Prédécesseurs du CN
Le Grand Tronc est lui‑même né de la fusion de plusieurs petites lignes de chemin de fer : le chemin de fer Champlain et Saint‑Laurent (1836), qui comptait 23,2 km de voies reliant Montréal et le port de New York par le réseau maritime du lac Champlain; le Grand Chemin de fer Occidental, qui reliait Niagara, Hamilton et Toronto à Windsor et Sarnia; et le chemin de fer Saint‑Laurent et Atlantique, qui permettait à Montréal d’avoir accès au port quatre-saisons de Portland dans l’État du Maine. Le Grand Tronc devient ainsi le plus long chemin de fer du centre du Canada, mais ses actionnaires anglais n’acceptent pas d’assumer la construction en sol canadien d’une ligne reliant Québec à Halifax, ni même d’étendre le réseau vers l’ouest sur les 1 600 km du bouclier laurentien. Ces défis ne sont relevés qu’après la Confédération par le Chemin de fer Intercolonial, propriété gouvernementale, pour la section Québec‑Halifax, et par le Canadien Pacifique (CP), largement subventionné.
Même si au cours des années 1890 le CP traverse le Canada d’un océan à l’autre, l’immigration et la production agricole croissantes dans l’Ouest mènent au développement de nouveaux projets de chemin de fer transcontinentaux, dont plusieurs sont soutenus financièrement par le gouvernement fédéral. Le Canadien du Nord, fondé par William Mackenzie et Donald Mann, naît de la fusion de deux petites lignes au Manitoba en 1899, et deviendra un réseau de chemin de fer transcontinental de plus de 16 000 km. En 1903, sir Wilfrid Laurier autorise le Grand Tronc Pacifique à construire une ligne vers l’ouest, de Winnipeg à Prince Rupert. Il autorise aussi le National Transcontinental à faire de même vers l’est, de Winnipeg à Moncton.
La construction de toutes ces lignes est financée par d’importants emprunts, surtout à des banques britanniques. Toutefois, lorsque la Première Guerre mondiale éclate, le crédit des banques n’est plus disponible. Une commission royale fondée par le gouvernement recommande, en 1917, la nationalisation de tous les chemins de fer, à l’exception du CP, afin d’absorber la dette des compagnies ferroviaires.
Nationalisation
En 1919, l’Intercolonial, le Canadien Nord, le National Transcontinental et le Grand Tronc Pacifique font partie d’une compagnie ferroviaire gouvernementale que l’on appelle les Chemins de fer nationaux du Canada (le CN). En janvier 1923, le Grand Tronc s’ajoute au réseau. À la même époque, sir Henry Thornton est nommé président du CN. Malgré une dette de 1,3 milliard de dollars, des recettes brutes qui couvrent à peine les dépenses d’exploitation et un gouvernement qui a une tendance à l’ingérence, Henry Thornton réalise peu à peu des profits annuels et s’assure un appui remarquable de la part des 99 000 employés du CN. Il favorise le service aux localités en appuyant la construction de lignes secondaires et en créant des wagons‑écoles et des unités de la Croix‑Rouge pour desservir les enfants et les malades des régions éloignées des centres urbains.
Entre 1923 et 1932, il permet l’utilisation des installations du CN pour développer un réseau de stations de radio, ce qui inaugure la diffusion d’émissions comme la Soirée du hockey et mène à la création de la Société Radio‑Canada (voir Radiodiffusion et télédiffusion). Toutefois, le favoritisme politique provoque la démission de Henry Thornton en 1932.
La Grande Crise
La crise économique des années 1930 réduit le trafic ferroviaire et entraîne des réductions de salaires et des licenciements (voir Crise des années 1930). Au même moment, le transport aérien et routier empiète sur le transport ferroviaire. Cependant, en 1937, alors que Clarence Decatur Howe est ministre des Transports, le CN met sur pied les Lignes aériennes Trans‑Canada (auj. Air Canada) et, en 1938, le gouvernement fédéral réduit de plus d’un milliard de dollars la dette du CN. Cela permet au CN d’acheter une grande quantité de locomotives à vapeur de fabrication canadienne, surtout de type Northern 4‑8‑4, dont il assure la finition et l’entretien dans ses immenses ateliers de Pointe‑Saint‑Charles, à Montréal. Ces locomotives transporteront des millions de tonnes de marchandises et des milliers de soldats durant la Deuxième Guerre mondiale.
