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Paul Martin

Paul Edgar Philippe Martin, C.C., C.P., homme d’affaires, politicien, ministre, premier ministre de 2003 à 2006, philanthrope (né le 28 août 1938 à Windsor en Ontario). Paul Martin est le fils de l’influent député du Parti libéral, Paul Martin père, et il a mené une brillante carrière dans le monde des affaires avant de se lancer en politique. Il a été élu député libéral en 1988, et il a occupé le poste de ministre des Finances (de 1993 à 2002) sous le premier ministre Jean Chrétien. Dans ce rôle, Paul Martin a éliminé le déficit et il a réalisé cinq années consécutives d’excédents budgétaires. En 2003, il a succédé à Jean Chrétien en tant que premier ministre et chef du Parti libéral. Il a démissionné en 2006 après avoir perdu les élections contre le Parti conservateur de Stephen Harper. Reconnu comme étant un conservateur fiscal doté d’une conscience sociale, Paul Martin a mené plusieurs initiatives en tant que premier ministre, dont l’Accord de Kelowna, un programme national de services de garderies, des accords en santé avec les provinces, et la légalisation du mariage entre personnes de même sexe au Canada.

Jeunesse, famille et éducation

Paul Martin naît à Windsor en Ontario. À l’âge de quatre ans, il survit à la polio. En 1946, sa famille déménage à Ottawa. Son père Paul Martin père, un homme influent a été nommé au cabinet de William Lyon Mackenzie King l’année précédente. En tant que ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (1946-1957), il est l’un des architectes du filet de sécurité sociale du Canada. Il est également secrétaire d’État aux Affaires étrangères (1963-1968), il tente en vain à trois reprises de devenir chef du Parti libéral (1948, 1958, 1968) et il est haut-commissaire en Grande-Bretagne (1975-1979).

À Ottawa, le jeune Paul Martin fréquente une école primaire francophone et une école secondaire bilingue. Il fréquente ensuite le St. Michael’s College de l’Université de Toronto, où il est membre de l’association des Jeunes libéraux, et où il obtient un baccalauréat avec mention en philosophie en 1962. En 1965, il obtient son diplôme de la faculté de droit de l’Université de Toronto. Il est admis au Barreau de l’Ontario l’année suivante.

Vie personnelle

En 1965 également, Paul Martin épouse Sheila Ann Cowan, fille de l’avocat et philanthrope William Cowan. Paul et Sheila Martin ont trois fils; Paul, Jamie et David.

Entrepreneur

En 1966, Paul Martin déménage avec sa jeune famille à Montréal où il se joint à la Power Corporation du Canada comme adjoint administratif du mentor et président Maurice Strong (et plus tard, Paul Desmarais). Bien qu’il n’y ait pas d’hommes d’affaires dans sa famille, Paul Martin fait preuve d’un talent naturel pour l’entrepreneuriat. En 1969, il est nommé vice-président de la Power Corp. En 1973, il est président de Canada Steamship Lines inc, et deux ans plus tard, il en est le PDG.

En août 1981, Paul Martin et un partenaire d’affaires achètent la compagnie (renommée CLS Group) au coût de 180 millions de dollars. En 1988, Paul Martin devient l’unique propriétaire. Sa création d’une flotte de navires océaniques équipés d’une technologie de déchargement automatisé est un grand succès, mais ses autres stratégies lucratives font éventuellement l’objet de critiques. Celles-ci incluent les décisions de bâtir de nouveaux navires à l’étranger, de s’implanter dans des pays étrangers, d’employer des travailleurs étrangers à faible salaire et d’exploiter ses navires en tant que « pavillons de complaisance ». Bien que ces procédures soient courantes dans le monde du commerce maritime, les antécédents de Paul Martin avec CSL sont utilisés contre lui lorsqu’il se lance en politique.

Début de carrière en politique

Paul Martin père a souvent conseillé son fils, qui avait hâte de se lancer en politique, d’attendre d’être bien établi en affaires. En 1988, à l’âge de 50 ans, Paul Martin se présente aux élections fédérales dans la circonscription de LaSalle-Émard de Montréal. Cette même année, le Parti conservateur dirigé par Brian Mulroney remporte une deuxième victoire majoritaire. Mais Paul Martin fait partie d’un contingent de libéraux qui sont élus au Parlement cette année-là.

Après la démission du chef libéral John Turner, Paul Martin se présente contre Jean Chrétien en 1990 pour devenir chef du Parti libéral. L’Accord du lac Meech est l’un des principaux enjeux de la campagne à la direction, que Paul Martin soutient, mais auquel Jean Chrétien s’oppose. Lors du congrès de Calgary pour le choix d’un nouveau chef, Paul Martin perd au premier tour, recueillant 25 % des voix contre 57 % pour Jean Chrétien. Cette lutte amère pour la direction du parti marque le début d’une rivalité longue et complexe entre les deux hommes, et qui déchire éventuellement le tissu du Parti libéral lui-même.

