Bruit
Le bruit désigne des sons indésirables ou désagréables, particulièrement ceux qui sont inattendus ou irréguliers. La conviction que le bruit nuit au bien-être des êtres sensibles remonte aux origines de l'histoire. Selon la version babylonienne du déluge telle que recueillie sous Hammourabi (environ 2000 ans av. J.-C.), le phénomène aurait été la manifestation de la colère qu'aurait provoquée chez les Dieux le bruit produit par les hommes. Le prêtre égyptien Ipu-ner déplore : « Le bruit se répand dans le pays, laissant derrière lui une traînée de tristesse ». Dans ses directives d'éthique aux médecins, Hippocrate (400 av. J.-C.) déclare : « Il faut garder le malade du bruit ». Il est possible de dégager quelles étaient les sources de bruit à cette époque en parcourant l'histoire de Sybaris, une colonie grecque installée dans le Sud de l'Italie (environ 600 ans av. J.-C.), où les métiers bruyants comme ceux de forgeron ou de tailleur de pierres étaient interdits dans l'enceinte de la cité. Il appert que les bruits de choc constituaient la principale nuisance pour les Sybarites.
Ce n'était pas le cas dans la Rome impériale, où la circulation routière constituait la principale source de bruit. Dans cette cité fortifiée d'un million d'habitants, l'engorgement des routes était tel que le transport de marchandises dans les rues n'était autorisé que la nuit. Le mouvement continuel des roues à jante métallique sur la chaussée pavée de pierres produisait un vacarme dont se plaignait Marcus Martial (80 ap. J.-C.) : « La nuit, tout Rome passe juste à côté de mon lit ».
En Angleterre, sous Henri VIII, le moyen de maintenir « la paix, l'ordre, le repos et la tranquillité des citoyens » consiste encore essentiellement à interdire certaines activités bruyantes au moins la nuit (de 21 h à 4 h). Pour les charrettes sillonnant quotidiennement les rues de Londres, les jantes métalliques sont interdites sous peine d'une amende de six shillings.
Avant le XXe siècle, l'un des facteurs qui rend difficile la lutte contre le bruit est l'absence d'appareils de mesure. En effet, l'oreille n'est pas un instrument de mesure fiable, d'autant moins qu'elle est capable de s'habituer aux bruits de fond réguliers ou fréquents. Les amplificateurs électroniques résolvent le problème en permettant la fabrication de sonomètres pratiques et raisonnablement standardisés grâce auxquels on peut établir des corrélations entre l'exposition à des niveaux sonores et des effets quantifiables chez l'être humain. On connaît depuis longtemps la « surdité des chaudronniers », une PERTE D'AUDITION résultant de l'exposition prolongée au bruit intense, mais ce n'est qu'au milieu du XXe siècle qu'on démontre une relation générale entre l'exposition au bruit et la perte de l'audition. Les réactions subjectives (l'irritation, par exemple) cèdent le pas à des méthodes de mesure toujours améliorées. Ainsi, les sonomètres sont calibrés en décibels (dB) et sont munis de réseaux pondérateurs qui exercent une discrimination contre certaines fréquences. Par exemple, les réseaux de pondération A, les plus utilisés pour mesurer les effets chez l'être humain, accordent moins d'importance aux basses fréquences parce qu'elles produisent moins d'inconfort et moins de perte auditive, entre autres.
On distingue trois écarts de niveaux sonores selon leurs effets sur les individus. Zéro décibel correspond au seuil approximatif d'audibilité. Entre 0 et 40 dB, on considère généralement que les sons sont doux, et ils ne dérangent que s'ils comportent des éléments de forte tonalité. Ceux qui se situent entre 40 et 80 dB peuvent incommoder, selon leur nature et les conditions dans lesquelles ils se produisent. Par exemple, le niveau sonore moyen d'une conversation à une distance de 30 cm correspond à environ 60 dB. Pourtant, un orchestre peut jouer pendant de longues périodes à 80 dB et bien au-dessus pour de courtes périodes, mais nous payons pour aller l'écouter. Les bruits néfastes se produisent généralement à l'extérieur, en milieu urbain ou suburbain, et font l'objet de règlements. Parmi les sources les plus importantes, citons la circulation automobile, omniprésente, le trafic des camions et des transports en commun (routier et ferroviaire), davantage réglementé, et le trafic aérien, généralement plus localisé, mais dont les effets néfastes peuvent se faire sentir loin de toute civilisation. Une bonne part des bruits incommodants peuvent provenir des climatiseurs, des tondeuses à gazon, des souffleuses à neige, etc. Ces bruits sont irritants en ce sens qu'ils peuvent surprendre ou distraire, qu'ils nuisent à l'audibilité d'une conversation ou perturbent le repos et le sommeil. Les limites fixées par les règlements pour les niveaux sonores du bruit ambiant peuvent varier de 40 dB pendant la nuit, dans les zones de banlieues strictement résidentielles, jusqu'à 75 dB le jour, dans les zones industrielles.