Modernisation et diversification
Au cours des années 1950 et 1960, l’organisation du CN, sous la présidence dynamique de Donald Gordon, se modernise, et un processus de rationalisation et de réorganisation réduit le nombre de ses filiales de 80 à 30. C’est aussi sous l’administration Gordon qu’on remplace les locomotives à vapeur par des locomotives diesel, qu’on adopte la signalisation électronique et que le siège social est relocalisé à Montréal.
À la fin des années 1970, la fusion des systèmes de télécommunications du CN et du CP est chose faite, donnant naissance aux Télécommunications CNCP, et la construction de la Tour CN à Toronto est terminée. Les Immeubles CN réaménagent ses propriétés dans plusieurs centres‑villes, dont le complexe du Palais des congrès de Toronto.
En 1981, la filiale CN Exploration est créée pour développer les droits miniers de l’entreprise dans l’Ouest canadien. Dans le domaine du transport routier, le CN fusionne toutes ses filiales de camionnage en une seule, CNX/CN Camionnage, dont les remorques sont transportées sur de longues distances par des wagons ferroutiers.
Retour aux rails
Vers la fin des années 1970, le CN commence à se départir des entreprises non ferroviaires, parmi lesquelles l’immobilier, l’hôtellerie et Télécommunications CNCP. C’est vers cette époque qu’Air Canada et VIA Rail, les filiales de la compagnie consacrées aux trains de voyageurs, s’en séparent pour devenir des sociétés de la Couronne (peu de temps après son incorporation, VIA Rail s’empare également du service voyageurs du Canadien Pacifique). En 1989, les services ferroviaires du CN s’occupent surtout du transport de marchandises.
Le CN abandonne en outre des milliers de kilomètres de lignes secondaires, peu rentables, ainsi que des réseaux entiers de chemin de fer à Terre‑Neuve et sur l’Île‑du‑Prince‑Édouard.
Privatisation
Au milieu des années 1980, privatiser le CN semble de plus en plus envisageable. Politiquement, son statut de société d’État, donc liée au gouvernement fédéral, fait souvent en sorte que la nomination de ses cadres supérieurs est influencée au moins autant par des critères de favoritisme politique que par un souci de non‑intervention.
Au Canada, comme en Grande‑Bretagne sous la première ministre Margaret Thatcher, la récession des années 1980 mène à la privatisation de plusieurs compagnies nationales. Dans les années 1980 et 1990, plus de deux douzaines de sociétés de la Couronne sont vendues à des investisseurs privés, parmi lesquelles Air Canada (1988) et Petro‑Canada (1991). En novembre 1995, le CN est privatisé lui aussi, et plusieurs des parts sont achetées par des investisseurs américains. Selon la Loi sur la commercialisation du CN de 1995, le siège social de la compagnie doit demeurer à Montréal, afin de s’assurer que le CN demeure une société canadienne.
Après sa privatisation, le CN se départit d’une bonne partie de ses voies ferrées et de son personnel, et augmente sa rentabilité. En février 1998, il acquiert la société ferroviaire américaine Illinois Central Corporation pour 2,4 milliards de dollars US. Cette acquisition permet d’ailleurs au réseau du CN de s’étendre jusqu’à une troisième côte : la côte du Golfe du Mexique. Le CN fera plus tard l’achat de Wisconsin Central (2001), des avoirs ferroviaires et maritimes du Great Lakes Transportation (2004), des parts du BC Rail (2004), ainsi que le Elgin, Joliet & Eastern Railway (2009).
Le plus vaste réseau de chemins de fer au Canada, le CN est aussi le seul réseau transcontinental en Amérique du Nord. Il assure le transport d’environ 250 milliards de dollars en marchandises annuellement. En 2016, il génère des profits de plus de 12 milliards de dollars et compte plus de 22 000 employés au Canada et aux États‑Unis.