À ces quelques titres d'oeuvres perdues ou oubliées, on peut ajouter le Concerto no 2 pour piano de Colin McPhee (1924, la partition est perdue), tentative isolée dont la création à Toronto fit presque scandale en raison de sa modernité. La Ballade (1938) pour alto et orchestre à cordes de Godfrey Ridout, alors âgé de 20 ans, et le Concerto (1939, titre antérieur : Capriccio) pour timbales - un choix inattendu - et orchestre de Violet Archer, âgée de 26 ans, présagèrent un soudain regain d'intérêt pour la composition de concertos. La ferveur créatrice de l'après-guerre a manifestement soutenu cet intérêt et la croissance de la radio et de l'enregistrement, de même que la multiplication des débouchés pour les interprètes, à cette même époque, constituèrent autant de défis auxquels, pour plusieurs compositeurs, le concerto servit de réponse attrayante et exubérante.
Les années 1940 et 1950 connurent un nombre spécialement élevé de nouvelles oeuvres. Une chronologie détaillée montre, par exemple, l'exécution de 13 nouveaux concertos pour piano entre celui de Willan (1944) et le second de Pépin (1949). Dans les années 1950, alors que se poursuivait la production d'oeuvres pour piano, l'intérêt se tourna également vers le violon, ce qui aboutit à la création de neuf concertos pour cet instrument, dans l'intervalle séparant celui d'Alexander Brott (1950) et celui de Murray Adaskin (1956).
Le principe du concerto - opposition entre un ou plusieurs solistes et un ensemble - paraît avoir exercé une attraction particulière sur plusieurs éminents compositeurs nés entre 1910 et 1920. On remarque d'importantes contributions à ce genre par Adaskin (trois), Archer (quatre), Coulthard (quatre), Morawetz (quatre) et Pentland (trois). Chez Papineau-Couture et Weinzweig, l'attraction fut encore plus forte et suscita une série d'oeuvres d'importance fondamentale dans leur production, le premier ayant signé cinq Pièces concertantes pour divers instruments ainsi que trois concertos, et le second, des Divertimentos (11 en 1991, dont seul le no 9 ne juxtapose pas un instrument solo et un ensemble orchestral ou semi-orchestral) et trois concertos. Ces oeuvres seront discutées plus en détail dans le présent article.
Les concertos pour piano des années 1940 font revivre avec éclat le romantisme et la mise en valeur du soliste qu'on retrouve dans la littérature traditionnelle pour cet instrument. La pièce ayant connu le succès le plus rapide à l'époque fut le Concerto de Québec, une oeuvre de caractère emporté et accrocheur d'André Mathieu (publiée en 1948). Composée en 1944, alors que l'auteur était encore adolescent, il s'agit d'une version abrégée de sa troisième oeuvre dans le genre. Elle fut créée avec le compositeur comme soliste. On peut y comparer l' Alberta Concerto de Minuetta Kessler (1947), le Concerto no 1 de Somers (1947) et les deux concertos de Pépin (1946, 1949). Des compositeurs plus âgés, à la réputation mieux établie, adoptèrent également la forme traditionnelle en trois mouvements, avec une partie soliste grandiloquente, aux nombreux traits de virtuosité et passages en octaves, dans des tonalités mineures plutôt que majeures, comme c'est le cas pour le Concerto de Willan en do mineur et celui de Champagne, en ré mineur (1948). Le premier rappelle Franck par son côté mélodique et comporte une transition plutôt abrupte au mode majeur vers les dernières mesures du finale. Le second propose quelques accords plus audacieux et dissonants dans un contexte qui rappelle Rachmaninov. Dans cette abondance de pièces de bravoure pour piano, le Concertino que Maurice Blackburn écrivit (1948) pour un ensemble de 14 instruments à vent fait figure d'exception. On précise qu'il est « en do majeur », mais la tonalité y est librement traitée et ses motifs sont plus souvent diatoniques que dans les pièces surtout chromatiques de l'époque. La musique dégage une fraîcheur et un humour à la Poulenc, auxquels les instruments à vent assurent une clarté de bonne venue. Lui trouvant peut-être un caractère « d'époque », l'auteur en a interdit l'exécution. La partition et un vieil enregistrement subsistent néanmoins comme références.
