Bromley Lloyd Armstrong,C.M., O. Ont., syndicaliste noir, organisateur communautaire et militant (né le 9 février 1926 à Kingston, en Jamaïque; décédé le 17 août 2018 à Toronto, en Ontario). Il est reconnu comme figure centrale des premières campagnes antidiscriminationenOntarioqui ont mené à la première législation antidiscriminatoire du Canada. Il se décrit comme un allié viscéral des travailleurs pauvres et a démontré tout au long de sa vie un engagement envers le mouvement dessyndicats ouvrierset envers la lutte contre le désavantage et la discrimination. Pendant plus de six décennies, il a travaillé pour lesdroits de la personne, aidant à générer l’appui civique et gouvernemental pour l’égalité des races et militant pour les réformes des droits de la personne et de la politique publique.
Famille
Bromley Armstrong voit le jour à Kingston, en Jamaïque, dans une famille ayant des racines profondes dans la classe ouvrière et de grands rapports avec les syndicats ouvriers. Il est le quatrième de sept enfants (ses frères et sœurs sont Esmine, Eric Jr., Everald, Olive, George et Monica). Il naît à une époque où l’atmosphère politique en Jamaïque est déchaînée, le peuple scandant le slogan « il nous faut mieux ». Ses parents, Eric Vernon et Edith Miriam Armstrong (née Heron), lui inculquent une bonne éthique du travail et un amour des sports qui le soutiendront tout au long de sa vie.
Migration au Canada
Après la Deuxième Guerre mondiale, le jeune Bromley Armstrong et son frère George décident d’émigrer au Canada en quête d’instruction et d’emploi. Les difficultés économiques de la Crise des années 1930 et les coûts humains inestimables de la Deuxième Guerre mondiale ont laissé la Jamaïque dans un état de tourmente et les possibilités d’emploi sont rares. Le 11 décembre 1947, les deux frères se rendent à l’aéroport de Kingston et montent à bord d’un avion en direction de Toronto (via Miami, Washington, DC, Chicago et Buffalo). Ils arrivent deux jours plus tard à l’aéroport Malton, rebaptisé plus tard l’aéroport Pearson.
Syndicalisme
Motivé par l’exemple du travail acharné et de l’engagement communautaire de ses parents, Bromley Armstrong aspire au succès dans son nouveau pays. Bien qu’au début il ait de la difficulté à trouver du travail, il est enfin embauché par le fabricant de matériel agricole Massey-Harris (qui deviendra Massey-Ferguson). Puisqu’il veut devenir soudeur, comme son père, il s’inscrit à l’école de formation professionnelle Chicago Vocational Training School et suit des cours pendant la journée tout en travaillant chez Massey-Harris le soir. Il devient membre du United Automobile Workers (UAW), section locale 439, et devient bientôt un des dirigeants du mouvement canadien des syndicats ouvriers, travaillant comme délégué syndical acharné pour améliorer les conditions des travailleurs industriels.
Militantisme social pour les droits de la personne
En plus de travailler comme syndicaliste, Bromley Armstrong est engagé dans l’action sociale communautaire. Il fonde plusieurs organismes, y compris l’Alliance urbaine sur les relations interraciales, la Black Business and Professional Association, le Conseil ethnoculturel du Canada, la Jamaican Canadian Association et le National Council of Jamaicans and Supportive Organizations in Canada. Il siège aussi à la Commission ontarienne des droits de la personne, à la Commission des relations de travail de l’Ontario, au Comité du maire de Toronto sur les relations entre races et communautés, au Conseil consultatif des relations multiculturelles de l’Ontario et au Conseil des gouverneurs du Centre canadien pour les relations interraciales de la police. Cependant, Bromley Armstrong est peut-être le mieux connu pour sa participation dans « l’affaire Dresden » et les « manifestations des locataires » de Toronto des années 1950 et 1960.
L’affaire Dresden
Bien que le racisme ne soit pas enchâssé de façon officielle dans la société canadienne des années 1950, de bien des façons, son caractère « non officiel » a pour effet de le rendre beaucoup plus difficile à gérer qu’aux États-Unis, où la ségrégation est la loi de plusieurs États. Nul n’illustre ce fait de façon plus dramatique que l’affaire Dresden, une petite ville indéfinissable de l’Ontario, près de la frontière américaine.
Au 19e siècle, Dresden est l’emplacement de la case de l’oncle Tom (voir Josiah Henson) et le terminus du légendaire chemin de fer clandestin qui amène les esclaves en fuite depuis leur captivité aux États-Unis vers la promesse de la liberté au Canada (voir aussi Esclavage des Noirs au Canada). À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les Noirs constituent 20 % des habitants de Dresden, mais plusieurs restaurants et salons de coiffure pour hommes ont l’habitude de refuser de les servir. L’ironie de Dresden, en Ontario, jadis une lueur d’espoir pour les Noirs, devenu un bastion du racisme, n’échappe pas aux militants pour les droits de la personne.
Depuis 1948, la National Unity Association (NUA) de Chatham, de Dresden et de North Buxton lutte pour la justice sociale et l’égalité des races. Son travail mène aux lois avant-gardistes qui interdisent la discrimination dans l’embauche (la Fair Employment Practices Act de 1951) et dans le logement et les endroits publics (la Fair Accommodation Practices Act de 1954) en Ontario. Cependant, la NUA a moins de succès pour ce qui est de persuader le conseil municipal de Dresden de mettre fin à la discrimination contre les Noirs (voir Préjugés et discrimination au Canada).