Ministre des Finances

Reconnaissant le talent de son rival, Jean Chrétien demande à Paul Martin de co-rédiger le programme électoral du parti libéral de 1993. Après ces élections, qui ramènent les libéraux au pouvoir avec un gouvernement majoritaire, Paul Martin est nommé ministre des Finances. Au cours de son mandat de neuf ans à ce poste, il présente une série de budgets très suivis. Mais ce sont ceux présentés au milieu des années 1990 qui lui valent de nouveaux partisans ainsi que de nouveaux détracteurs.

En 1994, l’économie canadienne est en pleine récession. Les paiements d’intérêts sur le déficit de 42 milliards de dollars du pays représentent plus du tiers du budget fédéral. En janvier 1995, le Wall Street Journal qualifie le dollar canadien de « peso du nord » et le Canada de « membre honoraire du Tiers-Monde ». En février, l’agence de notation Moody’s place le Canada « sous surveillance ».

Paul Martin

L’objectif déclaré de Paul Martin en tant que ministre des Finances est d’éliminer le déficit « coûte que coûte ». En février 1994, il réduit le financement pour l’assurance-chômage et il ferme plusieurs bases militaires. En 1995, il présente un budget canadien qui passe à l’histoire. Déterminé à réduire le déficit canadien, Paul Martin réduit les dépenses de pratiquement tous les ministères fédéraux. Il réduit les dépenses du gouvernement de plus de 25 milliards de dollars (sur trois ans) et il élimine 45 000 emplois dans la fonction publique. Les paiements de transfert fédéraux aux provinces pour la santé et l’éducation sont coupés de 7 milliards de dollars. Bien qu’il soit critiqué pour les coupures dans les programmes sociaux, la popularité de Paul Martin ne diminue pas. Le gouvernement de Jean Chrétien remporte sa deuxième majorité en 1997, en grande partie grâce au bilan de Paul Martin.

Lorsqu’arrive l’année 1998, Paul Martin a effacé le déficit de 42 milliards de dollars, se taillant une réputation au pays et à l’étranger en tant qu’audacieux réducteur de déficit. À partir de 1998, il réalise cinq années consécutives d’excédents budgétaires, une première en un quart de siècle, tout en réduisant les taux d’imposition sur le revenu et en augmentant les dépenses publiques. Il fait passer la Prestation nationale pour enfants à plus de 7 milliards de dollars par année et il s’efforce de faire en sorte que les bénéfices de la mondialisation soient partagés par tous. Il est l’un des moteurs de la création du Groupe des 20 (G20) et il en est le premier président en 1999. Les libéraux remportent un troisième gouvernement majoritaire lors des élections de 2000. La victoire est en grande partie due au succès de Paul Martin, qui est le ministre des Finances le plus influent depuis des décennies.

Paul Martin contre Jean Chrétien

Pendant les années de Paul Martin en tant que ministre des Finances, ses relations avec Jean Chrétien sont tendues. Mais ces tensions sont généralement cachées au public. Les deux hommes travaillent en étroite collaboration malgré leurs idées divergentes sur des dossiers épineux, incluant celui du Québec, la province où les deux politiciens résident. Paul Martin est ambivalent quant à son soutien de la Loi de clarification, l’une des principales législations de Jean Chrétien, favorisant en privé une approche moins conflictuelle envers le séparatisme du Québec.

En 2002, anticipant la retraite de Jean Chrétien, Paul Martin et d’autres commencent à faire campagne pour la course à la chefferie du Parti libéral. Au cours de l’hiver et du printemps de cette même année, le gouvernement libéral est accusé d’incompétence et de corruption, particulièrement concernant le scandale des programmes de commandites qui prend de l’ampleur. Croyant que les fuites dommageables proviennent de son propre Cabinet, Jean Chrétien ordonne l’arrêt de la campagne à la chefferie.

Une évaluation de la direction, que les règles du Parti libéral exigent après chaque élection générale, est fixée pour mars 2003. Vers la fin de mai 2002, les controverses au sein du parti libéral dominent la scène politique canadienne. Paul Martin est sur le point de démissionner lorsque, le 2 juin 2002, Jean Chrétien le congédie. Paul Martin a occupé ce poste pendant neuf ans, ce qui fait de lui le ministre des Finances ayant occupé ce poste le plus longtemps au Canada depuis la Première Guerre mondiale. Il annonce qu’il continue de siéger à la Chambre des communes comme député. En août, Jean Chrétien, craignant sans doute d’être désavoué lors du prochain congrès du parti, annonce qu’il démissionne de ses fonctions, mais pas avant les 18 mois suivants.