Les concertos pour piano venus plus tard développent ce qu'on a convenu d'appeler la « grande tradition », en y aportant un peu plus d'idées et de ressources. Trois en particulier sont dignes de mention : celui d'Archer (1956), qui est, selon Kenneth Winters, « peut-être le meilleur concerto écrit par un compositeur canadien » (Compositeurs canadiens contemporains, p. 20); celui de Morawetz (1962) et celui d'Eckhardt-Gramatté (Symphonie-Concerto, 1966-67); les deux derniers étant mieux connus grâce aux enregistrements avec Anton Kuerti comme soliste. Le Concerto pour piano avec orchestre de chambre de Gerhard Wuensch (1971) fait revivre la pensée néoclassique avec une élégance particulière. Celui de Jacques Hétu (1969) a été fréquemment joué.
Comparés aux oeuvres antérieures pour piano, les concertos pour violon des années 1950 atteignent un niveau supérieur de conviction, d'originalité et de professionnalisme, bien qu'ils se détachent rarement de la structure traditionnelle. Le Concerto (ou Concertino) de Brott fait appel à un orchestre de chambre de dimension classique. Ses fréquents mouvements de gammes assortis de secondes augmentées suggèrent une influence de la musique pour cordes de compositeurs tels que Bloch, alors que ses rythmes « moteurs » s'apparentent à ceux de Stravinsky. Après l'avoir entendu à New York, le compositeur amér. Henry Cowell le qualifia ainsi : « habilement écrite, l'oeuvre d'un compositeur moderne conservateur et raffiné » (The Musical Quarterly, vol. L, janvier 1954). Le Concertante no 1 d'Otto Joachim (1955) suit un cours assez différent, quelque peu radical pour l'époque, par sa construction moins élaborée et son timbre de base inhabituel : un orchestre à cordes avec solo de percussion et de violon.
Dans cette période, le Concerto no 2 pour piano de Somers (1954-56) et le Concerto pour violon de Kasemets (1955) se signalent comme plus ambitieux. Ces deux oeuvres tentent de conférer aux formes classiques une plus grande profondeur d'expression au moyen de textures contrapuntiques plutôt que par la seule grandiloquence et la rhétorique. Toutes deux sont plus longues que ne le veut la coutume - 43 minutes pour celle de Somers et 35 pour celle de Kasemets. Comparées à d'autres oeuvres de ces deux compositeurs, l'une et l'autre sont moins réussies, mais elles gardent une valeur d'exemple.
Parmi les pièces concertantes ultérieures avec violon solo, il faut citer Paganini Collage de Lothar Klein (1967), un traitement original de thèmes des Caprices de Paganini, et Monade III de Pépin (1972), en trois mouvements ininterrompus mais qui ressemble au concerto traditionnel à peu d'égards. Le premier mouvement est un récitatif, attaqué d'abord par le soliste, et le troisième est un dialogue entre le soliste et des chants d'oiseaux préenregistrés. Entre les deux intervient un long mouvement d'une énergie motrice dont les pizzicatos à diverses hauteurs du registre des cordes constituent une caractéristique particulièrement bien développée. Les Pièces concertantes de Papineau-Couture illustrent l'importance particulière qu'il attacha à l'expérimentation structurale à la fin des années 1950 et au début des années 1960. Il est significatif qu'il ait choisi le style concertant pour arriver à cette fin. Chacune des cinq Pièces demande une instrumentation différente et chacune est axée sur une seule idée formelle : rétrogradation d'une vaste structure ininterrompue dans la première pour piano (« Repliement »), mise en éventail des motifs dans la deuxième pour violoncelle (« Éventails »), métamorphose constante dans la troisième pour cinq solistes (« Variations ») et procédés rythmiques cumulatifs rappelant Messiaen dans la quatrième pour hautbois (« Additions »). Ces quatre premières pièces ont toutes été composées en 1959. La cinquième, datant de 1963 et sous-titrée « Miroirs », exploite le renversement des motifs et applique le traitement concertant à l'ensemble de l'orchestre.
