En 1939, le Canada, la Grande-Bretagne, la Nouvelle-Zélande et l’Australie ont signé un accord créant le Programme d’entraînement aérien du Commonwealth britannique (PEACB). Situé au Canada, le mandat du programme était de former les équipages aériens alliés en préparation de la Deuxième Guerre mondiale, incluant les pilotes, les navigateurs, les bombardiers aériens, les radiotélégraphistes, les mitrailleurs aériens et les mécaniciens de bord. Plus de 130 000 hommes et femmes d’équipages ont été formés entre 1939 et 1945, faisant de ce programme l’une des plus grandes contributions du Canada à la victoire des Alliés dans cette guerre. Ceci a mené le président des États-Unis Franklin Roosevelt à surnommer le Canada « l’aérodrome de la démocratie ».
Rôle du Canada en temps de guerre
Le Canada est le foyer d’un important programme de recrutement et d’entraînement d’équipages aériens à l’époque de la Première Guerre mondiale : le Royal Flying Corps. Le Canada produit environ 10 500 pilotes, mécaniciens et aviateurs pour l’effort de guerre (voir aussi La guerre dans les airs). Les Britanniques se tournent de nouveau vers le Canada pour y recruter des aviateurs lorsque la guerre s’annonce en Europe dans les années 1930. Le Canada dispose d’une abondance d’espaces d’entraînement aérien hors de la portée des avions ennemis, ainsi que d’excellentes conditions climatiques pour les vols et un accès immédiat à l’industrie américaine (pour les avions et les pièces de rechange). Le Canada est également suffisamment proche de la Grande-Bretagne pour pouvoir transporter des hommes et des avions par les routes maritimes de l’Atlantique Nord.
Le premier ministre William Lyon Mackenzie King est d’abord prudent quant au programme et à ce qui pourrait être exigé du gouvernement canadien. Mais il voit éventuellement les avantages du programme lorsque le Parlement déclare la guerre à l’Allemagne nazie en 1939. Après avoir conclu l’accord du PEACB le 17 décembre 1939, William Lyon Mackenzie King est fier et a le sentiment que son gouvernement vient de s’assurer un rôle crucial pour le Canada dans la guerre sans avoir eu à ravitailler une large armée de terre.
Les négociations de ce programme sont difficiles. Le Canada accepte d’en assumer la plus grande partie des coûts, mais il insiste pour que les Britanniques annoncent publiquement que l’entraînement aérien aura préséance sur tous les autres aspects de l’effort de guerre canadien. Les Britanniques s’attendent à ce que la Royal Air Force (RAF) intègre non seulement les diplômés de l’entraînement aérien du Commonwealth sans restrictions, mais également les diplômés canadiens, comme lors de la Première Guerre mondiale. Au lieu de cela, le gouvernement de William Lyon Mackenzie King exige que les Canadiens soient identifiés comme membres de l’Aviation royale canadienne (ARC ou RCAF) par leur insigne d’épaule.
Les premières recrues sont admises au sein du programme le 29 avril 1940, et le programme reste en vigueur, avec quelques modifications, jusqu’au 31 mars 1945.
Le saviez-vous?
En février 1940, le ministère de l’Air britannique choisit Robert Leckie pour superviser l’entraînement des forces aériennes au Canada. Robert Leckie compte parmi les nombreux Canadiens qui se sont joints au Royal Naval Air Service lors de la Première Guerre mondiale, et qui ont ensuite servi dans la RAF. En 1942, il est transféré à l’ARC, et en 1944, il devient le chef d’état-major de la Force aérienne.
Mobilisation dans tout le pays
Entre 1940 et 1945, des écoles de pilotage sont créées dans des centaines de communautés à travers le pays, à l’exception de Terre-Neuve (qui ne fait pas encore partie du Canada à l’époque). Les écoles de pilotage et les aérodromes sont constitués d’un personnel de plus de 104 000 Canadiens et Canadiennes, incluant le Service féminin de l’Aviation royale canadienne, qui fournit des services de soutien pour le programme.