Paul Martin élu chef du Parti libéral du Canada
Le premier ministre canadien Jean Chrétien (à gauche) et l’ancien ministre des Finances Paul Martin célèbrent l’élection de ce dernier à la tête du Parti libéral du Canada à Toronto en Ontario, le 14 novembre 2003.
(Photo de Donald Weber, avec l’aimable autorisation de Getty Images)

Premier ministre

En novembre 2003, à la suite d’une campagne lors de laquelle la victoire de Paul Martin n’est jamais sérieusement remise en question, ce dernier remporte la chefferie avec une écrasante majorité (3242 votes contre 211, soit 95 % contre 5 %) contre son unique adversaire restante, Sheila Copps. En endossant le rôle de chef du Parti libéral, Paul Martin réussit là où son père, qui s’est présenté trois fois en 40 ans à la direction du parti, a échoué. Jean Chrétien quitte son poste plus tôt que prévu, et le 12 décembre 2003, Paul Martin devient le 21e premier ministre du Canada. (Paul Martin apporte le drapeau qui avait été mis en berne sur la Colline du Parlement après le décès de son père à sa cérémonie d’assermentation.) Paul Martin récompense certains de ses partisans, mais pas tous; les loyalistes de Jean Chrétien sont écartés des postes supérieurs.

Initialement, l’approbation du public à l’égard du nouveau premier ministre est remarquablement positive (64 %). Pourtant, malgré ses 15 ans au Parlement, dont plus de la moitié en tant que ministre des Finances très en vue, Paul Martin demeure largement méconnu. Pour certains observateurs, il est une énigme, un politicien sans priorités politiques fixes. Pour d’autres, y compris ses collègues et amis, il est un homme d’une grande curiosité intellectuelle, dont l’ambition est de transformer le gouvernement et le pays.

Bien qu’on l’accuse, durant sa longue lutte pour la direction du parti et après être devenu premier ministre, de demeurer vague sur des points spécifiques, Paul Martin énonce un nombre ambitieux de priorités pour son gouvernement. Il promet de renforcer les liens politiques avec les États-Unis, de former une armée plus forte et une main-d’œuvre qualifiée. Il promet également de réduire les listes d’attente dans le domaine des soins de santé, de diminuer la pauvreté chez les Autochtones, et de réparer ce qu’il appelle « le déficit démocratique » au Parlement, en élargissant le rôle des députés d’arrière-ban dans la prise de décisions gouvernementales. Tout cela devrait, selon lui, se faire en réduisant les impôts et la dette nationale.

Nouveau gouvernement, vieux scandales

Quelles que soient les attentes des Canadiens et les propres ambitions de Paul Martin, le nouveau premier ministre du Canada hérite d’un parti qui souffre des blessures d’amères luttes internes.

Tandis que Paul Martin s’efforce de mettre en place un nouveau programme, le vérificateur général relance le scandale des commandites dans un rapport qui souligne le gaspillage de 100 millions de dollars en fonds fédéraux, dont une partie a été détournée par l’intermédiaire d’agences gouvernementales et d’agences de publicité pour des partisans du Parti libéral au Québec. Alors que les libéraux coulent de manière spectaculaire dans les sondages, Paul Martin passe à l’offensive. Il nie toute connaissance ou implication dans le scandale et il promet de démissionner s’il est prouvé qu’il ment. Il forme la Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires (Commission Gomery) pour enquêter sur ce qu’il appelle « un gâchis dégoûtant ». Il tente de s’allier à un public canadien outré en participant à des émissions-débats nationales et annonçant qu’il punira les responsables.

En février 2004, le premier ministre congédie l’ambassadeur Alfonso Gagliano, qui se trouve impliqué dans le scandale en tant qu’ancien ministre des Travaux publics. Paul Martin suspend également les présidents de la Banque de développement du Canada, de VIA Rail et de la Société canadienne des postes. Le scandale et les mesures énergiques prises par Paul Martin pour y faire face exacerbent les tensions entre ses partisans et ceux de l’ancien premier ministre Jean Chrétien. En même temps, le scandale donne à Paul Martin l’occasion de tenir ses promesses de réformer la structure du gouvernement et de mettre fin à la concentration du pouvoir dans le Cabinet du premier ministre (CPM). Paul Martin promet qu’à l’avenir, toutes les nominations des postes de haut niveau, y compris ceux des sociétés d’État et de la Cour suprême, seront approuvées par le Parlement.