À l'opposé, les Divertimentos de Weinzweig sont le fruit d'un intérêt qui s'est manifesté de façon récurrente sur plus de 40 ans et qui a signifié plusieurs changements de style dans son oeuvre. Le no 1 (1946) pour flûte et cordes et le no 2 (1948) pour hautbois et cordes sont de petits concertos en trois mouvements : vif-lent-vif. Habiles, transparents, sans prétention, ils séduisent par le maniement du timbre (par exemple, le hautbois s'oppose aux seules cordes graves dans le premier mouvement, aux seules cordes aiguës dans le deuxième, et à tout l'orchestre à cordes dans le troisième). Leur mouvement rythmique capricieux, proche du jazz (dérivé peut-être de certaines partitions de ballet néoclassiques de Stravinsky) est encore plus apparent dans le no 3 (1960) pour basson et cordes, avec des références au swing dans les indications de tempo. Le no 5 (1961), pour trompette et trombone avec ensemble d'instruments à vent, suit la logique de ce style, en dépit d'un fond instrumental différent. Dans le no 4 (1968) pour clarinette et cordes, un concept plus radical des possibilités de timbre de l'instrument soliste résulte en l'abandon de la structure en trois mouvements en faveur d'un cheminement plus libre. La recherche d'une gamme étendue d'effets de timbre se poursuit dans le no 6 (1972) pour saxophone et cordes et le no 7 (1979) pour cor et cordes. Dans les deux oeuvres, les cadences se distinguent davantage par leur caractère expérimental que par la seule virtuosité et il s'y trouve des passages en notation libre - ce qui n'empêche pas le rappel, à l'occasion, des caractéristiques rythmiques propres à ce compositeur. L'économie de texture marque le no 8 (1980) pour tuba et orchestre et le no 10 (1988) pour piano et orchestre. Dans le premier, les conversations capricieuses entre le tuba et les percussions ou le piccolo culminent en un joyeux ragtime final à la manière de la Circus Polka de Stravinsky. Par moments, dans l'autre, le soliste ne retient l'attention qu'avec de simples notes adroitement placées dans le registre et dans le temps - une façon ironique d'en finir avec la virtuosité traditionnelle du soliste. Le no 11 (1989), pour cor anglais et cordes, retourne vers la fin au « swing » du no 3 tout en y répandant des cadences à la manière du no 6 et du no 7.
On peut établir un parallèle intéressant entre les concertos pour piano de Papineau-Couture et de Weinzweig, écrits à un an d'intervalle, en 1965 et 1966 respectivement. Ces oeuvres ont en commun une exceptionnelle économie de moyens, atteignant presque le pointillisme dans l'écriture pour le soliste, ainsi qu'une conception originale de la structure. Les traditionnelles octaves et les traits de bravoure au piano sont délibérément omis et peu d'accords comptent plus de quatre notes. Le Concerto de Papineau-Couture est un long mouvement de forme rondo qu'il a qualifié de fantaisie. Celui de Weinzweig comporte cinq sections ininterrompues faisant alterner des rythmes lents et vifs, et - exception notable à la règle du concerto pour piano - il se termine en douceur. Mais une différence fondamentale doit être signalée dans le caractère rythmique des deux pièces. Celle de Papineau-Couture est marquée par des passages agités et animés, tandis que celle de Weinzweig évoque délibérément le jazz, le bebop et le swing dans ses rythmes aussi bien que dans ses éléments mélodiques.
Après le milieu du siècle, les compositeurs se sont tournés vers des instruments autres que le piano et le violon - notamment la flûte (William McCauley, Five Miniatures, 1958; Norma Beecroft, Improvvisazioni concertanti no 1, 1961; Koprowski, 1982; Beckwith, A Concert of Myths, 1983; Schafer, 1985), la clarinette (Archer, 1946, rév. 1956; Turner, 1948; Hétu, 1983; Cardy, Virelai, 1985), le basson (Eckhardt-Gramatté, 1950; Adaskin, 1960; Hétu, 1979), la trompette (Hétu et Forsyth, les deux en 1987), le cor (McCauley, 1959; Beckwith, Concertino, 1963; Michel Perrault, 1967), le tuba (Robert Fleming, 1966), la contrebasse (Brott, Profundum praedictum, 1964, aussi pour l'alto ou le violoncelle; Allan Rae, 1977), la mandoline (Morris Surdin, 1966), la guitare (Somers, 1984; Steven, Ordre sans ordre (sans désordre), 1984; Brégent, Concierto flamenco, 1987-88; Schafer, 1990) et l'orgue (Pentland, 1949; Gerald Bales, 1957; Healey, 1960; Wuensch, 1979; Daveluy, 1981).