Le programme divise le pays en quatre commandements de formation. L’Alberta et la Saskatchewan, sous le Number 4 Command dont le siège est situé initialement à Regina, puis à Calgary, jouent un rôle crucial dans le programme. Les régions du Sud de ces provinces, avec leur ciel dégagé, leur temps généralement clair et leurs vastes étendues de terres peu occupées offrent des conditions idéales pour les bases aériennes qui nécessitent de nombreuses pistes et beaucoup d’espace de vol pour les pilotes novices.
Le programme nécessite une énorme mobilisation de personnel et d’experts, ainsi que la construction d’écoles et d’aérodromes, et l’achat d’appareils. Lorsque le programme est annoncé, des villes et des villages commencent à faire pression auprès du gouvernement fédéral pour en devenir l’un des emplacements. Une base aérienne aurait beaucoup d’importance pour des économies locales épuisées par la crise des années 1930 partout au Canada, surtout dans les Prairies. La promesse d’emplois dans le secteur de la construction, suivis de vagues continues de stagiaires en formation, d’un personnel permanent doté de salaires à dépenser en ville, et des emplois pour les civils, est irrésistible. Ces espoirs s’avèrent fondés. Le grand titre du Lethbridge Herald du 24 octobre 1941 est typique de plusieurs autres alors qu’il déclare au sujet du village voisin : « Le village de Vulcan est en plein essor alors que le développement de la base aérienne génère de gros revenus ». Tout est plus occupé que durant les plus abondantes récoltes de blé, explique l’article, et l’école de pilotage du PEACB en est la raison.
Célébrations communautaires
Les jours d’ouverture officielle des bases aériennes ont généralement lieu après que les stations aient été en activité depuis un certain temps. Les célébrations sont des événements communautaires. Des résidents locaux curieux visitent les nouveaux bâtiments et peuvent examiner de près les appareils, les Tiger Moth, les Avro Anson, les Fairey Battle et les Bristol Bolingbroke, qu’ils ont vus voler au-dessus de leur tête. La journée d’ouverture à la base aérienne de High River en Alberta est probablement un exemple assez typique. La journée comporte des discours, des visites, des vols en formation et des vols d’acrobaties en boucles aériennes, en vrilles et en virages renversés. Une danse et un souper de minuit marquent la fin des célébrations.
Le PEACB attire des recrues de partout dans le monde dans les petites communautés d’un océan à l’autre. Regina accueille ses premiers trains remplis de recrues avec une fanfare, un après-midi d’activités sportives et un souper au rosbif. Tout au long de la durée du programme, les communautés organisent des activités récréatives, invitent les stagiaires dans leurs foyers, et les aident à équiper les salles de jeux et les bibliothèques de la base. Les bases organisent des événements sportifs et des carnavals, participent à des collectes de fonds et à des concerts en temps de guerre, et pratiquent des sports locaux.
Fonctionnement du PEACB
Le Canada gère et contrôle le programme conformément aux normes et à la politique globale établies par la Royal Air Force. Le programme d’entraînement est effectué par l’Aviation royale canadienne et soutenu par la Canadian Flying Clubs Association, les compagnies d’aviation commerciale, et le ministère fédéral des Transports. La formation commence le 29 avril 1940, mais est d’abord retardée par une pénurie d’avions, d’instructeurs, et de terrains d’aviation terminés.
Après la défaite de la France en juin 1940, le programme est accéléré et le premier d’une série de transferts de personnel de la RAF vers les écoles de pilotage canadiennes est effectué. En 1942, après un renouvellement de l’accord et une réorganisation du programme, toutes les unités britanniques au Canada sont officiellement intégrées au PEACB.
À l’apogée du programme, on compte 107 écoles de pilotage et 184 unités auxiliaires réparties sur 231 sites en activité à travers le Canada, comptant un personnel de 104 113 hommes et de femmes et abritant un total de 10 906 avions. Le gouvernement canadien débourse environ 1,6 milliard de dollars, soit près des trois quarts du coût total du programme complet (2,2 milliards de dollars).
