Mackenzie Bowell, KCMG, rédacteur en chef, éditeur, politicien et premier ministre du Canada de 1894 à 1896 (né le 27 décembre 1823 à Rickinghall, dans le Suffolk, en Angleterre; décédé le 10 décembre 1917 à Belleville, en Ontario). Mackenzie Bowell est un important orangiste qui a tenu le rôle de grand maître de l’Ordre d’Orange dans l’Amérique du Nord britannique de 1870 à 1878. Avant de se lancer en politique fédérale, il a été rédacteur en chef et éditeur de presse. De 1867 à 1892, Mackenzie Bowell a représenté le comté de North Hastings au Parlement canadien puis, jusqu’en 1917, il a assumé le rôle de sénateurconservateur. Il a occupé le poste de premier ministre conservateur du 21 décembre 1894 au 27 avril 1896 et a été l’un des deux seuls dirigeants fédéraux à gouverner à partir du Sénat plutôt que de la Chambre des communes. Des pressions exercées par son propre Cabinet l’ont forcé à annoncer sa démission en 1896, faisant de lui le seul premier ministre à subir ce sort. Il est cependant demeuré sénateur jusqu’à son décès.
Jeunesse
Mackenzie Bowell voit le jour en 1823 à Rickinghall, dans le Suffolk, en Angleterre. Fils de John Bowell et d’Elizabeth Marshall, il immigre au Canada avec sa famille en 1833 et ils s’installent au Haut-Canada. Enfant, son père lui enseigne la menuiserie. Peu après son arrivée à Belleville, il obtient un poste d’apprenti imprimeur pour le journal local, The Intelligencer. Il travaille sous les ordres du rédacteur en chef et propriétaire du journal, George Benjamin, avec qui il développe des liens d’amitié. En 1841, le jeune homme suit une formation en enseignement et décroche un diplôme de la Sydney Normal School, à Hastings, une petite communauté au nord-ouest de Belleville.
Service de milicien
Mackenzie Bowell est un important promoteur et organisateur de la milice du comté de Hastings. En 1857, il contribue à mettre sur pied la première compagnie de miliciens carabiniers volontaires de Belleville. D’abord enseigne pour la compagnie de 1858 à 1865, il en devient plus tard le lieutenant-colonel. Mackenzie Bowell accomplit deux services militaires actifs : le premier en 1864 et 1865 à Amherstburg, au Haut-Canada, dans le cadre des tensions découlant de la guerre de Sécession, et le deuxième en 1866 à Prescott, au Haut-Canada, lors des raids des fenians. De 1867 à 1872, il est lieutenant colonel du 49e bataillon de carabiniers de Hastings.
Mackenzie Bowell, en 1864.
Vie personnelle et sociale
Tout en soutenant activement la milice locale, Mackenzie Bowell consacre du temps et de l’énergie à sa communauté. Il siège notamment au conseil des commissaires d’école, au conseil d’administration de la grammar school et au conseil de l’agriculture et des arts de Belleville. Il épouse Harriet Louise Moore en 1847, et de cette union naissent neuf enfants.
Ordre d’Orange
Mackenzie Bowell est fervent protestant et membre de la Wesleyan Methodist Church. En 1842, il se joint à l’Ordre d’Orange, une fraternité politique et religieuse fondée en 1795 en Irlande. Au Canada, les membres de la société défendent le protestantisme et la place du pays dans l’Empire britannique, en plus de s’appuyer mutuellement et d’organiser des activités sociales. De plus, l’Ordre d’Orange est connu pour sa grande influence en politique, surtout au plan local. Plusieurs de ses membres craignent l’influence des catholiques et des Canadiens français.
En 1860, Mackenzie Bowell, président de la Belleville Orange Lodge, contribue à l’organisation d’une célébration dans le cadre de la visite royale du prince de Galles au Canada. Cependant, le futur roi Édouard VII, désireux de ne pas créer de tensions dans la colonie, fait mine d’ignorer les démonstrations d’affection de l’Ordre d’Orange. Avec le temps, Mackenzie Bowell grimpe les échelons de l’Ordre et devient grand maître de l’Amérique du Nord britannique de 1870 à 1878. Cependant, ses votes et ses applications de la loi ne reflètent pas toujours les vœux de l’Ordre. En 1863, par exemple, certains orangistes considèrent que le grand maître, qui se présente pour obtenir un siège au comité législatif de la colonie, ne s’est pas suffisamment opposé à l’adoption de lois permettant l’existence des conseils d’administration d’écoles catholiques. Ils se liguent alors contre lui et contribuent à sa défaite lors des élections. Dans les années 1890, l’homme politique défend le premier ministre catholique John Sparrow David Thompson contre des attaques de nature confessionnelle et cherche à restituer les fonds que le gouvernement provincial a retirés aux écoles catholiques du Manitoba (voir Question des écoles du Manitoba), deux actions qui suscitent la colère de nombreux orangistes.
