Biotechnologie
Le terme « biotechnologie » est défini en 1981 par le Comité d'étude du gouvernement fédéral sur la biotechnologie (comité Brossard) comme « l'utilisation des processus biologiques, qu'ils concernent microbes, végétaux, cellules animales ou leurs parties constituantes, en vue de produire des biens et des services ». À certains égards, les techniques biotechnologiques représentent l'élaboration de certaines techniques industrielles bien connues (p. ex. la fermentation). Certains de ces procédés, utilisés à l'origine pour la production d'alcool de consommation, d'acides organiques, de solvants et d'autres produits (antibiotiques, acides aminés, vitamines, gommes, stéroïdes), connaissent maintenant un champ d'application beaucoup plus vaste grâce aux progrès spectaculaires réalisés récemment dans les domaines de la BIOLOGIE MOLÉCULAIRE et du GÉNIE GÉNÉTIQUE.
À l'échelle internationale, des programmes sont continuellement créés en vue de mettre au point des moyens d'appliquer la biotechnologie à divers domaines : production de carburant, récupération des matières premières, fertilisation des cultures et reproduction végétale, traitement des déchets et lutte contre la POLLUTION, découverte de produits sanitaires plus efficaces, de nouvelles ressources alimentaires et de nouveaux produits chimiques industriels et lutte contre les insectes nuisibles. C'est pourquoi un certain nombre de pays (pays de la CEE, Japon, Israël) mettent sur pied des programmes à long terme, dans le domaine de la biotechnologie, financés par les gouvernements. Les États-Unis jouent un rôle de premier plan dans les sciences biomédicales. Les chercheurs canadiens font un apport important et la participation de l'industrie aux activités commerciales qu'offrent ces techniques est en augmentation.
Techniques
La biotechnologie est un domaine hautement interdisciplinaire. Elle tire son efficacité des techniques clés engendrées par les progrès conjoints de la BIOCHIMIE, de la CHIMIE, de l'INGÉNIERIE, de la GÉNÉTIQUE, des MATHÉMATIQUES, de la microbiologie et de la PHYSIQUE. Ces techniques comprennent génie génétique, méthodes de production d'enzymes industrielles, fusion cellulaire, culture des cellules végétales, processus biologiques et systémique.
Applications
Cinq grandes techniques biotechnologiques ont des applications particulièrement intéressantes pour les ressources industrielles canadiennes. Il s'agit de la fixation biologique de l'azote, de l'utilisation de la cellulose, du traitement et de l'utilisation des déchets, de la lixiviation des minéraux et du développement de nouvelles souches végétales et animales.
Fixation biologique de l'azote
Elle a une importance croissante à cause de l'escalade du coût des engrais azotés. La reproduction végétale et les techniques du génie génétique devraient produire des végétaux (p. ex. des céréales) aptes à la symbiose avec les bactéries qui fixent l'azote. Les LÉGUMINEUSES constituent les seules plantes comestibles à posséder naturellement cette capacité.
Utilisation de la cellulose
Les nombreuses ressources agricoles et forestières du Canada présentent d'importantes nouvelles possibilités d'utilisation de la cellulose (p. ex. pour L'ÉNERGIE DE LA BIOMASSE). Des traitements préparatoires de la cellulose combinés à des méthodes d'hydrolyse microbiologique ou enzymatique sont étudiés par l'industrie partout dans le monde. L'emploi de la cellulose pourrait présenter beaucoup d'intérêt pour le Canada, compte tenu de l'importance de son industrie forestière, qui rapporte annuellement près de 12 milliards de dollars à la balance commerciale. Il semble cependant que les réserves importantes de combustibles fossiles et les coûts relativement faibles de l'énergie qui en découle feront pendant un certain temps une sérieuse concurrence au développement commercial de la cellulose comme ressource énergétique.
Traitement et utilisation des déchets
La détoxication des effluents et la transformation des déchets en produits utiles ont une importance croissante dans l'évolution de la société industrielle. Les procédés biologiques présentent des avantages certains, car ils s'adaptent à la composition des divers déchets et à leurs conditions de décomposition
Lixiviation des minéraux
On connaît depuis des siècles l'action microbiologique sur les sulfures minéraux et leur transformation en des formes plus solubles. Ces méthodes sont déjà adaptées à la récupération du cuivre et de l'uranium et seront finalement utilisées pour des métaux comme le nickel et le zinc (voirMÉTALLURGIE). L'avantage le plus évident des techniques biotechnologiques est leur faible besoin en énergie.
