Charlebois, Robert
Robert Charlebois. Chanteur, comédien, auteur-compositeur, guitariste, pianiste (Montréal, 25 juin 1944). Après avoir étudié le piano pendant six ans et l'art dramatique à l'École nationale de théâtre du Canada à Montréal (1962-1965), il fait d'abord ses débuts dans la musique et le théâtre. En 1965, l'émission « Jeunesse oblige », à la télévision de la SRC, le proclame « découverte de l'année » dans la catégorie chansonnier. La même année, il enregistre son premier microsillon chez Select (SSP-24-131), dont la chanson La Boulée obtient un prix spécial au Festival du disque. Mettant à profit son double talent en musique et en théâtre, il participe en 1966 à Ne ratez pas l'espion, comédie musicale de Louis-Georges Carrier et, avec le comédien Jean-Guy Moreau et la chanteuse Mouffe (Claudine Monfette), écrit et présente la revue Terre des Bums en 1967. Un microsillon de cette revue (dont le titre est un jeu de mots sur Terre des hommes, le thème d'Expo 67), paraît chez Phonodisc (PHL-5006). En 1968, il se produit dans la revue Peuple à genoux en compagnie de Mouffe, Louise Forestier, Yvon Deschamps et du Quatuor de jazz libre du Québec. L'Osstidcho (1968, à la Comédie-Canadienne), qui suit avec les mêmes artistes, représente le spectacle le plus important de cette décennie grâce à son innovation et sa créativité débridée. Puis, c'est L'Osstidcho meurt (1969, au Palais Montcalm). En 1968, Charlebois représente le Québec au cinquième Festival international de la Chanson française à Spa, en Belgique, et remporte le grand prix avec Lindberg [sic], écrit en collaboration avec Claude Péloquin. Son enregistrement de Lindberg, une fougueuse et saisissante interprétation à laquelle participe Forestier, devient extrêmement populaire et lui vaut le Prix Félix-Leclerc au Festival du disque en 1969.
Charlebois continue à chanter avec Mouffe ou Forestier comme partenaire, en concert et sur disques. En avril 1969, une tournée en France entreprise avec Forestier et le Quatuor de Jazz libre est écourtée à la suite d'une représentation tumultueuse à l'Olympia de Paris. Néanmoins, l'image de Charlebois en « superfrog », personnage baroque arborant le chandail de l'équipe de hockey des Canadiens de Montréal et chantant en « joual » accompagné d'un groupe jazz-rock, devient vite une attraction dans la musique pop française; le simple amusement que procure la nouveauté fait progressivement place à une appréciation de l'originalité et de la vitalité de sa musique. Charlebois retourne en France en 1970 et se produit deux fois à l'Olympia en 1972, pendant trois semaines en 1973, puis en 1974.
Prestations au Canada anglais
C'est en 1969 que Charlebois remplit son premier engagement d'importance au Canada hors du Québec, au Toronto Pop Festival qui se tient au Varsity Stadium. En 1970, il est l'un des membres du Festival Express (avec Janis Joplin, Ten Years After, Mountain, The Band, etc.), qui parcourt le Canada en train pour donner des concerts à Ottawa, Toronto, Winnipeg et Calgary. Pendant les années qui suivent, Charlebois donne occasionnellement des concerts ailleurs au Canada - dont à la Place Ontario à Toronto en 1978. On peut également le voir dans des émissions télévisées hors série comme « Outer Places with Robert Charlebois » en 1974.
Ordinaire
Le deuxième grand succès de Charlebois, Ordinaire, écrit avec Mouffe et ayant pour sujet leur pianiste Pierre Nadeau (« le gros Pierre... un gars ben ordinaire »), est lancé en 1970. Cette même année, représentant la SRC au 10e Festival international de la chanson de Sopot, en Pologne, Charlebois en remporte le premier prix avec Ordinaire. Jusqu'en 1974, CPR Blues, Avril sur Mars, Le Mur du son, Conception, Fu Man Chu, California, Entre deux joints, Entre Dorval et Mirabel, Que-can blues et Cauchemar comptent également parmi ses plus grands succès.
Superfrancofête et congé sabbatique
Figure dominante de la musique pop au Québec à cette époque, Charlebois influence de façon radicale le développement musical des chansonniers tout au long des années 1970. Il se produit fréquemment dans les principales salles de la province : au Forum (1969, 1970), à la PDA (en récital et lors de concerts pop avec l'OSM en 1970, 1971, 1972 et 1974), à la Bastille à Québec (1973), et ailleurs dans des cégeps et lors de festivals. En 1974, il annonce sa décision de prendre un congé sabbatique de deux ans après sa participation à la « Superfrancofête » du 13 août sur les Plaines d'Abraham, à Québec, aux côtés de Leclerc et de Gilles Vigneault - rencontre historique (télédiffusée par la SRC et plus tard retransmise en France) de trois hommes qui ont fondé la chanson moderne au Québec -, et se sont produits à l'Olympia de Paris.