Carrière de journaliste
En 1848, Mackenzie Bowell devient associé de The Intelligencer et accepte le poste de rédacteur en chef. L’année suivante, il devient coéditeur de l’hebdomadaire avec son beau-frère. Au début des années 1850, la sphère journalistique canadienne le reconnaît déjà comme un personnage important de l’industrie. Au cours de cette période, il devient le propriétaire exclusif du journal et le transforme en un quotidien en 1867 puis, en 1875, il incorpore l’entreprise sous le nom Intelligencer Printing and Publishing Company. Mackenzie Bowell est également l’un des fondateurs de la Canadian Press Association, association journalistique créée en 1859 et dont il devient le président pour les années 1865 et 1866.
Mackenzie
Bowell, député au Parlement (Hastings), février 1875.
Carrière politique
Après avoir succédé à George Benjamin comme éditeur de journal, Mackenzie Bowell suit de nouveau son mentor en se lançant en politique. Il se présente d’abord comme candidat conservateur pour le comté de Hastings North, dans la Province du Canada, en 1863. Malgré l’échec de sa première tentative, son intérêt pour la politique n’est pas ébranlé. Il se présente encore une fois comme candidat conservateur fédéral et remporte l’élection en 1867. Il conserve ensuite le comté de Hastings North jusqu’en 1892.
Pendant ses premières années au Parlement, Mackenzie Bowell est député d’arrière-ban. Il gagne cependant en notoriété en 1874 lorsqu’il exige l’expulsion de Louis Riel de la Chambre des Communes. Quatre ans plus tôt, pendant la Rébellion de la rivière Rouge, Louis Riel avait ordonné l’exécution de Thomas Scott, un orangiste de son comté, dans Hastings. Le fait que Louis Riel soit plus tard élu au Parlement fédéral dans le comté de Provencher suscite la colère chez plusieurs Ontariens et, surtout, chez bien des membres de l’Ordre d’Orange. Mackenzie Bowell, leader de l’Ordre au Canada, dépose alors une motion pour empêcher Louis Riel d’occuper son siège, ce qui mène plus tard au bannissement officiel du chef métis de la Chambre des communes. (Voir aussi Wilfrid Laurier: Speech in Defence of Louis Riel, 1874 [en anglais seulement]).
Le
nouveau Cabinet du Dominion du Canada en 1878 : James Aikins, Louis
François Georges Baby, Mackenzie Bowell, Alexander Campbell, Hector Langevin,
James Macdonald, sir John A. Macdonald, L.F.R. Masson, John O’Connor,
John Pope, James Pope, S.L. Tilley et Charles Tupper.
En 1878, le premier ministresir John A. Macdonald nomme Mackenzie Bowell au Cabinet et en fait son ministre des Douanes. Reconnu pour son travail acharné et ses talents d’administrateur, le nouveau ministre conserve son poste de 1878 à 1892. Dans le cadre de ses fonctions, il est notamment responsable de superviser et de contrôler les revenus gouvernementaux, un dossier plutôt important dans le contexte du lancement de la politique nationale en 1879. La politique nationale représente la principale initiative économique des conservateurs à la fin du 19e siècle et consiste à instaurer des taxes sur les produits étrangers afin de protéger les entreprises canadiennes. Les autres dossiers sous sa responsabilité comprennent les chemins de fer et les canaux et, plus tard, la milice et la défense.
Lorsque John S.D. Thompson devient premier ministre, en décembre 1892, il nomme Mackenzie Bowell au Sénat. En raison de son parcours gouvernemental, le nouveau sénateur est également nommé leader du gouvernement au Sénat et ministre du Commerce, une fonction (aujourd’hui abolie) qui le rend responsable d’un portefeuille nouveau, mais important. Mackenzie Bowell s’implique activement dans les dossiers gouvernementaux. De septembre 1893 à janvier 1894, il voyage en Australie avec Sandford Fleming pour discuter d’échanges entre les colonies australasiennes et le Canada, ainsi que de la mise en place d’une liaison par câble entre l’Amérique du Nord et l’Australie. Le projet connaît un grand succès et, peu après, Mackenzie Bowell propose et organise la tenue d’une autre conférence, plus grande, à Ottawa. La conférence coloniale de juin 1894 réunit alors pour la première fois les colonies, les dominions et les territoires britanniques. Avec Mackenzie Bowell comme président, elle explore les possibilités de tarifs préférentiels et d’augmentation des échanges entre les partenaires économiques intercoloniaux.
L’hon. Mackenzie
Bowell, député au Parlement (North Hastings, en Ontario), ministre des Douanes,
mai 1889.
