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Morris « Two-Gun » Cohen

Morris (Moishe) Abraham Cohen, alias « Two-Gun » (Deux revolvers), garde du corps, aide de camp, marchand d’armes (né le 3 août 1887 à Radzanow, en Pologne, décédé le 11 septembre 1970 à Salford, en Angleterre). Morris Cohen, délinquant dans sa jeunesse, devient plus tard un marchand d’armes international. Il s’insinue dans le mouvement révolutionnaire du Dr Sun Yat-sen, père de la Chine moderne. Avant la publication de biographies plus exactes à son sujet, les légendes sur Morris Cohen décrivent un personnage aux exploits grandioses, lesquels s’appuient sur ses propres récits souvent exagérés.

Jeunesse

Morris Cohen voit le jour à Radzanow, en Pologne. Il porte alors le nom d’Abraham Mialczyn. Son père, Josef Leib Miaczyn, est un charron employé dans l’industrie du textile après avoir déménagé avec sa famille à Londres, en Angleterre, en 1889. Sa mère se nomme Sheindel Lipshitz. Josef change son nom de famille pour Cohen, un nom plus facile à prononcer, tandis qu’Abraham se fait appeler Morris. Dans sa jeunesse, les voisins de Morris Cohen dans l’est de Londres l’affublent également du sobriquet « Fat Moishe ».

Jeune homme indiscipliné, Morris Cohen est arrêté pour vol à la tire à l’âge de 12 ans. Au bout de cinq années passées dans une école de métiers, ses parents l’envoient travailler sur une ferme à Whitewood, en Saskatchewan, en 1905 (voir Petits immigrés britanniques). L’année suivante, Morris Cohen, ayant d’autres visées, quitte la ferme. Il travaille dans une briqueterie et comme crieur de cirque. Ayant de fréquents démêlés avec la justice, il sert deux peines d’emprisonnement, l’une pour avoir eu des « relations sexuelles avec une fille de moins de 16 ans » (1909) et l’autre pour vol à la tire (1910).

Sun Yat-sen et le Tongmenghui

Morris Cohen déménage à Saskatoon en 1909. C’est là qu’il fait la connaissance de Mah Sam, propriétaire d’un restaurant dont la partie arrière sert de maison de jeu clandestine. À ce moment-là, Morris Cohen, joueur incorrigible, est membre de rang inférieur d’un gang criminel. Il gagne la confiance et l’amitié de Mah Sam lorsqu’il surprend un homme sur le point de voler de l’argent dans son établissement. Mah Sam intègre alors Morris Cohen à son cercle intime, lui faisant connaître l’idéologie républicaine du Dr Sun Yat-sen, un leader révolutionnaire chinois cherchant à renverser la dynastie Qing et à unifier la Chine, trop longtemps déchirée par des guerres intestines et les abus de pouvoir du gouvernement impérial.

Après le renversement de la dynastie Qing en 1911 et l’établissement d’une république en Chine, Morris Cohen devient membre du Tongmenghui (ligue unie ou TMH), un regroupement voué au financement de la campagne de Sun. Certains récits sur la vie de Morris Cohen laissent entendre que celui-ci aurait rencontré Sun Yat-sen en 1911; pourtant, Morris Cohen est incarcéré pour vol à la tire à cette époque. Il n’en demeure pas moins que l’homme compte alors parmi les rares membres de race blanche de l’organisation.

La même année, Morris Cohen déménage à Edmonton, où il devient un prospère agent immobilier. Entre-temps, il continue de s’enrichir aux tables de jeu illégal. Morris Cohen agit également à titre de secrétaire de presse officieux de langue anglaise pour TMH, restructuré sous la bannière du Guomingdang (GMD). Il défend les intérêts chinois aux niveaux municipal et provincial, et est nommé commissaire à l’assermentation le 23 avril 1913. Dans le cadre de ses fonctions, il aide les immigrants chinois à devenir des citoyens naturalisés (voir Taxe d’entrée imposée aux immigrants chinois au Canada). Morris Cohen contribue ainsi à la formation de membres de la communauté chinoise d’Edmonton qui serviront en Chine dans le gouvernement de Sun Yat-sen. En outre, il fait l’acquisition de deux cents fusils pour Sun Yat-sen, qu’il expédie en Chine dans une cargaison de « machines à coudre ».

En 1916, Morris Cohen s’enrôle pour servir lors de la Première Guerre mondiale, gravissant rapidement les échelons de caporal suppléant à sergent intérimaire. L’année suivante, ayant traversé l’Atlantique avec les Troupes ferroviaires canadiennes, il sert comme sapeur dans la bataille de Passchendaele. En raison de sa connaissance du cantonais (sous forme de pidgin) et de son expérience acquise auprès d’immigrants chinois, Morris Cohen est responsable des ouvriers chinois employés par l’armée pour construire et entretenir les lignes d’approvisionnement ferroviaire situées près de Ypres, en Belgique.

Vie en Chine

En 1922, Morris Cohen se rend en Chine après que Sun Yat-sen lui eût demandé de trouver une entreprise canadienne capable d’y construire un chemin de fer. Morris Cohen prend alors contact avec le commandant de son bataillon ferroviaire pendant la guerre, John W. Stuart, dirigeant de Northern Construction et de J.W. Stuart Ltd., une entreprise ferroviaire de Colombie-Britannique. L’entreprise accepte le contrat.

Morris Cohen rencontre Sun Yat-sen et ne tarde pas à intégrer le mouvement révolutionnaire, assurant la formation des soldats et servant de garde du corps à Sun Yat-sen et à son épouse, Soong Qingling. C’est à cette époque qu’il décide, après avoir esquivé une balle lors d’une fusillade, de toujours garder sur sa personne plus d’un revolver, ce qui lui vaut le surnom de « Two Gun ».

Après la mort de Sun en 1925, Morris Cohen reste attaché à la politique chinoise. Il demeure en Chine pendant les 20 années suivantes, notamment à Canton où il s’occupe de transactions bancaires et de commerce d’armes avec les pays occidentaux. Incarcéré par les Japonais à Hong Kong en 1941, il est ensuite rapatrié au Canada en 1943 par le biais d’un échange de prisonniers (voir Bataille de Hong Kong).

Fin de vie et héritage

Morris Cohen s’installe pendant un certain temps à Montréal, où il épouse Judith Clark, propriétaire prospère d’une boutique de vêtements. Après la victoire des communistes en Chine en 1949, il maintient ses liens étroits avec le gouvernement chinois.

Homme très charmant, il correspond presque, dans la vie réelle, au personnage légendaire qu’on a fait de lui. Bon nombre de ces légendes émanent de son autobiographie, The Life and Times of General Two-Gun Cohen (1954), un mélange de faits véritables et de récits extravagants et exagérés que l’homme dicte à l’auteur britannique Charles Drage.

Après son divorce en 1956, Morris Cohen se réinstalle à Salford, en Angleterre, pour y vivre avec sa sœur. Là-bas, il établit des liens commerciaux avec la Chine, concluant des ententes entre l’État communiste et des entreprises comme Vickers (avions), Rolls Royce (moteurs) et Decca Radar.

Morris Cohen s’éteint le 11 septembre 1970 à Salford. C’est Soong Qingling qui assume le coût de sa pierre tombale, sur laquelle elle fait inscrire : « Ici gît Ma Kun, dont la pierre tombale porte l’inscription de Soong Qingling, vice-présidente de la République populaire de Chine, Beijing. »