Reproduction végétale et animale
Le génie génétique et les techniques de fusion cellulaire s'avéreront essentielles au développement économique du Canada, car ils offriront de nouvelles variétés de végétaux aptes à fixer l'azote atmosphérique et à présenter une plus grande résistance aux parasites, une maturation plus précoce, une plus grande valeur nutritive et une tolérance accrue aux variations climatiques. Pour le bétail, le développement génétique est aussi important afin d'améliorer la résistance aux maladies et d'accroître la fertilité et la productivité.
Autres usages
Certains produits chimiques actuellement dérivés du pétrole ou du charbon seront fournis par des procédés biologiques. On compte parmi ces substances : produits cellulosiques, acides lactiques et autres acides organiques, polysaccharides microbiens, dérivés de la lignine, éthanol, acétone, butanol, huiles végétales pour les plastifiants, lubrifiants et caoutchoucs (voir CAOUTCHOUC, INDUSTRIE DU). De plus, il semble que les techniques biotechnologiques permettent une meilleure production de certains ADDITIFS ALIMENTAIRES, de protéines, de parfums et de monomères pour des plastiques spéciaux (voir PLASTIQUES, INDUSTRIE DE LA TRANSFORMATION DES) et des substances connexes.
On prévoit que les végétaux et les cellules végétales seront éventuellement conçus en vue de produire surtout des produits chimiques complexes et uniques. Le coût de plus en plus élevé des insecticides dérivés des produits pétroliers et les effets négatifs d'un grand nombre de ces produits sur l'environnement hâteront la mise au point d'agents biologiques de régulation à vocation plus spécifique. On étudie de plus en plus l'utilisation des virus pathogènes des insectes.
D'autres pays produisent déjà des produits pharmaceutiques traditionnels et nouveaux à l'aide des biotechnologies. Toutefois, la recherche-développement dans l'industrie pharmaceutique canadienne n'est guère avancée, en grande partie à cause des dispositions de licence obligatoire prévues dans la Loi canadienne des brevets. Un projet de loi (C22) est élaboré afin de favoriser l'accroissement de la recherche-développement dans l'industrie canadienne au moyen d'une protection élargie de la propriété des découvertes pharmaceutiques.
Au Canada, compte tenu de la jeunesse relative de cette science, dont les effets économiques ne se sont pas encore fait sentir, le plan national de développement de la biotechnologie a pour objectif de créer un climat favorable à la mise sur pied et à la croissance de diverses industries. Un comité consultatif national de la biotechnologie, créé sous les auspices du ministère d'État pour la Science et la Technologie, a pour mandat principal de coordonner et de catalyser tous les efforts nationaux.
Ce comité est représentatif de tous les secteurs d'intérêt. Au cours de réunions ordinaires, les secteurs problématiques sont étudiés. Dans les secteurs clés, un certain nombre de réseaux d'information, publiant leurs propres bulletins d'information, sont en place et se révèlent très utiles pour les échanges de renseignements, ainsi que pour la promotion de la collaboration. Un inventaire des activités biotechnologiques est publié par le ministère de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie.
L'essor de la biotechnologie au Canada, parallèle à celui des autres pays, est des plus passionnants. Les applications biomédicales, domaine probablement le plus avancé, ont déjà donné naissance à de nombreuses entreprises pharmaceutiques et à des organismes spécialisés dans les diagnostics. De plus, elles favorisent le rayonnement de la recherche universitaire et la prolifération d'instituts de production. Les secteurs problématiques sont identifiés et les établissements d'enseignement tentent de former plus de techniciens spécialisés en fermentation et de gestionnaires spécialisés en biotechnologie. Les provinces lancent une grande offensive, et certaines d'entre elles comptent des organismes de recherches qui jouent un rôle prépondérant.
À certains égards, la biotechnologie est la première bénéficiaire de la nouvelle politique fédérale relative à la haute technologique, ce qui semble parfaitement normal si l'on considère que 25 p. 100 des ventes mondiales dépendront de la biotechnologie en l'an 2000.