Le violoncelle, soliste romantique par excellence, a été moins choyé, mais des compositions importantes lui ont été consacrées ces dernières années : Ernst Friedlander (1959), Coulthard (Symphonic Ode, 1965), Morawetz (Memorial to Martin Luther King, 1968), Eckhardt-Gramatté (Konzertstück, 1974), André Prévost (1976) et Donald Steven (For Madmen Only, 1978). Barnes (1977), Surdin (1980), Glick (1981), Colgrass (Chaconne, 1984) et Turner (1987) ont écrit des concertos pour l'altiste Rivka Golani. La harpe a suscité des pièces caractéristiques de Somers (Suite, 1949), Weinzweig (1967), Morawetz (1976) et Schafer (1988). Les oeuvres avec accordéon solo, presque toutes composées pour Joseph Macerollo, incluent deux concertos de Surdin (1966, 1977) et des oeuvres de Buczynski, Dolin, George Fiala (Sinfonietta concertata, 1971), Klein (Invention, Blues, and Chase, 1975) et Wuensch (Concerto grosso, 1979). Toutes exigent un orchestre à cordes, auquel celle de Fiala ajoute une harpe.
Les pièces concertantes avec plusieurs solistes sont plus fréquentes dans les décennies subséquentes, fait qui correspond peut-être à une appréciation accrue des timbres de la part des compositeurs et à une plus grande liberté dans les combinaisons instrumentales de la musique de chambre. En fait, le principe concertant s'applique parfois à des oeuvres pour un soliste et un petit ensemble dont chaque instrumentiste joue sa partie (voir des exemples dans Musique de chambre - Composition). Des oeuvres pour deux pianos et orchestre ont été écrites par Pépin (Nombres, 1962), Matton (1964), Turner (1971) et Archer (1987), des oeuvres pour quatuor à cordes soliste et orchestre à cordes par Pierre Mercure (Divertimento, 1957-58), Joachim (Concertante no 2, 1961), Prévost (1978) et Forsyth (Concerto grosso no 3, 1981), de même que des oeuvres pour quintette de cuivres et orchestre par Morawetz (1968), Forsyth (Concerto grosso no 1, 1975, et Concerto grosso no 2, 1977) et Freedman (Royal Flush, 1981). Dans ce groupe, le Concerto pour deux pianos de Matton a connu de très nombreuses exécutions (par Bouchard et Morisset en particulier). Des doubles concertos pour divers instruments ont été composés par Hétu (1962, violon et piano) et par Talivaldis Kenins (1965, violon et violoncelle avec cordes seulement) dont on mentionnera aussi la Sinfonia concertante (1967, sous-titrée Symphonie no 2) pour flûte, hautbois et clarinette. Le Concerto pour 12 solistes et orchestre de Robert Aitken (1968), essentiellement « un concerto pour orchestre », avec une composante solo fixe plutôt que flexible, traite avec assurance un ensemble complexe de sonorités et de contrastes.
Le concerto « populaire », qui recherche délibérément un style familier dans les veines romantique ou folklorique, ou encore qui applique le principe de la juxtaposition de la musique populaire à la musique symphonique, comporte de nombreux exemples canadiens qui méritent une mention. Parfois considéré comme un phénomène nouveau, au Canada, ce type de concerto remonte en fait au Concerto Grosso in Popular Style de Quentin Maclean (1942), sous-titré Electric Concerto, une oeuvre reflétant l'expérience du compositeur comme organiste de cinéma et de radio et qui fait appel entre autres à un orgue et à une guitare électriques, à un solovox et à un thérémine. Le concerto grosso est aussi adopté par Norman Symonds dans une oeuvre portant ce titre (1958) pour quintette de jazz et orchestre symphonique, ainsi que dans une oeuvre analogue, le Democratic Concerto (1967) pour la même combinaison d'instruments. Odyssey de Steven Gellman (1971) oppose un groupe rock et un piano solo à l'orchestre symphonique et propose une improvisation libre en style rock dans certaines sections, improvisation qui aboutit à un refrain chanté. On constate des influences semblables dans le Concerto pour piano de François Dompierre (1978) et le Concerto pour violon de Paul Hoffert (1979), tous deux élaborés en fonction du disque. Le terme « populaire », quoique dans un autre sens, peut être appliqué à certaines oeuvres dérivées du folklore, notamment : Steelhenge (1974) d'Eldon Rathburn, pour steel band et orchestre; le Mennonite Piano Concerto, de Victor Davies (1975), qui utilise des chorals de la tradition ménnonite; le Concerto pour piano de Ben McPeek (1979), basé sur des chansons folkloriques canadiennes; et le Petit concerto pour Carignan et orchestre (1976) d'André Gagnon, avec sa juxtaposition des styles folkloriques et baroques. À leur tour, les quatre concertos pour piano de Gagnon, Mes quatre saisons (fin des années 1960), repensent les airs pop des meilleurs chansonniers dans l'optique et le style de Vivaldi.