Vers la fin de son existence en 1945, le programme a formé 131 553 pilotes, navigateurs, bombardiers aériens, radiotélégraphistes, mitrailleurs aériens et mécaniciens de bord des quatre pays partenaires fondateurs du programme, ainsi que d’autres parties du Commonwealth et des États-Unis. Des diplômés viennent également de plusieurs pays européens occupés par les nazis, dont la France (près de 2000 diplômés), la Tchécoslovaquie (900), la Norvège (680), la Pologne (450), la Belgique et les Pays-Bas (450). Toutefois, l’entraînement est risqué et des accidents mortels ont eu lieu. Près de 856 participants du PEACB perdent la vie durant leur formation.
Près de la moitié du personnel navigant total ayant servi dans les opérations aériennes britanniques et celles du Commonwealth durant la Deuxième Guerre mondiale est diplômée du PEACB. La majorité des diplômés, soit près de 73 000 personnes sont des Canadiens qui font partie des équipages de 40 escadrons de la défense intérieure de l’ARC, et de 45 escadrons outre-mer de l’ARC, ainsi que d’environ 25 % de l’effectif des escadrons de la RAF.
Cet énorme engagement envers la guerre aérienne outre-mer, et plus particulièrement le fait de fournir des équipages au Bomber Command britannique, entraîne inévitablement de très lourdes pertes canadiennes, un résultat très différent de l’objectif initial de William Lyon Mackenzie King, qui était d’apporter une contribution canadienne importante sans subir un grand sacrifice de vies.
Navigants brevetés du PEACB : par Force aérienne
Aviation royale canadienne |
72 835 |
Royal Air Force |
42 110 |
Royal Australian Air Force |
9606 |
Royal New Zealand Air Force |
7002 |
Total |
131 553 |
Navigants brevetés du PEACB : par catégorie
Pilotes |
49 808 |
Navigateurs |
29 963 |
Bombardiers aériens |
15 673 |
Radiotélégraphistes |
18 496 |
Mitrailleurs aériens |
15 700 |
Mécaniciens de bord |
1913 |
Total |
131 553 |
Conséquences
Le programme connaît un tel succès qu’à la fin de 1943, une réserve substantielle d’hommes entraînés est en attente d’affectations opérationnelles. Vers 1944, comme la guerre en Europe touche à sa fin et que les écoles de pilotage commencent à fermer, l’importance de celles-ci pour de nombreuses communautés devient évidente. « Adieu et bonne chance » écrit le journal Claresholm Local Press, notant que si la fermeture de l’école du PEACB de la ville est un triste événement, il coïncide malgré tout avec un optimisme incroyable quant à la fin de la guerre prochaine.
Des amitiés se sont forgées entre les habitants des villes et les personnes en poste aux écoles de pilotage. Certaines jeunes femmes quittent la communauté pour commencer leur nouvelle vie avec un aviateur qu’elles ont rencontré lors de sa formation. D’autres couples restent et s’établissent dans la communauté. Le portrait économique de ces communautés change indéniablement. Lorsque les écoles de pilotage ferment, la masse salariale qu’elles généraient et l’essor économique local qu’elles suscitaient cessent également.
De nombreuses communautés espèrent que les infrastructures abandonnées par les écoles de pilotage leur ouvriront une voie vers le monde moderne de l’aviation. Ils ont tort. La majorité des bases, surtout dans les plus petits centres, sont démantelées, le contenu est vendu aux enchères, les avions sont mis à la ferraille ou transportés ailleurs, et certains des bâtiments sont déplacés.
Par ailleurs, d’autres installations survivent. Les pistes et les aéroports de douzaines de villes canadiennes d’aujourd’hui, ainsi que de nombreux terrains d’aviation militaires, étaient autrefois des aérodromes du PEACB.
En 2014, on dévoile le monument commémoratif du PEACB à Brandon, au Manitoba, au Commonwealth Air Training Program Museum. Le monument est gravé des noms des 19 256 aviateurs et aviatrices du Canada et du Commonwealth britannique qui ont perdu la vie durant la Deuxième Guerre mondiale.