Bibliographies littéraires de langue anglaise
Les études littéraires reposent essentiellement sur des outils de recherche appropriés et des corpus dûment constitués. Dans les deux cas, il s'agit d'un travail de bibliographie littéraire : le premier énumératif, le second textuel et analytique. La bibliographie énumérative a pour objet de répertorier la production littéraire d'une nation, qu'elle soit passée ou présente, primaire ou secondaire. À son meilleur, elle permet aux chercheurs de dégager la structure et l'évolution de leur discipline. Concrètement, devant les impératifs de l'histoire de l'édition et de la diffusion de textes primaires, elle les incite à faire preuve de rigueur dans leurs recherches sans perte de temps considérable. Les bibliographies elles-mêmes varient de la simple liste chronologique de titres courts à des catalogues très élaborés offrant quasiment des fac-similés de pages de titre. Elles peuvent également réunir toute une gamme de matériel primaire ou secondaire, provenant du passé ou du présent. Pour être utile, la bibliographie énumérative doit répondre à trois critères : universalité, accessibilité et pertinence.
Le chercheur littéraire se doit donc de connaître les textes primaires. En ce qui concerne la littérature canadienne anglaise (voir LITTÉRATURE DE LANGUE ANGLAISE), il peut consulter la Checklist of Canadian Literature and Background Materials 1628-1960 (2e éd, 1972) de R.E. Watters, la bibliographie rétrospective de base qui, malgré sa présentation un peu déroutante et son caractère désuet, a quand même beaucoup contribué à faire mieux connaître la littérature canadienne dans toute son étendue. À cet ouvrage fondamental s'ajoutent des documents de référence, tels que la Bibliography of Canadian Imprints, 1750-1800 (1952) de Marie Tremaine, les catalogues des bibliothèques et les répertoires des Canadiana de la Bibliothèque Nationale du Canada (publication mensuelle et annuelle), qui, même s'ils synthétisent globalement les textes primaires du Canada, sont loin d'offrir aux chercheurs la possibilité de reconstituer avec certitude le corpus des différents auteurs.
Pour remédier à cette carence, les chercheurs peuvent recourir à un certain nombre de bibliographies rétrospectives de sources primaires et secondaires comme English-Canadian Literature to 1900 de R.G. Moyle (1976), Modern English-Canadian Poetry de Peter Stevens (1978) et Modern English-Canadian Prose de Helen Hoy (1983). Outre le corpus de plus de 150 auteurs et une liste complète d'ouvrages critiques et historiques proposés, ces documents de référence offrent également aux étudiants et aux jeunes chercheurs une vue d'ensemble de la littérature canadienne jusqu'aux années 70 et mettent à leur portée d'autres éléments de référence : anthologies clés, ouvrages d'histoire littéraire et de critique générale et périodiques littéraires importants.
Plus riche et plus détaillée, The Annotated Bibliography of Canada's Major Authors (1979- ) de Jack David et Robert Lecker, permet de suivre par volume cinq écrivains importants. Une fois terminée, la série comptera 50 auteurs et sera assortie, outre la liste habituelle des sources primaire et secondaires, de documents aussi intéressants que des manuscrits, des oeuvres publiées dans des périodiques (production non négligeable pour des poètes) et des comptes-rendus.
Bien entendu, au-delà des oeuvres de fiction, les chercheurs s'intéresseront à des disciplines connexes que sont l'histoire ou les études autochtones. À cet égard, la Bibliography of Canadian Bibliographies de Douglas Lochhead (1972) et des guides régionaux spécialisés permettent de trouver aisément une bibliographie abondante à laquelle s'ajoutent sans le Canadian Periodical Index (annuel), le Canadian Book Review Annual, Canadiana et la MLA International Bibliography (annuelle). Bien qu'elle soit publiée aux États-Unis, cette dernière renferme pourtant d'importantes références à la critique canadienne contemporaine.
Force est de reconnaître cependant que, malgré l'accroissement des outils de recherche, les bibliographies énumératives au Canada restent encore trop disparates et restreintes d'autant plus que peu d'attention est accordée à la transmission textuelle, aux variantes et aux auteurs mineurs. L'enquête bibliographique dépend pour l'essentiel de préférences et d'initiatives individuelles, ce qui, par ricochet, pointe à l'horizon la nécessité d'un effort accru de la part de tous les chercheurs en faveur de la production d'une bibliographie universelle regroupant toutes les sources littéraires primaires et secondaires canadiennes. À tout prendre, la bibliographie énumérative a été au moins amorcée. Peut-on dire autant de la bibliographie textuelle?
On a longtemps estimé que la bibliographie textuelle et analytique n'était nécessaire que pour déterminer la provenance d'anciens textes, comme ceux de Shakespeare ou de Milton et dont il existe de nombreuses versions ou variantes faisant autorité. Dans un tel contexte, la bibliographie analytique examinait alors l'histoire de l'impression des textes et la bibliographie textuelle en vue d'appliquer les résultats obtenus à la production d'une édition définitive. Aujourd'hui, on admet que la bibliographie textuelle ne s'impose que lorsqu'il s'agit de produire une édition critique selon les modalités suivantes : 1) établir et recueillir les textes qui font autorité; 2) choisir un texte étalon; 3) rassembler tous les textes ou toutes les versions sans exception; 4) déterminer un texte pour l'édition; 5) préparer un appareil critique; 6) fixer par ces étapes l'étendue des modifications et des corrections obligatoires. Faute de telles modalités dans le passé, les nouvelles éditions des classiques canadiens, lorsqu'elles n'étaient pas tronquées ou corrompues, correspondaient de simples réimpressions de n'importe quelle édition précédente.
Cependant, soucieux de la fidélité textuelle, les éditeurs de classiques canadiens ont, au cours des dernières années, donné une place importante à la « bibliographie textuelle ». Pour s'en convaincre, il suffit de citer les nouvelles éditions critiques de The History of Emily Montague de Frances BROOKE (1769) et WACOUSTA de John RICHARDSON (1832), produites par le Centre for Editing Early Canadian Texts de l'U. Carleton, sans oublier les projets éditoriaux majeurs envisagés pour l'oeuvre d'E.J. Pratt et d'A.M. Klein, qui ont défini en la matière un nouveau modus operandi, garant d'une transmission aussi sérieuse que fidèle de la littérature canadienne anglaise comme celle de toute autre nation.