En rappelant l'application originelle du terme « concerto », au début du baroque, à des oeuvres pour chanteur solo et ensemble instrumental, il convient de mentionner brièvement quelques oeuvres canadiennes pour voix et orchestre. Une forte proportion de ce que le critique allemand H.H. Stuckenschmidt appelle la « musique engagée » tombe dans cette catégorie, les compositeurs ayant choisi des textes qui expriment de fermes convictions religieuses, morales ou politiques. Cantiones mysticae de Ridout (1953, 1962, 1972), Five Songs for Dark Voice de Somers (1956), Wine of Peace de Weinzweig (1957), Protest and Incarceration de R. Murray Schafer (1960), From the Diary of Anne Frank de Morawetz (1970) et News de Pentland (1970) appartiennent à cette catégorie. Le propos est plus strictement lyrique dans des oeuvres comme Songs of Contemplation de Brott (1945, avec orchestre à cordes), Our Mind Was the Singer de Fleming (1972) et deux pièces de Coulthard, Night Wind (1951) et Spring Rhapsody (1958). The Philosopher in the Kitchen de Klein (1974) est une combinaison fantaisiste de musique et de gastronomie classiques. Par son texte phonétique, Au Château de Pompairain, de Bruce Mather (1976), constitue une véritable expérience linguistique. Il en va de même pour Arcana de Schafer (1972), qui a fait traduire son texte anglais en hiéroglyphes du Moyen Empire égyptien par D.B. Redford.
Les oeuvres de Schafer pour voix et orchestre constituent une partie importante de son oeuvre et prennent des genres variés, par exemple, Brébeuf (1961), une cantate dramatique pour voix solo d'après des textes tirés des Relations des Jésuites, et Adieu Robert Schumann (1976) d'après des extraits du journal de Clara Schumann sur la maladie qui emporta son mari. La première renferme une description orchestrale des forêts du Nord canadien (insectes, dégel des lacs, etc.), alors que la seconde tire son unité des nombreuses citations de la musique pour piano et des mélodies de Schumann, un compositeur pour qui Schafer éprouve une vive sympathie.
En 1965, le Concours international de musique de Montréal entreprit de commander de courtes oeuvres pour soliste et orchestre comme pièces imposées à ses finalistes. Buczynski, Forsyth, Louie, François Morel, Papineau-Couture, Pentland, Prévost et Jean Vallerand comptent parmi ceux qui ont créé des oeuvres à cette fin. De la même façon, Circle's End pour guitare et orchestre de John Armstrong répondait à une commande de la Guitar Society de Toronto pour le premier concours canadien de guitare, en 1968. Ces deux événements, ainsi que d'autres, ont contribué à accroître le répertoire du concerto et de la musique concertante.
De 1979 à 1990, le principe du concerto est apparu plus attirant que jamais pour les compositeurs, qui l'ont prêté aux applications les plus diverses : musique à programme, amplification électronique du soliste, citations et formes aussi différentes que les variations et le collage. Au cours de cette période, le Centre de musique canadienne a reçu de ses membres agréés un total de 99 compositions dans la catégorie du concerto. Dans 23 cas, le piano était l'instrument solo. Le violon, l'alto et la flûte comptaient 8 pièces chaque, le violoncelle, 7, la clarinette, 6, les percussions ou les timbales, 5 et la trompette, la guitare et la contrebasse, 4 chacune. Schafer figure parmi les compositeurs d'expérience qui hésitent à apporter de nouvelles pages au concerto alors qu'ils cherchent à développer des oeuvres scéniques ou multimédias nouvelles et audacieuses, comme sa série Patria. Lors d'une conférence à l'Université de Toronto, en 1988, constatant le nombre plus élevé de commandes pour des concertos que pour toute autre forme musicale, il a déclaré : « J'aimerais mieux faire quelque chose de plus intéressant. Mais... on n'est payé que pour ce que le public veut. Le public veut des concertos et les musiciens veulent des concertos. » De ses quatre dernières oeuvres empruntant cette forme, les trois premières (pour flûte, 1983; pour harpe, 1988; et pour guitare, 1990) utilisent le terme « concerto », tandis que la quatrième (pour violon, 1991) est plutôt intitulée The Darkly Splendid Earth : the Lonely Traveller. Dans le Concerto pour harpe de Schafer, le problème du déséquilibre entre le soliste et l'ensemble est résolu dans le finale, lorsque l'amplification permet à la harpe de couvrir l'orchestre. Le double titre de The Darkly Splendid Earth symbolise l'indépendance des matériaux du soliste et du tutti, un rejet du concerto où le soliste est en vedette qui rejoint des oeuvres comme Harold en Italie, Don Quixote et Petrouchka.