Premier ministre de 1894 à 1896
Lorsque le premier ministreJohn S.D. Thompson décède en cours de mandat en décembre 1894, aucun successeur ne fait l’unanimité. Mackenzie Bowell étant le plus ancien membre du gouvernement et ayant été premier ministre intérimaire à quelques reprises lorsque John Thompson était outremer, le gouverneur général lord Aberdeen le choisit pour diriger le nouveau gouvernement. Tout comme John Abbott avant lui, le nouveau premier ministre gouverne à partir du Sénat et non de la Chambre des communes. Pendant son mandat, il occupe également le poste de président du Conseil privé.
La question des écoles du Manitoba occupe la majorité de son mandat de premier ministre. Bien que des modifications à la Loi sur le Manitoba de 1870 autorisent l’existence d’écoles confessionnelles (catholiques), le gouvernement du Manitoba retire le financement public à ces établissements scolaires en 1890. Cette action entraîne une série de contestations et de causes judiciaires, et divise la population canadienne autour d’oppositions linguistiques, religieuses, politiques et juridictionnelles.
En 1895, Mackenzie Bowell appuie l’avant-projet d’une loi visant à rétablir les écoles catholiques dans la province, invoquant la nécessité de respecter l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Cependant, celle-ci n’est jamais mise en application en raison de désaccords à l’intérieur du Cabinet du parti conservateur et des hésitations de Mackenzie Bowell à choisir une politique. Il ne sait quelles mesures prendre et comment procéder pour éviter une réaction hostile des membres du parti et des électeurs partout au pays. Étant sénateur, il est dans l’impossibilité de débattre de la question à la Chambre des communes, ce qui contribue à la frustration des membres du parti.
Au début de janvier 1896, sept membres du Cabinet de Mackenzie Bowell, y compris George Eulas Foster, démissionnent en invoquant leur insatisfaction quant à sa façon de gouverner. Ils remettent en question son leadership et demandent au gouverneur général, le duc d’Aberdeen, de le remplacer par Charles Tupper. Après avoir qualifié ses opposants de « nid de traîtres », Mackenzie Bowell cède aux pressions et donne sa démission le 8 janvier 1896. Cependant, le gouverneur général refuse sa démission et intervient pour renforcer le soutien envers le tout nouveau premier ministre. Une semaine plus tard, six des sept ministres réintègrent le Cabinet, convaincus que Charles Tupper, de retour après un long séjour à Londres comme Haut-Commissaire du Canada en Grande-Bretagne, deviendra de fait chef de parti et que Mackenzie Bowell donnera sa démission. Le premier ministre quitte finalement son poste à la fin de la session parlementaire, le 27 avril 1896.
« The
Bolt Amongst the Bolters! » [traduction libre : la foudre s’abat sur
les déserteurs] Jeu de mots dans une bande dessinée faisant référence à un
discours prononcé par sir Mackenzie Bowell en 1905. En mars 1905,
Mackenzie Bowell prononce un discours au Sénat où il reproche à ses anciens
collègues de s’être enfuis du Cabinet en 1896 dans le but de forcer sa
démission du poste de premier ministre. Les personnages représentés sont sir M. Bowell,
sir C. Tupper, l’hon. G.E. Foster, sir C.H. Tupper, le
Dr Montague et l’hon. John Haggart.
Fin de carrière
Bien qu’ayant renoncé au contrôle du Cabinet de premier ministre, Mackenzie Bowell conserve son siège au Sénat. Il demeure leader du gouvernement au Sénat jusqu’à ce que le chef libéralWilfrid Laurier remporte l’élection fédérale de 1896. Il devient alors chef de l’opposition au Sénat et conserve son poste jusqu’en 1906.
Même s’il se retire de la politique cette année-là, il conserve son siège au Sénat et participe à plusieurs comités sénatoriaux jusqu’en 1917. Pendant qu’il remplit ses fonctions politiques, il retourne travailler au journal The Intelligencer, en 1896, et y demeure jusqu’en 1913.
Décès et postérité
Mackenzie Bowell rend l’âme à Belleville le 10 décembre 1917, à l’âge de 93 ans, des suites d’une pneumonie. Il est enterré au cimetière de Belleville. Bien qu’il n’ait été premier ministre que pendant 493 jours, il est nommé personnage historique national en 1945. Le canton de Bowell, en Ontario (faisant aujourd’hui partie du canton municipal de Valley East), ainsi que le hameau de Bowell, en Alberta, sont tous deux nommés en son honneur. Le mont Sir Mackenzie Bowell est situé dans la chaîne Cariboo, en Colombie-Britannique, près d’autres sommets portant les noms de premiers ministres canadiens.
Résidence
de sir Mackenzie Bowell à Belleville, en Ontario, vers 1911.