Génie génétique
Le génie génétique est fondé sur la technique recombinatoire de l'acide désoxyribonucléique (ADN), et il offre la possibilité de sélectionner des fragments d'ADN ou gènes (provenant de cellules choisies d'organismes, de végétaux, d'animaux ou de produits de synthèse chimique), de les réunir à d'autres fragments d'ADN et de les transférer dans une cellule de production réceptrice appropriée. Les micro-organismes ainsi créés acquièrent de nouvelles propriétés génétiques qui les rendent capables de créer de nouveaux produits, d'utiliser ou de transformer de nouveaux substrats au cours de processus du type de celui de la fermentation.
Les champs d'application actuels et à venir englobent la production d'hormones (insuline, hormones de croissance), de régulateurs du système immunitaire (interleukine), de facteurs de croissance, de médicaments polypeptidiques, de vaccins et d'antibiotiques. Au Canada, les recherches dans ce domaine s'étendent maintenant à l'extérieur des universités et dans les laboratoires du gouvernement fédéral. Les chercheurs possèdent une vaste expérience, mais ils sont encore nettement trop peu nombreux. De plus, des mécanismes plus efficaces de transfert technologique vers l'industrie évoluent rapidement.
Enzymologie industrielle
L'utilisation des enzymes par l'industrie et dans les applications sanitaires s'accroît. Au Japon, aux États-Unis et en Europe, on utilise couramment dans la production alimentaire des enzymes provenant de diverses sources naturelles, mais, il n'existe aucune entreprise industrielle similaire au Canada. La production d'enzymes par la microbiologie et le génie génétique permet maintenant d'espérer la création de produits faits « sur mesure ». L'immobilisation des enzymes est la partie importante de cette technologie, et l'utilisation de BACTÉRIES, de levures, de CHAMPIGNONS, de cellules végétales et animales permettra d'obtenir des systèmes multienzymatiques de plus en plus complexes. Cela comprend notamment l'utilisation d'enzymes en milieu organique.
Des produits nouveaux et déjà existants seront de plus en plus conçus à l'aide d'enzymes. Pour la mise à l'échelle et l'automatisation de tels procédés, il est essentiel d'assurer la mise au point de biocapteurs et l'optimisation du contrôle informatique de bioréacteurs et de l'équipement de traitement en aval connexe.
Fusion cellulaire
La mise au point des techniques de fusion cellulaire ouvre la voie à de nouvelles perspectives en agriculture, en foresterie et dans le domaine des produits sanitaires. En agriculture et en foresterie, la fusion cellulaire permet de produire des végétaux hybrides à croissance rapide, capables de fixer l'azote et résistants aux pathologies, aux herbicides chimiques et aux conditions climatiques.
Au Canada, vu que l'agriculture et l'industrie forestière constituent des facteurs économiques de premier plan, l'application de ces techniques devrait y être prioritaire. D'autres techniques d'hybridation cellulaire aboutissent à la production d'anticorps monoclonaux (c.-à-d. dérivés d'une cellule unique), employés dans la production de réactifs plus spécifiques de diagnostic pour traiter des malades qui présentent des réactions auto-immunes, en immunothérapie du cancer et pour une purification industrielle plus efficace de divers produits.
Culture des cellules végétales
Les végétaux ont toujours constitué une source abondante d'agents médicinaux, et le développement de techniques de culture des cellules végétales in vitro permet la production d'une grande variété de produits pharmaceutiques (voir PHARMACIE). Au laboratoire régional des Prairies du Conseil national de recherches du Canada (CNRC), à Saskatoon, on possède une expérience reconnue mondialement dans la culture des cellules végétales.
Procédés biologiques et génie des systèmes
La manipulation des produits biologiques et microbiologiques et l'application de divers procédés ne peuvent être accomplies qu'au moyen de techniques et de méthodes très spéciales. Ces procédés biotechnologiques spécialisés et ces systèmes sont donc le point de mire d'une éventuelle commercialisation. La rareté actuelle de l'exploitation à grande échelle des biotechnologies au Canada a pour conséquence un manque évident d'expertise dans le domaine du génie biotechnologique et de ses procédés. Selon le comité d'étude, le développement d'une telle expertise est urgent et la formation des chercheurs représente une des principales activités de l'Institut de biotechnologie du CNRC à Montréal, et de l'Alberta Research Council à Edmonton.