Pendant son congé, Charlebois figure dans le film français Sombres vacances, dont il écrit la musique (1975), et le western italien Un génie, deux associés, une cloche, de Sergio Leone (1976). Il compose aussi la musique des films québécois Jusqu'au coeur (dans lequel il tient aussi un rôle, 1969), À soir, on fait peur au monde (1969), Deux femmes en or (1970) et Bulldozer (1971).
1976 à 1989
Il revient à la scène en 1976 à l'occasion des fêtes de la Saint-Jean-Baptiste sur le mont Royal à Montréal, et se fait entendre ensuite au Village olympique de Montréal aux côtés de Gordon Lightfoot, puis en tournée ailleurs au Québec et en France, où il donne 10 concerts au Palais des congrès à Paris. Mon ami Fidel et Je reviendrai à Montréal comptent parmi les succès de cette époque. Il remporte un prix de l'Académie Charles Cros pour le disque 1 fois 5 (voir DISCOGRAPHIE de Chansonniers). En 1978, son microsillon Swing Charlebois Swing donne plutôt dans la chanson de charme. Malgré une popularité en baisse au Québec, qui a la nostalgie du rocker à ses 25 ans, sa réputation continue à croître en France. En 1979, il se produit pendant trois semaines au Palais des congrès avec Nanette Workman comme partenaire, puis entreprend une tournée dans tout le pays. On peut dire de Charlebois qu'il est, après Félix Leclerc mais à une plus grande échelle encore, la première grande vedette québécoise de toute la francophonie et qu'il a ainsi ouvert la porte aux Luc Plamondon, Diane Dufresne, Fabienne Thibeault, Diane Tell, Daniel Lavoie, Roch Voisine, etc.
Dans les années 1980, Charlebois fait régulièrement des tournées en France et au Québec et connaît plusieurs succès, comme Moi Tarzan, toi Jane, Les talons hauts, C'est pas physique, c'est électrique, Graziella et, surtout, sur des paroles de Luc PlamondonJ't'aime comme un fou, qui remporte en 1983 le trophée Félix de Chanson de l'année - Musique et chansons. La même année, il remporte le Félix du Microsillon de l'année/auteur et/ou compositeur de l'année et, l'année suivante, celui du Spectacle de l'année - Musique et chansons. Il compose la musique du film Honeymoon sur des paroles de Boris Bergman. Absent de la scène québécoise pendant cinq ans, Charlebois renoue avec le public québécois en 1989, se produisant avec Louise Forestier lors de la clôture du Festival d'été de Québec, et aux fêtes de la Saint-Jean-Baptiste à Montréal.
Depuis 1990
En 1990, Robert Charlebois fonde la microbrasserie Unibroue et en demeure le copropriétaire jusqu'en 2004. En 1993, il est lauréat des Victoires de la Musique pour le meilleur album de Musiques du Monde, et en 1994, du prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle. En 1993, il enregistre l'opéra-rock Cartier qui est diffusé en direct sur les ondes des stations de radio francophones au Canada, en France, en Belgique et en Suisse. Vers la fin des années 1990, il adopte un style musical différent, plus international : du rock, du métal, des ballades, de la musique latine et du rap. En 2001, il collabore avec le producteur Claude Larivée à la création de l'album Doux Sauvage qui marque son retour. En 2008, il reçoit l'Ordre national du Québec et est introduit au Temple de la renommée de l'Association canadienne des radiodiffuseurs. Il a également reçu d'autres distinctions, notamment la Médaille d'or des Olympiades de la chanson (1973), le Prix de la Ville de Paris (1975), le Félix de l'ADISQ dans la catégorie « Hommage » (1993), la Médaille de Vermeil de l'Académie française (1996), et le prix William Harold Moon de la SOCAN (2003).
L'influence de Robert Charlebois
L'influence sur l'évolution du style de la chanson québécoise et francophone en général de celui qu'on a surnommé « Garou » ne saurait être surestimée. Les plus grandes vedettes françaises reconnaissent son rôle essentiel dans la chanson francophone. Julien Clerc, en particulier, interprète la chanson Ordinaire pendant plusieurs années. Ses premières oeuvres témoignent d'une connaissance des musiques pop de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Sa musique puise aux sources les plus diverses : jazz, musique sud-américaine, etc. Il est peut-être le premier des chansonniers à se servir d'une guitare électrique (et plus tard de tout un orchestre) pour s'accompagner; il donne à ses spectacles un panache incontestable ainsi qu'un sens du théâtre qu'il sait adapter à la musique pop. Après avoir écrit que l'on considère Robert Charlebois « comme un barème de qualité, d'orientation d'après qui on calcule les gestes posés ou rétractés », Benoît L'Herbier poursuit : « Il est devenu l'épicentre, le centre nerveux autour duquel tous les autres gravitent... On y retrace [dans sa musique] des influences françaises et anglo-saxonnes, fréquentes, qui ont mené à l'originalité qui l'habite maintenant. Mais n'oublions surtout pas la poésie, la sienne ou celle des autres qu'il a transmise et communiquée. Avec l'aide de Claude Péloquin, Marcel Sabourin, Mouffe et Réjean Ducharme particulièrement, Charlebois a bâti un univers poétique musical parallèle, complet, le sien... Si Michel Tremblay a révolutionné le théâtre québécois, lui a donné une vigueur nouvelle, Charlebois a sûrement aussi fortement marqué la chanson. Comme Tremblay, il appartient à cette nouvelle génération qui veut chanter, projeter le Québec tel quel, sans artifice, avec franchise, mais aussi avec couleur, poésie, humour et intelligence... Le joual a servi Charlebois pour habiller une musique déjà extraordinaire et accroître l'impact incalculable engendré par son apparition. » (La Chanson québécoise, Montréal 1974).