La distance peut s'avérer une mesure très efficace pour contrer les effets du bruit ambiant : dans une atmosphère uniforme, l'intensité d'un bruit provenant d'une source donnée diminue de six décibels chaque fois que double la distance séparant l'auditeur de cette source. Par exemple, la plupart des automobiles produisent, à 60 km/h, un niveau sonore de 65 dB à une distance de 15 mètres, de 59 dB à 30 mètres et de 53 dB à 60 mètres. Malheureusement, il arrive souvent qu'on ne puisse pas agir sur la distance. Celle-ci constitue malgré tout le principal moyen de réduire le bruit du trafic aérien dans les zones résidentielles. Par ailleurs, les bâtiments, les massifs rocheux et les forêts agissent comme des barrières sonores, efficaces surtout sur de courtes distances. L'architecture intérieure peut influer sur le niveau sonore en milieu fermé : une absorption maximale par les murs, un double fenestrage avec ventilation forcée et des matériaux phono-absorbants aident à réduire le bruit. Des niveaux de 80 à 120 dB sont inusités dans notre environnement, mais fréquents dans certaines industries et à proximité des aéroports.
Le bruit peut causer des dommages physiologiques, particulièrement à l'oreille interne. La durée de l'exposition est fondamentale à cet égard. Le gouvernement canadien (comme la plupart des gouvernements occidentaux) établit à 90 dB le niveau sonore maximum auquel peuvent être constamment exposés sans protection des ouvriers durant une journée. Beaucoup de pays fixent cette limite à 85 dB. À des niveaux sonores plus élevés, la durée de l'exposition permise diminue. Généralement, on interdit l'exposition sans protection à des niveaux supérieurs à 115 dB. Les bruits de plus de 120 dB sont rares, excepté à proximité de sources puissantes comme les moteurs des avions à réaction ou des fusées. On peut sentir les vibrations sonores à 120 dB; à 130 dB, elles produisent des douleurs à l'oreille. À 160 dB ou plus, les matériaux phono-absorbants combustibles peuvent prendre feu sous l'action de la chaleur produite par la transformation de l'énergie sonore.
Pour masquer certains bruits de basse fréquence aux caractéristiques irritantes, on fait souvent appel à des bruits qui ont une distribution uniforme de l'énergie sonore sur l'échelle des fréquences audibles. Ces bruits qui camouflent les autres sont nommés « bruits blancs ». On y a recourt aussi pour atténuer les bruits de voix de basse intensité dans les milieux de travail afin d'éviter les distractions et d'assurer l'intimité. Les bruits blancs ne sont vraiment efficaces que lorsque les sons irritants à couvrir ne dépassent pas 40 dB. Les êtres humains ne sont pas les seuls à souffrir du bruit. Par exemple, des bruits de 40 à 80 dB peuvent compromettre le succès de la nidification chez des espèces d'oiseaux sauvages. Même des sons habituellement acceptables peuvent constituer des sources de stress débilitant. Ainsi, des oiseaux peuvent abandonner leur territoire de nidification si on leur fait entendre de nombreuses fois des enregistrements de chants territoriaux. Dans ce cas, ce n'est pas le bruit comme tel qui fait fuir la bête, mais bien l'interprétation qu'il en fait.
Comparativement à d'autres pays, le Canada possède peu de dispositions légales concernant la réduction du bruit, et la législation canadienne en matière de lutte contre le bruit vise essentiellement les particuliers. Les lois existantes réglementant les divers types de pollution par le bruit relèvent de différents paliers de gouvernement. Les municipalités réglementent, par exemple, les bruits provenant de la circulation automobile et de l'industrie. La ville d'Ottawa a été la première à adopter (en 1970) un règlement quantifiant le bruit. La pollution sonore causée par le trafic aérien est régie par la Division des services aériens du ministère fédéral des Transports. Trois aéroports canadiens disposent d'une politique de réduction du bruit au décollage et à l'atterrissage : l'Aéroport international de Montréal, l'Aéroport international Lester B. Pearson, de Toronto, et l'Aéroport international de Winnipeg. Rien n'est prévu pour les petits avions ou les hélicoptères. Les aéroports de Montréal et de Toronto limitent le trafic nocturne (de minuit à 7 h). Les commissions d'INDEMNISATION DES ACCIDENTS DU TRAVAIL sont habilitées à enquêter sur le bruit industriel.
Le CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES DU CANADA mène de nombreuses recherches visant à réduire le bruit à la source. Par exemple, il est possible de réduire le bruit des rouleaux coucheurs (dans les usines de papier) en mettant en place sur ces rouleaux des patrons de perforation en quinconce (au lieu d'uniformes), qui rendent l'opération d'assèchement du papier plus silencieuse. Les tentatives de blocage du son après son émission ont conduit à la mise au point de protecteurs auditifs à coussinets liquides, utilisés dans les aéroports partout dans le monde.
On accorde beaucoup d'attention à la réduction du bruit dans la collectivité au moyen de l'aménagement urbain, de la conception des routes ainsi que des mesures législatives, tout comme au mode de transmission du son dans les conditions complexes qui prévalent dans le monde actuel. Les effets de différents niveaux sonores sur les caractéristiques du sommeil font l'objet de recherches depuis une quinzaine d'années. L'Institute for Aerospace Studies de l'U. de Toronto participe à une étude sur les bruits AÉRODYNAMIQUES dans les couches limites et les avions à réaction. À l'U. McMaster, les recherches dans ce domaine portent principalement sur la réaction de la population au bruit du trafic.