans une position où elles seraient vulnérables à une contre‑attaque majeure, qui est déclenchée contre l’armée de la Corée du Sud le 22 avril 1951. L’offensive chinoise déloge les Coréens du Sud et, le lendemain, la brigade britannique reçoit l’ordre de protéger le retrait de la Corée du Sud par la vallée de la rivière Kapyong, située à environ 20 kilomètres au sud du 38e parallèle, au centre de la Corée.
Le saviez-vous?
Vers la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la péninsule coréenne, qui était alors sous l’occupation japonaise, a été libérée par les forces soviétiques et américaines. Les troupes soviétiques ont occupé le pays au nord du 38e parallèle, et les Américains l’ont occupé au sud. Après la guerre, la République de Corée pro‑occidentale a été fondée dans le sud, et peu de temps après, la République populaire démocratique de Corée communiste a été déclarée dans le nord (voir Guerre de Corée).
Le 2 PPCLI et le 3e Bataillon du Royal Australian Regiment sont affectés à des positions avancées au sommet des collines, les Canadiens sont du côté ouest de la vallée et les Australiens sont du côté est.
Les Australiens subissent le plus gros de l’attaque initiale, et après de violents combats, ils sont forcés de battre en retraite à la fin de la journée du 24 avril, après avoir perdu 155 hommes. Pendant que les Australiens se battent, Jim Stone ordonne à ses hommes, soit environ 700 soldats, de creuser des tranchées sur la colline 677 et de se préparer à repousser une large brigade des forces chinoises, estimée à près de 5000 hommes. Après avoir attaqué les Australiens, les Chinois se tournent alors contre le 2 PPCLI qui réussit, grâce à des combats acharnés toute la nuit du 24 au 25 avril, à bloquer l’avancée chinoise.
Alors là où j’étais, je voyais les Glosters [Gloucester Regiment], ils sont arrivés en premier, tout au bout, et ensuite de ce côté-là par rapport à eux, les Australiens, le Régiment royal australien, il était en dessous de la colline sur un autre tertre, ils étaient en contrebas. Je les voyais et ils s’en sont pris pas mal ce jour-là, et en bas pendant la nuit. Mais ensuite, les Glosters se sont fait complètement écraser dans leur vallée et ensuite les Australiens, c’est devenu tellement épouvantable pour eux qu’il a fallu qu’ils se retirent, en laissant ça ouvert. Et puis les Chinois sont arrivés des deux côtés à la fois et c’est comme ça qu’on s’est fait encercler, parce qu’aucun de nos flancs n’avait d’ouverture. » (Lyle McIvor, 2 PPCLI)
Encerclés
À un certain moment de la bataille, 400 soldats chinois descendent sur une seule compagnie canadienne composée d’une centaine d’hommes, mais cette attaque est repoussée. Le soldat Wayne Mitchell, bien qu’il soit blessé, charge l’ennemi à trois reprises avec sa mitrailleuse Bren. Il obtient la médaille de conduite distinguée pour ses efforts (voir Médaille).
Les Chinois lancent leurs attaques le plus souvent la nuit, en vagues successives d’assaut, utilisant une approche intensive et agressive de tirs de mortiers, de grenades et de mitrailleuses près du front canadien. Durant la nuit du 24 avril, le poste de commandement du bataillon canadien est attaqué, et l’assaut est repoussé par des tirs nourris.
Les incessantes vagues de soldats chinois envahissent presque la position de la compagnie D. Avec ses hommes en sécurité dans des tranchées, le capitaine J. G. W. Mills, commandant de la compagnie, désespéré et assiégé, demande une frappe d’artillerie sur la position de son propre peloton 10. Il relaye la demande du lieutenant Mike Levy, qui est retranché avec ses hommes dans des trous de tirailleurs peu profonds sur la colline. Une batterie d’artilleurs néo‑zélandais répond à l’appel et tire 2300 obus en moins d’une heure, détruisant les forces chinoises de cette position. Bien que les obus ne tombent qu’à quelques mètres de l’emplacement du lieutenant Mike Levy, lui et ses hommes s’en tirent indemnes. Ce n’est qu’en 2003 que le lieutenant Mike Levy est reconnu pour sa bravoure, lorsque la gouverneure générale Adrienne Clarkson lui décerne ses armoiries.