Jean Chrétien

Le scandale des commandites réduit considérablement la popularité du gouvernement de Paul Martin. Bien que le programme de commandites ait été lancé sous Jean Chrétien, deux fois plus de Canadiens, et même plus, blâment Paul Martin, estimant qu’en tant que ministre des Finances, il devait être au courant de l’utilisation abusive des fonds. Ce scandale qui perdure est un enjeu majeur lors des élections du 28 juin 2004 et il contribue de manière significative à la réduction du gouvernement de Paul Martin à une minorité, avec 135 sièges sur 308.

Paul Martin continue de mener un programme politique actif. Mais il constate qu’il consacre désormais une grande partie de son attention à tenter de sauver son gouvernement assiégé. L’homme d’affaires et ministre des Finances audacieux est maintenant perçu comme étant prudent et indécis, tant à Ottawa qu’à l’échelle internationale.

En février 2005, Paul Martin témoigne à la Commission Gomery, devenant ainsi le premier premier ministre en exercice à témoigner lors d’une enquête publique depuis John A. Macdonald en 1873.

Le premier rapport de la Commission Gomery est publié le 1er novembre 2005. Il exonère Paul Martin, mais son gouvernement est endommagé par ce rapport. Il dénonce le détournement de fonds de commandites et la corruption au sein de l’aile québécoise du Parti libéral fédéral. Flairant une occasion, les partis de l’opposition s’unissent le 28 novembre pour faire tomber le gouvernement et forcer des élections. Le 23 janvier 2006, les libéraux remportent 103 sièges, 21 de moins que les conservateurs de Stephen Harper. Ce soir-là, Paul Martin admet sa défaite et annonce qu’il quitte le poste de chef du Parti libéral.

Paul Martin en campagne électorale en 2006
Le premier ministre Paul Martin s’adresse à des partisans du Parti libéral lors d’une visite de campagne à Kitchener en Ontario, le 21 janvier 2006.
(Photo de Simon Hayter, avec l’aimable autorisation de Getty Images)


En tant que premier ministre, Paul Martin échoue sur les questions internationales. Il a de la difficulté à produire une déclaration de politique étrangère canadienne et à décider si le Canada devrait prendre part au système américain de défense antimissile balistique. Par contre, il est extrêmement actif sur de nombreux autres fronts pendant ses deux années au pouvoir. Son gouvernement légalise le mariage entre personnes de même sexe au Canada, met sur pied un programme national de services de garderies, négocie un accord de 41 milliards sur les soins de santé avec les provinces, et conclut l’Accord de Kelowna avec les provinces et les territoires afin d’améliorer le niveau de vie des peuples autochtones.

Bien que Paul Martin démissionne en tant que chef de son parti en 2006, il demeure député de la circonscription de LaSalle-Émard. Il ne se représente pas aux élections fédérales de 2008. Le livre de ses mémoires, Hell or High Water: My Life In and Out of Politics, est publié en 2008.

Carrière après la politique

Après avoir pris sa retraite du monde de la politique, Paul Martin devient un conférencier très sollicité. En 2014, il conseille la première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, sur l’élaboration d’un nouveau régime de retraite provincial.

Paul Martin et sa famille mettent sur pied le fonds Capital for Aboriginal Prosperity and Entrepreneurship (CAPE) et l’Initiative de la famille Martin (IFM). La IFM travaille avec des dirigeants autochtones, des gouvernements et le secteur privé « pour soutenir l’éducation des enfants autochtones de la maternelle jusqu’à la fin de l’école secondaire, ainsi que les déterminants plus larges qui influencent leurs résultats scolaires », comme la santé. Paul Martin est également fondateur et coprésident du Congo Basin Forest Fund et il travaille avec le conseil consultatif de la Coalition pour le dialogue sur l’Afrique. Il est aussi membre de la Global Ocean Commission, de 2013 à 2016.

(Voir aussi Chronologie : Élections et premiers ministres fédéraux.)

Prix et distinctions

  • Membre, Conseil privé (1993)
  • Prix Distinguished Alumnus, Faculté de droit de l’Université de Toronto (2002)
  • Compagnon, Ordre du Canada (2011)
  • Prix d’excellence en relations autochtones, Conseil canadien pour le commerce autochtone (2011)
  • Prix Excellence in the Cause of Parliamentary Democracy, Société Churchill (2011)
  • Prix Lincoln Alexander du leader exceptionnel, Université de Guelph (2013)
  • Prix d’excellence pour l’ensemble de ses réalisations, Canadian Club of Toronto (2014)
  • Médaille d’or, Société géographique royale du Canada (2022)

Diplômes honorifiques

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