Cet article a été initialement publié dans le magazine Macleans (21/11/2011)
Le capitaine Mort Lightstone est trop jeune pour s’engager dans la Deuxième Guerre mondiale, comme son père et ses frères l’ont fait. Un enfant travailleur qui grandit au centre-ville d’Ottawa, il livre plutôt le quotidien Ottawa Citizen. Avec ses économies, il s’achète une bicyclette pour obtenir un travail plus rentable, en livrant des télégrammes. Sam, son père, utilise son expérience à titre d’horloger pour entretenir les instruments de vol des aéronefs au cours de la guerre, mais le retour à la paix le met au chômage. L’entrée de Mort Lightstone dans la vie militaire se fait donc pour des raisons pratiques. « J’avais trois frères aînés », dit-il. « Je n’ai jamais eu de nouveaux vêtements. Ils étaient tous de seconde main. » Il se joint aux cadets de l’air. Soudain, tout est nouveau. « Tout à coup, j’avais de nouvelles bottes, de nouveaux chandails, de nouveaux pantalons, des blousons, des casquettes, un imperméable, un manteau d’hiver… extraordinaire », ajoute-t-il. « Voilà ce qui a donné un sens à ma vie; voilà ce qui a fait de moi qui je suis. »
Il étudie la possibilité de devenir avocat, mais se tourne vers les Forces aériennes lorsqu’il comprend que ses parents ne peuvent payer ses études universitaires. Au printemps 1952, il obtient son brevet de pilot et devient navigateur à bord du Canadair North Star, un aéronef de quatre moteurs muni d’un dôme qui permet au pilote de se fier aux étoiles plutôt qu’à un radar, un système de navigation qui peut être compromis par l’ennemi. Peu après, à 19 ans, il se rend à Tokyo dans le cadre du pont aérien de Corée, un important service d’appui aérien durant la Guerre de Corée. Le jour de son arrivée à Tokyo, il débarque le personnel et l’équipement destinés pour la Corée et repart avec, à bord, des Américains blessés et les infirmières qui en prennent soin. Il trouve ces infirmières très jolies avec leurs uniformes blancs immaculés. Au cours de son voyage de retour vers les États-Unis, il décide de mettre sa casquette de vol et d’aller visiter les troupes à l’arrière de l’appareil. Lorsqu’il arrive à destination, les uniformes des infirmières sont déjà imbibés de sang. « Les soldats étaient amputés. Des tuyaux et d’autres gadgets leur sortaient du visage », explique-t-il dans un témoignage vidéo dans le cadre du Projet Mémoire de l’Institut Historica-Dominion (aujourd’hui Historica Canada), qui comprend maintenant un volet sur la guerre de Corée pour coïncider avec le Jour du Souvenir. « C’est à ce moment que le film a laissé place à la réalité de la guerre. »
Ces quelques moments de pure violence laissent une impression profonde sur le jeune Mort Lightstone. « Je suis revenu dans l’habitacle, j’ai mis ma ceinture et je ne suis jamais retourné dans la cabine principale », dit-il. Toutefois, de telles expériences ne réussissent pas à rendre compte de la réalité de cette guerre au Canada, et ce, malgré les 26 000 Canadiens qui y prennent part et les 516 qui y perdent la vie. « Il n’y a pas eu beau coup d’artifices pour la population à
Mort Lightstone prend sa retraite en 1978. Son journal de bord est rempli de lieux exotiques. Il échappe aux missiles de défense aérienne au Vietnam et porte secours à de petits villages sahariens frappés par