La musique des microsillons de Charlebois a été arrangée et/ou dirigée par Jean-Marie Benoît, Paul de Margerie, Pierre Nadeau, Art Philips, Vic Vogel et d'autres. Sa musique a été publiée par les Éditions Gamma et les Éditions Conception.
Le 28 mars 2010, Robert Charlebois a été intronisé au Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens. Parmi les chansons déclarées "indémodables", notons celles-ci de Robert Charlebois : « Fu ma chu », « Ordinaire », « Les ailes d'un ange », « Demain l'hiver » et « Lindberg ».
Discographie
(par étiquette)
Select (1965-1966) : Robert Charlebois, vol. 1, SSP-24-131; Robert Charlebois, vol. 2, SSP-24-147.
Gamma (1968-1972) : Robert Charlebois, GS-115; Robert Charlebois avec Louise Forestier, GS-120; Québec Love, GS-136; Un gars ben ordinaire, GS-144; Robert Charlebois, GS-146; Les Grands succès de Robert Charlebois, G-2-1003; L'Histoire de Robert Charlebois, G-3-601; Robert Charlebois (collection Québec Love). GCD-501.
Barclay (1972-1975) : Charlebois, 80123; Solidaritude, 80173; Charlebois, 80200; Les Grands succès Barclay : Robert Charlebois, vol. 21, 2-75021.
RCA (1979) : Émilie Jolie, PL-37338.
Solution/Kébec-Disc (1976-1991) : Longue distance, SN-905; Live de Paris, 2-SN-925-926; Swing Charlebois Swing, SN-939; Disque d'or, SNX-945; Disque d'or, SNX-926; Cauchemar, 2-Solet SNA-947-948; Solide, SNL-964; Heureux en amour, SN-531; Robert Charlebois, SN-801; Super position, SN-802; Charlebois vol. 1, SN-803; Dense, SN-804; Première période, 3-SNC-975-3 (CD).
Immensément, SN C 805. L'Opéra-rock Cartier. SNC-806. La Maudite tournée. SNC-2-809. Le Chanteur masqué. SNC-810.
La Tribu (2001-2006). Doux sauvage. TRIB21613. Tout écartillé. UBX107-04. Au National - Édition limitée. TRICD-7262. Le meilleur du pire de Charlebois. Volume 1. TRICD-7278.
Voir aussi DISCOGRAPHIE de Chansonniers
Bibliographie
Jean-Pierre LEFEBVRE, « Charlebois... C'est pour ça... », Musiques du Kébèk, Raoul Duguay dir. (Montréal 1971).
Benoît L'HERBIER, Charlebois, qui es-tu? (Montréal 1971).
Lucien RIOUX, Robert Charlebois (Paris 1972).
Claude GAGNON, Robert Charlebois déchiffré (Montréal 1974).
Juan RODRIGUEZ, « Charlebois at a turning point », Montreal Star (26 janv. 1974).
Nathalie PETROWSKI, « Charlebois contre son image », Le Devoir (Montréal, 1er avril 1978).
Georges-Hébert GERMAIN, « Un golfeur bien ordinaire », L'Actualité (avril 1978).
Pierre BEAULIEU, « C'est devenu à la mode d'être anti-Charlebois », La Presse (Montréal, 23 juin 1978).
Matt RADZ, « Charlebois' battery is charged to go », Montreal Star (23 juin 1979).
« Robert Charlebois fait le point d'une carrière qui s'approfondit » (interview accordée à Marc DESJARDINS), CompCan, 170 (avril 1982).
Jean BEAUNOYER, Super Charlebois de retour au Québec, La Presse (Montréal, 16 avril 1983).
Denis LAVOIE, « Comme si Charlebois était redevenu Charlebois », ibid. (19 nov. 1988).
« Charlebois : l'inconditionnel de variétés » (interview accordée à Laurent LEGAULT), Chansons d'aujourd'hui, XII (févr. 1989).
« Robert Charlebois: singer », Contemporary Canadian Musicians (Toronto 1998).