La nuit suivante, le soldat Kenneth Barwise retrouve la mitrailleuse Vickers perdue de la compagnie D, il s’en empare et court rejoindre son peloton. De plus, il tue à lui seul six soldats chinois lors de l’attaque contre la compagnie D, ce qui lui vaut une Médaille militaire.
Pendant la bataille, Jim Stone refuse de permettre à ses hommes de battre en retraite, car il croit que la colline est un point stratégique essentiel sur le front de l’ONU. Ceci freine la vague de l’offensive chinoise. Pendant qu’ils défendent la colline, les Canadiens sont isolés et doivent être ravitaillés par largage aérien. Le soldat canadien Gerald Gowing se rappelle : « Nous étions encerclés sur les collines de Kapyong, sous un feu nourri. Nous n’avions presque plus de munitions ni de nourriture. On nous a largué des vivres, mais nous étions encerclés… Je peux vous dire que nous avons eu peur. »
La 1re Division de cavalerie américaine prend finalement la relève du 2 PPCLI sur la ligne de front.
Importance : moment tournant de la guerre
La défensive des Australiens et des Canadiens à Kapyong permet aux Forces de l’ONU de consolider leurs troupes pour l’étape suivante des opérations. Ils se sont battus avec ténacité contre une armée chinoise dont le nombre d’effectifs était plusieurs fois plus élevé que le leur. Jim Stone et d’autres anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale ont mis leur expérience de combat à profit sur le sol accidenté de la Sicile et de l’Italie (voir Campagne d’Italie) et ils l’appliquent sur les collines de la Corée avec succès, mais à un prix élevé.
Dix soldats canadiens sont tués lors de cette bataille, et 23 sont blessés. Les pertes des Australiens sont plus élevées (32 morts, 59 blessés), alors que les forces chinoises perdent environ 2000 personnes.
La bataille joue un rôle déterminant dans la défaite de l’offensive des Chinois contre le Sud ce printemps‑là. Elle permet de protéger la capitale Séoul contre une nouvelle occupation et de combler le vide dans la ligne de l’ONU pour donner le temps aux Coréens du Sud de pouvoir se replier. L’offensive plus vaste des communistes en 1951 est interrompue une semaine après la bataille. À partir de ce moment‑là, la guerre de Corée devient en grande partie une guerre de patrouilles et de harcèlement de l’ennemi plutôt que d’attaques d’envergure, alors que les lignes de front se stabilisent et que les deux camps entament des pourparlers de paix.
Distinctions et monuments commémoratifs
Les Canadiens et les Australiens reçoivent tous deux la décoration United States Presidential Unit Citation du gouvernement américain. C’est la première fois qu’une unité canadienne reçoit un tel honneur. La participation canadienne à la guerre de Corée est honorée au Jardin commémoratif canadien de la guerre de Corée, situé juste en dessous des collines défendues par les Forces canadiennes lors de la bataille de Kapyong.
Un mémorial dédié à la bataille de Kapyong se trouve également sur la colline Radar, dans la réserve de parc national Pacific Rim, sur l’île de Vancouver. Cette réserve est jumelée au parc national Hallyo Haesang Sea en Corée. Des monuments commémoratifs de la guerre de Corée en pierre de Gapyeong sont également érigés à Langley en Colombie-Britannique; à Airdrie en Alberta; à Winnipeg au Manitoba; et à Brampton et Niagara Falls en Ontario. Ces monuments sont construits en pierre extraite à Gapyeong en Corée du Sud.