Bromley Armstrong participe à des manifestations assises dans les restaurants de Dresden où l’on refuse de servir les Noirs. Ces manifestations assises, organisées par le Joint Labour Committee to Combat Racial Intolerance de Toronto (comité mixte des travailleurs pour combattre l’intolérance raciale) en liaison avec la NUA, constituent un exemple classique de théâtre de rue révolutionnaire. Elles sont exécutées en présence des médias invités et s’avèrent un outil précieux de résistance pour les membres du premier mouvement pour la défense des droits de la personne au Canada, et pour les partisans des droits civiques aux États-Unis. En fait, les manifestations assises au Canada précèdent celles qui auront lieu aux États-Unis.
En octobre 1954, Bromley Armstrong se rend à Dresden pour participer aux activités de résistance organisées par Hugh Burnett et la NUA. Hugh Burnett est un charpentier afro-canadien simple et franc qui mène la résistance locale contre la discrimination à Dresden. Ruth Lor Malloy, une Sino-Canadienne et la secrétaire du Student Christian Movement (Mouvement des étudiants chrétiens) à l’Université de Toronto, et Bromley Armstrong accompagnent Hugh Burnett au Kay’s Café où, comme ils s’y attendaient, on refuse de les servir. Ce n’est pas la première manifestation au Kay’s Café. En effet, le propriétaire, Morley McKay, est si bouleversé par les fréquentes manifestations assises que Bromley Armstrong craint qu’il sera attaqué par celui-ci, car il manie avec rage un couperet à viande et semble avoir de la difficulté à maîtriser sa colère notoire.
L’affaire Dresden bénéficie d’une couverture importante dans les journaux torontois et propulse enfin le mouvement naissant des droits de la personne vers le succès. Renforcée par des délégations à la législature, l’affaire convainc le premier ministre de l’Ontario Leslie Frost d’affirmer en public l’engagement de la province envers les lois antidiscriminatoires. L’affaire contribue aussi à établir, en 1961, la Commission ontarienne des droits de la personne, le premier organisme de la sorte au Canada et l’une des premières commissions des droits de la personne au monde.
Manifestations de locataires à Toronto
Vers la fin des années 1950 et le début des années 1960, Bromley Armstrong et Ruth Lor Malloy deviennent pionniers des premières manifestations de locataires au Canada en répondant en personne en tant que couple à des annonces de logements à louer. Lorsqu’on leur annonce que les chambres ont déjà été louées, un couple blanc (l’autre partie de l’équipe « d’essai ») arrive et se fait offrir les mêmes chambres, redevenues tout à coup disponibles. Bromley Armstrong et Ruth Lor Malloy, et les autres membres de leur équipe, fondent plusieurs cas semblables, basés sur leurs visites dans des restaurants et des clubs « privés » à Toronto. Leurs efforts aident à porter plusieurs établissements à l’attention du système judiciaire.
Fin de vie
Bromley Armstrong et sa femme photographe, Marlene, résident à Pickering, en Ontario, et ont une fille, Lana Mae. Même retraité, Bromley Armstrong continue à organiser des conférences pour les jeunes. En plus, il joue un rôle de médiateur dans des situations de conflit et offre des consignes et des conseils aux individus et aux organismes.
Il s’éteint le 17 août 2018 à Toronto.
Importance
Depuis ses débuts comme syndicaliste et dirigeant actif du United Automobile Workers (UAW), section locale 439, jusqu’à son rôle plus récent dans la restructuration de la Ligue nationale des Noirs du Canada, Bromley Armstrong a toujours été un militant des droits des travailleurs et de la personne au franc-parler, travaillant avec diligence pour le changement social progressif.
Prix et distinctions
Bromley Armstrong reçoit de nombreux prix et distinctions reconnaissant ses réalisations en justice sociale tout au long de sa vie, y compris l’Ordre de distinction en Jamaïque, l’Ordre de l’Ontario et le titre de Membre de l’Ordre du Canada (1994). En 1988, le magazine Toronto Life le présente comme l’un des 50 contributeurs les plus brillants. En 1998, il est reconnu par le prix Harmony comme « un homme qui a éduqué les individus, les organismes et les communautés par son dévouement généreux et inébranlable envers les droits de la personne, les relations interraciales et les relations de travail au Canada, pendant presque 50 ans. »
Le 11 juin 2013, Bromley Armstrong reçoit un doctorat honorifique en droit de l’Université York pour le dévouement, la passion et l’engagement de toute une vie qu’il manifeste dans la lutte contre le racisme. Dans son mot de remerciement, il dit : « Je vois devant moi un rassemblement de personnes engagées et dynamiques, toutes prêtes à l’action. Je suis heureux d’être parmi vous, non seulement pour souhaiter la bienvenue à cette nouvelle génération de penseurs dans le monde, mais aussi pour accueillir ce que je crois être une communauté de militants. Si vous acceptez ce rôle et devenez un agent de changement, voilà ce à quoi vous devrez faire face. Mais les récompenses seront inestimables. »