Bien que la forme en trois mouvements et le titre « concerto » soient restés en usage pour les oeuvres canadiennes pour piano et orchestre des années 1980, quelques compositeurs ont mis de côté ces conventions. Souvenirs de Pologne de Peter Paul Koprowski (1983) est une rêverie néoromantique basée en partie sur des compositions de ses années d'étude dans son pays natal. From Silence, de Robert Rosen (1983), tire son nom d'une adaptation de sources grecques classiques faite par le compositeur et qu'une mezzo-soprano chante vers la fin (« From silence I came and to it I return »). Plusieurs passages de cette partition complexe sont librement coordonnés et comportent de nombreuses strates, à la manière de Ives. Dans The Transparency of Time (1986), une série de variations sur un thème « cantabile meditativo », Raymond Luedeke, comme Rosen, explore de nouvelles relations de tempos et de durées entre le soliste et l'orchestre, en employant en partie une « notation spatiale » flexible. Parmi les oeuvres de style concertant pour deux solistes produites dans les années 1980, on note Concertante (1982) de Somers, Clair-obscur (1986) de Papineau-Couture et Peregrine (1989) de Beckwith. Concertante et Peregrine emploient comme solistes à la fois un instrument à percussion et un instrument à cordes, le violon dans le premier cas et l'alto dans le second. La percussion joue également un grand rôle dans Clair-obscur. Concertante met des forces en opposition en assignant aux solistes un tempo et des chiffres indicateurs différents de ceux de l'orchestre à cordes pendant plus de la moitié de l'oeuvre, ce qui a pour effet, par moments, de mêler des mouvements lents et vifs. Peregrine (basé sur le « tonus peregrinus » médiéval) comporte une mise en scène processionnelle pour le soliste, l'orchestre et son chef. Clair-obscur met de l'avant la combinaison sans précédent d'un contrebasson et d'une contrebasse, face à un grand ensemble dépourvu de ces deux instruments. Les sonorités, alternativement macabres et fantaisistes, retiennent l'intérêt de l'auditeur grâce à des procédés imaginatifs tels que l'accord plus élevé de la contrebasse et le dialogue récurrent entre les deux solistes et une grosse caisse. Dialogue (1988) de Mather, pour alto, violoncelle, contrebasse et orchestre, constitue un essai semblable dans le registre grave. Les oeuvres pour voix solo et orchestre des années 1980 incluent Lonely Child (1980) de Claude Vivier, sur un texte français du compositeur, Les Abîmes du rêve (1982) et Les Clartés de la nuit (1987) d'Hétu, tous deux d'après des poèmes de Nelligan, Liú Liú (1985) de Hope Lee, dont l'accompagnement inclut le p'ipa, Letters from Mignon (1986) de Schafer et Heureux qui comme... (1987) de Denis Gougeon.
L'ensemble des oeuvres consultées est imposant et contient des pages d'une qualité exceptionnelle, qui mériteraient d'être jouées beaucoup plus souvent. Une poignée d'entre elles, les concertos pour deux pianos de Matton ou celui pour flûte de Schafer, par exemple, ont pu être entendues au cours d'un certain nombre de saisons, mais très peu passent le cap des deux ou trois premières exécutions et les reprises de pièces valables des décennies ou générations passées sont rares, ce qui continue à décourager la plupart des interprètes, à l'exception de quelques-uns, prêts à consacrer le temps nécessaire à leur préparation.